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penser que les 140 millions votés par les Chambres n'étaient pas un prélude à des dépenses nouvelles, M. le maréchal Soult vint répondre de la manière la plus explicite.

Oui, le ministre de la guerre avait réfléchi aux conséquences naturelles du système de fortifications de la capitale. Comme conséquence de ce système, les moyens de défense générale se trouveraient bientôt complétement modifiés. La défense, au lieu de partir de la circonférence pour se porter vers le centre, devrait désormais se porter du centre à la circonférence : tous les moyens de défense générale devraient partir de ce centre établi à Paris. Il faudrait à l'avenir que, en cas de guerre, une armée de défense trouvât à Paris les moyens de se pourvoir de tout ce qui lui serait nécessaire, les moyens de ravitaillement les plus complets. Dès-lors, il deviendrait nécessaire de diriger les établissements à y former, pour que ce but pût être atteint, dans l'avenir. Sans doute, les Chambres avaient pensé qu'en votant la loi de 1841, elles ne faisaient que pourvoir aux dépenses des fortifications: car rien n'est indiqué ni prévu par cette loi sur l'armement des fortifications qu'on élève, non plus que pour les bâtiments militaires.

Pour ces dépenses nouvelles, conséquences nécessaires de la loi elle-même, le ministre affirmait à la Chambre qu'il lui serait communiqué, en même temps que des projets de lois spéciales, tous les détails et plans nécessaires.

Ces explications entendues et tous les articles adoptés, la Chambre procéda au scrutin secret sur l'ensemble de la loi. Sur 255 votants, majorité absolue, 128, la loi fut adoptée par 173 boules blanches, contre 82 boules noires.

Budget. Le projet de loi concernant les dépenses et les recettes de l'exercice 1844 fut présenté à la Chambre, le 10 janvier, par M. le ministre des finances. Il sera bon de suivre l'interprète du gouvernement dans les considérations principales de l'exposé de ce projet.

Pour prendre une idée exacte et complète de la situation Ann. hist. pour 1843.

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financière, il n'était pas nécessaire de remonter au-delà de l'année 1840. Les graves événements survenus dans le cours de cette année' avaient amené une telle modification dans l'état de choses antérieur, qu'il était inutile de s'y reporter. L'augmentation de notre matériel et le développement donné à nos forces de terre et de mer, après le traité du 15 juillet, avaient absorbé les ressources rassemblées pendant une période de prospérité financière, et l'attitude que dut conserver la France devint un obstacle au rétablissemout de l'équilibre de nos budgets. En présence de ces embarras, le gouvernement et les Chambres ne s'étaient pas découragés : ils avaient pensé, au contraire, que la France ne pouvait donner une plus haute idée de sa force et de sa richesse, qu'en choisissant le moment où des charges imprévues pesaient sur elle, pour imprimer, aux travaux publics de toute nature, une impulsion nouvelle et plus forte. La puissance de son crédit et les réserves de l'amortissement, forcément inactives par suite de l'élévation du cours de nos rentes, tels furent les moyens affectés à l'exécution de cette résolution énergique.

Le plan de M. Humann consistait à ne pas augmenter les charges du pays, à combler le découvert des exercices 1840, 1841 et 1842, au moyen de la portion disponible de l'amortissement, enfin à couvrir, par un emprunt de 450 millions, la plus grande partie des dépenses nécessaires. Quant aux travaux des chemins de fer, on devait y faire face provisoirement, à l'aide de la dette flottante.

Depuis ce temps, la face des choses avait changé. Les découverts évalués en 1840, 1841 et 1842, à 372 millions 443,207 fr., ne s'élevaient plus aujourd'hui, celui de 1840 qu'à 138 millions 4,530 fr., celui de 1841 qu'à 24 millions 500,570 fr. Quant à celui de 1842, il était évalué à 128 millions 990,172 fr. Mais cette situation avait été profondément modifiée, d'une part, à raison de l'amélioration ici produite, dont on pouvait évaluer l'excédant sur les prévisions du

budget au-dessus de 64 millions, de l'autre, par les demandes de crédits supplémentaires et par les reports des crédits non employés des exercices antérieurs. En résumé, et par suite de cette dernière cause, l'appréciation actuelle du découvert de cet exercice était très-supérieure à celle de l'année dernière, et devait être portée à 157 millions 103,972 I. En le réunissant à ceux des exercices antérieurs, on obtenait un total de 319 millions 609,072 fr., qui, comparé à là dernière évaluation de M. Humann, présentait une bonifi cation de 52 millions 834,135 fr. Or, il était permis d'espé rer que, pour l'exercice 1842, comme pour les précédents, la situation s'améliorerait en passant du provisoire au définitif.

L'exercice 1843 s'ouvrait à peine, et l'on ne pouvait en offrir les résultats que par aperçu : mais on pouvait estimer, en appréciant modestement les produits, le découvert de cet exercice à 52 millions. Or, ce chiffre était celui de l'amélio ration constatée sur l'ensemble des trois exercices antérieurs, de telle sorte qu'il y avait aujourd'hui presque certitude que les réserves de l'amortissement jusqu'en 1846 suffiraient pour absorber l'ensemble des découverts.

Quant au budget de 1844, il n'était pas encore possible de le présenter en équilibre. Il y avait à choisir entre un budget incomplet, insuffisant, dont de nombreux crédits supplémentaires viendraient promptement déranger l'économie, et un budget dans lequel on ne pouvait, sans doute, tout prévoir, mais qui, appréciant avec l'expérience du passé les probabilités de l'avenir, donnerait une approximation aussi exacte que possible. C'est ce dernier système qu'avait choisi le ministre, comme le plus sérieux et le plus sincère, et c'est pour cela que les évaluations de 1844 étaient encore excédées. Mais il ne fallait pas désespérer d'obtenir, dans le règlement de compte, cet équilibre qu'on n'avait pas da prévoir dans la préparation du budget.

Si telles étaient les espérances pour l'exercice 1844, à plus

forte raison devaient- elles exister pour les exercices suivants, et l'on était fondé, dès à présent, à ne plus mettre en doute la possibilité de disposer, après 1846, des réserves de l'amortissement.

Le budget de 1844 comprenait, pour la dette perpétuelle, une seule augmentation de 2 millions 663,789 fr., appliquée à la rente 3 p. 100 et provenant de la consolidation des bons de l'amortissement. Les crédits applicables à la dette viagère étaient diminués de 2 millions 478,000 fr. Sur les dotations, une première réduction de 700,000 fr. était la conséquence de la mort du prince royal; une seconde de 243,000 f. était applicable à la Légion-d'Honneur; 25,000 fr. étaient ajoutés à l'allocation pour la Chambre des députés.

Le ministre de la justice réclamait une augmentation de 607,025 fr., dont 400,000 fr. applicables aux frais de justice criminelle. Le surplus de l'augmentation provenait presque uniquement de l'élévation de classe de quelques cours et tribunaux, et d'une amélioration souvent réclamée dans la situation des commis-greffiers.

Le budget des cultes, toute compensation faite, offrait un excédent de 671,500 fr., motivé principalement par une demande de 110,000 fr., pour suppléer à l'insuffisance du crédit précédemmeut affecté au service intérieur des édifices diocésains, et par une autre de 564,000 fr., destinés à améliorer le sort d'une portion des desservants les moins rétribués.

La création de nouveaux consulats et les frais de service expliquaient un accroissement de 120,000 fr. porté au budget des affaires étrangères.

Le ministre de l'instruction publique réclamait, au-delà des crédits de 1843, une somme de 501,200 fr., dont 67,000 étaient compensés par une somme égale ajoutée au budget des recettes.

Le service général du ministère de l'intérieur offrait un excédent, sur 1843, de 1 million 590,448 fr., destinés à

combler en partie l'insuffisance bien constatée des crédits affectés aux maisons centrales de détention, et aux transports des condamnés.

Le service départemental devait coûter, de plus qu'en 1843, 3 millions 210,850 fr.

Sur les 622,973 fr. dont les crédits du ministère de l'agriculture et du commerce dépassaient ceux de 1843, 310,305 fr. seulement constituaient une augmentation réelle et s'appliquaient aux caisses de retraite, aux écoles vétérinaires et aux haras. Pour le reste, les dépenses seraient compensées par des recettes au moins égales.

Les travaux toujours croissants confiés à l'administration de ponts et chaussées motivaient une augmentation de 210,000 fr. Un million 40,000 fr. étaient ajoutés à la dotation de l'entretien des rivières, canaux et ports.

Le service ordinaire de la guerre excédait le créditgénéral de 1843 d'une somme de 11 millions 939,214 fr., formant la différence entre une augmentation de 21 millions 744,116 fr. pour l'Algérie, et une diminution de 9 millions 805,012 fr. sur les divisions de l'intérieur.

Le ministère de la marine se présentait avec un accroissement de 4 millions 148,524 fr., en ce qui concernait le service ordinaire. Cet accroissement était même, en réalité, de 6 millions 498,524 fr., attendu que les crédits du matériel comprenaient, en 1843, une allocution de 2 millions 350,000 fr. pour les paquebots transatlantiques, allocation non reproduite au budget de 1844, et remplacée par une dotation plus forte, pour le service courant des arsenaux et autres établissements.

Les services généraux du ministère des finances présentaient une augmentation de 210,939, tant pour les besoins du service de trésorerie que pour la création de nouveaux bureaux de comptabilité générale en Afrique, et une indemnité à accorder aux agents des salines de l'Est.

Les frais de régie et de perception étaient portés à 5 mil

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