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l'empire de la loi sarde, les églises et leurs dépendances étaient la propriété des fabriques et non des communes; qu'il doit en être ainsi de la propriété de l'église de Sonnaz et de la place qui en forme une dépendance, du moment qu'elle a été construite en 1842, et qu'appartenant alors à la fabrique, il n'est point justifié que cette dernière ait été dépouillée du droit de propriété qui lui appartenait;

» Attendu que, pour se soustraire aux conséquences de cet état de choses, la commune de Sonnaz soutient que le sol, qui a servi à l'emplacement de l'église et de la place, n'a pas été donné à la fabrique par le comte de Sonnaz, mais à la commune; que cette place n'est nullement nécessaire aux besoins du culte, et que, donnant accès non seulement à l'église mais à la mairie et aux écoles, on ne peut la considérer comme une dépendance absolue et nécessaire de l'église; qu'enfin et dans tous les cas, par suite de l'annexion de la Savoie à la France et de l'application des lois françaises sur les fabriques, la propriété dont il s'agit, si elle avait existé en faveur des fabriques, aurait été transmise, de plein droit, aux communes, qui, en France, sont propriétaires exclusives des églises et de leurs dépendances;

» Attendu qu'il résulte, à la vérité, des pièces produites que c'est à la commune de Sonnaz que les 108 toises de terrain (ancienne mesure), reconnues nécessaires pour la construction de l'église, ont été abandonnées gratuitement par le comte de Sonnaz en 1841; mais qu'il en résulte également que cet abandon n'a été demandé et obtenu que dans le but précis et déterminé de le faire. servir à la construction de l'église; que c'est donc à la paroisse en réalité et non à la commune que cet abandon a été consenti, et que d'ailleurs l'église et ses dépendances devant appartenir alors, de droit, à la fabrique, la circonstance que le terrain a été cédé à la commune ne suffirait pas pour modifier et transformer un droit de

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propriété consacré par les lois en vigueur; que d'ailleurs c'est bien au nom de l'église et de ses dépendances que les 108 toises abandonnées en 1841, correspondant à 7 ares 85 centiares, ainsi que la commune elle-même le reconnaît dans sa délibération du 16 mai 1879, ont été inscrites au cadastre nouveau sous les nos 717 et 718; Qu'il importe peu, d'un autre côté, que la place, dont il s'agit, ne serve plus aujourd'hui exclusivement d'accès à l'église paroissiale, et serve également d'accès à la mairie et aux écoles, construites depuis 1860 sur un emplacement dû également à la générosité de la famille de Sonnaz, car cette circonstance ne peut porter atteinte à un droit acquis de propriété; que, dans la donation faite en 1841 par le comte de Sonnaz, aucune distinction n'a été faite entre l'espace qui serait occupé par la construction même de l'église et celui qu'elle n'occuperait pas; qu'il suffit de lire la lettre du comte de Sonnaz en date du 18 mai 1841 et la délibération du conseil communal en date du 22 même mois, pour se convaincre que, soit dans la pensée du donateur, soit dans celle des conseillers de la commune, la place audevant de l'église, comme celle qui serait laissée libre autour de l'édifice, devait former une dépendance accessoire de l'église elle-même; que, si cette place, par suite de constructions nouvelles, sert aujourd'hui au public pour d'autres usages que celui auquel elle était destinée, ce dont la fabrique ne se plaint pas, cette circonstance ne pourrait modifier un droit de propriété préexistant;

» Attendu enfin que l'annexion de la Savoie à la France a trouvé les fabriques propriétaires des églises et de leurs dépendances; que rien n'établit qu'elles aient été dépouillées alors d'un droit de propriété incontestable, le fait de l'annexion n'ayant point pu porter atteinte à des droits légitimement acquis; qu'aucune disposition législative n'est d'ailleurs intervenue alors, en ce qui concerne les fabriques, et qu'on doit en conclure que, si pour

l'avenir les lois françaises sur cette matière doivent seules servir de règle, les droits acquis ont dû rester à l'abri de ces dispositions; qu'il doit d'autant plus en être ainsi, que, si en France les fabriques et leurs dépendances sont généralement considérées comme appartenant aux communes, c'est non en vertu d'un texte de loi précis, mais en vertu d'une jurisprudence constante du conseil d'Etat, jurisprudence basée sur ce que les églises avaient été attribuées aux communes avant le concordat, circonstance qui ne peut être invoquée en ce qui concerne les fabriques sous la loi sarde;

» Attendu, cela posé, que, le droit de propriété de la fabrique au sol de la place de l'église étant constant, il en résulte qu'elle doit être présumée propriétaire des platanes, qui y ont été plantés; que cette présomption, consacrée par l'article 550 du Code civil, se trouve corroborée par les faits de jouissance articulés, et dont la preuve résulte déjà suffisamment du fait même qui a donné lieu à l'action pétitoire de la commune de Sonnaz, et de la délibération de la fabrique des 4 mai 1862 et 12 avril 1863; que les faits articulés par la commune de Sonnaz l'ont été moins pour établir qu'elle avait planté elle-même les platanes en question et faire la preuve exigée par le susdit article 553, qu'à l'appui de ces conclusions principales sur le chef de la propriété; qu'il est le cas, dès lors, tout en la déboutant desdites conclusions, de lui réserver tous droits, pour le cas où, insistant à soutenir que c'est elle qui a fait planter les platanes, elle voudrait se prévaloir de l'article 555, qui règle les droits, que peut avoir le tiers qui a fait des plantations sur le terrain d'autrui; - Par ces motifs : Sans s'arrêter aux exceptions de la commune de Sonnaz ni aux faits qu'elle a articulés, sauf à elle à se prévaloir des dispositions de l'article 555 du Code civil, en ce qui concerne les plantations dont l'élagage a motivé le procèsverbal du 2 octobre 1878, qui a donné lieu à la présente instance, la déboute de toutes ses conclusions et la condamne aux dépens. »

1046. Dans notre seconde Etude, pages 375 à 381, nous avons dú, (voyez notamment le n° 460, pag. 377), indiquer les faits principaux susceptibles d'être pris en considération, comme indiquant l'existence ou l'absence de l'esprit de retour, suivant les termes de l'article 17, alinéa 3 du Code civil.

Le tribunal civil de Lille a rencontré cette difficulté dans un jugement du 14 février 1873 (affaire Blieck contre M. le Préfet du Nord). Il a accepté entièrement les principes posés suprà, no 460, page 377.

Voici, du reste, les termes de la décision citée : «Attendu que Charles-Louis Blieck, aïeul du demandeur, étant né à Wervicq-Sud, (France), le 25 novembre 1770, était Français, aux termes des lois alors en vigueur; que si, en 1772, il est allé habiter WervicqNord, (Belgique), il n'est pas établi qu'il ait quitté la France sans esprit de retour; qu'une semblable intention, en l'absence d'une manifestation formelle, ne saurait résulter du fait, par l'intéressé, d'avoir simplement franchi la frontière pour aller se fixer à quelques pas de son domicile, et dans une autre partie, pour ainsi dire, de la même commune; Qu'il s'ensuit que Pierre-Joseph Blieck, fils du précédent et père du demandeur, né le 22 octobre 1803, d'un Français à Wervicq-Nord, est Français; Qu'il est indifférent que ladite commune de Wervicq - Nord fût à cette époque momentanément réunie au territoire français, et que depuis elle en ait été détachée par les traités de 1815; que si, en effet, aux termes des lois intervenues à l'occasion de ces traités, l'enfant né ainsi, dans un pays réuni à la France, d'un père devenu Français par l'effet de cette réunion, a perdu, comme son père, la qualité de Français par la séparation ultérieure des deux pays, il n'en est pas de même de l'enfant né d'un père français d'origine, et qui était établi dans le pays étranger antérieurement à la réunion; que le père ayant alors la qualité de Français par suite de sa

naissance antérieure sur le sol de la France, et nullement comme conséquence de l'acte politique, en vertu duquel s'est effectuée la réunion des deux pays, la séparation des territoires qui remet la chose en l'état au moment de la réunion, ne saurait avoir pour résultat de faire perdre ladite qualité de Français, soit au père, soit à l'enfant; qu'il est inadmissible que, par le fait de la réunion momentanée à la France du pays dans lequel il est allé se fixer, le Français se trouve privé de sa nationalité, alors qu'il l'aurait certainement conservée au cas où le pays n'aurait jamais cessé d'être étranger;

» Attendu, d'un autre côté, que les dispositions de la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1815, invoquées par le demandeur, n'ont pas pu faire perdre à un Français la nationalité que lui reconnaissait la loi française;

» Attendu enfin qu'il importe peu que Pierre-Joseph Blieck ait, pour la levée de 1822, satisfait à la loi sur la milice nationale en Belgique, et que le numéro 28, qui du reste l'a exempté de tout service, lui soit échu; qu'à ce moment, il était encore mineur, et qu'en conséquence sa participation à cet acte n'a pu avoir pour effet de lui faire perdre sa nationalité;

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» Attendu qu'il résulte de ce qui précède que PierreJoseph Blieck n'a jamais, pas plus que son père CharlesLouis Blieck, cessé d'être Français; qu'en conséquence le demandeur, fils et petit-fils des précédents, né à WervicqSud, (France), le 20 mars 1833, a également la qualité de Français, qualité qu'il s'est d'ailleurs reconnue luimême en servant pendant sept ans dans l'armée française ; le tribunal, en déclarant que ledit demandeur est Français, le déboute de ses fins et conclusions et le condamne aux dépens. » Voyez, dans le même sens, Douai, 25 mars 1863, (Jurisprudence spéciale de la Cour, 1863, t. xxi, pag. 113 à 117, avec les notes et références; Colmar, 19 mai 1867 (D. P.

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