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Chambre des députés le 29 mars 1888 (1). Le texte proposé par la commission fut adopté, sans discussion, le 11 février 1889 et transmis à la Chambre haute le 5 avril suivant (2). Voté également sans discussion par le Sénat, il fut promulgué le 9 juillet 1889.

Art. 1er. Le droit de parcours est aboli. La suppression de ce droit ne donne lieu à indemnité que s'il a été acquis à titre onéreux. Le montant de l'indemnité est réglé par le conseil de préfecture, sauf renvoi aux tribunaux ordinaires en cas de contestation sur le titre (3).

(1) Chambre, doc. 1888, p. 574.

(2) Sénat: doc. 1889, p. 166.

(3) Au moment où l'Annuaire était sous presse, une loi du 22 juin 1890 est venue modifier d'une façon, à notre avis regrettable, les articles 2, 5 et 12 de la loi du 9 juillet 1889. Le nouvel article 2 proroge d'une année, à dater du 22 juin 1890, le délai pendant lequel les conseils municipaux et les ayants droit pourront demander le maintien de la vaine pâture. S'il n'a pas été statué sur la demande de maintien dans l'année de la promulgation de la loi de 1890, la vaine pàture continuera à être exercée jusqu'à ce qu'une décision soit intervenue. Nos Chambres n'ont pas craint de se déjuger à onze mois d'intervalle.

Voici le texte de cette nouvelle loi du 22 juin 1890 (J. Off. du 24 juin):
Article unique.

Les articles 2, 5 et 12 de la loi du 9 juillet 1839 (code rural, titre II, Vaine pâture) sont abrogés et demeurent remplacés par les dispositions suivantes : (C Art. 2. - Le droit de vaine pâture, appartenant à la généralité des habitants et s'appliquant en même temps à la généralité du territoire d'une commune, cessera de plein droit un an après la promulgation de la présente loi. >> Toutefois, dans l'année de cette promulgation, le maintien du droit de vaine pâture, fondé sur une ancienne loi ou coutume, sur un usage immémorial ou sur un titre, pourra être réclamé au profit d'une commune ou d'une section de commune, soit par délibération du conseil municipal, soit par requête d'un ou plusieurs ayants droit adressée au préfet.

>> En cas de réclamation particulière, le conseil municipal sera mis en demeure de donner son avis dans les six mois, à défaut de quoi il sera passé

outre.

» Si la réclamation, de quelque façon qu'elle se soit produite, n'a pas été, dans l'année de la promulgation, l'objet d'une décision, conformément aux dispositions du paragraphe 1er de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1889, la vaine pature continuera à être exercée jusqu'à ce que cette décision soit intervenue. « Art. 5. Dans aucun cas et dans aucun temps, la vaine pâture ne peut s'exercer sur les prairies artificielles.

» Le rétablissement de la vaine pâture sur les prairies naturelles, supprimée de plein droit par la loi du 9 juillet 1889, pourra être réclamé dans les conditions où elle s'exerçait antérieurement à cette loi, et en se conformant aux dispositions édictées par les articles précédents.

» Elle ne peut avoir lieu sur aucune terre ensemencée ou couverte d'une production quelconque faisant l'objet d'une récolte, tant que la récolte n'est pas enlevée.

>> Art. 12. Néanmoins, la vaine pàture fondée sur un titre et établi sur un héritage déterminé, soit au profit d'un ou de plusieurs particuliers, soit au profit de la généralité des habitants d'une commune, est maintenue et continuera à s'exercer conformément aux droits acquis. Mais le propriétaire de

Art. 2. Est également aboli le droit de vaine pâture s'il appartient à la généralité des habitants et s'applique en même temps à la généralité du territoire d'une commune ou d'une section de

commune.

Toutefois dans l'année de la promulgation de la présente loi, le maintien du droit de vaine pâture, fondé sur une ancienne loi ou coutume, sur un usage immémorial ou sur un titre, pourra être réclamé au profit d'une commune ou d'une section de commune, soit par délibération du conseil municipal, soit par requête d'un ou plusieurs ayants droit adressée au préfet.

En cas de réclamation particulière le conseil municipal sera mis en demeure de donner son avis dans les six mois; à défaut de quoi il sera passé outre.

Art. 3. La demande de maintien, qu'elle émane d'un conseil municipal ou qu'elle émane d'un ou plusieurs ayants droit, sera soumise au conseil général, dont la délibération sera définitive si elle est conforme à la délibération du conseil municipal. S'il y a divergence, la question sera tranchée par décret rendu en conseil d'État.

Si le droit de vaine pâture a été maintenu, le conseil municipal pourra seul ultérieurement, après enquête de commodo et incommodo, en proposer la suppression, sur laquelle il sera statué dans les formes ci-dessus indiquées.

Art. 4. La vaine pâture s'exercera soit par troupeau séparé, soit au moyen du troupeau en commun, conformément aux usages locaux, sans qu'il puisse être dérogé aux dispositions des articles 647 et 648 du code civil et aux règles expressément établies par la présente loi (1).

Art. 5. Dans aucun cas et dans aucun temps, la vaine pâture ne peut s'exercer sur les prairies naturelles (2) ou artificielles.

Elle ne peut avoir lieu sur aucune terre ensemencée ou couverte

T'héritage grevé pourra toujours s'affranchir, soit moyennant une indemnité fixée à dire d'experts, soit par voie de cantonnement. »

(1) Art. 647. C. c. « Tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l'exception portée en l'article 682 (Droit de passage au profit des fonds enclavés). » Art. 648. C. c. « Le propriétaire qui veut se clore perd son droit au parcours et vaine pâture en proportion du terrain qu'il y soustrait. »>

(2) Cette disposition introduite dans la loi de 1889 est absolument conforme aux principes du droit de propriété tel qu'il est établi par notre code civil. Pratiquement elle contribuera à l'amélioration des prairies, surtout des prairies marécageuses ou humides pour lesquelles le passage perpétuel des bestiaux était la cause d'un véritable désastre. La loi du 22 juin 1890 rétablit la vaine pâture sur les prairies naturelles dans les conditions où elle s'exerçait avant la loi de 1889. C'est là, croyons-nous, la plus fàcheuse des modifications introduites dans le nouveau texte.

d'une production quelconque faisant l'objet d'une récolte tant que la récolte n'est pas enlevée.

Art. 6. Le droit de vaine pâture établi comme il est dit en l'article 2 ne fait jamais obstacle à la faculté que conserve tout propriétaire soit d'user d'un nouveau mode d'assolement ou de culture (1), soit de se clore (2).

Est réputé clos tout terrain entouré soit par une haie vive, soit par un mur, une palissade, un treillage, une haie sèche d'une hauteur d'un mètre au moins, soit par un fossé d'un mètre vingt centimètres à l'ouverture et de cinquante centimètres de profondeur, soit par des traverses en bois ou des fils métalliques distants entre eux de trente-trois centimètres au plus et s'élevant à un mètre de hauteur, soit par toute autre clôture continue et équivalente faisant obstacle à l'introduction des animaux (3).

Art. 7. L'usage du troupeau en commun n'est pas obliga

toire.

-

Tout ayant droit peut renoncer à cette communauté et faire garder par troupeau séparé le nombre de têtes de bétail qui lui est attribué par la répartition générale.

Art. 8. La quantité de bétail proportionnée à l'étendue du terrain de chacun est fixée dans chaque commune ou section de commune entre tous les propriétaires ou fermiers exploitants, domiciliés ou non domiciliés, à tant de têtes par hectare, d'après les règlements et usages locaux. En cas de difficulté, il y est pourvu par délibération du conseil municipal soumise à l'approbation du préfet. Art. 9. Tout chef de famille domicilié dans la commune, alors même qu'il n'est ni propriétaire ni fermier d'une parcelle quelconque des terrains soumis à la vaine pâture, peut mettre sur lesdits terrains, soit par troupeau séparé, soit dans le troupeau commun six bêtes à laine et une vache et son veau, sans préjudice des droits plus étendus qui lui seraient accordés par l'usage local ou le titre (4).

(1) Cette excellente réforme, à laquelle le législateur de 1791 ne pouvait songer, permet les cultures intensives, sans jachères. Dans certains pays ce sera l'abolition de fait, sinon de droit, de la vaine pâture.

(2) La liberté de se clore reconnue par la loi de 1791 ayant été consacrée était inutile d'en parler en 1889. expressément par le Code civil, en 1804,

(3) La loi de 1791 fixait la hauteur du mur de clôture à 4 pieds (1m33). Elle exigeait la même largeur du fossé qui devait avoir deux pieds (066) de profondeur.

(4) « C'est la part du pauvre dans la vaine påture... Cette disposition de nos lois est celle qui a conservé le plus de partisans à la vaine pâture. Il est peut-être plus d'un département où la brusque suppression de ce droit des pauvres causerait de vraies souffrances ». Exposé des motifs, 1876, p. 64.

Art. 10. Le droit de vaine pâture doit être exercé directement par les ayants droit et ne peut être cédé à personne.

Art. 11. Les conseils municipaux peuvent toujours, conformément aux articles 68 et 69 de la loi du 3 avril 1884, prendre des arrêtés pour réglementer le droit de vaine pâture, notamment pour en suspendre l'exercice en cas d'épizootie, de dégel ou de pluies torrentielles pour cantonner les troupeaux de différents propriétaires ou les animaux d'espèces différentes, pour interdire la présence d'animaux dangereux ou malades dans les troupeaux.

Art. 12. — La vaine pâture, établie à titre particulier sur un héritage déterminé, s'exerce conformément aux droits acquis. Mais le propriétaire de l'héritage grevé peut toujours s'affranchir, soit moyennant indemnité fixée à dire d'experts, soit par voie de cantonnement.

-

Art. 13. Le ban des vendanges ne pourra être établi ou même maintenu que dans les communes où le conseil municipal l'aura ainsi décidé par délibération soumise au conseil général et approuvée par lui.

S'il est établi ou maintenu, il est réglé chaque année par arrêté du maire.

Les prescriptions de cet arrêté ne sont pas applicables aux vignobles clos de la manière indiquée par l'article 6.

Art. 14.

La loi du 6 messidor an III relative à la vente des blés en vert est abrogée.

Art. 15. La durée du louage des domestiques et des ouvriers ruraux est, sauf preuve d'une convention contraire, réglée suivant l'usage des lieux.

XVII

LOI DU 15 JUILLET 1889, SUR LE RECRUTEMENT DE L'ARMÉE (1).

Notice et notes par M. Félix ROUSSEL, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris.

La loi du 15 juillet 1889 est la sixième loi promulguée sur le recrutement depuis la Révolution française. Avant cette époque, le recrutement de l'armée n'avait jamais été soumis à des règles bien fixes.

Les enrôlements volontaires obtenus par les racoleurs suffisaient en général. Les contingents des paroisses formaient parallèlement aux troupes réglées, composées de la maison du roi et des régiments de ligne, les bataillons de milice qui constituaient une sorte de réserve; les contingents servaient au besoin à compléter les régiments. Le clergé lui-même, dont les membres étaient exemptés du service militaire, fournissait un certain nombre d'hommes enrôlés à ses frais.

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Pour résister à la coalition de 1792, la Révolution eut recours à la levée en masse. L'année suivante, la Convention déclarait «< en état de réquisition permanente et à la disposition du ministre et des généraux, jusqu'au complet du recrutement, les gardes nationaux de 18 à 40 ans, non mariés et veufs sans enfants (2) ».

Le décret du 23 août 1793 rendit cette mesure plus générale encore. Les deux premiers articles en sont demeurés célèbres. « Art. ¡er. · Dès ce moment, jusqu'à celui où les ennemis auront été chassés du territoire de la République, tous les Français sont en réquisition permanente. Art. 2. Les jeunes gens iront au combat; les hommes mariés forgeront les armes et transporteront les subsistances; les femmes feront des tentes, des habits et serviront dans les hôpitaux; les enfants mettront les vieux linges en charpie; les vieillards se feront porter sur les places

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(1) J. Off. du 16 juillet 1889. Travaux préparatoires: Chambre projet de loi déposé le 25 mai 1886; exposé des motifs, doc. 1886 p. 587; rapport, doc. 1887, p. 203; discussion, du 4 juin au 12 juillet 1887. Sénat texte transmis, doc. 1887, p. 726; rapport de M. le général Deffis, doc. 1888, p. 134; avis de la commission du budget, p. 334; 1re délibération, du 20 avril au 11 juin 1888; seconde délibération, du 19 juin au 12 juillet. Chambre texte transmis, doc. 1888 (session extraord.) p. 62; rapport, p. 348 et 370; discussion, du 15 décembre 1888 au 21 janvier 1889. Sénat: texte transmis, doc. 1889, p. 35; rapport, p. 143; discussion, du Chambre rapport, doc. 1889, p. 1343; discussion.

16 au 29 mai 1889. 8 et 9 juillet 1889.

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Les indications qui précèdent ne se réfèrent qu'à la discussion du projet présenté par M. le général Boulanger; quant aux projets antérieurs et aux discussions auxquelles ils ont donné lieu, les renvois seront indiqués en note à mesure qu'il en sera fait mention dans la notice.

(2) Décret du 24 février 1793.

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