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comme par exemple si le territoire neutre livre passage à l'armée ennemie, alors la convention de neutralité sera résolue ipso facto.

M. de Bismarck a admis implicitement cette distinction en 1870, car il a renoncé, en fait, à se prévaloir des faits signalés par sa note du 3 décembre. Il a continué à respecter, malgré ses menaces, la neutralité luxembourgeoise, et, dans sa réponse à l'Angleterre, il n'a réservé sa liberté d'action que pour le cas où une armée française aurait traversé le grand-duché.

On nous objectera que nous faisons encore trop de part à l'arbitraire du belligérant, qui sera seul juge du point de savoir quand son existence est en péril. Nous répondrons que le belligérant sera généralement retenu, quoi qu'on dise, par la crainte de s'attirer, au cours d'une guerre, de nouvelles inimitiés. L'Etat souverain est forcément et toujours libre d'abuser de ses droits la seule et suffisante sanction de la violation d'un traité est dans les inimitiés qu'elle peut attirer au coupable et dans la perte de la confiance ou de l'amitié que celui-ci inspirait aux autres Etats.

On pourrait opposer aussi à notre distinction une objection tirée de l'article 18 de l'acte final du Congo. Par cet article, les Etats signataires s'engagent à respecter la neutralité des puissances de la région du Congo, qui demanderont à être neutralisées, « aussi longtemps que ces puissances rempliront les devoirs que la neutralité comporte »>.

Cet article, pris isolément, paraît autoriser la résolution

de plein droit dans tous les cas, mais il doit être rapproché de l'article 12 du même acte, qui impose, au contraire, formellement l'obligation de recourir, en cas de conflit, à la médiation des puissances amies.

Rappelons enfin que les auteurs qui admettent, avec Calvo, Funck-Brentano et Sorel, l'existence de deux garanties, l'une simple et l'autre collective, soutiennent que le recours à la Conférence est toujours obligatoire dans le second cas, et qu'il ne l'est jamais dans le premier. Nous pourrions opposer maintenant de nouveaux arguments à cette théorie, mais nous croyons l'avoir suffisamment réfutée dans la première partie de cette étude.

CHAPITRE V

DES ÉTATS QUI JOUISSENT EN FAIT D'UNE SORTE DE NEUTRALITÉ PERPÉTUELLE

Certains petits Etats sont quelquefois comptés à tort parmi les Etats perpétuellement neutres parce que, bien que leur neutralité ne soit ni garantie ni même reconnue, leur situation spéciale les a mis, jusqu'à présent, à l'abri des conflits armés.

On peut citer parmi eux la principauté de Monaco et la République de Saint-Marin. La seconde est, en effet, enclavée dans le territoire italien; et par suite on ne pourrait l'attaquer sans violer ce territoire. Cela lui donne une sécurité de fait, qui ne la laisse exposée qu'aux conflits avec la grande puissance voisine; et celle-ci hésitera, en présence de la faiblesse de l'Etat enclavé, à envenimer des incidents que celui-ci, d'autre part, cherchera toujours à aplanir. On peut considérer de même Monaco comme enclavé dans le territoire français, car la France a la police maritime des eaux territoriales de la principauté dont le territoire français borde d'autre part entièrement la frontière terrestre.

Il est superflu de démontrer que la situation de ces deux Etats, dont aucune puissance n'a garanti ni la neutralité, ni l'indépendance, ni l'intégrité, et qui ont pu par suite abandonner à la puissance voisine leur autonomie douanière, monétaire, etc., n'a rien de commun avec la neutralité perpétuelle.

TROISIÈME PARTIE

APPLICATION DE LA NEUTRALITÉ PERPÉTUELLE

AUX FRACTIONS D'ÉTATS

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