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Les deux médailles d'or ont été obtenues à la récente Exposition universelle par les dentellières de Venise.

M. Forti, le savant et persévérant rédacteur en chef du Giornale, continue d'analyser le livre de M. Wagner.

M. G. Della Bona réunit d'intéressantes réflexions sous le titre de: «Les grands nombres et les petits nombres dans les sciences physiques et les sciences sociales », mais en somme nous avons été déçu. S'il est vrai que les grands nombres indiquent ce qui est et les petits ce qui devrait être, nous voulons bien reconnaître que ledit article est un grand nombre mais non qu'il est un petit. Et pourtant l'article a du mérite, car il fait penser, ou plutôt il fait songer.

L'Economista, rédigé avec talent par M. Jules Franco, paraît toutes les semaines et a, pour cette raison, des allures plus vives que le savant et majestueux Giornale, il suit les événements de plus près; mais précisément à cause de la grande variété des matières, les choix sont difficiles. Paraissant à Florence, l'Economista tient de première main les renseignements sur les affaires financières de la cité en faillite. Nous ne pouvons nous empêcher d'exprimer le regret qu'on ne soit pas intervenu avant la catastrophe, mais on était si occupé au jeu de la politique qu'on n'avait pas le temps de songer à autre chose. La politique, soit dit en passant, est un jeu bien plus dangereux que l'on ne pense.

Les numéros des 12 et 20 octobre renferment de bons articles sur l'organisation communale. Il paraît que dans le gouvernement de la commune aussi il y a de fréquents changements de ministères, et que, les fonctions étant gratuites, les mandataires municipaux jettent fièrement l'écharpe aux pieds de qui de droit. C'est un malin celui qui proposa de rétribuer ces municipalités douées d'une susceptibilité aussi pointilleuse. Mais voyez quel effet cela ferait les membres de ces municipalités sont les plus riches habitants de la commune et ils seraient rétribués par les plus pauvres? Non, c'est impossible. C'est aux gens aisés à faire gratuitement la besogne communale... gratuitement et sans rechigner. Il y avait encore bien des articles intéressants à citer dans l'Economista, mais l'espace tend à nous manquer.

Nous avons sous les yeux le Archivio di statistica fondé par feu Pateras, et dont le véritable directeur paraît être M. Bodio. Le fascicule 1 de la 3 année ne renfermait qu'un seul article qui s'étendait sur 60 pages, le fascicule 2 en renferme toute une série sur 180 pages. Cela prouve que les fascicules se suivent et ne se ressemblent pas; en tout cas, cela va sans dire, nous préférons le

n° 2 au n° 1. Nous allons signaler quelques-uns des articles de ce 2o fascicule.

En tête se trouve un article de M. Morpurgo appréciant la récente publication d'un ministre de la justice qui s'est imaginé que si on supprimait la peine de mort, il n'y aurait plus en Italie ni assassin, ni bandit, ni brigand, ni même de Maffia ou de Comorra. C'est cette peine de mort qui cause tous les crimes; aussi dans les procès criminels, la plupart des témoins jurent qu'ils n'ont rien vu, les jurés déclarent non coupable le parricide, ou du moins lui accordent des circonstances atténuantes. Nous avons peut-être exagéré; ledit mininistre de la justice voulait peut-être dire seulement que l'exemple de la peine ne retient personne. Si c'est là sa pensée, nous avons le droit de lui demander : qu'en savez-vous?— La statistique n'est ici d'aucun secours : elle note les crimes commis (ou plus exactement les crimes constatés), mais les crimes empêchés, elle les ignore absolument.

L'exemple! Mais oublie-t-on que l'assassinat a deux mobiles : la passion et la cupidité ? La passion, quand elle est très-intense, ne s'arrête devant rien: Pierre tue Paul en plein jour et en pleine rue et se livre ensuite à la justice. En pareil cas, il n'y a rien à prévoir et généralement rien à empêcher; mais l'on peut admettre que Pierre, même s'il échappe à la vindicte publique, ne tuera plus. Ici la peine de mort n'est pas indiquée. La cupidité a de tout autres allures; elle n'assassine pas devant témoins, elle prend toutes ses précautions pour échapper à la justice, et la crainte de la guillotine ne cesse d'agir que si le malfaiteur croit avoir été assez habile pour s'assurer l'impunité. Cela n'annule donc en aucune façon l'effet de l'exemple. Si le malfaiteur était tout à fait sûr d'être pris, il s'abstiendrait certainement. Et ne dites pas que la prison perpétuelle équivaut à la peine de mort. Le contraire ressort des annales judiciaires; la crainte de la mort est d'ailleurs dans la nature. A-t-on songé aussi au cas où un malfaiteur s'évade et commet de nouveaux crimes? A-t-on, en pareil cas, protégé la société ? La défense légitime est notre premier droit, la défense sociale n'est-elle pas le premier devoir de la justice? Elle corrigera le malfaiteur, si elle peut; ce n'est pas lui qu'elle a à sa charge, mais la sécurité publique. Le sentimental ministre de la justice montrera de son côté le spectre des erreurs judiciaires. Les erreurs judiciaires, administratives et autres qui se commettent bon an, mal an, sont légions. Il y en a de toute grandeur, et les erreurs irréparables sont très-nombreuses. Si quelqu'un a été innocemment en prison pendant vingt ans, et que l'erreur se découvre ensuite, aucune puissance humaine ne pourra indemniser ce malheureux.

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C'est précisément quand il s'agit de la peine capitale qu'on y regarde le plus près. Nous nous apercevons que nous avons pris la parole à la place de M. E. Morpurgo; qu'il nous le pardonne. En échange, nous témoignerons qu'il a parlé avec beaucoup de sagesse et de modération, et tous ceux qui le connaissent s'écrieront c'est ce qu'il fait toujours!

Nous allons maintenant emprunter quelques chiffres à l'Archivio; nous avons l'embarras du choix. L'Italie n'a pas de houille. En 1865, on y a recueilli 90,000 tonnes de lignite; en 1873, 110,305; en 1874, 121,855; en 1875, 101,640. Le minerai est peut-être plus abondant, mais comme le combustible est rare, on n'en emploie guère que 240 à 250,000 tonnes. En 1875 on a fabriqué 2,000 t. d'acier et 49 à 50,000 t. de fer en barres. Un tableau de l'instruction publique nous fournit les renseignements suivants pour 1876 Nombre des enfants: 1° dans les asiles: 147,000; 2o dans les écoles primaires publiques: 1,722,000 (dont 967,000 garçons); 3° dans les écoles privées: 208,000 (dont 87,000 garçons). Nombre des élèves: 1° dans les écoles normales primaires: 5,532; 2o dans les lycées: 5,532 (en outre, 1,300 dans des établissements privés analogues); 3° dans les gymnases (colléges), 10,000 (de plus environ autant dans des gymnases privés); 4° dans les écoles professionnelles de l'Etat : 6,596; 5° dans les séminaires: grands, 3,459; petits, 2,452; 6° écoles professionnelles ou technologiques communales, provinciales, privées; environ 13,000; 7° écoles maritimes: 1,000; 8° école des mines: 61; 9° écoles d'arts et métiers: 3,700; 10° université: 8,894; 11° écoles spéciales: 2,024; 12° académie des beaux-arts: 4,096; 13° institutions musicales: 878.

Nous mentionnerons encore l'un des articles de l'Archivio ; c'est celui de M. Eugenio Rey sur le livre de M. Lombroso (L'uomo deliquente in rapporto coll' Antropologia), ouvrage que nous apprécions ailleurs. M. Rey, et nous l'en louons chaleureusement, n'est pas absolument convaincu que les qualités intellectuelles et morales dépendent absolument du nombre de graines de millet que M. le D' Broca ou un autre sait faire tenir dans la cavité d'un crâne. Ce qui lui déplaît surtout, et à nous donc ! - c'est qu'on se dispose à mettre la capacité du crâne en rapport avec la responsabilité du malfaiteur. Alors on lirait dans les motifs d'un jugegement: «Considérant que le crâne de l'accusé, dûment mesuré par des hommes de l'art, a x millimètres de circonférence.... la peine est réduite de deux années de travaux forcés. » M. Rey pense qu'à un moment où de pareils considérants menacent de s'introduire, la suppression de la peine capitale ne serait pas une mesure bien opportune. On devine que nous ne le contredirons pas sur ce

point. Si nous pouvions adopter les prémisses de certains anthropologistes-mécanistes, qui voient la cause du crime uniquement dansla forme et dans les dimensions du crâne, nous attribuerions à ceux qui auraient sur l'échelle crâniométrique une place considérée comme mauvaise, une peine bien autrement forte qu'à ceux qui seraient favorablement cotés. Ce malfaiteur, dirions-nous, est incorrigible; le crime est plus fort que lui, il faut en purger la société, c'est une mesure urgente, il s'agit de notre légitime défense. De plus, si nous étions crâniomane, nous conseillerions qu'avant de se marier on mesurât le crâne de sa future; de même, avant de se lier avec un ami, avant de signer le contrat avec un associé, avant d'admettre un candidat quelconque. Un peu de crâniométrie est acceptable, mais pas trop n'en faut.

Nous allons introduire auprès du lecteur quelques Économistes, qui lui sont peut-être encore inconnus. On sait que the Economist de Londres a une nombreuse descendance. En Europe, presque chaque grand Etat nourrit un de ses enfants; il y a même un Economiste roumain, mais il y a aussi un El Economista à BuenosAyres, et O Economista brasileiro. Nous avons vu encore trop peu de chose de ces deux derniers, nous nous bornons à dire que l'Economiste brésilien paraît à Rio-Janeiro sous la direction de M. Ramos de Queiras, et que l'Economiste argentin a pour directeur M. Ricardo Napp. Soit dit entre parenthèses, dans cette partie de l'Amérique du Sud, qui comprend le Brésil, l'Uruguay, la République argentine, le Chili, et sans doute aussi le Pérou, il y a une vie scientifique beaucoup plus intense que l'on croit; nous tâcherons de trouver un jour l'espace et le temps pour faire connaître quelques-unes des publications qui nous sont parvenues de ces pays.

L'Economiste Roumain s'occupe, avec raison, beaucoup du sol, de ses produits et des impôts qu'il supporte. Nous voyons (n° du 22 sept. et suiv.), qu'en 1864 le gouvernement a présidé au rachat forcé des terres corvéables dites clacaches. Les anciens serfs ont obtenu des propriétaires une certaine étendue de champs en échange d'une somme payable en 15 annuités. Il paraît que ces annuités se sont régulièrement payées depuis lors. Or, on se plaint de deux choses: 1° qu'on continue à cultiver les terres clacaches par indivis, comme auparavant, au lieu de les distribuer en propriétés individuelles, parmi les ayants-droit. Il en est résulté toutes sortes de maux, entre autres le suivant qui est l'objet de la deuxième plainte; 2° que des parcelles de terre aient été vendues à des aubergistes et autres industriels qui n'étaient pas de race roumaine, bien que la loi ait expressément déclaré que des Rou

mains seuls seraient, pendant 30 ans, admis à la possession du sol. Vendues, n'est pas le mot, car puisque la lettre tue, on a dû tourner la difficulté en prenant à loyer, ou en chargeant d'hypothèque les immeubles en question. Il paraît que des députés n'auraient parlé de rien moins que d'annuler législativement les contrats, ce qui veut dire pratiquement, qu'on dira au débiteur roumain, gardez l'argent (puisqu'il ne peut pas le rendre) et au créancier « étranger » arrangez-vous comme vous pourrez. L'auteur de l'article se borne à demander qu'on fasse cesser l'indivision, car le propriétaire individuel se défend mieux, dit-il, que le groupe, et il a raison.

La Nationalekonomisk Tidsskrift, revue mensuelle danoise d'économie politique, paraît à Copenhague chez le libraire Philipsen, sous la direction de M. Falbe Hansen et V. Scharling, et nous croyons, surtout de M. Alexis Petersen, bien que son nom ne soit pas sur la couverture. En tout cas ce jeune et ardent économiste est le rédacteur le plus actif de la revue. Ce périodique a pour but de tenir le Danemark au courant de ce qui se passe d'important en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie et ailleurs, et il faut lui rendre cette justice, qu'il s'en acquitte en conscience. On y trouve seulement bien plus souvent des articles favorables au sentimentalisme économique dit «Socialisme de la chaire» qu'à l'économie politique rationnelle, mais il y a pour cela une raison de force majeure, c'est que le sentimentalisme travaille et que le rationalisme se repose généralement sur ses lauriers. De plus, les économistes actifs du Danemark sont des jeunes gens; ils se laissent naturellement attirer par les jeunes professeurs allemands, et puis le sentiment flatte mieux l'imagination et se prête mieux à l'éloquence que la raison. Enfin les rédacteurs de la Tidsskrift n'ont pas à réaliser les idées utopiques promulguées doctoralement par certains professeurs, ils n'ont qu'à mettre sur du papier danois ce qu'ils ont trouvé sur du papier allemand, et selon un proverbe connu, le papier supporte tout (das Papier ist geduldig). Avec le temps, ces messieurs, et surtout M. A. Petersen, qui a évidemment du talent et du savoir, verront que les opinions de Pierre et de Paul, même exprimées avec éloquence, ne sauraient prévaloir contre la nature des choses, nature que lesdits Pierre et Paul ont parfois la... naïveté de nier, pour les besoins de leur cause. Les fausses doctrines n'ont qu'un temps; quand l'engouement est passé, on est très-heureux de retomber sur le résultat éprouvé de l'expérience, résultat qui peut être incomplet et peu plaisant, de nature pessimiste, mais qui n'en est pas moins la seule base solide sur lesquels la science économique peut être édifiée ou développée.

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