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seront établis de façon que les officiers mariniers des deux provenances aient, dans les mêmes conditions de service, une solde au moins égale à la moyenne de celle des sous-officiers de l'armée coloniale rengagés.

CHAPITRE IV.

Dispositions générales.

Art. 32. L'article 3 de la loi du 18 août 1879 sur les pensions de retraite est modifié ainsi qu'il suit :

«< Ont droit à une pension proportionnelle à la durée de leur service Les sous-officiers, caporaux ou brigadiers et soldats, ainsi que les militaires de tout grade dans la gendarmerie, qui ont été maintenus sous les drapeaux comme rengagés ou commissionnés et qui comptent au moins quinze années et moins de vingt-cinq années de service. >>

« L'article 19, paragraphe numéroté 4°, de la loi du 11 avril 1831, n'est pas applicable aux veuves des sous-officiers, caporaux, brigadiers et soldats morts en jouissance de la pension proportionnelle concédée en vertu du présent article ou en possession de droits à cette pension. »>

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DISPOSITIONS TRANSITOIRES.

Art. 33. Les dispositions de la loi du 23 juillet 1881 continueront à être appliquées aux engagements en cours.

Art. 34. Sont et demeurent abrogées:

La loi du 24 juillet 1873 sur les emplois civils réservés aux sousofficiers, et celle du 23 juillet 1881, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi.

IX

LOI DU 19 MARS 1889, RELATIVE AUX ANNONCES SUR LA VOIE PUBLIQUE (1).

Notice et notes par M. Alcide DARRAS, docteur en droit.

Depuis un siècle, la matière des annonces sur la voie publique a été réglementée en France de diverses façons. Sans remonter jusqu'à l'ordonnance du 29 octobre 1782, jusqu'à la loi du 5 nivôse an IX, jusqu'à l'arrêté du 7 avril 1814, il y a lieu de faire remarquer que la loi de 1889 procède de la même idée qui animait les rédacteurs de la loi du 10 décembre 1830 dont l'article 3 était ainsi conçu: « Les journaux, feuilles quotidiennes ou périodiques, les jugements et autres actes d'une autorité constituée ne pourront être annoncés dans les rues, places et autres lieux publics, autrement que par leur titre. » Malgré les fortunes diverses de la législation sur la presse, ce texte subsista jusqu'à la loi du 29 juillet 1881, qui, comme on le sait, abrogea toutes les dispositions des lois contraires à la liberté de la presse. Peu après le vote de la loi de 1881, le gouvernement voulut réglementer à nouveau les cris et annonces des journaux et écrits périodiques. A cet effet il soumit un article additionnel à la commission nommée par la Chambre pour étudier le projet de loi relatif aux manifestations sur la voie publique (19 avril 1883). Cette tentative ne réussit pas; la matière des cris et annonces était donc, jusque dans ces derniers temps, régie par la loi de 1881. Les préfets et les maires dans les villes et communes des départements, le préfet de police à Paris et dans les autres communes soumises à sa surveillance directe ont mission d'assurer le bon ordre de la voie publique. En se prévalant de leurs droits de police, certains maires et le préfet de police avaient cru pouvoir réglementer par des arrêtés les annonces sur la voie publique. Mais, à juste raison, la cour de cassation déclara illégaux de semblables arrêtés (2); l'article 68 de la loi de 1881 avait en effet aboli toutes les dispositions qui permettaient à ces fonction

(1) J. Off. du 19 mars 1889. — Chambre projet de loi, doc. 1887, p. 506. Rapport, doc. 1888, p. 411; Déclaration d'urgence et vote de la proposition, séance du 12 mars 1889, J. Off. Ch. des dép., déb. parl., 1889, p. 550. Sénat : Dépôt et lecture du rapport, déclaration d'urgence, vote de la proposition, séance du 19 mars 1889, J. Off. Sénat, déb. parl., 1889, 277.

(2) V. Cass. crim. 19 octobre 1885. Pand. pér. fr. 1886, 1. 21; Cass. 30 octobre 1885, Gaz. Pal., 85, 2, 646 et le rapport de M. le conseiller Vetelay; Cass. 16 février 1888, Pand. pér. fr. 1888, 1.93. Gaz. Pal., 88.1.365. Cass. 21 février 1889. Gaz. Pal., 89. 1.429. Contra: Cons. d'Etat, 18 janvier 1885, Pand. pér. fr., 586. 2.44. Gaz. Pal. 84, 1.559; Toulouse, 16 novembre 1885, Pand. pér. fr. 1886. 2. 45. Trib. simp. police de Lyon, 27 décembre 1888. Gaz. Pal., 89, 1.353. V. sur toute cette question la remarquable étude de M. Ruben de Couder, Pand. pér. fr., 1886, 2.44.

naires de réglementer l'affichage, le colportage et la vente de journaux et imprimés sur la voie publique; sans doute ceux-ci jouissaient bien encore, d'une manière générale, de leurs droits de police, mais ils ne pouvaient en faire usage, à l'égard de certaines personnes déterminées, uniquement parce que celles-ci vendaient des journaux.

Les crieurs de journaux étaient donc libres d'annoncer leurs marchandises de la manière que pouvait leur inspirer leur intérêt ou leur fantaisie? Il n'en était pas absolument ainsi; dans les travaux préparatoires, peu étudiés d'ailleurs, de la loi de 1889, on ne fait aucune allusion au correctif que nos tribunaux apportaient parfois au système général qu'ils avaient adopté; ils frappaient des peines de l'escroquerie ceux qui annonçaient les journaux comme donnant des nouvelles importantes alors qu'ils ne contenaient que des nouvelles courantes, pourvu d'ailleurs que ces assertions fussent corroborées par un fait extérieur (1) « ayant pour objet de faire naître l'espérance chimérique d'obtenir des renseignements sérieux sur un événement réel (2). » Malgré cette atténuation, la liberté laissée aux crieurs de journaux fut considérée comme trop grande. Il en est résulté que, pour ainsi dire, sans débats, nos Chambres ont voté la loi du 19 mars 1889. Nous aurions compris qu'on punisse toute personne qui, par ses annonces, aurait induit le public en erreur sur le contenu du journal, ou même sur la réalité ou l'importance des événements relatés dans le journal par elle vendu; mais, il nous semble que le législaleur a dépassé la mesure en défendant d'une manière absolue d'annoncer les différents articles dont se compose le journal.

Art. 1. Les journaux et tous les écrits ou imprimés distribués ou vendus dans les rues ou lieux publics ne pourront être annoncés que par leur titre, leur prix, l'indication de leur opinion et les noms de leurs auteurs ou rédacteurs (3).

Aucun titre obscène ou contenant des imputations, diffamations ou expressions injurieuses pour une ou plusieurs personnes ne pourra être annoncé sur la voie publique.

(1) Titre d'article composé en gros caractères et disposé pour attirer les regards du public.

(2) Cass. 19 décembre 1884, D. 85.1.41. Cass. 29 octobre 1886, Pand. pér. fr 1887. 1.136; Comp. Aix, 3 avril 1884, Gaz. Pal., 84.2. Supp. 66.

(3) Quelqu'opinion qu'on puisse avoir sur la légitimité de la loi, il est impossible de ne pas la considérer comme d'ordre exceptionnel et pénal; aussi, comme dans les travaux préparatoires, il n'a jamais été question que de réfréner « la liberté des cris de la rue », on ne peut qu'approuver les décisions rendues par la Cour de cassation. D'après la Cour suprême, ne contrevient pas aux dispositions de la loi nouvelle celui qui, par un écriteau, annonce le contenu du journal qu'il met en vente. (Cass. 6 juillet 1889, Gaz. Pal., 89. 2. 192); le vendeur de journaux qui fait connaître son passage à l'aide d'une trompe ou d'un cornet, (Cass. 17 mai 1889, Gaz. Pal.. 89, 2.5; Trib. simple police Périgueux, 30 mars 1889, Gaz. Pal., 89.1.702 et la note.)

Art. 2. Les infractions aux dispositions qui précèdent seront punies d'une amende de un franc à quinze francs, et en cas de récidive, d'un emprisonnement de un jour à cinq jours (1). Toutefois, l'article 463 du code pénal pourra toujours être appliqué.

X

LOI DU 2 AVRIL 1889, TENDANT A RÉSERVER AU PAVILLON NATIONAL LA NAVIGATION ENTRE LA FRANCE ET L'ALGÉRIE (2).

Notice par M. Jules CHALLAMEL, docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris.

La loi du 19 mai 1866 sur la marine marchande a, comme on le sait, proclamé la liberté du commerce maritime, en supprimant les droits de tonnage sur les navires étrangers et les surtaxes de pavillon; elle n'a réservé aux navires français que la navigation de côte ou de cabotage, d'un port de France à un autre port de France, ou d'un port d'Algérie à un autre port d'Algérie (3).

En 1872, les besoins du trésor public et les idées économiques qui prévalaient dans les conseils du gouvernement déterminèrent un mouvement de recul; mais la loi du 30 janvier 1872 qui rétablissait les surtaxes de pavillon fut bientôt abrogée elle-même, sauf en quelques points secondaires, par une loi du 25 juillet 1873 (4).

L'heure actuelle est de nouveau favorable au régime protecteur (5) el, sans attendre la revision générale des traités, un grand nombre de chambres de commerce de nos ports maritimes ont profité de ce courant d'opinion pour obtenir une modification partielle de la loi du 19 mai 1866.

(1) Il y a lieu de remarquer que la violation de la loi de 1889 ne constituc qu'une simple contravention; les tribunaux de simple police ont été déclarés compétents afin de « ne laisser prise à aucune contestation. » Lefebre-Pontalis, proposition de loi, J. Off., Ch. des dép., Ann. 1887, p. 506.

(2) J. Off. du 3 avril 1889. — Travaux préparatoires : Chambre : exposé des motifs, doc. 1888, p. 422; rapport, p. 908; déclaration d'urgence et adoption, 4 février 1889. Sénat texte transmis, doc. 1889, p. 90; rapport, p. 121; 1re délibération, 15 mars; 2e délibération, 21 mars 1889.

(3) Encore faut-il rappeler que le cabotage sur les côtes de l'Algérie pouvait être fait par navires étrangers en vertu d'une autorisation du gouverneur général (loi du 19 mai 1866, art. 9).

(4) V. Lyon-Caen et Renault, Précis de droit commercial, t. II, p. 7.

(5) Déjà la loi du 29 juillet 1881 a créé des primes à la construction et à la navigation (Annuaire 1882, p. 83). En outre et dans un ordre d'idées un peu plus éloigné nous devons rappeler la loi du 1er mars 1888 qui interdit la pêche aux étrangers dans les eaux territoriales de France et d'Algérie (Annuaire 1889, p. 23).

L'article 9 de cette loi dispose en effet que la navigation entre la France et l'Algérie peut s'effectuer par tous pavillons, comme la navigation entre l'Algérie et l'étranger. On a demandé que le trafic entre l'Algérie et la France fût, au contraire, assimilé au cabotage et réservé au pavillon national.

Pour faire admettre plus facilement cette réforme, les réclamants la présentèrent comme le complément de la loi du 29 décembre 1884 qui a rendu applicable en Algérie le tarif général des douanes de la métropole; on aurait ainsi l'avantage de contribuer à l'œuvre d'assimilation qui se poursuit incessamment entre notre grande colonie africaine et la France continentale; on assurerait aussi un nouvel élément de fret à nos navires caboteurs qui sont très éprouvés par la concurrence des chemins de fer et qui ne jouissent pas de la prime à la navigation dont profitent les navires faisant le voyage au long cours.

C'est à ce titre et sous ce point de vue que le projet de loi a été exposé devant le Parlement; c'est ainsi qu'il est devenu la loi du 2 avril 1889.

La chambre de commerce de Constantine s'était élevée, il est vrai, contre ce projet, alléguant d'une part que les relations commerciales seraient entravées momentanément par l'insuffisance du matériel naval dont disposent les compagnies de navigation, et d'autre part que cette loi aurait pour effet de mettre l'agriculture et le commerce algériens à la merci des compagnies qui se syndiqueraient pour imposer des conditions de transport si onéreuses que toutes relations avec la France deviendraient impossibles (1).

A la première de ces critiques on répondit que la loi ne pourrait produire tout son effet qu'après un certain temps: en effet, les conventions de navigation conclues avec la Belgique (2) et avec l'Espagne (3) garantissent aux navires de ces deux pays le même traitement qu'aux navires français (sauf pour le cabotage); le même avantage appartient encore aux puissances étrangères auxquelles nous avons concédé le traitement de la nation la plus favorisée. Ce n'est donc qu'à l'expiration des traités de commerce (1er février 1892), si ces traités ne sont pas renouvelés, que la loi pourra recevoir son application à l'égard des navires de toutes nations. D'ici le 1er février 1892, les armateurs pourront facilement compléter leur matériel suivant les besoins du commerce. Au reste, le trafic qu'il s'agit de déplacer n'est pas très considé. rable en 1886 on n'a compté que 32.000 tonnes chargées par navires étrangers, contre 1.200.000 tonnes environ chargées par navires français; réserver ces 32.000 tonnes au pavillon français ce n'est pas imposer à notre marine une tâche au-dessus de ses forces.

Quant au second grief, outre qu'il est assez chimérique de craindre la formation d'un syndicat général des armateurs français, on a fait remarquer que presque tout le trafic entre la France et l'Algérie se fait par les

(1) Chambre rapport, doc. 1888, p. 909.

(2) Traité du 31 octobre 1888, art. 2. (3) Traité de 6 février 1882, art. 21.

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