Page images
PDF
EPUB

• Ne nous écartons pas des convenances, continuait l'orateur; dirigeonsnous d'après ce qui se passe en Europe en de telles circonstances: en Angleterre, par exemple, chez le père des peuples constitutionnels, le respect envers le trône est porté à l'extrême, même par les partis qui font la plus vive opposition. »

M. Constakis défendit une opinion contraire. Autant le projet de M. Petsalis lui paraissait digne et en harmonie avec les nécessités de la situation, autant le projet de la commission lui semblait humiliant et en contradiction avec les sentiments qui inspiraient le pays. Sa pensée n'était point de faire de l'opposition contre le roi, mais seulement de répondre aux calomniateurs de la Grèce.

« Garder le silence sur le passé, ne serait-ce pas, disait le même député, ne serait-ce pas donner à croire que nous avons été les organes aveugles d'une politique étrangère, tandis que nous avons eu seulemeut en vue de mettre un terme aux souffrances du peuple ? Ne serait-ce pas justifier la législation qui a opprimé l'église nationale, créé des tribunaux exceptionnels, détruit notre flotte, licencié l'armée nationale, réglé le droit sacré de propriété et exilé les bons citoyens Coletti et Maurocordato? Ne serait-ce pas laisser au pays la responsabilité de la crise financière dans laquelle la xéno̟cratie nous a placés? Ne serait-ce pas adopter la longue suite de faits honteux el déplorables qui se sont succédé sans interruption depuis 1833? Ne serait-ce pas, enfin, autoriser les doutes élevés en Europe sur la légitimité de la révolution du 3 septembre?»

Le rapporteur de l'adresse répondit que le jour du 3 septembre était caractérisé dans le projet ainsi qu'il devait l'être, c'est-à-dire avec convenance, avec respect pour l'autorité royale. On ne pouvait admettre que l'adresse dût être un plaidoyer politique en faveur du 3 septembre, et il était indigne de la Grèce de chercher à se justifier des attaques qui avaient été dirigées contre elle (1).

M. Maurocordato soutint le projet de la commission. Le roi dans son discours n'avait exprimé que des sentiments;

(1) Tout ce débat se rapporte aux diatribes violentes de la presse allemande et aux sentiments manifestés par l'empereur de Russie contre le mouvement du 3 septembre.

l'assemblée devait répondre de la même manière, sans parler des faits, sans rappeler le souvenir du passé.

Plusieurs députés prirent encore la parole dans cette discussion, et l'ensemble du projet fut ensuite adopté à une grande majorité, avec cette restriction, qu'il pourrait être amendé dans la discussion des articles.

De nombreux amendements avaient été présentés : l'assemblée décida que trois seulement seraient mis en délibération. Un seul fut adopté, celui de M. Axelos: il était rélatif au paragraphe IV, et conçu dans les termes suivants:

« Accueillant comme des présages heureux pour l'avenir de la Grèce les sages paroles de Votre Majesté, les plénipotentiaires reconnaissent avec une satisfaction inexprimable que les liens qui, dès 1833, unissent le peuple au roi, liens qui ont couru le danger d'être brisés, par suite de circonstances malheureuses entièrement indépendantes de la volonté de Votre Majestė et des vœux du peuple, sont devenus indissolubles depuis le jour heureux où les nobles sentiments du cœur paternel de Votre Majesté ont scellé l'accomplissement du désir national si unanimement exprimé. »

Le roi répondit à la députation chargée de lui porter l'adresse de l'assemblée, d'une manière qui éveilla dans le pays et dans la presse le plus vif enthousiasme :

« Messieurs, dit-il, je reçois avec plaisir la réponse de l'assemblée nationale au discours que j'ai prononcé à l'ouverture de ses travaux. L'harmonie qu'elle exprime de mes sentiments avec ceux de la nation me cause une satisfaction inexprimable. De cette manière s'accomplira heureusement et en parfail accord le grand travail de la rédaction des lois constitutives de la Grèce. C'est ainsi, je n'en doute point, que nous comprenons tous le 3 septembre. »

Tel fut le premier essai du nouveau gouvernement parlementaire et constitutionnel en Grèce. Une œuvre plus difficile et plus grande attendait ses représentants et préoccupait tous les esprits c'était l'élaboration d'une constitution qui pût fonder la liberté de la Grèce, son indépendance, son bienêtre et sa grandeur. L'année se ferme sur les commencements de ce grand travail et laisse la Grèce dans ce laborieux enfantement de ses lois et de son avenir.

les suites pouvaient être une scission radicale entre les deux partis.

Tel était, à la fin de l'année, l'état de cette interminable question. Une transaction pouvait seule lui donner une solution, et, si cette transaction était rendue impossible, il fallait s'attendre à voir s'organiser une ligne défensive, une convention de garantie mutuelle entre les sept cantons catholiques à la tête desquels Lucerne a annoncé d'avance l'intention de se placer. Cette coalition comprendrait Lucerne, Uri, Schwitz, Underwald, Zug, Fribourg et Valais. Incapable d'agir offensivement dans le débat avec quelque espoir de succès, elle adopterait un système d'opposition passive qui entraverait la marche des affaires et compromettrait les intérêts généraux de la république.

-

Revision du pacte fédéral. Comme cela a régulièrement lieu chaque année, depuis la session de 1831, on remit en délibération la révision du pacte fédéral de 1815, et, comme précédemment encore, il fut impossible de réunir une majorité, tant sur le principe même de la révision que sur lé système à adopter pour procéder à une réforme. Neuf États et un demi-canton votèrent pour que l'on retirat définitivement du recès cette malencontreuse question qui, dans l'état d'irritation des esprits, ne saurait qu'aggraver encore les embarras intérieurs (août).

Tels furent les résultats négatifs de cette diete ouverte le 3 juillet. Plusieurs projets y furent présentés, entre autres, celui relatif aux heimathlosen et aux communistes: aucun netrouvá, cette année, sa solution. Nous aurons à revenir, plus tard, dans ce chapitre, sur ces deux classes dangereuses pour la tranquillité intérieure de la république.

Pour en finir avec l'histoire parlementaire de l'année, il sera peut être bon d'étudier quelques uns des travaux législatifs des cantons on y verra se manifester au grand jour l'inhabileté de ces États isolés travaillant, sans lien commun, à réformer leurs législations incomplètes: à côté d'inten

continuel de l'esprit d'unité que remplacent partout l'orgueil stérile et l'égoïsme aveugle des localités.

Couvents d'Argovie. - On sait que, d'après la constitution de la république helvétique, chaque canton est à son tour dépositaire et agent de l'autorité centrale. C'est le canton de Lucerne dont les chefs, au commencement de cette année, composaient le directoire. Aussi, d'après les dispositions de ce canton, personnellement hostile au canton d'Argovie, on pouvait s'attendre que la lutte serait vive dans l'affaire des couvents. L'année dernière, Lucerne avait demandé à la diète une déclaration portant que la vente de biens appartenant aux couvents d'Argovie serait considérée comme un changement du statu quo du patrimoine de ces couvents, changement incompatible avec la résolution de la diète du 2 avril 1841 (voy. l'Annuaire), et que, par conséquent, toute vente de ce genre devait être regardée comme nulle. Neuf États seulement avaient voté pour la motion de Lucerne. Le gouvernement Argovien, non content de se refuser à obéir à l'arrêté de 1841, au sujet de ses propres couvents, s'était arrogé le droit de redevances considérables sur les biens que les couvents Lucernois possèdent sur le territoire d'Argovie. Il y avait donc là, en même temps, une question fédérale et une question personnelle.

Dans sa séance du 1er février, le vorort adressa au gouvernement d'Argovie une protestation contre les décrets de vente, et spécialement contre l'établissement d'une école de district dans le couvent de Muri: sommation était faite par le vorort au gouvernement d'Argovie d'avoir à retirer ces décrets; dans le cas de refus d'obtempérer à cette sommation, le vorort se réservait d'adopter telles mesures constitutionnelles que lui suggérerait sa prudence.

Ces résolutions du directoire furent communiquées aux cantons dans une circulaire dont voici les considérations principales :

• Nous nous sommes, en conséquence, trouvés dans l'obligation d'adresser à l'État d'Argovie l'invitation pressante de rapporter toutes les mesures contraires à l'arrêté de la diète du 2 avril 1841, spécialement d'annuler toutes les ventes de propriétés de couvents argoviens, opérées depuis le 2 avril 1841, toutes les dispositions qu'il a prises relativement aux édifices des couvents, et très particulièrement le décret du 16 décembre 1842, concernant la création d'une école de district à Muri, dans l'enceinte et sur la fortune du couvent, et, en attendant la décision définitive de la diète, de s'abstenir de tout acte ultérieur qui ne serait pas en parfaite harmonie avec l'arrêté de la diète du 2 avril 1841.

› Nous considérons tous les actes de cette nature, envisagés au point de vue du droit fédéral, comme nuls et sans valeur légale, en tant qu'ils sont contraires à la volonté de la diète et que les autorités qui les ont ordonnés n'étaient pas compétentes pour le faire.

» Nous avons, en même temps, invité le petit conseil du canton d'Argovie à se conformer sans délai à l'injonction ci-dessus, et à nous donner, en tous cas, connaissance de ses résolutions à cet égard, afin que, dans le cas où il ne serait pas donné suite à notre sommation, nous puissions recourir aux moyens autorisés par le pacte, pour procurer l'exécution de l'arrêté du 2 avril 1841.

[ocr errors]

▸ En adressant la présente communication à tous les États confédérés, nous devrons les inviter à nous prêter toute assistance fédérale pour procurer l'exécution de l'arrêté de la diète du 2 avril 1841, et, en général, à coopé-. rer à ce que tous les rapports de droit basés sur le pacte fédéral soient maintenus à l'abri de toute violation..

Dans cet appel fait aux cantons par Lucerne contre Argovie, il y avait le danger de mettre aux prises les cantons protestants et les cantons catholiques, et, sans doute aussi, l'intention secrète de réveiller, dans l'intérieur d'Argovie, ces vieilles luttes des deux confessions qui souvent, depuis 1831, ont réclamé le rétablissement de l'ancienne séparation légale entre les catholiques et les protestants. Les esprits sensés repoussent de toutes leurs forces ces séparations confessionnelles dont le résultat nécessaire est une séparation politique et qui tendent, par conséquent, à augmenter encore le morcellement de la Suisse.

A ces menaces le petit conseil d'Argovie répondit hautement en rejetant sur Lucerne la responsabilité de tout ce

« PreviousContinue »