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LIVRE PREMIER

LE 2 DÉCEMBRE 1851

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I

Pourquoi je publie ces mémoires, et pourquoi, avant de raconter la chute de l'Empire, je suis obligé d'en raconter les origines.

Je me propose de raconter les événements qui ont préparé et suivi la révolution du 4 septembre 1870 jusqu'à la convocation de l'Assemblée nationale; de dire comment je les ai jugés à mesure qu'ils se produisaient, et comment je les juge encore. Je ne parlerai que de ce que j'ai vu ou de ce que j'ai appris jour par jour de la bouche de témoins oculaires. Je laisse de côté la guerre, et même les détails du siége de Paris; on aimera mieux les chercher dans les mémoires des généraux que dans les miens. J'écarte aussi tout ce qui concerne la Délégation de Tours et de Bordeaux. Mon champ est fort restreint après ces éliminations, et je le trouve encore bien vaste; car je vais faire reparaître devant mes yeux la plupart des questions qui divisent les partis, et des personnes qui, en France, ont à jouer un rôle politique.

J'ai longtemps hésité à publier ces souvenirs. J'étais bien placé pour voir, par la double raison que j'étais membre du gouvernement, et que j'y jouais un rôle très-effacé; mais je suis mal placé pour écrire, puisqu'il s'agit de mes adversaires, de mes amis, et quelquefois, quoique bien rarement, de moi-même. J'espère que je ne serai ni trop aveugle pour mes amis, ni trop dur pour mes ennemis. Mais, en vérité, on entend répéter de tels mensonges avec tant d'opiniâtreté qu'il devient difficile de garder le silence. Ce n'est pas, d'ailleurs, le 4 Septembre que je défends. Je n'ai ni le dessein, ni le pouvoir de dissimuler les fautes commises par le gouvernement dont j'ai fait partie: il n'a jamais manqué de dévouement, de droiture et de courage; il lui est arrivé plus d'une fois de manquer d'habileté. Je ne dis que la plus évidente vérité en affirmant que, dans les déclamations dont il est l'objet, il sert de prête-nom à la République. Les bonapartistes s'efforcent de rejeter sur lui, c'est-à-dire sur la République, la responsabilité de désastres dont leur gouvernement est l'unique cause. C'est tout au plus s'ils ne l'accusent pas d'avoir voulu la guerre, de l'avoir commencée sous des prétextes frivoles, sans préparatifs sérieux, et d'avoir perdu les batailles de Wissembourg, de Froeschwiller et de Sedan. A les entendre, la France serait en paix, et peut-être victorieuse, si on avait eu la sagesse de se soumettre au gouvernement de l'impératrice pendant que l'Empereur allait tenir prison à Wilhelmshohe. On est assez surpris d'avoir à réfuter des contre-vérités de cette force. Mais ce sont les fleurs que, depuis bientôt cent ans, on répand sur le chemin de la République; et,

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