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Marliani, Zurbano; tout ce que l'intérêt particulier attache à la fortune du régent; de l'autre côté sont à peu près tous les hommes que leur sagesse et un vrai patriotisme ont rendus utiles à l'Espagne, ceux qui ont fait preuve de moralité et de science; les modérés et ceux-là mêmes qui, après avoir longtemps soutenu le pouvoir du régent et fondé leur avenir politique sur l'appui qu'ils lui prêtaient, n'ont pas craint de se séparer de lui sitôt qu'ils l'ont vu entrer dans les voies du despotisme et de l'illégalité.

La nomination d'un cabinet présidé par M. Gomez Becerra, et dont Mendizabal faisait partie comme ministre des fiances, mit le comble aux folies d'Espartero et à l'irritation des coalisés.

Lorsque, dans la séance du 20 mars, M. Becerra se présenta au congrès pour y donner connaissance de la liste des ministres, un tumulte effroyable s'éleva dans l'assemblée; le général Hoyos, son collègue dans le nouveau cabinet, était entré avec lui au congrès en costume militaire, sans avoir droit de siéger comme député: il fut contraint de quitter la salle; le nom de Mendizabal provoqua des manifestations encore plus sévères et qui témoignaient d'un profond mépris de l'assemblée pour l'homme qui était appelé à l'administration des finances. Le mot de voleur fut prononcé.

Il n'en fallait pas tant pour montrer au régent que tout gouvernement était impossible avec une pareille chambre, s'il persistait à suivre la route qu'il avait prise; et dans son aveuglement il croyait le devoir faire. Dès la veille, il avait été vivement blessé de ce que le président n'avait point levé la séance et de ce qu'il s'était par là prêté au vote des deux propositions qui l'avaient signalée. Le ministère jugea donc qu'il devait suspendre la session et ajourner les cortès jusqu'au 27 mai. Cette résolution, signée par M. Gomez Bercerra, ayant été communiquée le 19 au président du congrès par un lieutenant-colonel qui

l'avait appelé hors de la salle, le président ne pensa pas qu'elle eût un caractère assez officiel et ne consentit à la lire que le lendemain, sur l'exemple donné par le président du sénat. Sitôt que les députés en reçurent la nouvelle, M. Olozaga s'élança à la tribune et déclara que, pour remplir l'engagement qu'il avait contracté la veille devant la Chambre, il s'était démis de tous les emplois qu'il tenait du gouvernement. Quant à la forme dans laquelle l'ajournement des Cortès avait été communiqué aux représentants du pays, il ne croyait pas que le gouvernement eût eu le dessein de manquer aux pratiques parlementaires; l'oubli que l'on pouvait critiquer était l'effet du trouble qui agitait les conseillers du régent.

« Malheur! continuait M. Olozaga, malheur au pays qu'on livre à des esprits troubles! malheur au régent qui suivra des conseils de cette nature! car alors, comme le disait hier un journal du soir : « Que Dieu sauve la patrie et la reine!» (Tonnerre d'applaudissements.)

» Le grand conflit dans lequel le pays se trouve n'a d'autre cause que le refus du régent d'accéder à la destitution d'un homme. Le régent met en balance la nation entière avec un seul homme, et pourtant c'est du côté de celui-ci que le plateau a penché.

» M. le président ne put pas lever hier la séance; la toute-puissance du pays se serait déclarée contre cette détermination. Si la séance ne fut pas levée hier, c'est qu'il s'agissait de sauver la constitution et la liberté. La conduite tenue hier par le congrès est destinée à servir d'exemple aux assemblées politiques de tous les temps: Messieurs, Dieu sauve la patrie et la reine !

Des acclamations unanimes répondirent à ce discours : toutes les voix se réunirent pour faire entendre les cris de vive la liberté ! vive la reine! vive le congrès national! Et pour qu'il n'y eût pas de doute sur l'approbation que l'assemblée donnait à la conduite du président, une proposition fut rédigée dans le but de déclarer que cette conduite était de tout point digne et constitutionnelle. La Chambre tout entière adopta la proposition. Ce fut alors seulement, qu'au milieu du tumulte et du désordre, M. Gomez Be

cerra put donner lecture du décret qui suspendait la session jusqu'au 27 mai.

L'agitation qui s'était produite au sein de la Chambre n'avait pas tardé à se communiquer au dehors. Les rues, les places publiques se remplirent d'attroupements tumultueux. Grâce à l'attitude de la garnison et de la milice, l'ordre ne fut pas troublé; mais les ministres furent menacés, insultés. Le discours de M. Olozaga fut rapidement répandu ; la partie éclairée de la population applaudit aux sentiments qu'il exprimait.

Bientôt le cri de Dieu sauve la reine devint le mot de ralliement de toute l'Espagne; ce fut le signal d'une agitation immense qui se produisit dans les provinces avec un caractère beaucoup plus menaçant encore qu'à Madrid.

Ann. hist. pour 1843.

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marche des ministères précédents, ou s'appuyer matériellement sur des partis illégaux, en prenant des mesures contraires à la constitution, les calamités qui ont pesé sur l'Espagne pendant un siècle ne seraient rien auprès de celles qui nous menacent pour l'époque de la majorité de la reine (Sensation profonde), ▸

• Mon humble opinion et mon vole ont peu de poids, mais je déclare dès à présent que, si un pareil ministère était formé, je romperais sur le champ les liens qui, pour le service de ma patrie, m'unissent au gouvernement. Je renoncerais à toute dignité et à servir un gouvernement qui ferait le malheur de mon pays (Applaudissements répétés), »

M. Olozaga dénonçait ensuite un complot dont il y avait, disait-il, des preuves; complot tramé par des assassins contre la vie de quelques députés; des doctrines sanguinaires étaient parvenues à atteindre de hautes régions: on avait répandu des bruits contre l'amnistie; on avait crié qu'il s'agissait de proscrire une grande partie du parti libéral; et c'est ainsi qu'on avait éveillé ces projets détestables.

Après une courte discussion, le projet de message fut adopté à l'unanimité moins une voix. Une députation se rendit immédiatement auprès du régent pour lui remettre le message du congrès. M. Olozaga fut chargé de porter la parole.

Le régent répondit en termes très-vagues.

La Chambre, qui était restée assemblée, termina cette remarquable séance par le vote d'une seconde proposition, qui avait pour but d'adresser des remerciements aux ministres démissionnaires et de déclarer qu'ils avaient conservé jusqu'à leur sortie des affaires la confiance du congrès.

La proposition fut adoptée à la presque unanimité. De ce moment les événements suivent une marche plus rapide; les situations deviennent plus claires; il n'y a plus que deux grands partis dont les intentions, les desseins ne laissent plus de doute; d'un côté sont les exaltés, les hommes perdus, des aventuriers, d'aveugles partisans, conduits par des chefs tels que Linage, Mendizabal,

Marliani, Zurbano; tout ce que l'intérêt particulier attache à la fortune du régent; de l'autre côté sont à peu près tous les hommes que leur sagesse et un vrai patriotisme ont rendus utiles à l'Espagne, ceux qui ont fait preuve de moralité et de science; les modérés et ceux-là mêmes qui, après avoir longtemps soutenu le pouvoir du régent et fondé leur avenir politique sur l'appui qu'ils lui prêtaient, n'ont pas craint de se séparer de lui sitôt qu'ils l'ont vu entrer dans les voies du despotisme et de l'illégalité.

La nomination d'un cabinet présidé par M. Gomez Becerra, et dont Mendizabal faisait partie comme ministre des fiances, mit le comble aux folies d'Espartero et à l'irritation des coalisés.

Lorsque, dans la séance du 20 mars, M. Becerra se présenta au congrès pour y donner connaissance de la liste des ministres, un tumulte effroyable s'éleva dans l'assemblée; le général Hoyos, son collègue dans le nouveau cabinet, était entré avec lui au congrès en costume militaire, sans avoir droit de siéger comme député : il fut contraint de quitter la salle; le nom de Mendizabal provoqua des manifestations encore plus sévères et qui témoignaient d'un profond mépris de l'assemblée pour l'homme qui était appelé à l'administration des finances. Le mot de voleur fut prononcé.

Il n'en fallait pas tant pour montrer au régent que tout gouvernement était impossible avec une pareille chambre, s'il persistait à suivre la route qu'il avait prise; et dans son aveuglement il croyait le devoir faire. Dès la veille, il avait été vivement blessé de ce que le président n'avait point levé la séance et de ce qu'il s'était par là prêté au vote des deux propositions qui l'avaient signalée. Le ministère jugea donc qu'il devait suspendre la session et ajourner les cortès jusqu'au 27 mai. Cette résolution, signée par M. Gomez Bercerra, ayant été communiquée le 19 au président du congrès par un lieutenant-colonel qui

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