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Etats Sardes (Voy. Sardaigne), en vue de faire disparaître les nombreuses différences de droits sur la navigation de ce fleuve, différences qui entravaient d'une manière fâcheuse les mouvements du commerce.

Peut-être pouvait-on considérer ce fait comme un premier pas vers l'établissement d'un tarif uniforme dans toute l'Italie. On voulut y voir la pensée de constituer, pour le midi de l'Europe, et au profit du port de Trieste, une association douanière, émule et contre-poids de celle du Zollverein.

A l'intérieur se manifestèrent certaines tendances libérales toutes nouvelles nous ne voulons pas parler seulement de la Hongrie, ce centre ordinaire d'opposition et de résistances; mais, jusque dans la diète provinciale de la basse Autriche, dont les séances furent closes à la fin de septembre, s'élevèrent des réclamations et des vœux constitutionnels. Cette fois, en effet, les États ne s'étaient pas bornés à examiner et à voter les propositions impériales; ils avaient, en outre, adopté les résolutions suivantes qui furent communiquées au gouvernement, et par lesquelles ils demandaient :

1. La communication des comptes;

2o La suppression des corvées;

3. Une plus grande liberté dans les délibérations et une plus grande indépendance de leurs membres.

A cet égard, ils désiraient que l'exercice des fonctions publiques fût déclaré incompatible avec le mandat de député aux États.

Si le gouvernement ne pouvait répondre à ces inquiétantes réclamations que par une fin de non recevoir, au moins avait-il pu poursuivre, par des moyens de répression plus énergiques, les traces de cet esprit libéral dans la presse. Qui croirait que ce soit la Gazette d'Augsbourg qui ait pu mériter un reproche et une punition semblable? Nous rapportons in extenso l'ordonnance concernant l'exécution sé

vère de la censure à l'égard de cette feuille. Les considérants en sont curieux et contiennent des révélations intéressantes sur les craintes inspirées au gouvernement par ces pâles essais de libéralisme moderne:

La Gazette universelle d'Ausbourg a pris, dans ces derniers temps, une direction qui est manifestement repréhensible et qui ne saurait, par conséquent, être tolérée. Si, d'après les instructions données, nous permettons une discussion et un développement des affaires et des événements publics, nous ne consentirons jamais que, comme cela a eu lieu dans ces derniers temps de la part de la Gazette universelle d'Ausbourg, la presse périodique propage systématiquement des vues et des idées qui sont en contradiction manifeste avec les principes monarchiques et diamétralement opposées avec nos principes de gouvernement, et qui n'ont d'autre but que de préparer au libéralisme moderne un appui et un auxiliaire dans l'opinion publique, pour exciter le mécontentement et l'agitation, en rendant suspecte et en attaquant la constitution et les constitutions existantes qui ne s'accordent pas avec ses vues et ses idées, et d'obtenir forcément, par cette voie, le changement dans le sens libéral. C'est ainsi que le gouvernement Sarde a été, l'année dernière, de la part de ce journal, l'objet des altaques les plus malveillantes.

» De même, la Gazette d'Ausbourg n'a laissé échapper aucune occasion de présenter les événements de la Suisse d'après le système qu'elle avait adopté; et, lors du voyage que S. M. le roi de Prusse a fait l'année dernière à Neufchâtel, la Gazette d'Ausbourg a publié des lettres de la Suisse et des articles de journaux qui ont donné lieu à de vives réclamations.

• Mais c'est surtout à l'égard du royaume de Prusse que la Gazette d'Ausbourg s'est offorcée de mettre au jour cette esprit blâmable et de donner un point d'appui, dans cette partie de l'Allemagne, au parti du mouvement, en proclamant la liberté de la presse, et en excitant au mépris contre les institutions en vigueur. »

La question de la réduction du tarif fut discutée de nouveau, cette année (derniers jours de mai), par une commission nommée à cet effet. La Chambre suprême des finances avait proposé un tarif qui eût favorisé, autant que possible, l'importation, persuadée qu'elle était que des droits d'entrée plus faibles augmenteraient très probablement la consommation, ainsi que les revenus de l'État. Mais la chancellerie de la cour réunie, et la Chambre pour la monnaie et les

mines, qui étaient représentées dans la commission, durent avoir égard tout à la fois au développement de l'industrie indigène et aux charges supportées par les contribuables. Dans l'intention de la commission, intention restée encore à l'état de projet, le tarif primitif, et notamment celui pour l'importation du fer, devait recevoir quelques modifications importantes.

C'est ainsi que l'Autriche travaille lentement à introduire, sans secousses, une liberté plus grande dans son système commercial et industriel.

L'exécution des chemins de fer avance rapidement, et la construction du pont qui relie Venise à la terre ferme a déja pu prouver que l'Autriche ne recule pas devant les travaux grandioses et coûteux.

Il avait été question, vu les dépenses considérables déjà occasionées par les études des chemins de fer, de contracter un nouvel emprunt pour alléger les charges de l'État et accélérer l'exécution des lignes projetées : le ministre des finances avait fait (mars) la proposition d'un emprunt qui se serait élevé de 20 à 30 millions de florins, monnaie de convention. Mais, au mois de mai, il fut décidé que l'État supporterait désormais toutes les charges. Seulement, on imprima des bons du trésor à 3 p. 070, du montant de 20 millions de florins de convention, et la première émission de 5 millions eut lieu au mois de juin. Cette mesure financière fut généralement approuvée.

HONGRIE.

Aux développements incessants des idées libérales en Hongrie, aux réclamations ordinaires pour des institutions plus larges, aux prétentions tous les ans signalées de la noblesse à l'indépendance et à la direction des affaires vint s'ajouter, cette année, la question de la langue nationale, question qui renferme peut-être l'avenir de la Hongrie. La

langue Magyare, en effet, est le signe de ralliement de la vieille Hongrie, la marque distinctive qui la sépare profondément de la Croatie et de la racine Slave.

Ce fut donc une concession importante faite par l'empereur d'Autriche à l'esprit nouveau, qu'une ordonnance (septembre) par laquelle S. M. déclarait sa volonté de faire apprendre la langue magyare à son successeur au trône et aux princes de sa famille. Cette langue sera désormais exclusivement en usage dans la législation, dans le gouvernement et dans l'administration: Tout acte officiel dans une autre langue sera nul. Le paragraphe 3 prescrit l'enseignement de cette langue dans les Universités de Hongrie. Les rapports officiels de la Croatie avec la Hongrie auront lieu en langue magyare. On enseignera cet idiome dans les écoles publiques de la Croatie. Pour les affaires municipales, on se servira de la langue latine.

Mais ce n'était pas assez pour la Hongrie, et les restrictions imposées dans cette ordonnance à l'exercice de la langue nationale soulevèrent une vive opposition. La diète de Hongrie proposa et adopta une loi portant que dorénavant la seule langue magyare remplacerait les langues latine et allemande, et serait seule considérée comme langue officielle. L'empereur d'Autriche, en sa qualité de roi de Hongrie, opposa son veto royal à cette décision. La diète envoya à Vienne une députation chargée de présenter à l'empereur ses réclamations respectueuses: mais en même temps elle résolut, et cela presque à l'unanimité, que la langue magyare, introduite provisoirement, serait maintenue en attendant la réponse de l'empereur, bien que, par suite du veto royal, la résolution de la diète n'eût plus force de loi.

Bannir complétement les langues latine et allemande, pour les remplacer exclusivement par la langue de l'antique indépendance et des idées nouvelles, résister formellement, inconstitutionnellement, il faut le dire, à l'expression légale des volontés de l'empereur, c'était indiquer clairement que

la Hongrie se rattachait désormais à des espérances de séparation et commençait une ère nouvelle de véritable résistance.

› Nous allons donc entrer dans le chemin de la révolution, s'écrie un correspondant hongrois dans un journal allemand; car, si l'empereur dissout la diète, ce qui est probable, il est presque sûr que l'opposition reviendra avec plus de force. Il ne faut plus se le dissimuler, la Hongrie veut se séparer de l'Autriche. La politique de M. de Metternich est trop vieille et trop conservatrice. La Hongrie se sent rajeunie et voudrait essayer de marcher, tandis que l'Autriche lui barre partout le passage. L'avenir se présente à nous plein d'orages et de tempêtes; car, à moins que le ministère autrichien ne change de système vis-à-vis de la Hongrie, c'est-à-dire, à moins qu'il ne consente à toutes les réformes adoptées par la diète, une révolution est presque inévitable. »

Un rescrit royal, en date du 12 octobre, ayant reconnu aux députés croates la liberté de prononcer leurs discours en latin, les protestations recommencèrent de toutes parts. Les députés illyriens, à l'assemblée générale du comitat de Warasdin, déclarèrent qu'ils ne parleraient plus qu'en langue illyrienne et qu'ils renonçaient pour toujours au latin. Ils se portèrent à de tels excès, qu'il fallut prononcer la dissolution de l'assemblée. Les députés des autres États demandèrent à leurs commettants (fin novembre) des instructions sur la ligne de conduite qu'il leur fallait suivre par rapport au rescrit. Ces instructions eurent presque généralement pour but de maintenir les précédentes résolutions de la diète et de voter une nouvelle représentation au Roi. En ce cas, la dissolution de la diète semblait inévitable, et déjà, dans la Chambre des magnats, on s'apprêtait à discuter précipitamment la question des frais de diète, question dont le vote est ordinairement la clôture de la session.

Jetons maintenant un coup d'œil en arrière et voyons quels avaient été, en dehors de cette question principale, les travaux législatifs de cette année.

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