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le père, quand il parle de l'individu qui a perdu la qualité de Français, et qu'il ne s'est nullement occupé de la mère;

3o Principes généraux.

L'enfant né d'un légitime

mariage suit la nationalité de son père, quelle que puisse être celle de sa mère; le texte est donc d'accord avec les principes, quand il parle « d'un Français » et non d'une Française;

4° L'esprit de la loi. - En effet, si l'article 10 se montre favorable à l'enfant né en pays étranger d'un Français qui a perdu sa nationalité, la raison en est que cet enfant eût été Français, si son auteur avait su garder sa nationalité primitive. Or, dans le cas présent, l'enfant, né d'une Française qui a cessé de l'être, n'a rien perdu du chef de sa mère. Ce n'était pas d'elle qu'il devait recevoir sa nationalité. (Comp. en ce sens, MM. Alauzet De la qualité de Français, no 31; Valette, Explicat. sommaire, p. 15; Marcadé, sur l'article 10; — Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 1, § 53, p. 72, note 11.)

212 ter. Cependant ce premier système ne paraît pas devoir être admis, et, avec le second système, nous proposons d'étendre l'article 10, alinéa 2, à l'enfant né d'une Française qui a perdu cette qualité par son mariage : nous invoquerons deux arguments :

1o Le mot Français, dans le texte de l'article 10, comme d'ailleurs dans la plupart des circonstances où il se trouve employé par la loi, est générique et ne comporte dans son acception aucune distinction de sexe. C'est ainsi que nous disons « tous les Français sont égaux devant la loi; >>

2o En outre, les travaux préparatoires et l'esprit du Code viennent singulièrement à l'appui de notre solution. Voici, en effet, les paroles que prononçait le tribun Gary dans son discours au Corps législatif : « Ils (les motifs de la disposition) sont fondés sur la faveur due à l'origine française; sur cette affection naturelle, sur cet amour ineffaçable que conservent à la France

tous ceux dans les veines desquels coule le sang français. Vainement un père injuste ou malheureux leur a ravi l'inestimable avantage de leur naissance; la patrie est prête à le leur rendre; elle leur tend les bras; elle leur ouvre son sein; elle répare à leur égard l'injustice de leurs parents ou les rigueurs de la fortune. » Donc voilà l'idée. Il y a du sang français chez cet individu. De qui le tient-il? de son père? de sa mère? peu importe. L'enfant a, en lui, un germe qui le signale à la bienveillance du législateur l'article 10 lui est donc applicable.

On nous objecte que précisément, dans la discussion de l'article 10, le législateur a spécialement visé la situation faite par le père et ne s'est jamais occupé de la mère. A cela nous répondrons qu'en cette matière, il ne faut pas se renfermer dans le sens étroit des mots; que le législateur a entendu parler de eo quod plerumque fit, prenant l'expression qui lui semblait le mieux. appropriée à la situation, mais n'entendant pas faire une énumération limitative.

Nous pourrions ajouter que le mot père est plutôt employé dans le sens d'auteur d'une naissance et non point par opposition à l'expression de mère d'ailleurs la pensée de la loi est suffisamment indiquée par l'exposé des motifs, et un terme ambigu de grammaire ne saurait en détruire l'effet.

On nous objecte encore qu'en légitime mariage, l'enfant doit suivre la nationalité de son père, et que par conséquent il ne saurait être admis à se prévaloir de la nationalité d'origine de sa mère. A cet argument nous faisons deux réponses:

α. Par ce système, on aboutit à traiter plus favorablement l'enfant naturel que l'enfant légitime inadmissible que la loi n'a pu vouloir;

résultat

b. L'objection ne porte pas car incontestablement l'enfant aurait le droit d'user de la naturalisation ordinaire; et ici le point en question est simplement de

savoir si la circonstance, à laquelle est attaché le privilège de l'article 10, se trouve réalisée dans sa personne. Or, sur ce point il faut bien admettre l'affirmative car cet enfant est né à l'étranger d'une personne d'origine française, mais qui, par un événement quelconque, a perdu cette qualité. Le principe que la filiation paternelle règle seule, dans notre droit, la nationalité de l'enfant, n'a été consacré, par notre Code, que pour déterminer la nationalité d'origine. Or, il s'agit ici d'une question différente. Il s'agit de dire si l'enfant, grâce à l'origine de sa mère, a une aptitude spéciale et privilégiée à devenir Français. Son extranéité de naissance n'est nullement contestée. Enfin, quand on dit que l'enfant n'a rien à recouvrer, n'ayant rien perdu du chef de sa mère, on donne une fausse interprétation au 2o alinéa de l'article 10. La loi n'a pas simplement voulu rendre à l'enfant un droit qu'il aurait eu si son père fut resté Français mais elle a édicté une disposition. de faveur pour l'enfant qui, issu d'un sang français, a ou peut avoir des sentiments français et mérite de n'être pas traité à l'égal d'un étranger ordinaire. Il est dès lors tout à fait conforme au texte et à l'esprit du Code de faire rentrer le cas présent, concernant la mère, dans l'application de l'article 10 (1), par une extension favorable.

213. Nous venons de supposer le cas où l'enfant de l'ancienne Française serait né en légitime mariage. Nous n'avons pas besoin, en effet, d'insister sur le cas inverse où l'enfant serait né, hors mariage, par exemple, d'une femme naturalisée en Belgique. De la doctrine par (1) Comp. contrà Paris, 30 juillet 1855 (D. P. 56-2-277). Gand, Chambre des mises en accusation, 30 juillet 1864 (Pasicrisie belge), 1865-2-15. Bruxelles, 19 janvier 1874 (D. P. 75-2-147). - C. cass. de Belgique, 24 janvier 1874 (D. P. 75-2-147). Comp. en notre sens, M. Demolombe, t. I, no 167.

bis, III.

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Demante, t. 1, no 20

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Coin-Delisle,

MM. Aubry et Rau, t. 1, § 70, p. 241, note 1 (4o édit.). Mourlon, Revue pratique, 1858, t. v, p. 254. Revue critique, 1856, t. xxvi, p. 307. vrier 1855 (D. P. 56-2-276). Bruxelles, 20 janvier 1874 (D. P. 75-2-148).

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- Trib. civ. de la Seine, 11 fé

nous admise au numéro précédent, nous devons conclure à fortiori que l'enfant naturel, dont il s'agit, pourra se prévaloir de l'article 10, alinéa 2. Ici, en effet, on ne peut tirer aucune objection de la nationalité du père ni des principes généraux qui, dans notre droit, régissent la nationalité d'origine. Ces principes tendent, au contraire, à étendre, à ce cas, le bénéfice de l'article 10, alinéa 2; car les enfants nés hors mariage suivent la condition de la mère, lorsqu'ils n'ont pas été reconnus par leur père, ce que nous supposons ici.

214. L'enfant d'un ex-Français acquiert la nationalité française par le bienfait de la loi. Il n'est pas nécessaire, du moment où il a satisfait aux conditions requises, que le gouvernement intervienne pour lui conférer des lettres de naturalisation. Le décret du 17 mars 1809, qui place, dans les attributions du chef de l'Etat, le pouvoir d'apprécier s'il convient de conférer la nationalité, se réfère au mode général de la naturalisation ordinaire, réglée par la loi du 22 frimaire an VIII. On ne peut donc l'appliquer aux modes spéciaux régis par le Code civil: specialia generalibus derogant.

En vain a-t-on objecté que, dans une discussion au conseil d'Etat, il aurait été déclaré que le gouvernement pourrait repousser la demande de ceux dont la présence lui paraîtrait dangereuse, et en particulier les demandes formées par les enfants d'émigrés. Ce qui est vrai, c'est que l'un des membres avait proposé de dire ceci « le fils du Français qui aura abdiqué sa patrie, pourra être admis par le gouvernement français à faire sa déclaration qu'il veut se fixer en France. » Mais cette rédaction ne passa pas dans le Code civil, à la suite d'une observation de Tronchet, portant que, « le Code civil n'ayant rien de commun avec les lois de circonstance portées contre les émigrés, ce sera dans ces lois, et non dans le Code civil, qu'on cherchera toujours la solution des questions relatives aux enfants des émigrés. >>

Enfin, on ne peut point davantage se prévaloir des termes qu'emploie la loi du 21 mars 1832, d'après laquelle l'individu, né en France d'un étranger, sera soumis au service militaire, « après qu'il aura été admis à jouir du bénéfice de l'article 9 du Code civil. » Cette loi renvoie simplement à un cas spécial régi par le Code civil: mais rien ne démontre qu'elle ait voulu en changer les conditions d'application.

SECTION VI

Descendants de personnes expatriées pour cause de religion. (Article 22, Décret des 9-15 décembre 1790.)

215. Après avoir vu, dans la section précédente, par quelles dispositions générales notre Code facilite la naturalisation aux enfants d'anciens Français, nous en arrivons à une disposition ayant le même objet, mais qui est spéciale; car elle a été rendue dans des circonstances. particulières. Elle est relative aux descendants des religionnaires fugitifs.

216. Une grande faute, qu'à bon droit l'histoire reprochera éternellement à Louis XIV, fut la révocation de l'édit de Nantes. Le grand roi détestait les protestants, parce qu'ils étaient hérétiques, et surtout parce qu'ils aimaient peu le pouvoir absolu du souverain. Après le traité de Nimègue, le roi eut de vifs démêlés avec le Saint-Siège au sujet de la régale. Le clergé français se prononça énergiquement pour le roi. Voulant à la fois récompenser le service que l'Eglise française venait de lui rendre, et se débarrasser de gens qui, sans causer pourtant aucun trouble dans l'Etat, ne voyaient pas d'un bon œil sa politique, Louis XIV prit contre les protestants les mesures les plus vexatoires. Un édit de 1685 fit table rase des garanties accordées. par l'édit de Nantes, et enjoignit aux religionnaires de cesser tout exercice, soit public, soit privé, de leur

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