convention? Il y a des fignes naturels qui ont la même valeur chez tous les Peuples: d'un bout du Monde à l'autre, c'est un figne d'infériorité & de fupplication de fléchir les genoux. Tu aurais donc raifon d'en conclure que la génuflexion est un hommage que l'homme ne doit pas à l'homme, & qui eft réservé au maître de tous les hommes. Voilà qui eft raifonnable. Quant aux fignes de convention, ce font des marques de déférence réciproque que les hommes ont imaginées pour fe témoi gner des égards mutuels qui tendent à les adoucir, & qui appartenant à tout le monde, n'élevent ni n'humilient personne. S'il y en a même de particuliers pour les hommes conftitués en dignité, la raifon ne défend point de les obferver, quand la Loi les a établis, & qu'ils ne bleffent en rien la nature humaine : or, la Loi peur les établir très conféquemment, puil qu'elle veut que les Représentans de la Loi portent des marques extérieures qui avertiffent de respecter en eux la Loi, qui tout le monde doit refpect. Done, fi la Loi veut que tu parles à ton premier Magiftrat, à ton Roi, à ton Juge, à ton Maire, chapeau bas, tu as tort de t'y refufer; car ces fignes convenus ne dégradent en rien la dignité d'homme, qui eft la premiere, & ils fervent à maintenir la dignité de la Loi, dont tour homme libre a befoin; & tu fais que les hommes ayant des fens font fufceptibles d'être menés par! les fens, & que par conféquent les impreffions fenfibles doivent venir à l'appui. des idées morales & politiques, & ne doi→ vent pas être négligées par le Législateur. Je voudrais bien favoir à préfent ce que la volonté céleste & la confcience, que tu as fi mal à propos invoquées pour un chapeau, peuvent oppofer à ces réflexions qui le lient naturellement au Chapitre des Chapeaux. Il y a peut-être un peu plus de difficulté fur l'article de la guerre. La réfolution de ne la faire jamais, confidérée fous le point de vue d'une philantropie univerfelle, infpire d'abord l'admiration; mais en y regardant de près, on trouve que ce n'eft encore qu'un extrême, & tous les extrêmes font des erreurs. Sans doute, fi l'on pouvait le flatter qu'un pareil exemple fût, pour les autres Peuples, d'une efficacité probable, & du moins pas trop éloignée, cet avantage précieux pourrait balancer bien des inconvéniens: mais il y a plus d'un fiecle que cet exemple fubfifte, & il n'a encore rien produit. Si nous avons plus d'efpérance pour l'avenir, c'eft uniquement d'après cette préfomption morale, qu'à mesure que les Peuples, en s'éclairant, fe rapprocheront de la Liberté, ils feront moins expofés à guerroyer pour l'intérêt ou la fantaisie des Rois ou des " " Miniftres, & s'appercevront que ceux-ci font en effer les feuls qui poiffent quelquefois gagner à la guerre; au lieu que les Peuples, vainqueurs ou vaincus, ne peuvent jamais qu'y perdre beaucoup. Cette expérience réfléchie doit donc, avec le temps, rendre les guerres de plus en plus. rares mais cette expérience, contrariées par les paflions qui dans tous les temps. feront les mêmes, fera néceffairement lente,; & d'autant plus que toutes les Nations de l'Europe fe touchant par des intérêts politiques, long-temps l'ébranlement d'une feule fuffira pour entraîner les autres. Quant à ceux qui, depuis deux ans, rêvencitous les matins la régénération totale & la fraternité univerfette qu'ils s'attendent à voir au premier jour, comme les Juifs à voir le Meflie, il faut renvoyer ces grands. Miffionnaires aux vifions béatifiques de Abbé Faucher, qui appelait, de toute la force de fa voix, tous les habitans des quatre coins du Globe au Cirque du PalaisRoyal, pour les réunir par l'amour, ou bien aux prophéties apocalyptiques de l'Orateur du genre humain, qui, trois ou quatre fois par femaine, et tous les Rois à nos pieds. C'est un fingulier perfon nage que cet Anaeharfis, & qui ne fe doute pas que fon grand férieux eft grandement plaifant. On ferait tenté de s'égayer un peu fur fon compte, & il y aurait de quoi; mais enfur il nous a donné douze mille francs pour la guerre, & à vingt fous par ligne, cela peut faire pardonner douze mille folies. L'Aretin dirait peut-être, comme autrefois, que c'est bien peu; mais l'argent eft rare, & les fottifes font bien communes : ce n'eft pas le moment de fe rendre fi difficile. Je reviens à mes bons Quakers. Ne ferait-il pas plus raifonnable de no fe permettre de combattre que dans le cas d'une défenfe légitime & néceffaire? Chaque individu n'eft pas obligé à autre chofe; & pourquoi, fer ce point, la morale des Nations irait-elle plus loin que celle des particuliers? J'avoue que je ne fuis point du tout content de l'obftination que montrerent les Quakers à ne pas vouloir prendre les armes avec leurs concitoyens & leurs freres d'Amérique pour repouffer la tyrannie des Anglais. Quoi ! Fon viendra chez moi, de la part du Roi George, la ba onnette au bout du fufil, pour prendre mon champ, ma maifon, ma femme, mes enfans, & je me ferai un fcrupule de confcience de repouffer ces brigands enrégimenrés Je ferai comme les Juifs fe lailfaient égorger le jour du Sabbat! Il n'y a point de lumiere célefte qui puifle ordonner ou juftifier cet imbécille devouement Mais ce bel exemple touchera les hom mes, & j'aurai des imitateurs, & l'on ne fe battra plus. Oui, comptez y · cela qui peut arriver dans quelques centaines d'années; & en attendant, favez-vous ce que vous faites: vous encouragez les méchans que vous voulez convertir. Que ferait-il arrivé, fi toute l'Amérique eût penfé & ági comme les Quakers? Croyez vous que le Parlement d'Angleterre fe fût converti? L'Amérique ferait aujourd'hui plus efclave qu'elle ne l'avait jamais été, plus accablée d'impôts arbitraires, & c'eft alors vraiment qu'un bel exemple aurait été perdu pour l'Univers, non pas l'exemple des bonnes gens qui fe laiffent garrotter, mais celui des braves gens qui favent fe battre pour être libres. Mais l'Evangile ordonne à celui qui reçoit un foufflet, de tendre l'autre joue. Oui, cela eft fort bon, comme on difait dans un drôle de Livre, pour gagner le Paradis & être chaffé de fon Régiment: mais foyez sûr que s'il y avait beaucoup de fouffletés qui tendiffent l'autre joue, il y aurait beaucoup de fouffletans qui recommenceraient. Les brutaux alfomment ceux qui fe laiffent faire, & font très-polis avec ceux qui ripoften. Les oppreffeurs cherchent les victimes, comme les fripons cherchent les dupes. En un mot, je fuis de l'avis de l'Hector d'Homere con tre tous les Quakers du Monde : on lui oppofait auffi la Religion des Augures. On fait ce qu'il répondit : Défendre la Patrie est le meilleur augure |