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vons pas voir les objets qui font derriere nous fans tourner la tête; mais il y a plufieurs Infectes, qui, fans ce mouvement, peuvent fort bien appercevoir tous les objets qui les environnent (7). Les hommes ne fçauroient voir communément dans l'obscurité; au lieu que divers Infeces voyent mieux de nuit que de jour (8). Dieu n'a pas donné l'ouïe (9) à tous les De l'ouïe. Infectes: je n'en connois même aucun qui ait des Oreilles (*). L'on ne fçauroit cependant

manquent pas d'attraper leur proye du premier faut, ce qu'elles ne pourroient faire, fi elles n'avoient pas le coup d'oeil jufte. La plupart des Infectes ne voyent pourtant bien qu'à certaine diftance, c'est ce qui fait que les Abeilles, quand elles font fur leur Ruche, ont de la peine à en trouver l'entrée, & qu'elles font fouvent obligées à s'en écarter quelque peu pour la découvrir.

(7) Frifch. P. VIII. n. 9. p. 24. Une Demoiselle aquatique de la plus petite efpece a les yeux parfaitement Sphé riques, ce qui fait qu'elle peut voir devant, derriere, & de côté fans tourner la tête.

(8) Par exemple les Phalènes. Elles ne volent que de nuit, & ce n'eft qu'alors qu'elles cherchent leur nourriture. (9) C'eft ce que j'ai obfervé à une Chenille qui, quoique faine, ne donnoit aucune marque de fentiment quand je la touchois. Je m'imaginois que l'Auteur de la Nature auroit peut-être donné une ouïe très-fine à cet Infecte pour fuppléer à ce qui paroiffoit lui manquer du côté du fentiment; & pour en faire l'épreuve, je tirai divers coups de piftolet chargé à balle tout prêt de l'animal; mais il ne donna pas le moindre figne de s'en être apperçu.

(*) Qui ait des Oreilles. On ne fçauroit prefque douter que les Infectes à qui la Nature a donné uue efpece de yoix, ou pour parler plus jufte, la faculté de former certains fons, comme elle l'a donné aux Cigalles, aux Grillons, aux Sauterelles, à plufieurs Scarabées, &c. n'ayent

pendant douter qu'il n'y en ait qui font doués de ce fens. Comme les amateurs de la Mufique fe raffemblent au fon des inftrumens qu'ils aiment, l'on voit auffi plufieurs Infectes fe raflembler à un certain ton qui leur plaît (10). Un bruit défagréable & qui les choque en chaffe d'au tres (11). Cela eft d'autant plus furpre

nant

auffi reçu le fens de l'ouïe pour entendre ces fons. Nous ne leur reconnoiffons, il eft vrai, aucune oreille extérieure ; mais encore n'en fçauroit-on inférer qu'ils n'en ont point. Elles peuvent être déguifées & rendues reconnoiffables par leur forme, & par la place qu'elles occupent. Des Animaux dont la voix ne fe forme point par le gozier, qui refpirent par le corcelet, les côtés,ou la partie poftérieure, des Animaux parmi lefquels on en voit qui ont les yeux fur le dos & les parties génitales à la tête ; des Animaux de cet ordre, peuvent fort bien avoir les oreilles partout ailleurs que là où l'on s'attendroit de les trouver. L'ufage de tous les membres des Infectes ne nous eft pas connu ; peut-être y en a-t-il parmi ceux dont nous ignorons la deftination, qui leur font donnés pour recevoir l'impreffion des fons. Encore moins pouvons-nous affurer que les Infectes n'ont point d'oreille intérieure: cet organe, s'ils en ont, doit être en eux fi délicat & fi petit, que quand on l'auroit devant les yeux, il feroit peut-être impoffible de le reconnoitre. Nous ne connoiffons donc pas affez les Infectes pour pouvoir affirmer qu'ils font privés des organes de l'ouie, & d'autant moins devons-nous avancer qu'ils entendent fans avoir ces organes. P. L.

(10) Alien. L. v. C. 13. dit des Abeilles. Quum in fugam fe erumpunt, & ab alveo aberrare cœperunt, tum apiarii crepitaculis fonoris concinne concrepant; ea vero, tanquam Sirenibus retrahuntur, atque adeo in confueta domicilia revolant: Ut non minus eas cantus ac mufica fludiofas effe di,quam illas apud Platonem cicadas.

cas

(11) C'eft ainfi que les Abeilles fuyent les Echos. S'il en faut croire Varron, de Re Ruftica. L. III. C. 16, & Virgile L. IV. Georgic. On prétend que la Mouche luifante

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nant que,comme je l'ai dit, ils n'ont point d'oreilles,qui leur fervent d'organes pour entendre. Il fe fait du bruit, l'air en eft ébranlé, ce mouvement de l'air pénétre jufqu'à nos oreilles, frappe le Timpan, qui, par le moyen des efprits animaux, porte ce mouvement jufqu'au cerveau, & produit fur notre ame le fentiment de l'ouïe; tout cela eft fimple, & peut fe comprendre. Mais comment tout cela peut-il fe faire fans oreilles? C'est ce qu'il eft impoffible de bien expliquer.

Les Infectes n'ont point de nez; ce- De l'odopendant on ne fçauroit leur difputer le rat. fens de l'odorat. L'on remarque qu'ils fçavent diftinguer les odeurs ; &qu'ils font fenfibles au parfum qu'exhalent les chofes odoriférantes. Leur goût à cet égard différe beaucoup les uns fe rencontrent avec nous, & donnent la préférence à ce que nous nommons odeur agréable (12) : ils s'y laiffent aller avec plaifir & la fuivent par tout. D'autres, qui fe nourriffent de

chofes

fuit la lumiere ; mais il eft aifé de l'y accoutumer en la renfermant dans un verre & l'approchant ainsi souvent d'une chandelle. Cette même Mouche fe cache au moindre bruit qu'elle entend.

(12) Varron 1. c. dit des Abeilles. Si alvo minus frequentes evadunt, ac fubfidit aliqua pars: Suffumigandum, & prope apponendum bene olentium herbarum, maxime opiastrum & thymum.

chofes puantes (13), se plaisent à en flais rer l'odeur, & la recherchent avec em preffement; tandis qu'il y en a de plus délicats, qui la fuyent, & l'évitent avec tout le foin poffible (14). L'odorat de quelques Infectes eft beaucoup plus fin que celui des hommes: j'en ai deux preuves. La premiere eft qu'ils difcernent leur nourriture avec ce fens, & qu'ils peuvent flairer par ce moyen la vertu des plantes (15): la feconde, qu'ils fentent les Alimens qui leur conviennent de plus loin que ne peut faire l'homme (16). Mais nous fommes

bien

(13) C'eft ainfi que les Mouches qui pondent leurs œufs fur la viande corrompue, la fentent de bien loin & ne manquent pas de la trouver.

(14) Alien. de Apibus. L. I. C. 58. Tetro quovis odore Apes offenduntur. L'Odeur des Camomilles leur eft furtout infupportable. C'eft pourquoi ceux qui veulent leur enlever le miel, fe lavent les mains d'une décoction de cette herbe, ce qui les garantit des picquûres de ces Infectes qui s'envolent à l'odeur du fuc de cette plante.

(15) Multo præclarius emicat olfactus in Brutis animalibus, quam in homine ifta namque hoc folo indice, herbarum aliorumque corporum prius ignotorum virtutes certiffime dignofcunt, quin & victum fuum abfentem, vel in obftrufo po fitum, odoratu venantur, ac facillime inveftigant. Willis. de Anim, brut. cap. 23:

(16) Ariftoteles de fenfu. Cap. V. Etenim Pifces & Infectorum genus omne exquifite fentiunt & procul propter nutritivam fpeciem odoris, remota multum a propria efca, quem admodum Apes faciunt ad mel, & parvarum formicarum ge nus, quas vocant quidam feiripas. On remarque encore cela dans quelques Scarabées aquatiques; ils fentent la charogne d'un chien à plufieurs mille pas de l'eau, & viennent la chercher.

bien dédommagés de cette fupériorité de quelques Infectes: la raifon que nous avons en partage nous met en état de nous paffer de cette fineffe d'odorat ; & eft préférable à tout ce qu'ils peuvent avoir de plus que nous.

Le goût(17) eft un mouvement des Ef- Du goût. prits animaux, caufé par des particules qui ébranlent les nerfs de la langue, & qui le communiquent au cerveau, où il agit fur l'ame. Les Infectes n'ont point de langue comme les autres animaux, mais leur Trompe & leurs Barbes (*) dont nous parlerons dans la fuite, leur en tient lieu, & eft l'organe de leur goût. Ce fens leur eft d'une grande utilité: ils peuvent difcerner par ce moyen les alimens qui leur conviennent d'avec ceux qui ne leur convien

nent

(17) Pline dit au fujet des Huitres & des Vers de terre: Exiftimaverim omnibus fenfum & guftatus effe. Cur enim alios alia fapores appetunt. Lib. X. H. N. C. 71.

(*) Mais leur Trompe & leurs Barbes. Si les Barbes des Infectes font l'organe de quelque fens qui nous foit connu, il femble qu'elles doivent plutôt être prifes pour les organes de l'odorat, que pour ceux du goût; fans vouloir pourtant décider ce qui en eft, je me contenterai de remarquer qu'il paroît que les Infectes fçavent par leur moyen difcerner la qualité des nourritures. Ceux qui en ont, ne manquent pas avant de manger quelque chofe, de la tâtoner de leurs barbes, & fi la chofe ne leur convient pas, ils la quittent fans y mettre la dent, ce qui prouve affez clairement, que par le fimple attouchement de leurs barbes, ils font en état de reconnoître quels font les alimens qui leur font utiles & quels ne le font pas. P. L.

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