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les paroles les plus obligeantes. Apercevant lady Cowley, femme de son ambassadeur: «Je suis charmée, chère lady, a dit S. M., de vous avoir trouvée ici pendant cette délicieuse visite (in that delightfull visit). ■

Au moment où la reine s'est embarquée, l'artillerie de la jetée a salué son départ. Les bâtiments français et anglais de la rade ont répondu au salut de la terre avec toutes leurs bordées. Le cri de vive le roi vive la reine d'Angleterre! retentissait avec force sur toute la plage.

Lady Cowley, la comtesse de SainteAulaire, la comtesse Vilain XIV, les dames de la reine et des princesses, tous les officiers de la maison civile ou militaire du roi et des princes, qui n'avaient pas suivi le canot royal, s'étaient placés à l'extrémité de la jetée d'où se déroulait, vivant et animé, sous les yeux des spectateurs, un des plus beaux tableaux de marine que l'imagination puisse se figurer. Le soleil qui samedi dernier avait éclairé l'entrée en rade de S. M. britannique des plus beaux rayons de son couchant, le soleil montait alors sur l'horizon dans un ciel sans nuages, jetant sur la cime des hautes falaises que ses premiers feux venaient d'atteindre une couronne d'or étincelante, et répandant sur les flots tranquilles la douce clarté du matin. A très peu de distance du port, les deux escadres, rangées sur la même ligne, et composées presque exclusive. ment de bâtiments de guerre à vapeur, jetaient au vent la blanche fumée de leurs machines frémissantes. Leur mâture légère, leur noire cheminée, leur coque hardie et alongée se dessinaient sur un ciel d'une transparence admirable. On voyait briller, suspendu à leur mâture, l'arc-en-ciel de leurs påvois aux mille couleurs; et les matelots, debout sur les vergues, saluaient de vivat répétés et retentissants l'approche de la barque royale. Au milieu de l'escadre réunie, on remarquait le yacht de la reine, le Victoria and Albert, avec ses blanches roues, son pavillon rouge, sa coque noire qui semblait couchée sur la mer immobile. Tout près de la, le Pluton, sur lequel le prince de Joinville avait arbore son pavillon amiral; ensuite le Tartare, le Cyclopus, le Napoléon,et, à droite du yacht royal,

le Prométhée et l'Archimède. Sur un plan plus rapproché, la Reine-Amélie, le beau brick de plaisance du roi, magnifiquement pavoisé; et enfin, en deça de la ligne des bateaux à vapeur, plusieurs cutters de guerre, d'une élégance et d'une finesse remarquables, et qui, immobiles sur leurs ancres, semblaient assister au apectacle que donnait en ce moment cette brillante et impatiente élite de la navigation à vapeur des deux pays. Nous ne parlons pas d'un nombre infini de barques qui sillonnaient la surface de la mer, et qui formaient comme une haie mouvante sur le passage du canot royal. Aucune description ne peut rendre ce mouvement infini qui agitait, en cet instant, la surface des eaux que la douceur du ciel faisait si paisibles. Ceux qui, de la plage, regardaient la mer, et devant qui se déroulait le grand et sérieux spectacle que nous avons essayé de décrire, lorsqu'ensuite ils jetaient les yeux sur les différents points d'embarquement que les curieux avaient choisis sur le rivage, étaient témoins de scènes moins imposantes. Ici des marins vigoureux, luttant contre la marée qui montait rapidement, chargeaient à grand renfort 'd'épaules, sur leurs barques soulevées par le reflux, les curieux inondés. Plus loin, la troupe du. Vaudeville s'embarquait, Arnal en tête, sur un bateau pêcheur, et livrait gaiement sa voile et sa fortune à la brise inconstante du matin.

Tel était le spectacle que présentait la jetée à ceux qui regardaient la mer, et parmi les spectateurs on pouvait re. marquer, au milieu de la foule, les noms les plus honorés et les plus illustres, lord Wellesley, le prince de Craon, le comte de Montesquiou, le comte d'Arschott, le marquis de Chasseloup-Laubat, etc.; les uns qui avaient accompagné la famille royale, les autres qui étaient venus de Dieppe ou des environs. De la rade, le coup d'œil était différent. Un escadron de carabiniers, rangés sur la plage, les casques et les cuirasses reflétant les rayons du soleil, formaient de loin comme une ligne de feu d'un aspect étrange et fantastique. Au-dessous d'eux, et blanchissant de son écume les pieds de leurs chevaux, la mer qui montait; au. dessus, la fumée des canons du port,

s'élevant en légers tourbillons; le bruit et le mouvement de la foule, accoudée sur les jetées, où le flot venait doucement mourir. Au fond, la ville avec ses toitares d'ardoise qui étincelaient, ses coteaux verdoyants, ses falaises colossales, sa population de marins énergiques, sa forêt de mâts noircis par le hâle des mers, et le hardi clocher de l'église, qui jetait son ombre austère sur le fond du tableau. Tel était l'aspect qui, de la mer, venait frapper les yeux un instant détournés du spectacle que présentait le bâtiment où la famille royale de France venait d'aborder.

Il était huit heures. Une salve d'artillerie avait annoncé au rivage que la reine Victoria venait de toucher son bord. C'était à S. M. qu'il appartenait maintenant de recevoir à son tour les augustes habitants du château d'Eu. La reine d'Angleterre y a mis tout son empressement et toute sa bonne grâce.

La famille royale, conduite par la reine, a d'abord visité le yacht dans le plus grand détail. Rien ne peut donner une idée de l'élégance et de la recherche du comfort qui ont présidé à l'arrangement intérieur de ce beau navire, non plus que de l'habile et ingé. nieuse distribution de cet immense espace. Un corridorrègne au milieu du bâtiment et donne accès à toutes les chambres, dont aucune ne commande l'autre. Un merveilleux système de ventillation préserve de toute odeur nuisible ou désagréable. La machine qui sert de moteur au royal steamer est de la force de 420 chevaux; et comme sa construction est des plus légères, et qu'il n'est chargé d'aucune matière encombrante, pas même de charbon, n'ayant jamais que la provision du jour, il est d'une agileté et d'une vitesse qui ne permet à aucun autre bâtiment à vapeur de lutter avec lui. Le Napoléon lui-même, dont la belle marche est connue, avait été distancé en très peu de temps par le yacht de la reine d'Àngleterre.

La reine, LL. MM. et la famille royale, après avoir consacré près d'une demi-heure à cette visite, sont remontées sur le pont, où étaient réunis tous les hauts personnages et les officiers qui avaient accompagné en mer le canot royal, et que nous avons nommés tout

à l'heure. La reine d'Angleterre s'est approchée du groupe qu'ils formaient à l'arrière du bâtiment, et les a gracieusement remerciés pour la part qu'ils avaient prise, par leur empressement personnel, à la somptueuse hospitalité du roi. M. le général Athalin, premier aide de camp du roi, M. le marquis du Roure, qui avait rempli auprès de la reine les fonctions de chevalier d'honneur, et M. le comte de Chabannes, qui avait accompagné le prince Albert, avaient reçu la veille, de S. M. et de S. A. R.,chacun un noble et magnifique témoignage de leur bienveillant souvenir. La veille aussi la reine avait remercié, de la manière la plus gracieuse, M, Vatout, premier bibliothécaire du roi, qui avait fait relier royalement pour elle, et déposer sur sa table de travail, plusieurs exemplaires de son Histoire du chateau d'Ea. « C'est un » château bien riche en souvenirs et une bien intéressante histoire ! lui avait dit la reine. Votre majesté, avait répondu M. Vatout, vient d'y ajouter sa plus belle page!. Quelques instants après, la reine a daigné envoyer à M. Vatout une magnifique bague en diamants.

Cependant l'heure avançait. Il importait beaucoup que la reine partit assez tôt de la rade du Tréport pour qu'elle pût arriver à Brighton avant la nuit. Le roi, voyant la nécessité d'interrompre cet échange de bienveillantes paroles et de sentiments affectueux qui retardait si doucement le départ de S. M. Britannique, a donné le signal du retour en adressant ses adieux à la reine. Le roi l'a cordiale. ment embrassée, et il a serré la main du prince Albert; ensuite la reine Marie-Amélie, la reine Louise de Belgique, la duchesse d'Orléans et les princesses ont à leur tour embrassé la reine. Les princes l'ont saluée, et la famille royale s'est retirée, conduite jusqu'à l'escalier du bord par S. M. et le prince Albert, dont l'émotion était visible. A ce moment, un bateau à vapeur de l'escadre, le Courrier de Dieppe, était venu rallier le yacht de la reine; le roi et la famille royale s'y sont immédiatement transportés, pendant que le Victoria and Albert commençait son mouvement. Quelques minutes après, le yacht royal marchait

à toute vapeur, jetant au loin l'écume de la mer qui jaillissait de ses roues rapides, le royal standard brillant à son grand mât, son cap tourné vers l'Angleterre. Le roi a voulu le suivre un instant dans le sillage profond qu'il traçait, comme pour accomplir envers S. M. britannique un dernier acte de royale courtoisie; et à cette intention la reine a répondu en faisant arrêter son bateau. Elle a adressé alors avec la main un dernier adieu à son auguste allié de France, et elle est repartie. Puis le Courrier a viré de bord, et quelques instants aprés, le navire qui portait la reine Victoria avait disparu dans la brume de l'ouest, suivi de toute son escorte. Le prince de Joinville était resté avec la Reine, ayant la mission de l'accompagner jusqu'à Brighton. Arrivée en vue de ce port, l'escadre française saluera S. M. de toutes ses bordées, et ira mouiller à Portsmouth, sous le commandement de M. Hernoux, aide de camp du prince et chef d'état-major de la flotille. Cependant le Courrier, après avoir parcouru rapidement une partie de la rade et reçu à bout portant les saluts des bâtiments qui gagnaient le large, s'est dirigé vers le port où S. M. est entrée à neuf heures et où les acclamations de la foule l'ont de nouveau accueillie. Le roi et la famille royale sont aussitôt remontés en voiture et sont arrivés au château d'Eu à neuf heures et demie.

Ainsi s'est terminée, par une sépa paration pleine de regrets affectueux et touchants, cette mémorable entrevue entre les deux plus puissants souverains du monde constitutionnel. Oui, nous croyons que le souvenir en res. tera, car cette entrevue a été grande par l'intention qui l'a inspirée; grande aussi par l'éclat tout monarchique qui l'a signalée; grande enfin par les sentiments qu'elle a revélés, par les garanties qu'elle donne à la paix générale, par l'appui qu'elle promet à l'esprit de conciliation et de bon accord entre deux nations que leurs intérêts matériels séparent quelquefois, que le soin de leur prospérité morale et de leur influence dans le monde réunira toujours, quand elles seront bien conseillées.

WORTEMBERT. KREGLINGEN, 30 septembre. - Swedenborgiens. — Depuis quelque temps, il s'est formé dans notre ville une secte swedenborgienne qui fait tous les jours de nouveaux prosélites. Tant que les membres de cette secte se sont bornés à observer les cérémonies prescrites par leur défant chef, notre gouvernement, qui, comme on sait, a adopté le principe d'une parfaite tolérance en matière de religion, leur a laissé la plus grande liberté; mais maintenant qu'il est avéré que plusieurs swedenborgiens se sont rendus coupables de divers délits, surtout envers leurs co-sectaires, la municipa lité de Kreglingen a chargé la police d'exercer sur tous une stricte surveillance; par suite de cette mesure, on a arrêté ces jours-ci une dizaine de swédenborgiens, ou soi-disant tels, parmi lesquels se trouvent les trois personnes suivantes :

1° Un serrurier nommé Pierre-Thomas Schmidt, qui se faisait passer pour la personnification de saint Pierre, et qui, à ce titre, exerçait une domination absolue sur un grand nombre des swedenborgiens, lesquels, en vertu de ses ordres, refusaient de payer les impôts et insultaient publiquement les prêtres des confessions chrétiennes reconnues, en les qualifiant d'escrocs, d'imposteurs et de faussaires;

2° Une sage-femme nommée Claire Dieu, engageait les femmes enceintes Wegnitz, qui, se disant inspirée de pauvres à se faire avorter par elle, et cela en leur persuadant que mettre un enfant au monde dans le siècle de cor.

ruption où nous vivons, c'est préparer de la pâture au diable. Claire Wegnitz est accusée d'avoir procuré neuf avor. tements;

3o Un nommé Boidflagg, natif de Kronoberg, en Suède, qui, sous le prétexte d'avoir des communications avec l'âme du fameux Swedenborg, et d'être chargé par lui de propager ses doctrines, s'est fait remettre par divers swédenborgiens d'assez fortes sommes, qu'il a promis d'employer à l'accom. plissement de cette mission, mais qu'il a dissipées en débauches et en orgies.

Ces trois individus et quelques autres, qui sont prévenus de délits moins

graves, seront jugés très prochainement,

RUSSIE, 23 octobre. - Baptême du grand-duc Nicolas Alexandrowitch.S. M. I. M. le grand-duc Nicolas Alexandrowitch a été solennellement baptisé aujourd'hui au palais Tsars Koë-Sélo.

ALGÉRIE. OUED - MACALY, 11 novembre.-Mort de Sidi-Embareck.—

Le général Tempoure, arrivé le 9 à Assi-el-Kerma après trois jours de marche, apprend que Ben-Allal est parti le 8 au matin de Tamsert, près de Djerf-el-Guebli, se dirigeant vers l'ouest, pour faire sa jonction avec l'émir qui devait l'attendre à El-Gorr, au sud-ouest de Tlemcen. Le général se trouvait donc le 9 au soir à trois marches de l'ennemi; il s'agissait de ré gagner de vitesse, et, quelles que fussent les difficultés d'une pareille entreprise, il résolut de la tenter.

mi

Après avoir allégé autant que possible sa colonne, le général part nuit d'Assi-el-Kerma, avec 800 hommes d'infanterie, 3 pièces d'artillerie, 500 chevaux réguliers des deuxieme et quatrième régiments de chasseurs et des spahis d'Oran, plus une trentaine de cavaliers indigènes, et arrive le 10 à neuf heures du matin, à Tamsert. Les restes d'un bivouac récemment abandonné confirment les renseignements qu'il a reçus à Assi-el-Kerma; les traces d'une nombreuse colonne d'infanterie, de cavalerie, de bestiaux et bêtes de somme, ne lui laissent aucun doute sur la direction qu'elle a prise. La pluie qui tombait à torrents ne peut arrêter nos braves soldats, qui rencontrent à chaque pas quelques débris de ceux qu'ils poursuivent; ils se remettent en marche à onze heures du matin, et arrivent le soir à Ain-Bouchega ra, où ils couchent sur un nouveau bivouac de l'ennemi, jonché de dépouil les d'animaux encore fraîches.

Deux misérables habitants de la tribu des Djaffra, ramenés par nos ca

valiers arabes, informent le général que Ben-Allal a couché la veille non loin de là sur l'Oued-el-Khacheba, à cinq lieues d'Ain-Bouchegara, et qu'il s'y trouvait encore le 10 à neuf heures du matin.

La pluie continuait de tomber avec la même violence, et le terrain détrempé était déclaré presque impraticable par les deux prisonniers de Djaffra; le général persuade à ses soldats que le ciel favorise leur dessein en retardant les mouvements de l'ennemi; il quitte à minuit son bivouac d'Ain-Bouchegara, et marche de nouveau sur les traces de Ben-Allal, qui ignorait sans doute encore notre apparition dans le pays.

D'horribles difficultés avaient épuisé les forces de notre troupe, mais surtout de notre vaillante infanterie ; ce qu'elle a éprouvé de peines dans cette marche est impossible à décrire. A la pointe du jour (11 novembre) on arrive sur l'Oued-Khacheba, où l'on ne tarde pas à reconnaître le bivouac de l'ennemi; cette fois, ses feux n'étaient pas encore complétement éteints. Cette vue fait oublier à nos soldats toutes leurs souffrances; la presque certitude de joindre l'infanterie régulière de l'émir les remplit d'enthou siasme, et après un repos de quelques instants, ils se remettent en route. Ni les torrents grossis par les pluies, ni les ravins inextricables, ni les forêts presque infranchissables de ces contrées ne peuvent ralentir leur ardeur : ils traversent courageusement tous ces obstacles. Une forte fumée sortant d'un bois à l'origine de la vallée de l'Oued-Malah leur apparaît, enfin, et fait tressaillir tous les cœurs. L'ennemi était là !

A notre aspect il fut ferme et attendit bravement l'orage qui allait fondre sur sa tête. Mais la fusillade à bout portant n'arrêta pas la charge de notre cavalerie, qui se fit dans un ordre admi. rable et irrésistible. Tout fut culbuté et le carnage devint terrible, l'arrivée seule de notre infanterie permit de le faire cesser et de recueillir çà et là les débris vivants de cettre troupe écra sée. Ce fut surtout vers la tête de la colonne que s'étaient précipités nos braves chasseurs et spahis, c'était là qu'étaient les drapeaux; leurs défen

seurs furent sabrés et ces glorieux trophées tombèrent en notre pouvoir.

Témoin de la mort de ses portedrapeaux et de l'horrible massacre qui venait d'avoir lieu autour de lui, le kalifa Ben-Alla), accompagné de quel ques cavaliers, cherchait à fuir, et déjà il avait gagné les pentes rocheuses des collines appelées Kefs. Mais M. le capitaine Cassaignoles, des spahis, sans le connaître et conduit par un heureux instinct, s'était acharné à le poursuivre au travers d'affreuses difficultés. Deux brigadiers du 2e chasseurs et un maréchal des logis de spahis, accourus à la voix de M. Cassaignioles, vinrent le se conder dans son entreprise. Ben-Allal, entouré par ses quatre ennemis, semblait ne devoir plus songer à se défendre, et déjà le brigadier Labossay se préparait à recevoir de ses mains le fusil que ce chef lui présentait la crosse en avant, lorsque, par un mouvement rapide comme l'éclair, il en dirigea le canon sur la poitrine du brigadier qu'il étendit raide mort. M. le capitaine Cassaignoles, le sabre au poing, allait venger la mort de Labossay, quand un coup de pistolet renversa le cheval de cet officier; un second coup de Ben-Allal blessa légèrement le maréchal des logis de spahis Sicot, qui venait de lui asséner un coup de sabre sur la tête. Ben: Allal n'ayant plus de feu contre ses assaillants se défendait de son arme déchargée, lorsque le brigadier Gérard mit fin à cette lutte désespérée en lui tirant un coup de pistolet dans la poitrine à brûle pour point.

M. le capitaine Cassaignoles ne savait pas encore à quel ennemi il avait eu à faire; il n'avait pu que remarquer son courage, son sang-froid et son habileté à manier ses armes. Un signe bien connu de tous dissipa ses doutes; un œil manquait à la figure de son ennemi terrassé; ce ne pouvait être que Ben-Allal-Ould-Sidi-Embareck, le borgne, comme l'avaient sur. nommé les Arabes. Sa tête fut apportée aux pieds du général.

Les résultats de ce brillant combat sont: 404 fantassins et cavaliers réguliers, dont 2 commandants de bataillon et 18 scials(capitaines), restés sur le terrain; 364 prisonniers, dont 13 sciafs; 3 drapeaux, celui de l'émir et ceux des ba

taillons de Barkani et de Ben-Allal; 600 fusils, des sabres et des pistolets en grand nombre; 50 chevaux enbarnachés et beaucoup de bêtes de somme.

Les renseignements les plus précis portent que Ben Allal avait là sous ses ordres les restes des bataillons de Medeah et Milianah, formant environ 700 hommes, 40 ou 50 hommes, débris du batillon de Mascara; 150 ca. valiers démontés, et environ 90 cava liers montés, plus une vingtaine de sciafs sans troupes. Parmi les prisonniers, 104 sont grièvement blessés.

Nous n'avons eu à regretter que la mort du brigadier tué par Sidi-Embareck, et huit chasseurs ou spahis blessés grièvement. Cette perte légère s'explique par l'impétuosité de la charge et la démoralisation de l'ennemi, qui en a été la suite.

Les trois drapeaux et la tête de Ben-Allal ont été envoyés à Alger à M. le gouverneur général.

En traversant la tribu des BeniAmers pour venir s'embarquer à Oran, la députation chargée de présenter ces trophées à M. le maréchal a été as saillie par les populations de ces contrées, qui sont venues en foule pour voir la tête du kalifa. Quelque répu goance que nous inspire cet usage barbare, l'incrédulité des Arabes est si grande, quand on leur annonce quelque nouvelle favorable à notre cause, qu'il était indispensable de leur faire voir cette preuve irrécusable de la mort du guerrier marabout qui exerçait sur eux un si grand prestige.

Vingt ans après la mort du marabout Ben-Cheriff, qui avait failli renverser, au commencement du dix-neuviéme siècle, la puissance des Turcs, les tribus de la province d'Oran, au milieu desquelles on n'avait pas promené sa tête, affirmaient qu'il vivait encore, et qu'il allait revenir pour insurger de nouveau le pays.

Ben-Allal était le conseiller le plus intime d'Abd-el-Kader, son véritable homme de guerre, et, après lui, le personnage le plus important et notre ennemi le plus acharné.

Les chefs des contrées du sud de l'Ouarensenis, réunis à Alger pour la cérémonie solennelle de l'investiture, ont pu reconnaître, par leurs propres yeux, que ce chef redoutable, dont

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