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ger ses douleurs. Il nomme entr'autres ces dames fortes et généreuses qui ont mis tant d'ardeur à subvenir aux besoins des victimes de la persécution. Elles ne verront pas sans intérêt que le chef de l'Eglise aime à publier ce qu'elles ont fait pour les confesseurs de la foi, et que, comme autrefois l'Apôtre, il les loue de leur charité et de leur dévouement, et proclame dans tout le monde chrétien leur zèle et leurs services. Il leur est permis d'être sensibles à ce glorieux souvenir. Après la récompense qu'elles attendent dans un monde meilleur, ce qui doit les toucher le plus, c'est l'estime que le vicaire de JésusChrist fait de leur conduite généreuse et le témoignage solennel qu'il leur rend, et qui portera dans toutes les églises la connoissance de leur courageux attachement à la foi et à ses défenseurs.

Allocution de N. S. P. le Pape Pie VII, prononcée en consistoire secret, le lundi 26 septembre 1814.

Vénérables Frères, il est enfin venu ce jour si désiré où il nous est donné de vous voir rassemblés ici, et d'y jouir de votre présence. En entrant sous ces voûtes sacrées, où vous vous êtes rendus à notre invitation, nous nous sommes sentis pénétrés d'un si vif sentiment d'amour paternel, de tant de joie, qu'à peine avons-nous pu retenir nos larmes. Ils sont donc passés ces jours d'amertume et de malheurs. Replacés sur le Siége apostolique, après tant de peines, tant de dangers, nous avons pu reprendre avec sûreté et dignité les rênes du gouvernement de la sainte Eglises et vous, dispersés, jetés çà et là, après avoir éprouvé tant de souffrances et de traverses, vous êtes enfin réunis à nous, et vous pouvez librement et sans crainte nous aider de vos soins et de vos conseils dans le dessein que nous avons de réparer les maux dont

l'Eglise a été affligée. Qu'ils soient donc livrés à l'oubli les malheurs que nous avons soufferts. Mais seroit-il possible de ne point les avoir présentes à sa mémoire, ces profondes plaies faites à l'Eglise, sur laquelle le prince des ténèbres semble, pendant ces dernières années, avoir épuisé toute sa rage. L'impiété déchaînée et comme vomie par les enfers, s'efforçoit d'extirper tous les germes des vertus chrétiennes; ses coupables efforts, néanmoins, ont été inutiles, et nous-mêmes qui en avons été les témoins, nous pourrions en citer un grand nombre de preuves. Que d'exemples d'une piété solide n'avons-nous pas vus de nos propres yeux, que de témoignages d'amour, de dévouement, d'obéissance filiale, de libéralité, n'avonsnous pas reçus, lorsqu'en France et en Italie nous étions traînés de provinces en provinces? Nous osons le dire, ils ont été tels que les plus beaux siècles de l'Eglise auroient pu s'en honorer. Nous en témoignerions notre reconnoissance non-seulement aux villes et aux cités où nous avons reçu ces accueils honorables, mais encore à chaque personne en particulier, si la briéveté de ce discours n'y mettoit obstacle. Nous ne passerons cependant point sous silence, ni Gênes, ni Milan, ni Turin, d'où, publiquement, lorsqu'ils le pouvoient, et secrètement, quand ils en étoient empêchés, les fidèles accouroient à Savone pour nous visiter, nous donner des marques d'amour et de respect, et nous offrir tout ce qui dépendoit d'eux. Nous n'oublierons point les habitans de Savone, dont le zèle et l'affection envers notre personne sont d'autant plus recommandables, que notre captivité dans cette ville a été plus dure et plus longue. Nous parlerons surtout avec éloge de la France, si heureusement aujourd'hui rendue à son Roi légitime, avec laquelle nous nous en réjouissons, et où nous avons éprouvé; surtout de la part d'illustres dames, les témoignages les plus honorables de vénération, de bienveillance, et d'une munificence à notre égard, si fort au-dessus de toutes louanges, qu'oubliant, en quelque sorte, notre captivité, nous rendions grâces

à Dieu de nous avoir rendus spectateurs et témoins de tant de vertus. Car tel est le caractère de la sainte religion que nous professons, que plus elle est attaquée, plus ses forces se développent, que plus on l'abaisse et plus elle se relève.

Cette prérogative particulière au christianisme suffiroit seule pour prouver qu'il est descendu du ciel. Car la foiblesse de la nature humaine est si grande, que ce ne peut être que par un don du ciel et un secours divin, qu'elle s'expose aux plus cruelles souffrances, et qu'elle est prête à subir la mort même pour la cause de Dieu et pour la justice. D'où, en effet, croyez-vous que soient venues cette tranquillité d'ame, ce courage, celte joie même que nous ressentions, lorsqu'en butte à toute la furie de la persécution, nous souffrions l'exil, les privations, l'emprisonnement et toutes sortes d'angoisses, si ce n'est que nous étions soutenus et consolés par le Père céleste des miséricordes? Quia excité le courage des généreux Espagnols, qui les a fait courir aux armes, leur a donné la force et l'intrépidité, et leur a fait repousser, après l'avoir vaincu dans de nombreux et cruels combats, l'ennemi qui s'étoit mis en possession de leur territoire? Qui a inspiré aux princes de former cette fameuse coalition, qui Jear a donné le succès, dans les batailles sanglantes, qui enfin a accéléré, consommé la ruine de l'orgueilleux, si ce n'est Dieu lui-même? Puis donc que par la volonté de Dieu, au milieu des applaudissemens et des acclamations des peuples, et particulièrement de celui de notre rési-' dence apostolique, nous sommes sortis de l'affreuse situation et de l'état de misère où nous étions réduits, que nous reste-t-il, vénérables Frères, qu'à rendre à Dieu d'immortelles actions de graces d'un si grand bienfait, et à en être éternellement reconnoissans.

Vierge divine, Mère de Dieu, à la puissante protection de laquelle nous rapportons notre salut; et vous, Pierre et Paul, astres brillans de l'Eglise, par qui l'arbre de la foi a été planté dans cette ville, et qui l'avez rendu féconde

en l'arrosant de votre sang, c'est vous aussi qui nous avez soutenus dans nos désastres; daignez, nous vous en prions, agréer les grâces que nous vous en rendons dans la sincérité de nos coeurs. Continuez d'accorder votre protection à cette ville, confiée à vos soins, et la garantir à jamais des embûches et des desseins perfides des hommes méchans. Et vous, courageux martyrs saint Silvère et saint Martin (1), vous, dont il a plu à la divine miséricorde, non-seulement de nous faire les successeurs, mais encore de nous appeler comme vous à souffrir pour la foi, votre exemple et votre aide nous ont fortifiés dans les dangers que nous avons eu à courir. Recevez-en l'expression de notre reconnoissance.

Après nous être acquittés envers Dieu, envers la sainte Vierge et les saints patrons de cette église, du tribut que nous leur devions, c'est à vous que nous nous adressons, illustres princes, qui par votre sagesse, votre puissance et vos armes, avez rendu la paix à l'Eglise affligée et au monde entier. La postérité parlera de vos bienfaits, de vos grandes actions et de votre gloire. Quant à nous, nous n'oublierons jamais les signalés services que vous nous avez rendus, et nous prions de toute la ferveur de notre cœur celui par qui les rois règnent, de vous conserver et de vous faire jouir d'un vrai, solide et durable bonheur.

Nous vous payerons aussi le tribut de louanges qui vous est dû, hommes distingués, femmes d'un mérite éminent, par lesquels, en Italie, dans ses îles et en France, la partie la plus illustre du clergé romain, les princes de l'Eglise, les évêques et autres prélats, chassés de leur patrie et de leurs siéges, dépouillés de leurs

(1) Saint Silvère, Pape, sacré le 8 juin 536, exilé au mois de novembre 537, et mort de misère dans son exil, le 20 juin 538.

Saint Martin, Pape, sacré le 5 juillet 619, enlevé de Rome, par ordre de l'empereur Constant, le 19 juin 653, mort martyr, le 16 sep septembre 655.

revenus, en un mot traités avec la plus grande cruauté, à cause de leur fidélité envers nous et le saint Siége apostolique, ont été accueillis avec la plus bienveillante hospitalité, et secourus avec les plus délicates attentions. Vous êtes heureux sans doute, car c'est la vérité qui l'a' dit, vous êtes heureux d'avoir porté vos trésors dans le ciel où la rouille ne les corrompt pas, et où les vers ne les rongent point. Votre nom, inscrit dans les annales de l'Eglise romaine, attestera vos bienfaits aux siècles les plus reculés.

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Mais comme à proportion des dons, croissent aussi les obligations, nous devons nous rendre d'autant plus prompts à servir Dieu, nous devons mettre d'autant plus d'exactitude à remplir nos devoirs, que nous en avons reçu plus de grâces. Que notre piété soit donc plus fervente, que l'odeur de nos vertus soit plus suave! Quant à nous, notre soin pour le troupeau qui nous est confié ne sera jamais interrompu, et nos veilles pour gouvernement de l'Eglise seront encore plus assidues. Vous le savez; à peine nos chaînes ont-elles été brisées, à peine l'impiété a-t-elle cessé de nous vexer, à peine avons-nous été rendus à notre Siége, que nous nous sommes occupés de guérir les plaies de l'Eglise. Nous avons éloigné des domaines pontificaux ces assemblées d'hommes impies qui ne menacent pas moins le trône des rois que notre sainte religion. Nous avons relevé de ses cendres la compagnie de Jésus, non moins propre à propager le culte de Dieu, qu'à travailler au salut des ames. Nous avons rouvert aux religieux ces asiles sacrés contre lesquels le persécuteur avoit déployé toute sa furie. Nous avons rappelé dans leurs saintes retraites les vierges que la violence en avoit arrachées, et avoit impitoyablement rejetées au milieu des dangers du siècle.

Quoique nous ayons fait toutes ces choses et plusieurs autres encore, il en reste à faire davantage et de plus importantes. Nous vous prions donc, nous vous engageons avec les instances les plus vives, vénérables Frères,

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