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ses combats et ses triomphes; sous les emblêmes de sept coupes, de sept sceaux, de sept trompettes, seroient retracés les sept âges de l'Eglise avec les événemens les plus mémorables dont ils devoient être remplis; tel est le systême apocalyptique de M. de La Chétardie, renouvelé et développé par un évêque catholique d'Angleterre, qui a pris le nom de Pastorini (1). D'après ce systême, adopté par notre auteur, nous serions entrés dans le sixième âge; c'est l'époque des grandes calamités pour la religion comme pour la société, calamités qui doivent préparer les voies à l'ennemi capital de Dieu et des hommes, à l'antechrist.

Je laisse ce systême pour ce qu'il est; je n'examine pas s'il n'y a pas souvent un peu d'arbitraire dans la manière d'appliquer les tableaux allégoriques aux événemens; je me borne à un exemple: saint Jean voit une armée innombrable de cavalerie, et il ajoute « Je vis aussi des chevaux dans la vi>>sion; et ceux qui étoient montés dessus avoient >> des cuirasses comme de feu, d'hyacinthe et de sou

fre, et les têtes des chevaux étoient comme des » têtes de lions; et il sortoit de leur bouche du feu, » de la fumée et du soufre.... La puissance de ces » chevaux est dans leur bouche et dans leurs queues, » parce que leurs queues sont semblables à des ser» pens ». Il a plu à Pastorini et à son disciple de voir l'artillerie, le canon dans les chevaux, dont la bouche vomit le feu, et l'effet des carabines et des pistolets dans les cavaliers armés de cuirasses, qui

(1) M. Charles Walmesley, évêque de Rama, et vicaire apostolique de l'Ouest, mort en 1797.

étoient comme de feu et d'hyacinthe; je ne sais si cette explication paroîtra bien trouvée à tous les lec

teurs.

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Quoi qu'il en soit des détails, l'auteur se fonde sur plusieurs considérations pour croire que nous sommes arrivés au sixième âge l'état actuel des Juifs, guerre presque universelle, et les fléaux divers dont nous avons été les témoins, la prédication déjà faite de l'Evangile dans les diverses parties de la terre, le dépérissement sensible de la foi, et une espèce d'apostasie générale, tels sont, suivant l'auteur, les signes trop réels des approches de l'antechrist, et par conséquent de la fin des temps.

1o. L'auteur observe que les Juifs devoient por→ ter tout le poids de l'anathême qu'ils avoient appelé sur leur tête à la mort du Sauveur, être dans un état d'affliction et d'opprobre, et que l'époque où devoit cesser pour eux cet état déplorable, devoit être bientôt suivi de la consommation de toutes choses; car il est écrit: Jérusalem sera foulée aux pieds des peuples infidèles jusqu'à ce que le temps des nations soit accompli. « Or, dit l'auteur, le sort des Juifs est en>> tièrement changé; ils ont les mêmes droits et les » même priviléges que les chrétiens....... Leur état » n'est plus un état de tribulation. Aussitôt après cette » tribulation, les signes avant-coureurs du jugement >>> dernier doivent se manifester, donc nous devons » nous attendre à les voir bientôt paroître ».

Il y a quelque précipitation dans cette manière de juger; les menaces comme les promesses divines, à l'égard des Juifs, regardent la nation entière dispersée dans toutes les contrées de la terre, et non pas seulement cette portion d'entr'eux qui habitoit ce qu'on appeloit

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naguère l'empire françois : l'auteur a jugé d'après ce qu'il avoit sous les yeux, sans trop s'inquiéter de ce qui pouvoit se passer dans les autres parties du monde. L'histoire atteste que sous ces divers gouvernemens, et chez les divers peuples, les Juifs ont été tour à tour protégés ou opprimés, et qu'ils ont passé rapidement par toutes les vicissitudes de la fortune: ce n'est pas seulement de nos jours qu'une portion des enfans de Jacob a été dans un état de prospérité; on sait que les Juifs, connus sous le nom de Portugais, répandus en Espagne, en France, en Hollande, en Angleterre, jouissent depuis long-temps de priviléges et d'une considération qui rendent leur condition bien meilleure. Au reste, l'état de séparation dans lequel vivent les Juifs, l'aversion qu'on a pour leurs moeurs et leurs usages, les accusations d'avarice et de bassesse qu'on leur intente généralement, leur dispersion au milieu des peuples, sans loi, sans roi, sans temple, suivant l'oracle du Prophète, tout cela ne suffit-il pas pour dire que Jérusalem est foulée aux pieds.

2o. « Le prélude, dit l'auteur du Traité, et le com>>> mencement des derniers malheurs qui doivent fon» dre sur la terre, lorsque le temps de sa dissolution >> approchera, est une guerre terrible et comme uni» verselle : Jésus-Christ l'a dit (1); or, depuis que >> le monde existe, vit-on jamais une guerre plus >>> cruelle, plus désastreuse, plus longue, plus uni>> verselle que celle qui en ce moment ravage et désole les quatre parties du monde (2)..... De plus, ≫ nous voyons un dérangement très-considérable dans

(1) S. Matth. c. ccxxiv.

(2) Ceci étoit écrit il y a deux ans.

» les saisons, les tremblemens de terre deviennent » très-fréquens, etc. ».

On pourroit bien répondre qu'il faut être singuliè rement en garde contre les terreurs qu'inspirent toutes ces calamités, parce que plus d'une fois, dans les siècles passés, de semblables événemens dans la nature ou la société, ont fait faire de très-fausses conjectures sur la fin des temps; que les guerres et les bruits de guerres dont il est question dans l'Evangile doivent être accompagnés de pestes et de famines, deux fléaux que nous n'avons pas vus de nos jours au milieu de nous, et que rien ne fait présager. Cette réponse seroit, je crois, très-suffisante: mais il en est une autre à laquelle l'anteur ne paroît pas avoir pensé; c'est qu'on peut très-bien soutenir que les prédictions des fléaux qu'il rappelle se rapportent et se sont accompl au temps qui a précédé le siège et la prise de Jérusalem par les Romains: cette interprétation ne fait pas la plus légère violence au texte sacré dans lequel on voit que Jésus-Christ répondoit à ses disciples, qui ne l'interrogeoient pas moins sur la ruine de la capitale de la Judée, que sur la fin du

monde.

3o. L'auteur fait observer que déjà l'Evangile a été annoncé à tous les peuples du monde; or il est écrit: Cet Evangile du royaume sera préché dans tout l'Univers, afin de servir de témoignage à toutes les nations, et alors viendra la consommation; la fin du monde n'est donc pas éloignée.

Ce ne seroit pas s'écarter du sens naturel de ces paroles que de les rapporter à la ruine de Jérusalem, qui n'arriva en effet qu'après que l'Evangile. eût été annoncé à la plupart des peuples alors con

nus; que s'il s'agit ici de la consommation de toutes choses, on peut très-bien soutenir que cette prédication et cette conversion des peuples, qui doivent avoir lieu avant la fin du monde, sont loin de s'être réalisées; il est vrai que la lumière de l'Evangile a été portée dans les diverses parties du monde; mais combien de vastes contrées où elle est inconnue, ou du moins où elle est comme une lampe à peine aperçue au milieu de ténèbres immenses? Et pourquoi ne pas donner à l'accomplissement des promesses magnifiques, faites au Messie et à son règne, toute la plénitude que semblent demander la puissance et la bonté divines, ainsi que la force des expressions prophétiques; toutes les nations doivent être l'héritage du Christ? J'aime à me persuader qu'avant la fin des temps il aura régné sur toutes, de la même manière qu'il a régné déjà sur celles de notre Europe: il est venu pour détruire l'empire du démon; et comme celui-ci a régné sur tous les peuples, à l'exception d'un seul, par les superstitions païennes, il faut que le Christ règne aussi sur tous les peuples par son Evangile. Je vois le temps où il sera littéralement vrai que tout genou aura fléchi sur la terre au nom de Jésus-Christ; ces conjectures sont tout aussi vraisemblables que celles de l'auteur du Traité.

4o. Enfin je veux, pour un moment, que nous soyons arrivés à ce dépérissement de la foi qui doit préparer les voies à l'apostasie causée par les persécutions de l'antechrist; et qu'ainsi cet homme de péché ne doive pas tarder à paroître; l'auteur n'en sera pas plus avancé, à moins qu'il n'établisse clairement que l'empire, heureusement assez court de l'anteSurist, sera suivi immédiatement de la fin du monde;

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