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moins, avait fait peser sur le notariat une immense responsabilité. C'était pour éviter de fàcheuses interprétations que M. le garde des sceaux proposait, par une nouvelle loi, d'augmenter les garanties pour certains actes, tout en maintenant la régularité des actes faits jusqu'alors, et contre lesquels aucune plainte ne s'était élevée.

L'article 2 contenant les dispositions nouvelles était conçu en ces termes (Rédaction amendée par la commission):

« A l'avenir, les actes notariés contenant donation entrevifs, donation entre époux pendant le mariage, révocation de donation ou de testament, reconnaissance d'enfant naturel ou procuration pour consentir ces divers actes, ainsi que les contrats de mariage seront, à peine de nullité, reçus conjointement par deux notaires, ou par un notaire en présence de deux témoins. Les autres actes continueront d'être régis par l'article 9 de la loi de ventôse. »

Ainsi, il y avait dans la loi nouvelle, à côté de la règle ancienne qu'elle consacrait, une exception à l'égard de certains actes, pour lesquels elle exigeait la présence réelle du notaire en second ou des témoins. Cette exception était fondée sur la nature de ces actes, dont l'exécution est ordinairement différée jusqu'à la mort de celui qui les a faits.

La Chambre, éclairée par un lumineux rapport de M. Philippe Dupin, ouvrit, dans sa séance du 13 mars, la discussion générale sur le projet.

Selon M. Viger, la loi nouvelle était entachée d'un caractère de rétroactivité, bien qu'on ne voulût lui attribuer que le caractère de loi interprétative. Une rétroactivité qui confirme est aussi bien une rétroactivité que la rétroactivité qui annulle. Et d'ailleurs, on ne peut, en pareille matière, confirmer un acte sans en annuler un autre. L'honorable orateur n'en votait pas moins pour le projet de loi.

M. Isambert contestait à la loi l'opportunité dans l'interprétation: M. Martin (du Nord) répondit que l'interprétation était nécessaire, quand il y avait doute sérieuxet per ma

nent, quand les tribunaux étaient divisés d'opinion. Dans la discussion des articles (14 mars), M. Hébert fit triompher un amendement qui retranchait des actes atteints par l'article 2; par exemple, les contrats de mariage, actes pour lesquels la clandestinité est impossible. La discussion. continuée le 15 fut courte et sans intérêt, et l'ensemble du projet fut adopté, à la majorité de 253 voix contre 36.

Le projet fut porté le 7 juin à la Chambre des pairs. M. le comte Portalis, dans la discussion générale, s'attacha à justifier la jurisprudence de la cour suprême à la tête de laquelle il est placé. Sur le fond du projet, l'orateur se contenta d'exprimer un scrupule d'opportunité, que M. le garde des sceaux chercha à dissiper dans sa réponse.

L'interprétation du projet ne souleva aucune contradiction sérieuse en ce qui regardait le passé. Mais en même temps qu'il statuait sur le passé, le projet avait encore à disposer pour l'avenir. Après avoir interprété, comme nous l'avons dit, l'article 9 de la loi du 25 ventôse, il étendait cette interprétation à tous les actes qui se passeraient à l'avenir, à l'exception toutefois de certains actes énumérés dans l'article 2, et pour lesquels il exigeait la présence réelle du second notaire ou des deux témoins. Telle était la disposition que M. Persil vint combattre. L'orateur ne voulait pas renoncer à la garantie que, selon lui, le public trouve dans la présence du notaire en second ou des témoins, à la réception de l'acte. Un des arguments sur lesquels s'appuyait le savant jurisconsulte, était fondé sur les désordres qui depuis quelques années ont affligé le notariat (1). En conséquence, M. Persil proposait de remplacer les articles 2 et 3 du projet par la disposition suivante :

« A l'avenir, les actes notariés seront, à peine de nullité, reçus conjointement par deux notaires, ou par un notaire,

(1) En consultant la statistique des tribunaux criminels, M. Persil trouvait qu'en cinq années plus de soixante notaires avaient été traduits devant les tribunaux pour faux en écriture authentique ou pour abus de confiance.

Ann. hist. pour 1843.

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en présence de deux témoins choisis par les parties, où, à défaut, par le notaire.

» La présence du notaire en second ou des deux témoins sera mentionnée, à peine de nullité.

» L'amendement proposé fut rejeté, et l'ensemble du projet adopté (8 juin) par 93 voix contre 13. »

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Projet de loi relatif à l'augmentation de l'effectif de la gen darmerie. M. le ministre de la guerre présenta à la Chambre des députés un projet de loi relatif à l'augmentation de la gendarmerie. L'exposé des motifs constatait les bons effets produits par l'augmentation de solde accordée à ce corps par la loi de 1841. Depuis lors, le recrutement s'opérait avec facilité. L'augmentation que proposait le ministre était réclamée par les conseils généraux des départements et par les autorités locales, administratives et judiciaires, unanimes à reconnaître que la force numérique de la gendarmerie n'était plus en rapport avec les obligations qui lui étaient imposées et qui augmentaient chaque jour. Au moyen d'un crédit sur l'exercice 1843, montant à 900,785 fr. 61 c., la gendarmerie départementale serait augmentée de 640 maréchaux-des-logis, brigadiers et gendarmes, dont 455 à cheval et 185 à pied, c'est-à-dire de 81 brigades à cheval et de 57 à pied.

Le rapporteur, M. Allard, conclut, au nom de la commis sion, en faveur du projet de loi; seulement, vu le retard qu'éprouverait la promulgation de la loi, la commission proposait qu'elle ne fût appliquée qu'à partir du premier juillet; ce qui réduirait le crédit pour l'année à 537,017 fr. Le cadre normal de la gendarmerie se composerait désormais de 1,950 brigades à cheval, dont 650 de six hommes, et 1,300 de cinq, et de 800 brigades à pied, de cinq hommes chacune, formant au total 2,750 brigades et un effectif de 14,400 hommes, non compris 593 officiers.

La discussion sur le crédit ainsi réduit fut sans importance. M. de Courtais proposait un moyen de subvenir, sans aug

mentation du budget, à la dépensé nécessitée par cette organisation nouvelle. C'eût été de renvoyer dans leurs foyers un nombre suffisant de soldats qui, par la différence entre la solde de présence et la solde de congés, fournirait la somme demandée par la commission.

Après avoir entendu contre le projet M. de Saint-Priest, qui proposait de convertir en un corps de gendarmerie quelques bataillons d'infanterie et un régiment de cavalerie, et pour le projet M. Fulchiron, qui voyait une économie dans une mesure faite pour augmenter la sûreté générale, la Chambre adopta (4 février), à la majorité de 234 voix contre 26, le projet amendé par la commission.

Le projet fut soumis, le 3 avril, aux votes de la Chambre des pairs.

M. Dubouchage seul vint, non pas voter contre le projet, car il fallait pourvoir aux nécessités du moment, mais demander comment il se faisait que, depuis un demi-siècle, quoique l'effectif de la gendarmerie eût été presque quadruplé, le nombre des crimes et des délits eût toujours suivi une progression ascendante. Cela prouvait, selon l'honorable pair, que la force matérielle ne suffisait plus, et qu'il fallait s'appuyer sur la force morale, donner au peuple des exemples religieux.

Les deux articles du projet ayant été votés, l'ensemble de la loi fut adopté par 105 boules blanches contre 4 boules noires (6 avril).

Projet de loi concernant la refonte des monnaies. M. le ministre des finances présenta, le 4 mars, à la Chambre des députés, un projet de loi qui avait pour but d'autoriser la refonte des monnaies de cuivre et de billon, et la réorganisation, sur un nouveau plan, de la fabrication des monnaies. Ce projet n'était guère que la reproduction de celui qui fut présenté à la dernière session (voy. l'Annuaire de 1842), l'exception de quelques changements de détail empruntés

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au travail de la commission dont M. Pouillet fut rapporteur. En voici les principales dispositions et les motifs les plus imposants.

La refonte des monnaies de cuivre est une opération dont personne ne saurait contester l'utilité. Ces monnaies différentes d'empreintes, de poids et de matières, les unes de cuivre, les autres de métal de cloche, pesant tantôt 20 grammes et tantôt 24 grammes au décime, sont dans un véritable état de dégradation. Il y a, d'ailleurs, nécessité légale, depuis l'application de venue générale et rigoureuse du système métrique décimal, de mettre les monnaies en harmonie avec les mesures prescrites dans les transactions du commerce et de l'industrie. N'est-il pas étrange, en effet, dit l'Exposé des Motifs, que pour acquitter l'impôt, pour acheter aux prix déterminés par des tarifs émanés de l'autorité publique, on soit obligé de payer des appoints décimaux avec des espèces duodécimales, en subissant à chaque paiement une lésion, minime sans doute, mais qui se renouvelle incessamment.

Si nos monnaies de cuivre sont vicieuses, nos monnaies de billon ne le sont pas moins. Cette catégorie qui comprend, comme on le sait, les pièces de six liards, les petites pièces de 2 sols et celles de 15 et de 30 sols, renferment des monnaies qui admettent dans leur confection l'argent employé au-dessous du titre légal. Elles présentent, sous le rapport de l'altération et de l'application du système décimal, les mêmes défauts, les mêmes inconvénients que les monnaies de cuivre et se prêtent à une contrefaçon trop facile.

Le projet de loi proposait donc de refondre les monnaies de cuivre suivant de nouveaux modèles, et de supprimer les monnaies de billon dont le retrait ne saurait d'ailleurs affecter la circulation monétaire, puisqu'elles seraient suppléées par des espèces divisionnaires d'argent conformes au système décimal.

Les monnaies de cuivre que M. le ministre des finances

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