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jolie Paysanne, & la préfente au Marquis celui-ci, en la voyant, ne trouve plus le pere fi coupable & lui fait grace, quoique T'honnête Payfan n'en veuille pas à ce prix, & reproche à Defchamps fon infamie. Mais · Defchamps, auffi corrompu que fon Maître, entraîne de force fon pere, de concert avec les deux Gardes-challe. La petite Payfanne refufe les offres de Monfeigneur, & le retire. Mais le Marquis a recours à fon fidele Delchamps. Il lui dir:

Tu n'es pas fcrupuleux, toi ?

DESCHA M PÊ

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Fi donc, Monfeigneur ! d'honneur,

A la petite, à moi, vous faites trop
Je me fuis bien défait de mes façons groffieres;
J'ai des gens comme il faut adopté les manieres ;
Tout le monde, à Paris, fe conduit comme moi.
Je fais pour Monfeigneur ce qu'il fait pour le Roi.
Je fuis au fait.

Ce dernier trait eft fort, &, de Valer à Maître, pourrait s'appeler une infolence, fi l'on pouvait traiter fes complices d'infolens. Auffi le Marquis s'en garde bien, & trouve même Defchamps fort aimable, pourvu qu'il parvienne à conduire la Payfanne revêche à la petite maifon de Monfeigneur. Defchamps s'en charge avec joie; mais on apprend un moment après que Dulis s'eft rencontré fort à propos fur la route, au

pas

moment où Defchamps enlevait fa fœur de force dans une voiture du Marquis. Dulis eft tombé à grands coups de fouet fur le raviffeur, qui vient conter fa déconvenue au Marquis, occupé dans le même moment avec un Gripart, fon Procureur, fon Bailli, fon Juge Fifcal: il le chargeait de faire tomber le billet noir de la milice à Lucas › jeune Payfan aimé de la fœur de Deschamps; car cet homme ne manque pas de moyens d'éconduire fes rivaux. Cependant, comme celui dont il s'eft fervi contre la Paysanne n'a réuffi, il chaffe Defchamps pour avoir été fi mal-adroit. M. & Madame Dunoir, inftruits de cette horrible aventure, fe réuniffent pour rompre avec le Marquis. Mais un Exempt arrive d'un côté pour arrêter Dulis, & de l'autre un Courrier ap porte au Marquis la nouvelle des premiers effets du crédit de fa fœur: il eft nommé Miniftre, & fon frere a la Feuille. Dulis s'en. va coucher à la Bastille, l'Abbé Préceptenr, qui a voulu faire des leçons de Morale à l'Archevêque, eft envoyé pour deux ans au Séminaire, & l'Archevêque & le Marquis s'en vont régner.

lly a dans ce canevas des intentions comiques & dramatiques qui ne pouvaient pas être remplies dans un feul Acte, & cette difproportion eft une premiere faute qui en a entraîné d'autres.

Dans l'intervalle de ce premier Acte, qui
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s'appelle le Temps Paffé, au fecond qui s'appelle le Temps Prefent, la Révolution a eu lieu; ce qui fuppofe un laps de temps. affez confidérable, car l'aventure de cette 1 Maîtreffe du Roi & de fes freres n'eft: fûrement pas applicable au regne actuel.

Les chofes, comme on peut fe l'imaginer, font bien changées. La fille de Dunoir pour irer fon amant de prifon & fon pere de l'exil, avait confenti à époufer le Marquis, ce qui n'eft nullement vraisemblable: comment fuppofer qu'un Miniftre toutpuiflant ait époufé la fille d'un Bourgeois, amoureufe d'un autre? Au refte, ce mariage n'a pas éré heureux le Marquis n'a rien tenu de ce qu'il avait promis. Dulis, devenu libré, eft allé on ne fait où; le Marquis eft féparé de fa femme; il a pris la fuite au moment de la Révolution; il eft revenu pour échapper à l'impofition triple; il eft rainé à peu près, & demeure par grace chez fon beau-pere, qui lui a accordé un logement dans fa maifon. Defchamps s'eft fait Journaliste Ariftocrate, quoiqu'il penfe, dit il, tout le contraire au fond de l'ame;. mais il a voulu s'enrichir., Il conte tout ce qu'on vient d'entendre à Lafleur, nouveau. Valet du Marquis. Leur dialogue eft plaifant, & mérite d'être cité.

LAFLEU R.

1 Quoi! Defchamps Journaliste à peine fais-tu fire.

Ce n'est assurément pas le feul à qui l'on puiffe faire cette obfervation.)

DESCHAM P S.

Tu dis vrai; cependant je fais métier d'écrire.
Fai huit mille abonnés:

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La Loi nous garantit des fureurs populaires.

Cela eft jufte; mais la Loi ne devrait pass garantir du carcan ceux qui violent la Loi; & c'eft la violer bien formellement que, de prêcher la révolte contre toutes les Autorités conftituées, que d'appeler ouvertement: les Français au maffacre, au pillage, à l'incendie, que de dreffer des liftes de profcriptions, de défigner, de nommer pour victimes les Repréfentans de la Nation, le Roi, les Généraux, les Miniftres, less Magiftrats, &c.; tout cela s'eft fait mille fois, & n'a pas encore été puni une feule. Français quand faurez-vous que la puniDO

tion des méchans eft la fauve-garde de la Liberté ? Souvenez-vous de ce Peuple qui a mis fur les portes de la prifon publique, Libertas. Vouloir gouverner fans punir c'eft vouloir faire la guerre fans fe fervir de fes armes. Continuons.

Et le Peuple d'ailleurs à nous ne fonge gueres.
Il eft quelques momens de tribulation;
Mais tout cela fe borne à des coups de bâton.
Du refte, de l'efprit des autres je profite;
Sans y mettre du mien, ma Feuille a du mérite.
D'un ci-devant Marquis je reçois un Couplet,
Un bon Mot d'un Abbé; contre-certain Décres,
L'un fait un Calembour, l'autre une Parodie
Chacun, pour m'enrichir, épuise fon génie.
Ce qu'on m'envoie au fond n'eft pas bien mervei
leux,

Et fi je m'en mêlais, je ferais beaucoup mieux.
Je paye un pauvre Auteur qui prend beaucoup de
peine

Pour refondre le tout, & moi je me promene ;
Je dîne chez les Grands, j'ai le cabriolet,
Les femmes que je veux, & le petit Jockey.
Je pourfuis vivement un certain Monaftere,
Que j'obtiendrai malgré la chaleur de l'enchere.
Je joue à tous les jeux, je gagne énormément ;
On me paye en écus, & je vends mon argent.

Le Marquis, correfpondant de Coblentz, tient dans la maifon de M. Dunoir, abfent depuis deux jours, des affemblées d'Emigrés, pendant la nuit. Il fe propofe auffi d'amener à Coblentz Henriette, la feconde fille de M. Dunoir, qu'il veut faire épouser à fon

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