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l'attention du gouvernement se concentrerait tout entière sur les bases du système d'exploitation à établir, au double point de vue de l'utilité industrielle et des nécessités financières.

Le discours royal insistait également sur les progrès du système de canalisation, et indiquait plusieurs projets de lois administratives qui devaient être soumis aux discussions des Chambres.

On le voit, l'enthousiasme passager du 13 octobre n'avait pu trouver place dans le discours du trône. Entre les deux intérêts rivaux de la France et de la Prusse, entre les deux tendances contraires de la Belgique, le Roi n'avait pu que garder le silence.

Ce silence fut imité dans l'adresse que la Chambre des députés vola (21 novembre) à une grande majorité, en réponse au discours royal. Il s'y trouvait seulement une allusion anx débouchés que la Belgique voudrait obtenir des deux côtés :

<< En recherchant à l'étranger des débouchés pour notre industrie, nous ne devons pas perdre de vue les amélioration dont notre propre sol est susceptible.

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Une préoccupation toute patriotique avait porté la Chambre à rayer quatre mots de l'adresse qu'avait rédigée sa commission. Celle-ci avait dit que « les conclusions relatives à l'enquête commerciale seraient l'objet d'un examen d'autant plus sérieux qu'elle soulève les plus graves questions pour l'avenir du pays ». La Chambre effaça ces mots de sa réponse au Roi, ne voulant pas y laisser subsister l'expression d'une crainte sérieuse pour l'avenir de la monarchie, ne voulant pas admettre même l'hypothèse que la Belgique pût subir jamais une crise qui fût de nature à la compromettre.

Cette confiance, on la retrouvait encore dans cette phrase du discours royal, où l'on eût désiré voir l'expression d'une

espérance réalisable, plutôt qu'une promesse difficile à tenir.

Je suis heureux de vous annoncer qu'il sera possible, tout en ménageant les intérêts des contribuables, d'établir un parfait équilibre entre les besoins des services publics et les revenus du Trésor. Ce résultat si désirable, nous l'atteindrons par les diminutions de dépenses et par quelques dispositions financières qui vous seront immédiatement soumises. »

Il ne faudrait pas conclure de cette phrase à la prospérité de l'état financier du royaume. Déjà on a pu voir dans la session de l'année dernière la situation du gouvernement, en face d'un déficit qu'on lui refusait les moyens de combler. (1) Les ressources particulières de la ville de Bruxelles et de la Banque de Belgique n'étaient pas non plus dans un état florissant.

Un prêt de quatre millions avait été fait à la Banque par le gouvernement en 1839. Pressé par des influences extérieures, le ministre des finances exigea de la Banque le remboursement par fraction mensuelle de ce dont elle demeurait redevable. En apprenant la mesure dont le gouvernement frappait cet établissement, le directeur écrivit la lettre suivante à ses commissaires correspondants :

⚫ M. le ministre des finances prévient la Banque qu'elle aura à rembourser par fraction mensuelle ce dont elle demeure redevable sur le prêt de quatre millions qui lui a été fait en 1839. En présence des influences qui s'agitent tous les ans pour cette affaire, l'administration de la Banque a cru qu'il était de la dignité de cet établissement de mettre sur-le-champ le capital entier à la disposition du ministre.

» Pour vous, messieurs, qui assistez à nos travaux, vous savez parfaitement que la Banque, pour ses affaires actuelles, peut très-bien se passer de cette somme; qu'elle est employée exclusivement à donner quelque répit à l'industrie souffrante, et, après tout, qu'elle se trouve aulant en sûreté dans nos coffres que dans ceux où elle va passer. Le gouvernement connaît ces

(1) Nous n'empiéterons pas, cette année, sur la session 1843-1844, voulant en réserver l'historique complet pour l'année prochaine, à laquelle elle appartient entièrement.

vérités, mais une partie de la chambre paraît les ignorer. Il vous importe donc, à vous, messieurs, il importe à la banque, et j'ajouterai même au pays tout entier, qu'elles soient connues de tous les membres de la législature. »

Au reste, le bilan de 1842, communiqué aux actionnaires par M. Deswert, directeur par intérim, constatait sous tous les rapports une amélioration marquée, sinon importante, dans la situation de cet établissement. (1)

La ville de Bruxelles se vit forcée à contracter aussi un emprunt. Depuis quatre ans elle avait suspendu ses paiements, et son arriéré était arrivé à la somme de 3 millions et demi. Ses propriétés, et jusqu'à l'hôtel de ville étaient grevés d'hypothèques, et elle était frappée de près de 5 millions par condamnations et réclamations encore en instance: de plus, elle aurait 6 millions de ses obligations à échoir de 1843 à 1853, et il lui serait impossible de les payer sur ses ressources ordinaires.

Dans cette situation, les Chambres autorisèrent le gouvernement à acheter à la ville ses collections scientifiques et d'art, bibliothèque, galeries d'histoire naturelle, musée, avec les bâtiments, pour le prix d'une rente annuelle de 300,000 fr.

C'était là une grande facilité apportée à la ville pour la

(1) Le compte des profits et pertes, après déduction faite des intérêts à 5p 0/0 et de tous les frais, a présenté un excedant de 199,000 fr., réparti entre l'administration, la réserve et les actionnaires; le dividende pour les nouvelles actions a été fixé à 6 fr. 50 cent. Quant aux anciennes actions, il a été décidé, en 1841, que deux dixièmes des intérêts et des dividendes seraient retenus pour former une réserve extraordinaire destinée à couvrir eventuellement, jusqu'à concurrence d'une somme de 4 millions, les perles de l'ancien capital. Il y a donc eu à porter à celle réserve 200,000 fr. pour le cinquième des intérêts de 20,000 anciennes actions, et 26,000 fr. sur les 130.000 fr. de dividende leur revenant, de sorte que le dividende à répartir se trouvait réduit à 104,000 fr. on à 5 fr. 20 c. par action.

L'assemblée générale des actionnaires a décidé que ce dividende ne serait point réparti; qu'il servirait à améliorer d'une manière plus durable la situation de l'ancien capital, et, sur la proposition de onze anciens actionnaires, il a été résolu que ce dividende, ainsi que la réserve fate sur les intérêts, seront employés au rachat d'actions à 80 p. 0/0 et au-dessous, ce qui, en soulageant le marché, doit aider à reporter ces actions à un taux normal.

Ann. hist. pour 1843.

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conclusion d'un emprunt. Et cependant son crédit était si bas, que les négociations durèrent deux mois et demi. Enfin, le 4 janvier, elle traita avec la société générale, qui prit la totalité de l'emprunt à 92, sans commission ni déduction d'aucune espèce. Ainsi, la ville dégrevée, allégée de tous ses embarras, restait avec un seul emprunt facile à supporter.

Si telle était, en somme, la situation peu satisfaisante encore des finances en Belgique, au moins il n'en était pas de même de la situation commerciale et maritime. Les relations avec les pays transatlantiques, la Méditerranée et la mer Noire se développaient, grâce aux sacrifices faits par le gouvernement pour établir des lignes régulières de navigation vers le Chili, le Brésil, le Mexique et les ÉtatsUnis. L'exportation vers ces contrées avait presque doublé. La fondation d'une colonie nouvelle dans les déserts de l'Amérique centrale (à Santo-Thomas, près de Guatemala) ne pouvait qu'accroitre les espérances nouvelles de l'accroissement du commerce belge dans ces pays lointains.

Les dernières nouvelles reçues de Guatemala présentaient la colonie sous un aspect satisfaisant. La Chambre législative de la république guatémalienne avait reconnu le pavillon de la compagnie belge, qu'elle avait assimilé au pavillon national; accepté les marchandises que la compagnie importerait, à des conditions beaucoup plus favorables que celles qui sont accordées au commerce étranger, el ratifié tous les priviléges assurés à là compagnie dans un traité conclu le 19 avril 1843, entre M. l'archevêque de Vitery et M. Obert, agent général de la compagnie belge (Foy. Amérique du Sud).

Le mouvement des ports avait considérablement augmenté, et, par suite de l'état de paix et des conventions nouvelles conclues avec la Néerlande, ce pays voisin était redevenu un débouché précieux pour les produits manufacturés. Il est fâcheux de dire que les chambres semblaient

mal comprendre les intérêts véritables du pays, en se faisant l'écho de réclamations égoïstes, et en consacrant ou par des vœux ou par des actes le système si dangereux des tarifs protecteurs.

NÉERLANDE (1).

Le premier, le seul grand fait qui soit à signaler dans les relations extérieures de la Néerlande, c'est la conclusion définitive, par la signature des conventions de Maestricht (8 août), des dernières difficultés dont le traité du 5 novembre 1842 avait dejà donné une solution générale. Non-seulement ces conventions, en facilitant les relations commerciales des deux peuples, devaient apporter à chacun d'eux des débouchés nouveaux et de nouvelles ressources financières, mais encore elles seraient un lien qui rendrait plus stable et plus forte la situation politique des deux royaumes voisins si malheureusement divisés depuis lá convention de Londres.

Les détails de ces conventions se trouvant dans l'histoire de la Belgique, il deviendrait surabondant de les reproduiré ici.

Le projet de loi sur le traité fut adopté par la seconde Chambre des États-Généraux (1er février), à lá majorité đe 38 voix contre 18.

Le 4 février, la première Chambre l'adopta également à une grande majorité.

Par suite du traité couclu avec la Belgiqué, le moment était venu de prendre des mesures à l'effet de réduire les intérêts de la dette publique. En conséquence, le gouvernement présenta, le 6 mars, à la seconde Chambre des États

(1) Tous les actes officiels donnent au nouveau royaume ce nom qui est maintenant son seul nom politique; l'ancienne dénomination de Hollande réveillant d'autres souvenirs et s'appliquant à un royaume qui n'existe plus, nous nous sommes décidé à ne plus nous servir que de la désignation au jourd'hui acceptée par la diplomatie et désormais par l'histoire.

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