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tifs à la propriété particulière devant l'autorité administrative, ou devant les tribunaux, selon qu'il s'agit d'actes de pure administration on de questions de propriété. »

Lors de la discussion de l'article 117 à la chambre des députés (1) un membre, M. Duhamel, demanda qu'on remplaçât dans le § 1er de l'article le mot agréer par celui reconnaitre (2). Cette proposition soutenue par M. Sébastiani, mais combattue par M. de Martignac et par M. le ministre des finances, fut écartée sur une observation de M. Favard de Langlade. Le savant rapporteur fit remarquer que si l'on substituait le mot reconnaître au mot agréer, ce ne serait qu'une salutation que le garde aurait à faire (3). Après une discussion assez vive, les partisans du système de la simple reconnaissance par voie de

(1) Séance du 30 mars 1827.

(2) M. Duhamel justifiait ainsi son amendement : « faire agréer un garde par un agent forestier, c'est soumettre la pomination de ce garde, qui est un homme à gages, à la volonté, et même à la fantaisie de l'agent forestier. Le propriétaire qui a besoin d'un garde est intéressé à le bien choisir; et il me serait pénible de penser que nous pourrions avoir chez nous une suprématie au-dessus de notre propre volonté. Je crois aussi qu'il faudrait supprimer les mots en cas de refus, etc. Ce refus serait de la plus grande inconvenance; et j'espère que vous ne laisserez pas passer cela dans la loi.

(5) Voici comment s'est exprimé M. Favard de Langlade répondant à M. Sébastiani : L'honorable préopinant, dit-il, a présenté l'article en discussion comme portant atteinte à la propriété. Je soutiens, au contraire, que cet article la protège, parce qu'il tend à donner aux gardes le caractère dont ils ont besoin pour protéger les bois des particuliers. Si l'on se bornait à dire que le garde sera reconnu par l'administration forestière, ce ne serait qu'une salutation que le garde aurait à faire à l'agent forestier. Cela certainement ne suffit pas. Il faut que l'administration forestière, qui est chargée de surveiller les gardes, et qui leur imprime un caractère public, soit assurée de leur moralité, qui est très-importante dans les fonctions qu'ils ont à remplir, non-seulement dans l'intérêt des particuliers, mais aussi dans l'intérêt public; car ces gardes exercent des fonctions de police judiciaire, et ils peuvent être appelés dans les occasions les plus importantes. Comment dès lors serait-il possible qu'un particulier eût le droit de conférer un caractère pareil au premier venu? Je vous prie de remarquer que ce que nous vous demandons pour les gardes forestiers est ce qui se fait journellement pour les gardes champêtres. Un garde champêtre ne peut être nommé que par le conseil municipal. Le garde champêtre nommé par un particulier ne peut exercer ses fonctions qu'autant qu'il est agréé par le maire de la commune. Et vous voulez qu'un garde forestier soit dans le cas d'exercer des fonctions plus importantes, sans l'assentiment de l'administration forestière! Il n'y a pas, dans tout ceci, d'intérêt personnel pour cette administration. Il ne s'agit pas pour elle d'administrer les forêts des particuliers; il s'agit seulement de faire que les particuliers ne choisissent que des personnes dignes de la confiance publique pour les fonctions publiques que la loi leur donne. L'amendement proposé est contraire à la législation exisante; je crois que la chambre doit le rejeter.

salutation abandonnèrent ce système, et reconnurent que l'intervention de l'autorité publique devait être sérieuse; seulement M. Sébastiani, qui se fit l'organe de cette nouvelle opinion, demanda que l'on substituât le sous-préfet de l'arrondissement à l'agent forestier local; cet amendement passa dans la loi, et l'article fut adopté avec cette modification.

Les gardes particuliers doivent donc être agréés par le sous-préfet; cette acceptation et la prestation du serment sont les seules obligations imposées pour la validité de leurs procès-verbaux, si d'ailleurs ils ont l'âge compétent. C'est à tort que M. Baudrillart indique, dans son commentaire sur l'article 117, en se fondant sur un arrêt de cassation du 21 août 1823, que les gardes particuliers doivent, en outre, avoir été agréés par le conseil municipal. Cette décision est fondée sur une erreur que la cour de cassation a depuis reconnue ellemême. Aux termes de l'article 4 de la loi du 20 messidor an 111, les gardes champêtres particuliers devaient être agréés par le conseil général de la commune, et confirmés par le district; plus tard et suivant l'article 40 du Code du 3 brumaire an IV, il a suffi qu'ils fussent agréés par l'administration municipale. Or, d'après l'article 9 de la loi du 28 pluviôse an VIII, les sous-préfets ont été appelés à remplir les fonctions exercées par les administrations municipales; il suffit donc aujourd'hui que les gardes particuliers soient agréés par le souspréfet (1). Les actes de nomination des gardes particuliers ne sont assujettis à aucune forme spéciale (2).

(1) Voy. en ce sens un arrêt de cassation du 8 avril 1826 (S. V., Coll. nouv. à sa date), et un arrêt de Bourges du 31 juillet 1829 (Pal., à sa date). M. Mangin (Traité des procès-verbaux, p. 206) dit à l'appui de cette opinion « On conçoit que si l'autorité publique doit intervenir dans le choix des gardes champêtres des particuliers, c'est uniquement pour les investir du caractère public d'officier de police judiciaire, et que ce droit ne peut appartenir au conseil municipal, puisqu'il n'est point une autorité constituée. » - Il est d'ailleurs à remarquer, ajoutent les auteurs de la collection nouvelle de Sirey (aux notes de laquelle nous empruntons les détails qui précèdent) que l'ord. du 29 nov. 1820 et l'art. 13 de la loi du 18 juillet 1857, relatifs au mode de nomination des gardes champêtres ne s'appliquent qu'aux gardes champêtres des communes.

La cour de Bourges jugeait précédemment, comme la cour de cassation, que les gardes des particuliers, aussi bien que ceux des communes, devaient être agréés par le conseil municipal. (Cass. 21 août 1823, Pal., à sa date; Bourges 16 juin 1825, Pal., à sa date). Cette jurisprudence évidemment vicieuse ne doit plus être suivie.

(2) Ils doivent être écrits sur papier timbré; ils donnent lieu à la perception du droit fixe de 1 fr. (loi du 22 frimaire an x11, art. 11, et 68 § 1or no 51 ). L'agrément donné par le sous-préfet sur la commission ne donne lieu à aucun droit. (1. 15 mai 1818.). Dall. A'ph., t. 8, 763, no 4.

887. Lors de la discussion de l'article 89 à la chambre des députés, un amendement avait été proposé dans le but d'assimiler les gardes des bois qui font partie des apanages, ou des majorats réversibles à l'Etat, à ceux des bois domaniaux. Cet amendement, approuvé par le gouvernement, et appuyé par MM. Sébastiani et Borel de Brétizel, fut combattu par MM. Dudon, Hyde de Neuville et de Berthier, qui le firent rejeter (séance du 27 mars 1827). Les gardes de ces bois sont done entièrement assimilés aux gardes des particuliers.

Il en est de même à l'égard des gardes du domaine privé du roi; car ces gardes n'ayant reçu de la loi aucun caractère spécial ne peuvent être considérés que comme ceux des simples particuliers.

888.- Indépendamment de leur acceptation par l'autorité administrative, les gardes des bois particuliers doivent prêter serment devant le tribunal de première instance de l'arrondissement sur le territoire duquel ils doivent exercer leurs fonctions. Cette prestation de serment confère aux gardes le droit de constater les délits et les contraventions sur toutes les propriétés de leurs commettants situées dans l'étendue de l'arrondissement du tribunal. Il importerait peu que la constatation eût lieu sur le territoire d'une commune autre que celle de la résidence du garde.

Dans le cas où la surveillance des gardes particuliers s'étendrait sur des forêts appartenant au même propriétaire situées sur le territoire de deux arrondissements différents, nous pensons que le garde particulier n'aurait pas besoin de prêter serment devant les deux tribunaux ; mais que, conformément à ce qui est pratiqué à l'égard des gardes des bois soumis au régime forestier, il devrait faire enregistrer l'acte de sa prestation de serment au greffe du tribunal devant lequel ce serment n'aurait pas été prêté (1). Cependant pour plus de régularité on pourrait faire prêter le serment devant les deux tribunaux.

Le serment est prêté sur la réquisition du ministère public. La cour de cassation a décidé plusieurs fois que l'intervention d'un avoué est inutile (2).

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889. Le Code forestier n'a point déterminé, à l'égard des gardes particuliers, comme il l'a fait, par l'article 3, pour les gardes des bois de l'Etat, l'âge auquel ces emplois pourraient être exercés.

M. Curasson pense que, en l'absence de toute disposition spéciale

(1) Sur l'inutilité d'un double serment V. suprà comment. de l'art. 5, n° 24.

(2) Arrêts des 20 sept. 1825 et 15 juillet 1856, cités suprà comment. de l'art. 5, no 21.

dans le Code forestier, il faut s'en tenir à la législation antérieure (1). Cette opinion nous paraît incontestable. La jurisprudence en appliquant aux gardes des bois particuliers, les dispositions de l'article 4 de la loi du 25 messidor an II, et l'article 40 du Code de brumaire an Iv, les a toujours assimilés aux gardes champêtres dont parle la loi du 28 septembre 1791. Il suit de là nécessairement qu'aux termes de l'article 5, section VII, titre 1er de cette loi, les gardes particuliers, comme les gardes champêtres, doivent être âgés de 25 ans, au moins. La loi du 20 septembre 1792, qui a fixé la majorité à 21 ans, ne peut être considérée comme ayant dérogé à la loi de 1791, puisqu'il résulte formellement de la loi du 31 janvier 1793, que l'âge fixé pour la majorité n'est relatif qu'à l'exercice des droits civils, et qu'il n'est nullement dérogé aux lois qui fixent l'âge requis pour exercer des droits ou des fonctions publiques.

Il est bien certain qu'il n'y aurait aucun recours contre l'arrêté d'un préfet qui aurait refusé d'agréer un garde particulier ayant moins de 25 ans. Dans le cas où un garde, qui n'aurait pas atteint cet âge, aurait été agréé par l'autorité, et assermenté devant le tribunal, nous croyons que les procès-verbaux dressés par lui ne feraient pas foi jusqu'à preuve contraire.

890. Ainsi qu'on vient de le voir, les gardes forestiers des particuliers sont entièrement assimilés aux gardes champêtres des communes ou des particuliers. Ils sont, par conséquent, officiers de police judiciaire dans les termes des articles 9 et 16 du Code d'instruction criminelle, et les procès-verbaux qu'ils dressent, en cette qualité, font foi en justice jusqu'à preuve contraire (2).

Cette qualité d'officier de police judiciaire ne confère pas aux gardes particuliers la garantie constitutionnelle dont les gardes des bois domaniaux jouissent, comme agents du gouvernement, en vertu de Farticle 75 de la constitution de frimaire an VIII, et de l'article 39 de l'ordonnance réglementaire du Code forestier. Mais ils jouissent, comme les préposés de l'administration des forêts, du privilége de juridiction reconnu aux officiers de police judiciaire par les articles 479 et 483 du Code d'instruction criminelle (3).

(1) Code forestier, t. 2, p. 255 et 256.

(2) Cass. 19 juillet 1822; 3 août 1853; 25 mai 1855; 9 mars 1838, Dall., 1858, 1re part., p. 254; 5 août 1841, Bull. des ann. forest., art. 152. L'arrêt du 3 août 1835 est rapporté infrà note de la p. 266.

(3) Cass. 16 février 1821, Pal., à sa date; 9 mars 1858, Jour. crim., n°2172. Orléans 20 nov. 1840, Pal., t. 1, 1841, p. 33; Paris 12 sept. 1844, Journal le Droit, no du 13 septembre.

Sous l'empire du Code de brumaire an IV, la cour de cassation avait refusé de considérer les gardes champêtres des particuliers comme des agents de la force publique (1); mais cette qualité leur a été reconnue sous l'empire du Code d'instruction criminelle comme résultant des articles 16 et 20 de ce Code (2). En conséquence, les violences et voies de fait qui seraient exercées contre les gardes particuliers, dans l'exercice de leurs fonctions, seraient considérées comme des actes de rébellion, et pourraient être poursuivics et punies comme tels (3).

Comme conséquence de cette protection spéciale accordée aux gardes champêtres, la loi les punit plus que les autres dans les cas où, spécialement chargés de veiller à la conservation des propriétés rurales, ils commettraient un délit contre elles. En effet, l'article 462 du Code pénal dispose que, dans le cas d'un délit rural commis par un garde champêtre, la peine doit être d'un mois d'emprisonnement au moins, et d'un tiers au plus de la peine la plus forte qui serait appliquée à un autre coupable du même délit (4).

891. Bien que l'article 117 ne parle que des propriétaires, il est évident que le droit de préposer des gardes particuliers à la surveillance des forêts doit appartenir à tous ceux qui ont un droit réel à exercer sur ces forêts, et notamment aux usufruitiers et aux usagers; car ils ont intérêt, autant que le propriétaire, à faire réprimer les délits qui seraient commis dans ces forêts. Nous croyons même que les locataires des chasses auraient le droit de faire agréer et assermenter des gardes pour veiller à la conservation du gibier (5).

Quel que soit le nombre de gardes qu'un particulier puisse entretenir pour la conservation de ses propriétés privées, il ne peut jamais

(1) Arrêts des 21 mars 1807 et 25 août 1808.

(2) Arrêt du 19 juin 1818.

(3) Cass. 20 septembre 1823 et 8 avril 1826.- Les art. 209 et suivants du Code pénal qualifient crimes ou délits, selon les circonstances, toute attaque, tonte résistance avec violence ou voie de fait, tous outrages par paroles tendant à inculper l'honneur ou la délicatesse des fonctionnaires qu'ils désignent, et graduent les peines à prononcer contre les coupables.

(4) Cependant cette aggravation de peine n'est pas applicable au garde d'un bois particulier prévenu d'un délit forestier dans les bois confiés à sa garde, V. infrà p. 266.

(5) Un arrêt de la cour de cassation du 21 janvier 1837 a décidé que les adjudicataires de la chasse, ayant un intérêt direct à faire réprimer les délits, pouvaient poursuivre en leur nom les délits de chasse, Voy, dans le même sens M. Berriat-Saint-Prix, Législation de la chasse, p. 250. Si les adjudicataires ont le droit de poursuivre, en leur nom, ne doit-on pas en conclure qu'ils ont pa

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