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truction du régime existant, que Lafayette avait frappé d'anathème, parcequ'il le jugeait sincèrement incapable de donner la liberté à la France.

En dehors des partis que nous venons de caractériser et des sociétés plus ou moins secrètes qui les mettaient en action, il en existait un autre auquel les événements postérieurs devaient donner une grande importance, et qui avait repris, depuis l'avénement du ministère du 8 août, une vitalité et des espérances que la circonspection habituelle à son chef semblait avoir dès long-temps éteintes en lui. Ce parti était celui du duc d'Orléans. Un coup-d'oeil préalable sur la vie et le caractère de ce prince ne saurait paraître ici hors de propos.

Louis-Philippe, duc d'Orléans, né le 6 octobre 1773, était l'aîné des trois fils de ce premier prince du sang qui, sous le nom de Philippe-Égalité, avait laissé une mémoire non moins odieuse que méprisée. Sa mère, modèle constant de toutes les vertus, était fille du duc de Penthièvre, petit-fils naturel de Louis XIV. Né duc de Valois, il devint à douze ans duc de Chartres, par la mort de son grand-père, et fit sa première campagne sous le maréchal de Biron. La Révolution française éclata. L'impartiale histoire ne saurait dissimuler que le

jeune Louis-Philippe, par ses manifestations et ses discours, prit une part active à ses premiers excès. Il reçut, le 7 mai 1792, le grade de maréchal-decamp, et servit avec honneur sous les ordres de Dumouriez, dans les premières guerres de la République. Lorsque ce général, après la déroute de Nerwinde, se détermina à rompre avec la Convention, dont il redoutait les vengeances, et à émigrer aux avant-postes autrichiens, le duc de Chartres l'accompagna dans sa fuite. Mais leur réunion fut de courte durée. Mal accueilli du gouvernement impérial d'Autriche, Louis-Philippe vint à Bàle sous un nom supposé; puis, mettant à profit les ressources d'une éducation cultivée, il se fit professeur de mathématiques dans la petite ville de Reichenau. Il visita ensuite le nord de l'Europe, et passa aux États-Unis d'Amérique. Ses frères, le duc de Montpensier et le comte de Beaujolais, l'y rejoignirent peu de temps après, et tous trois revinrent en 1799 en Angleterre, où Monsieur, comte de Provence, frère de l'infortuné Louis XVI, se trouvait alors. Un des premiers soins du duc d'Orléans avait été de solliciter son retour en grâce auprès de ce prince, en lui faisant témoigner un vif repentir de sa conduite passée. Ses avances, froidement acueillies d'abord, triomphèrent enfin par la médiaDede de sa respectable mère. Il partit pour Mittau,

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où la fragile commisération du czar Paul avait ouvert un refuge à Louis XVIII, et implora son pardon avec une effusion mêlée de respect. L'auguste exilé l'exhorta à repousser toute idée ambitieuse, à écarter de lui les mécontents et les révolutionnaires, et lui déclara qu'il en attendait autant de sincérité que de soumission. Le prince répondit avec convenance, et protesta de sa gratitude et de son dévoùment; il baisa la main de Louis XVIII, et tout parut oublié.

La conduite du duc d'Orléans fut conforme à ses protestations. En 1803, il adhéra par sa signature, de concert avec les autres princes de la maison de Bourbon, à la réponse noblement négative de Louis XVIII aux propositions de Napoléon Bonaparte, qui lui avait fait offrir la principauté de Lucques, en échange deses prétentions au trône de France. Cette adhésion mémorable se terminait ainsi : « Si l'injuste emploi d'une force majeure parvenait, ce qu'à Dieu ne plaise, à placer de fait et jamais de « droit sur le trône de France tout autre que notre « roi légitime, nous suivrions avec autant de con« fiance que de fidélité la voix de l'honneur qui nous prescrit d'en appeler jusqu'à notre dernier soupir à Dieu, aux Français et à notre épée.

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Lorsque la guerre éclata en 1808 entre la France

et l'Espagne, le duc d'Orléans, qui avait survécu às ›

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ses frères, fatigué de la vie oisive et errante que les événements lui avaient faite, sollicita avec ardeur la junte espagnole provisoire de l'employer comme auxiliaire dans l'armée anglaise. Mais le prince régent d'Angleterre, pressé, dit-on, par les représentations de Louis XVIII, à qui ces velléités de gloire militaire causaient un légitime ombrage, refusa de seconder ce vou. A son arrivée à Gibraltar, où l'accompagnait le prince Léopold de Salerne, LouisPhilippe reçut du gouverneur de la forteresse la défense de mettre le pied sur le sol espagnol. Il fallut céder et repartir. Le prince ne put même obtenir l'autorisation d'aller visiter sa mère, malade à Figuières. Il se rendit en Sicile où il épousa, le 25 novembre 1809, Marie-Amélie, seconde fille du roi Ferdinand et de Marie-Charlotte-Louise, archiduchesse d'Autriche.

Les instances renouvelées du duc d'Orléans parurent avoir enfin triomphe de l'opposition du gouvernement anglais. Il partit de Palerme pour Tarragone au mois de mai 1810, sur une frégate espagnole, avec le titre de gouverneur-général de la Catalogne. Mais de nouvelles représentations de Louis XVIII au prince régent firent encore échouer cette tentative. Vainement le duc multiplia les démarches et les sollicitations auprès de la Régence de Cadix et des Cortès alors assemblées dans l'île de

Léon (1): le ministère anglais déjoua ses efforts en notifiant aux Cortès qu'il retirerait immédiatement ses troupes si la demande du prince était accueillie.Louis-Philippe s'éloigna, après avoir déployé une constance digne d'un but plus patriotique.

La Restauration ramena le duc d'Orléans sur le sol français. Louis XVIII l'accueillit convenablement. Il lui rendit, par deux ordonnances des 18 et 20 mai 1814, l'immense apanage qui avait été constitué à Monsieur, frère de Louis XIV, chef de sa maison, mais qu'elle avait perdu par des lois postérieures. Les princes de la famille royale et principalement le comte d'Artois renouèrent avec lui des rapports affectueux, et la fille de Louis XVI parut faire violence aux ressouvenirs douloureux que son aspect dut réveiller en elle.

Cependant un parti, dès cette époque, commençait à s'agiter en faveur du duc d'Orléans. Quelques révolutionnaires souriaient à l'idée d'allier sa royauté élue à la constitution démocratique de 1791, et un homme auquel l'histoire ne contestera point la pénétration du coup-d'oeil politique, Fouché, déclarait «< qu'il était placé de manière à ramasser le

(1) Voyez, aux Documents justificatifs, la lettre du duc d'Orléans au conseil suprême de régence, du 7 mai 1810, pièce G.

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