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personnelle. Vous connaissez les circonstances qui nous ont amenés à prendre, d'accord avec l'Angleterre, l'initiative des mesures devenues indispensables pour rendre. à l'Egypte le bienfait d'une administration régulière. Pour les Anglais, ce pays est la route de l'Inde, c'està-dire qu'un besoin impérieux leur commande d'y veiller à la sécurité de leurs communications. Pour nous, l'Egypte est une terre arrosée autrefois de notre sang, fécondée aujourd'hui par nos capitaux, riche en produits qui alimentent notre trafic dans la Méditerranée; elle constitue un débouché nécessaire pour notre activité industrielle et commerciale, et elle se rattache à la France par tout un ensemble de traditions que nous se saurions laisser péricliter, sans qu'une des sources de notre grandeur nationale fût atteinte. Nous avons jugé que ces intérêts considérables, mais non exclusifs, n'étaient point incompatibles avec ceux dont l'Angleterre a la garde; nous avons pensé qu'en associant nos efforts aux siens, nous parviendrions plus sûrement au but qu'il importe à tous d'atteindre, c'est-à-dire à l'organisation d'ua régime administratif et gouvernemental pouvant garantir l'indépendance de l'Egypte contre tous les risques, soit d'un désarroi à l'intérieur, soit d'une intervention du dehors qui ne manquerait pas d'en être la conséquence.

» Notre premier soin, dans cet ordre d'idées, devait être de pourvoir à la reconstitution des finances du pays, profondément compromises par l'administration d'IsmailPacha. Les deux puissances se sont entendues pour mettre, à cet effet, à la disposition du nouveau khédive, des fonctionnaires spéciaux, chargés d'assister, avec le titre de contrôleurs généraux, les ministres indigènes. Puis, les ressources de l'Egypte étant notoirement insuffisantes pour faire face à la fois aux services du gouvernement et aux charges accumulées de la dette extérieure, elles ont conseillé au khédive d'instituer une commission spéciale de liquidation, qui serait armée, avec l'auto

risation des puissances intéressées, de pouvoirs suffisants pour arrêter législativement, à l'égard des tribunaux mixtes, les conditions d'un arrangement financier du vice-roi avec les différentes catégories de ses créanciers. La France et l'Angleterre, représentant ensemble la masse la plus considérable des créances, devaient désigner chacune deux membres de cette commission; l'Italie, l'Autriche et l'Allemagne seraient conviées à en nommer chacune un. Mais, en même temps, les cinq puissances s'engageraient d'avance, par une déclaration formelle, à reconnaître force de loi aux décisions de la commission, et à solliciter l'adhésion, dans les mêmes termes, des autres gouvernements ayant concouru à l'établissement. des tribunaux mixtes.

» Les bases de ce projet témoignaient manifestement de notre désir d'attribuer, dans la liquidation proposée, une part légitime à l'action des autres gouvernements. Si les cabinets de Paris et de Londres réservaient, au sein de la commission, la majorité des voix à leurs représentants, l'importance des intérêts financiers de leurs nationaux, aujourd'hui en souffrance. ne justifiait que trop cette proportionnalité. Cependant avant que la rédaction de la déclaration collective et du projet de décret instituant la commission ne fût approuvée par les cinq gouvernements appelés à participer à cette transaction, des pourparlers prolongés ont été nécessaires. Les cours de Rome, de Vienne et de Berlin ont enfin reconnu que le mode de procéder, suggéré par l'Angleterre et par nous, était à la fois le plus équitable et le plus pratique. L'entente que nous avons réussi à obtenir sur ce terrain a été scellée, le 31 mars dernier, par la signature, au Caire, des actes dont les termes avaient été concertés entre les cinq puissances.

» Trop d'intérêts, trop de susceptibilités diverses sont encore en jeu dans les affaires d'Egypte, pour que nous puissions nous flatter que ce succès, d'ailleurs.

notable, de nos efforts, doive être considéré comme mettant fin aux tiraillements qui accompagnent inévitablement l'œuvre laborieuse d'une liquidation générale. D'un autre côté, ce serait se méprendre beaucoup sur le caractère de notre politique dans ce pays, que d'en chercher le mobile principal dans le désir d'apurer la situation des porteurs de bons de la dette égyptienne. La liquidation des embarras financiers de l'Egypte nous paraît le préliminaire indispensable d'une réorganisation administrative sérieuse, et c'est à ce titre surtout que nous y attachons tant d'importance. Aussi, sans nous dissimuler que notre tâche est encore incomplète, nous nous félicitons des résultats acquis, et nous y puisons confiance pour tendre vers le but que nous nous sommes assigné.

» Je ne saurais terminer cette revue sans mentionner ici deux incidents de nature fort diverse, qui touchent, par certains côtés, à notre politique internationale.

» Le premier, qui a fait quelque bruit dans la presse européenne, est l'arrestation en France d'un réfugié russe, désigné sous le nom de Hartmann et soupçonné d'être l'auteur de l'attentat de Moscou du 1er décembre.

» Le gouvernement russe nous avait demandé l'extradition du prévenu. Bien qu'aucun traité ne nous lie sur ce point et que nous fussions libres dès lors de de ne pas accueillir une semblable requête, requête, nous l'avons examinée, néanmoins, avec le sincère désir d'y donner la suite régulière qu'elle pouvait comporter. Vous connaissez déjà, par les indications que j'ai eu soin de vous transmettre, la marche de l'instruction judiciaire qui fut ouverte et les conclusions négatives auxquelles ont abouti les magistrats chargés de la suivre. On semble avoir éprouvé, tout d'abord, en Russie, un vif désappointement de la mise en liberté d'un homme que nos lois nous interdisaient de retenir, du moment où les preuves fournies contre lui n'étaient

pas reconnues suffisantes. Un échange d'explications à ce sujet a dû avoir lieu entre les deux gouvernements, dans des termes empreints, d'ailleurs, d'une courtoisie réciproque. L'ambassadeur de l'empereur à Paris, appelé pour donner de vive voix à sa cour des éclaircissements jugés nécessaires, a apporté, nous n'en doutons pas, à Saint-Pétersbourg, des éléments d'information propres à dissiper ce regrettable malentendu. Nous avons fait, de notre côté, ce qui dépendait de nous pour édifier la chancellerie impériale sur les motifs d'ordre exclusivement légal par lesquels nous avons été guidés dans la circonstance, et nous sommes en droit d'espérer que nos efforts pour dégager cette affaire de toute considération étrangère au débat ont déjà ramené à une calme et impartiale appréciation des faits l'opinion d'un grand pays dont l'amitié nous est précieuse.

» Le second incident auquel j'ai fait allusion est la promulgation des décrets du 29 mars qui visent la règlementation d'un certain nombre de congrégations religieuses et la dissolution de l'une d'entre elles. Quelques personnes ont supposé que ces décrets pourraient avoir, pour conséquence, l'abandon de notre politique séculaire en Orient et dans l'extrême Orient, et que nous cesserions désormais de protéger les missionnaires qui contribuent à étendre notre influence et à faire connaître au loin le nom français. C'est là une erreur complète. Les motifs qui ont dicté les décrets du 29 mars sont exclusivement d'ordre intérieur. Il s'agit de ramener à l'observation des lois des associations qui s'en étaient, depuis longtemps, écartées et qui ont appelé sur elles l'attention des pouvoirs publics. Mais notre sollicitude pour les intérêts religieux et notre respect pour les droits individuels n'en sont nullement affaiblis. Les mesures prises n'affectent donc, en rien, les conditions de notre protection à l'égard des missionnaires à l'étranger.

» J'ai cru opportun, monsieur, d'entrer avec vous

dans ces détails, afin de vous éclairer, aussi complètement que possible, sur la marche que j'ai adoptée depuis le jour où la direction de nos relations extérieures m'a été confiée. Les affaires sur lesquelles je me suis étendu n'appartiennent pas toutes, il est vrai, à la catégorie de celles que vous êtes chargé de traiter directement; mais il ne me paraît pas moins utile que vous soyez exactement instruit de l'esprit dans lequel elles ont été suivies. Je désire, en effet, que les agents appelés à représenter la République auprès des nations étrangères, soient tous étroitement associés à la pensée du gouvernement, qu'ils ont mission de faire connaître et respecter au dehors. Je compte donc sur votre dévouement à la France pour apporter, dans cette tâche, tout le zèle nécessaire. De mon côté, je regarde comme un devoir de confiance vis-à-vis de vous, de bien mettre en lumière les lignes essentielles de la politique dont vous devez retracer dans vos entretiens l'orientation générale. De la sorte, l'accord entre nous sera plus constant et mieux assuré.

Agréez, etc. » C. DE FREYCINET. (Voir le journal le Temps du mercredi 21 avril 1880).

1052. Les difficultés, relatives à l'exécution en pays étranger des jugements français, se présentent souvent, dans nos départements du Nord de la France, vis-à-vis de la Belgique elles sont soulevées soit en ce qui concerne des Français résidant en Belgique, soit en ce qui touche des Français naturalisés Belges, soit au point de vue des intérêts des Belges eux-mêmes ou des autres étrangers qui ont obtenu des jugements en France.

Il est, dès lors, utile de connaître le texte de l'article 10 de la loi Belge du 25 mars 1876 : Article 10: « Les tribunaux de première instance connaissent des décisions rendues par les juges étrangers en matière civile S'il existe, entre la Belgique

et en matière commerciale.

et le pays où la décision a été rendue, un traité conclu sur la base de la réciprocité, leur examen ne portera que sur

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