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PREMIÈRE ÉTUDE

PREMIÈRE ÉTUDE.

DE LA NATURALISATION

ENVISAGÉE COMME FAISANT ACQUÉRIR
LA QUALITÉ DE FRANÇAIS

AVEC

UN APPENDICE SUR L'ACQUISITION DE LA QUALITÉ DE FRANÇAIS PAR LA NAISSANCE OU L'ORIGINE

PRÉLIMINAIRES ET GÉNÉRALITÉS

1. La naturalisation est assurément l'un des sujets qui offrent le champ le plus vaste aux investigations du jurisconsulte, aux réflexions du philosophe, et aux recherches des praticiens.

Les événements politiques et les changements constitutionnels ont laissé leur puissante empreinte dans les nombreuses dispositions législatives qui ont successivement réglementé cette matière.

2. Nous définirons d'abord la naturalisation (en prenant cette expression dans son sens le plus large) de la manière suivante la naturalisation est un acte de la puissance publique, (dans certains cas un bienfait de la loi), par suite duquel un étranger perd sa nationalité d'origine et devient citoyen d'un nouvel Etat où il est admis à jouir désormais de tous les droits civils accordés aux regnicoles.

Cette réception d'une personne étrangère dans la

communauté et la dépendance politique et sociale d'un certain Etat, est un acte essentiellement de droit public et de souveraineté gouvernementale.

C'est un acte juridique dont la validité ne peut être appréciée que par les autorités de la nouvelle patrie, qui seule a le droit de fixer et de déterminer les conditions sous lesquelles elle entend concéder sa nationalité.

Toute ingérence, en pareille matière, d'un gouvernement étranger constituerait une atteinte au principe de la souveraineté interne et de l'autonomie des Etats.

3. Mais, d'un autre côté, si celui-là seul qui l'accorde peut connaître des effets de la naturalisation et admettre dans son sein qui bon lui semble, nul n'est tenu de demeurer attaché à la nation à laquelle il appartenait tout d'abord. Les nations, en effet, sont des collections ou des agrégations d'individus que la communauté des races, la similitude des intérêts ou la conquête ont réunis et groupés sous un même gouvernement. Or, il peut se faire qu'un jour tel individu, par suite de circonstances dont la nature variera à l'infini, veuille renoncer à sa patrie d'origine pour en adopter une autre rien, en bonne justice, ne doit s'y opposer: car il s'agit ici d'une initiative indépendante de la liberté humaine. Ce principe semble (nous le disons dès à présent) avoir été parfaitement compris par la loi française car elle ne soumet, au point de vue du droit international, à la nécessité d'aucune autorisation préalable, le Français qui veut quitter son pays : «< Attendu, dit un arrêt de la Cour de Colmar, que, pous>> sant jusqu'aux limites extrêmes le respect absolu du » libre arbitre, la législation de la France n'impose aucun >> lien forcé aux nationaux qui seraient tentés d'abdiquer » la mère patrie (1);... attendu que la naturalisation étant

(1) Colmar, 19 mai 1868, Sir. Dev. 1868-2-245 à 248 avec les annotations et les renvois. Comparez toutefois le décret impérial du 6 avril 1809, rendu, d'ailleurs, au milieu de circonstances exceptionnelles. Nous nous en occuperons, avec détails, ultérieurement dans la suite du présent ouvrage.

» un des attributs de la souveraineté nationale, on ne >> saurait contester au canton de Bâle le droit de natura»liser.... » Telle est la doctrine généralement admise aujourd'hui tout le monde est d'accord pour reconnaître ce caractère à la naturalisation, et dernièrement la Cour d'appel de Paris lui donnait encore la consécration solennelle de sa haute autorité (1).

4. Mais, si l'on est d'accord sur le principe, l'uniformité est loin d'être atteinte au point de vue de son application. Les formes de la naturalisation sont différentes, en effet, suivant les pays. Chaque législation règle à sa guise et suivant ses aspirations le mode d'intervention de l'autorité publique.

Nous consacrerons d'ailleurs plus loin une étude spéciale à l'examen détaillé de la législation comparée en matière de naturalisation. (Comp. infrà notre quatrième étude.)

5. Il est à peine besoin de dire que la naturalisation est seulement applicable aux personnes aptes à avoir une nationalité. De là, il suit qu'elle est restreinte aux personnes physiques ou naturelles, et qu'elle ne peut point concerner ces êtres fictifs et abstraits que l'on appelle personnes morales ou civiles, comme, par exemple, les établissements publics. « Est-ce que la personne civile. » a une nationalité, dit M. Laurent (2), et peut-elle » l'abdiquer en se faisant naturaliser ailleurs?..... Les » êtres fictifs ont-ils une patrie, une nationalité? Et, par » suite, les mille et une circonstances physiques, intel» lectuelles, morales, qui constituent la nation, exercent>> elles une influence sur les personnes fictives comme » sur les personnes véritables? La question même n'a » pas de sens. >>>

(1) Paris, 17 juillet 1876 (Dev. 1876-2-249 à 260). Comparez notre Etude sur la naturalisation en pays étranger des femmes séparées de corps en France et sur l'incompétence des tribunaux en cette matière, page 102.

(2) Principes de droit civil, t. I, no 307.

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