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Enfin, M. Mancini prétend que l'Etat n'a qu'une fonction juridique ; mais à cette fonction il doit donner toute l'extension qu'elle comporte; en conséquence, l'Etat rencontre de nouveaux et grands devoirs à mesure que surgissent de nouveaux et grands problèmes.

(Traduit de l'Economista du 19 janvier 1879.)

Ce compte-rendu sommaire a provoqué aussitôt la lettre suivante : Rome, 24 janvier.

J'ai lu dans le dernier numéro de l'Economista un article sur le banquet offert par la Société d'économie politique à MM. de Laveleye et Potter, et un résumé de la discussion qui a eu lieu à cette occasion.

Le résumé est exact en substance; toutefois, je crois pouvoir y ajouter quelques observations pour faire mieux comprendre à vos lecteurs l'esprit et la couleur de cette discussion.

Vous aurez remarqué qu'on n'y a abordé aucun argument spécial, que la conversation a plutôt roulé sur les généralités, les tendances, les méthodes, les écoles. Mais bien que cette discussion se soit bornée aux termes généraux, on ne peut la dire inutile.

Il est à noter, en fait, que bien que M. de Laveleye n'ait pas hésité à se déclarer franchement « socialiste de la chaire » (il a répété par trois fois cette profession de principes), ceux-mêmes des économistes italiens qui sont portés à avoir ou qui ont vraiment le plus de sympathies et de tendances pour le socialisme de la chaire se sont abstenus d'affirmations aussi catégoriques.

M. de Laveleye, en principe, n'accorde aucune valeur à l'individu, il adore l'Etat; l'individu qui ne serait pas partie subordonnée de l'Etat ne pèse rien dans la balance sociale. De ce principe, il accepte avec une logique toute française toutes les conséquences, ne faisant qu'une exception pour la liberté des douanes, en ceci conseillé sans doute par les conditions spéciales de son pays, la Belgique.

Parmi les Italiens qui ont répondu à M. de Laveleye, et surtout de ceux qui inclinent à plus accorder à l'Etat, on a pu observer une tendance plus pratique, plus transigeante, plus expérimentale, plus conforme à la méthode inductive, à la grande école scientifique de Galilée.

De plus, ceux qui, comme par exemple M. Luzzatti, sont disposés à attribuer à l'Etat une large mission de progrès, de « stimulant » en matière économique, ont avoué qu'une telle action ne peut être que subsidiaire à celle de l'individu et des associations libres.

Dans ces données, nous sommes loin du socialisme inflexible de la chaire professé par M. de Laveleye. Et nous sommes loin aussi de cette économie égoïste que M. de Laveleye blâme justement à l'égard de la question sociale.

Ce dernier point a été mis spécialement en évidence par M. Maiorana

Catalabiano, qui prétend avoir vu le premier les rapports intimes qui se trouvent entre l'économie, le droit et la morale, les trois rameaux de la nouvelle et unique science sociologique.

A part les questions personnelles de priorité, les orateurs qui ont pris la parole dans le banquet offert à M. de Laveleye ont été unanimes à reconnaître ces rapports intimes et à rendre hommage à la sociologie, science nouvelle en formation.

Il me semble, pour conclure, que le champ de généralités sur lequel s'est tenue la discussion n'a nullement vu une lutte inutile, car elle a servi à caractériser les tendances des économistes italiens, et par rapport au socialisme de la chaire et par rapport à la nouvelle science sociologique.

(Traduit de l'Economista du 26 janvier.)

***

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

RÉUNION DU 5 MARS 1879.

M. FRÉDÉRIC Passy, membre de l'Institut, a présidé cette réunion à laquelle avaient été invités M. Rammel, M. le comte de Dienheim Sczawinski Brochocki, ingénieur de Florence, et à laquelle assistaient, en qualité de membres récemment admis par le bureau à faire partie de la Société, M. Broch, ancien ministre de Norvége, M. Obreen, correspondant du « Nieuwe Rotterdamsche Courant », M. Fournier de Flaix, publiciste.

Après la présentation de divers ouvrages (voy. à la fin de la séance du 5 avril), la conversation s'engage à propos du protectionnisme agricole signalé par M. Limousin, sur le besoin de développer l'enseignement agricole, sur la nécessité d'y joindre les notions économiques et sur l'aptitude de l'Université à être chargée de ce soin.

Ont pris successivement la parole, MM. Richard (du Cantal), Hip. Maze, Fernand Raoul-Duval, Barral, Aristide Dumont, Pascal-Duprat, Joseph Garnier, Limousin, Ernest Brelay et Frédéric Passy.

RÉUNION DU 5 AVRIL 1879.

COMMUNICATIONS: Fondation du prix Rossi. Une séance de la Société d'êconomie politique de Lyon. Une séance de la Société d'économie politique de

Rome.

DISCUSSION: Les moyens d'arrêter la progression des dépenses publiques.
OUVRAGES PRÉSENTÉS.

M. le comte d'Esterno, un des vice-présidents de la Société, a présidécette réunion, à laquelle avaient été invités M. Fowler, membre de la Société de statistique de Londres, et M. Rabourdin, professeur d'économie politique à Orléans; et à laquelle assistait, en qualité de membre nouvellement admis à faire partie de la Société, M. Paul Bonnaud, rédacteur de la France.

Après la présentation de divers ouvrages (voy. plus loin), M. le secrétaire perpétuel entretient la réunion du double legs de 100,000 francs que vient de faire la veuve de l'illustre Rossi, morte en 1878: d'une part, à l'Académie des sciences morales et politiques, pour la fondation d'un prix d'économie politique et, d'autre part, à la Faculté de droit, pour la fondation d'un prix se rapportant à l'une des branches du droit. C'était à peu près toute la fortune de Mmo Rossi qui a voulu, en mourant, qu'elle servît à l'avancement des sciences sur lesquelles repose la gloire de son mari. M. Joseph Garnier fait connaître à ce sujet la curieuse et touchante origine de cette fortune. Lorsque avant 1848 Rossi fut envoyé comme ambassadeur à Rome, il ne voulut point emmener sa famille avec lui, pour diminuer les frais de représentation. Il disait à un ami: « Cette bonne Mme Rossi, comme elle est protestante, je lui laisse croire que le pape ne la verrait pas d'un bon œil, et cela me permettra de lui rapporter quelques économies ». Or, ce sont précisément ces économies qu'il a pu léguer à sa veuve et que cette noble femme a si bien ménagées pour les consacrer au souvenir de son mari (1).

La section d'économie politique de l'Académie des sciences morales et politiques a choisi pour sujet de prix : « Les fonctions de l'État dans l'ordre économique ». (Voyez la Chronique.)

M. MAURICE BLOCK demande la permission de donner à la Société des nouvelles d'une de ses filles, la Sociéte d'économie politique de Lyon, ce qu'il fait avec d'autant plus de plaisir que ces nouvelles

(1) Les deux fils de Rossi sont morts avant leur mère. Le gouvernement pontifical n'a jamais eu l'idée de faire une pension à la veuve de l'illustre victime.

sont excellentes. La Société de Lyon, présidée par M. Flottard, ancien député et membre de notre Société, a pour vice-présidents MM. Ducarre et Rougier, et compte parmi ses membres des hommes comme MM Arlès-Dufour, Édouard Aynard, Tisseur, Valentin Dumond et autres; elle est très-florissante, pleine d'ardeur, et travaille avec succès. M. Maurice Block donne quelques détails sur son organisation et ses travaux.

La semaine dernière la Société a celébré par un banquet la fin de la session 1878-1879. 85 membres y assistaient et de sympathiques voisins, M. Tézenas du Montcel, président de la Société d'économie politique de la Loire et quelques autres membres de cette Société s'étaient joints aux économistes lyonnais. M. Maurice Block avait été invité à cette fête de famille et on lui avait assigné la place d'honneur. Il a pu constater l'étendue et la profondeur du mouvement scientifique qui règne dans notre grande cité industrielle, et il a vu avec joie combien les doctrines libérales se sont répandues même parmi les chefs d'industrie, classe qui renferme ailleurs tant de partisans de la protection douanière.

Le lendemain de cette fête, dans une brillante réunion que M. Arlès-Dufour a convoquée dans son hôtel et qui comprenait de nombreux membres des Chambres de commerce de Lyon, SaintÉtienne et autres villes voisines, M. Maurice Block, en parlant des traités de commerce et du libre-échange, a pu de nouveau se convaincre de l'esprit libéral dont sont animés les représentants les plus considérables de l'industrie de cette région. Il croit devoir communiquer aussi, d'après l'Economista de Florence, quelques détails sur un banquet que la Société d'économie politique de Rome a donné à deux éminents confrères, M. de Laveleye, de Liége et M. Potter, du Cobden-Club de Londres. Les discours prononcés à ce banquet ont montré que les doctrines du socialisme de la chaire ne comptent que de timides adhérents en Italie (1).

Après ces communications, M. le président procède au choix d'une question pour l'entretien de la soirée. La majorité se prononce pour la question suivante, nouvellement insérée au programme:

MOYENS D'ARRÊTER LA PROGRESSION DES DÉPENSES PUBLIQUES.

La question est ainsi formulée par M. Joseph Garnier : « Quelle limite les Chambres doivent-elles se fixer pour arrêter la progression des dépenses?»>

Ce n'est pas tout à fait cette question de limite qui a été traitée;

(1) Voy. page 119, un compte-rendu de cette séance.

c'est celle des moyens de faire obstacle aux dépenses qui contient une autre question insérée au programme, sur la proposition de M. Courtois, en ces termes : « Des moyens de comptabilité propres à combattre les déficits budgétaires ».

M. ALPH. Courtois ne pense pas que l'on puisse assigner au budget des dépenses d'un pays quelconque une limite absolue. L'état de civilisation, la densité de la population, des circonstances particulières peuvent amener le chiffre à baisser ou s'accroître sans que l'on doive s'en étonner ou le regretter, en soi-même au moins. Il pense cependant qu'il est des procédés qui, à un premier aspect, semblent empreints de banalité et qui, néanmoins, ont une efficacité sérieuse sur la modération plus ou moins grande de la tendance à l'accroissement des dépenses publiques.

L'Angleterre et les États-Unis lui offrent un exemple qu'il croit utile de citer, son application lui paraissant possible et fructueuse en France. Dans ces deux pays les comptes définitifs des recettes et dépenses publiques s'enchaînent les uns aux autres de façon à former une suite non interrompue et dont toutes les parties sont solidaires. On dirait une chaîne sans fin dont les anneaux se touchent et s'emboîtent sans interruption. Le budget annuel est un et non multiple, et son solde, en déficit ou excédant, est régulièrement porté, lors du règlement définitif, au budget de l'exercice courant. De la sorte on évite ce compte de découverts du Trésor, si complaisant pour les déficits auxquels il sert de refuge, mais qui, après avoir été oublié, cause de pénibles retours en obligeant de temps à autre à un emprunt pour sa consolidation, partielle du moins. On se souvient, particulièrement sous Louis-Philippe, de ces interminables discussions parlementaires sur la situation financière, sur l'importance et les limites de la dette flottante qui finissaient, loin d'éclairer, par embrouiller l'esprit des auditeurs ou des lecteurs et les laisser plus indécis que jamais sur la situation réelle des finances. Cela résultait de la multiplicité des budgets et de leur défaut de coordination, de solidarité.

Et ce n'est pas une simple réforme de comptabilité ou plutôt de législation financière que poursuit M. Courtois en demandant l'application à notre pays du système anglo-saxon, de ce système qui fait qu'aux Etats-Unis, par exemple, l'ensemble des budgets forme une véritable période uniforme remontant à 1789, et tellement homogène qu'en ajoutant au total des recettes de tous les budgets. réglés depuis cette date l'encaisse au 1er juillet 1789 et défalquant le total des dépenses des mêmes budgets, on a pour différence l'encaisse à l'expiration du dernier budget, et qu'en Angleterre, autre

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