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SOMMAIRE.

699. Motifs de la soumission au régime forestier des bois des communes et

des établissements publics.

700. Etat du droit avant le Code.

701. Quels sont les bois des communes et des établissements publics qui

peuvent être soumis au régime forestier ?

702. Quelle est l'autorité administrative qui doit reconnaître si les bois des communes et des établissements publics sont, ou non, susceptibles d'aménagement ou d'une exploitation régulière ?

703. Conséquences de l'opinion qui considère le roi comme étant la seule autorité administrative compétente pour faire, en cas de contestation, la reconnaissance prescrite par le § 1er de l'art. 90.

704. La décision administrative qui place des terrains communaux sous le régime forestier doit être notifiée au maire de la commune à laquelle ces terrains appartiennent.

705. Est-il également indispensable, soit à l'égard des bois communaux précédemment soumis au régime forestier, soit à l'égard de ceux qui en étaient affranchis avant la promulgation du Code, que les formalités prescrites par le § 1er de l'art. 90 aient été accomplies ? - Solutions diverses de la cour de cassation sur cette difficulté.

706. Quid lorsqu'une propriété forestière est litigieuse entre une commune et des particuliers?

707. L'exécution du S 4 de l'art. 90 donne lieu au contentieux administratif.

708. Observation de M. Baudrillart sur le véritable sens de ce dernier §. 709. Ce a été ajouté en vue des prés-bois.

710. Quels sont les terrains communaux qu'on doit considérer comme présbois ?

711. Quid lorsque la conversion est demandée par la commune ?

712. Les tribunaux nepeuvent jamais être juges de la question de savoir si un canton déterminé fait, ou non, partie d'une forêt communale soumise par ordonnance au régime forestier.

713. L'aliénation des bois communaux soumis au régime forestier, en vertu de l'art. 90 du Code, ne peut être autorisée que par des ordonnances royales.

COMMENTAIRE.

699. L'article 1er du Code soumet au régime forestier les bois des communes et des établissements publics. Cette disposition, rappelée par l'article 90, était commandée par la nature de ces propriétés et par la qualité des propriétaires. Lorsqu'une génération d'habitants se trouve en jouissance des bois communaux, elle cherche, en général, à retirer de cette jouissance la plus grande quantité possible

de produits, sans s'inquiéter des conséquences que cette perception exagérée des fruits peut avoir pour l'avenir de la forêt. C'est surtout afin de prévenir ces abus, et d'assurer un produit constant et soutenu aux générations futures, que l'administration forestière a été chargée de diriger la culture et la surveillance des bois des communes et des établissements publics.

Il importait d'ailleurs, à cause de la substitution indéfinie dont sont grevés ces bois, que leur administration fût attribuée, tant aux fonctionnaires de l'ordre administratif, chargés d'exercer la tutelle de l'Etat sur les communes, qu'aux agents spéciaux auxquels est confiée la régie des bois domaniaux. Toutefois, le législateur a dû combiner l'action de ces différents fonctionnaires, de manière à ne pas enlever aux représentants naturels et directs des communes et des établissements publics la juste part qui doit leur revenir dans l'administration de leurs forêts.

700.- Cette intervention des agents forestiers dans l'administration des propriétés boisées, qui appartiennent aux personnes morales, placées sous la tutelle de l'Etat, n'est pas nouvelle. On en trouve le germe dans les règlements forestiers du XVIe siècle, dont les dispositions ont été renouvelées ou modifiées par l'ordonnance de 1669 (1). L'assemblée constituante eut soin de rappeler à l'exécution de ces règlements (2); elle rendit même la loi des 15-29 septembre 1794 qui organisait l'administration forestière sur des bases nouvelles, et la chargeait de diriger l'exploitation des bois communaux. Enfin, un arrêté du gouvernement du 19 ventôse an x prescrivit que les bois des communes seraient soumis au régime des bois nationaux, et que l'administration et la surveillance des forêts de l'Etat, des communes et des établissements publics seraient confiées aux mêmes agents.

701. Sous l'empire de cette législation on décidait que tous les bois, sans exception, étaient soumis au régime forestier (3). Si l'on De consultait que l'article 1er du nouveau Code, la généralité de ses

(1) Titres XXIV et xxv; 1587,1588 et 1597.

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(2) Instruction des 12 et 20 août 1790, chap. IV.

(3) On y comprenait même les arbres épars sur les chemins vicinaux, les promenades et les places publiques, remparts et fossés, cimetières et autres Leux publics appartenant aux communes. Le ministre des finances a été obligé de décider le 5 nov. 1827 (R. F., t, 4, p. 6) que les bois de cette nature n'étaient plus soumis au régime forestier, aux termes de l'art. 90 du nouveau Code.

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termes porterait à penser qu'on doit encore décider de même aujourd'hui; mais le doute se dissipera bientôt à la simple lecture de l'article 90, d'après lequel les seuls bois soumis au régime forestier sont les taillis et les futaies reconnus susceptibles d'aménagement ou d'une exploitation régulière.

Toute incertitude doit d'ailleurs cesser, puisque la loi a remis à l'autorité administrative le soin de prononcer si les terrains boisés qui appartiennent, soit aux communes, soit aux établissements publics, sont, ou non, susceptibles d'aménagement ou d'une exploitation régulière.

702. - La loi n'indique pas aussi nettement l'autorité administrative qui, sur la proposition de l'administration forestière, et d'après l'avis des conseils municipaux ou des administrateurs des établissements publics, doit reconnaître quels sont les bois susceptibles d'aménagement ou d'une exploitation régulière.

M. Dupin pense que ces expressions désignent les préfets. Cette opinion s'appuie vraisemblablement sur celle qui a été exprimée à la chambre des députés par M. Ricard (du Gard) (1); mais rien n'établit que l'interprétation donnée par ce député doive être considérée comme étant autre chose que l'expression de sa pensée individuelle; ni surtout qu'elle ait été adoptée et sanctionnée par l'approbation de la chambre. L'interprétation de M. Ricard serait, en tout cas, contraire à l'opinion manifestée-implicitement par M. de Martignac, et trèsexplicitement par M. le directeur général des forêts, qui, en donnant lecture de l'article correspondant à cette disposition de l'article 90 dans le projet de l'ordonnance réglementaire, a repoussé la compétence des agents secondaires à l'égard de la reconnaissance définitive des terrains communaux susceptibles d'aménagement ou d'une exploitation régulière (2). Il faut remarquer, en effet, que si les préfets sont des agents de l'ordre administratif, ils ne constituent

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(1) Séance du 28 mars 1827.

(2) Voici comment s'est exprimé M. le directeur général: « Aussitôt que le projet de l'art. 90 a été rédigé, on s'est occupé sur-le-champ de la rédaction du projet d'ordonnance pour l'exécution. Voici comment est conçu l'art. relatif à l'exécution de celui dont il est question en ce moment: Lorsqu'il s'élèvera des contestations sur la question de savoir si un bois « est susceptible d'aménagement ou d'exploitation régulière, la vérification « du bois sera faite par les agents forestiers, contradictoirement avec les « administrations des communes; et il sera statué par le gouvernement après « avoir entendu le préfet du département et l'administration des forêts. » - On voit par là, continue M. le directeur général, que les rédacteurs du projet... ont eu pour but de répondre aux plaintes qui ont été portées sur

pas l'autorité administrative en général. Ces derniers mots désignent, le plus ordinairement, et devraient toujours désigner le roi, chef suprême de l'administration et du pouvoir exécutif. C'est done. au roi seul qu'il appartient de déclarer d'une manière définitive et souveraine la reconnaissance des bois communaux susceptibles d'aménagement ou d'exploitation régulière (1). Telle est au surplus l'interprétation que, par sa rédaction définitive, l'ordonnance réglementaire a donnée à cette partie de notre article en disposant (art. 128) qu'en cas de dissidence entre l'administration forestière et les conseils municipaux, il doit être statué par des ordonnances royales rendues sur le rapport du ministre des finances. S'il n'y a pas eu contestation, tout bois communal sera soumis au régime forestier, par cela seul qu'il aura été compris dans l'état général dressé par l'administration forestière en exécution de l'article 128 de l'ordonnance d'exécution (2). Il résulte, en effet, de la discussion sur l'article 90 à la chambre des députés, et des termes de l'article 128 de l'ordonnance réglementaire, que, en l'absence de toute contestation de la part des communes, l'intervention de l'autorité royale n'est pas indispensable; il suffit que le ministre des finances ait approuvé la proposition de l'administration forestière (3).

703.- La conséquence nécessaire et rigoureuse de cette interprétation est que si un terrain communal a été placé sous le régime forestier par un agent inférieur de l'autorité administrative, alors qu'il

l'arbitraire avec lequel des agents secondaires ont voulu quelquefois faire regarder comme susceptibles d'aménagement des terrains qui ne pouvaient être considérés que comme des pâturages ».

(1) Sie, Curasson (Code forestier t. 1er p. 365) qui s'exprime ainsi : « C'est à l'autorité administrative, c'est-à-dire au roi qui en est le chef suprême, qu'il appartient de statuer sans recours, parce que la question de savoir si un bois proprement dit, qui n'a jamais eu d'autre destination, doit, ou non, être aménagé, est purement administrative et ne présente rien de contentieux. Cette dernière partie de la proposition de M. Curasson reproduit la pensée de M. de Martignac (séance du 28 mars 1827). M. le rapporteur pensait que le jugement de la difficulté relative à la reconnaissance des bois susceptibles d'aménagement devait être considérée comme rentrant dans les attributions de la juridiction administrative gracieuse, et Lon dans celles de la juridiction administrative contentieuse.

(2) Voy. à cet égard le commentaire de l'art. 128 de l'ordonnance d'exécution, et notamment une circulaire du 12 juin 1855; il en résulte de la manière la plus positive que les préfets sont, en ce qui concerne l'exécution des art. 90 du Code et 128 de l'ordonnance, de simples organes de transmission, et qu'ils n'ont aucune décision à prendre comme autorité administrative.

(3) Circ. précitée du 12 juin 1833. R. F., t. 4, p. 652.

y avait contestation de la part du conseil municipal de la commune, ou sans que le conseil municipal ait été consulté, la reconnaissance faite par cet agent (préfet ou autre) est contraire à la loi. Or, comme on ne peut soumettre un bois communal au régime forestier qu'en accomplissant scrupuleusement toutes les formalités prescrites par la loi spéciale, il en résulte que l'inobservation de ces formalités doit faire considérer comme non avenu l'acte par lequel le terrain a été reconnu susceptible d'aménagement ou d'exploitation régulière; et qu'on reste alors dans le droit commun. Il suit de là que l'administration forestière, dont l'action ne s'étend que sur les bois soumis au régime forestier, serait sans qualité pour poursuivre la répression des délits et des contraventions qui auraient été commis dans les forêts communales, si ces forêts avaient été soumises à ce régime par des fonctionnaires incompétents (1).

704. - L'administration ne peut également poursuivre les faits de dépaissance dans les bois nouvellement soumis au régime forestier, même avec l'accomplissement des formalités voulues, qu'après avoir donné connaissance aux maires des communes de la décision administrative qui place ces bois sous le régime forestier (2).

705. Cette question de savoir quelle est l'autorité administrative compétente, pour soumettre les bois communaux au régime forestier,

(1) Je n'ignore pas que, dans certaines circonstances, des poursuites ont eu lieu pour des délits commis sur des terrains communaux soumis au régime forestier par des préfets; mais il faut bien remarquer que les délinquants, ainsi poursuivis, n'ont jamais élevé aucune difficulté sur le point actuellement en discussion. Voy. notamment un arrêt de cass. du 25 décembre 1843 (Bull. des ann. forest., art. 255; R. F., t. 7, p. 85). Il ne paraît pas que, dans cette espèce, l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 10 septembre 1838, qui soumettait la forêt de Mirandol au régime forestier, ait été le moins du monde entrevue. Cette observation s'applique également à un arrêt de cassation du 14 mai 1830 par lequel il a été reconnu, suns discussion, que le préfet des Landes avait déclaré maintenir sous le régime forestier les bois de toutes les communes de son département. Remarquez aussi que la cour de cassation est revenue sur la jurisprudence consacrée par ce dernier arrêt. Voy. le n° 705 et la note.

(2) Par deux arrêts inédits des 26 nov. 1839 (aff. Claudel), et 29 nov. 1841 (aff. Lormont), la cour royale de Besançon a décidé que si des terrains communaux sont réunis au sol forestier par une décision administrative, les habitants ne commettent le délit de pâturage qu'autant qu'ils ont conduit leurs bestiaux sur ces terrains après la notification, faite au maire, de cette décision. Les prévenus contre lesquels il aurait été dressé un procès-verbal doivent être renvoyés des poursuites lorsque cette notification n'existe pas.

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