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trait insensible au mot si profond d'un de ses anciens ministres, de M. de Chabrol, qui, consulté par lui sur cette périlleuse détermination, avait répondu « qu'il était difficile aujourd'hui de saisir le pouvoir absolu, plus difficile encore de le quitter. » Plusieurs membres du cabinet, entre autres M. de Polignac, offrirent noblement de résigner le ministère, dans l'espoir de favoriser par leur retraite une combinaison utile aux intérêts de la monarchie. Le roi refusa obstinément d'y consentir. Iljugea que de nouveaux conseillers, choisis dans la majorité, perdraient leur influence sur les Chambres en servant la couronne, ou qu'ils affaibliraient les prérogatives du pouvoir royal en demeurant fidèles à leurs doctrines. Les résolutions contradictoires se croisèrent pendant quelques jours dans le cabinet. Il fut question de convoquer sous le nom fastueux de grand conseil de France, une assemblée de pairs, de députés et de membres des conseils généraux, sous la présidence du Dauphin, pour donner son avis sur les moyens de franchir la crise dont on avait si imprudemment compliqué les éléments. Un ministre proposa de remplacer la Chambre des députés par une assemblée de notables, qui se composerait des propriétaires les plus imposés de chaque département, en nombre égal à celui des membres actuels de cette Chambre. On

agita un autre parti: c'était d'anéantir un certain nombre d'élections pour procéder avec le reste de la Chambre. Cette idée, qui rappelait l'une des plus fameuses et la moins sanglante de nos mutilations parlementaires, n'eut aucune suite. On lui préféra la conception plus logique et plus funeste des ordonnances de juillet.

CHAPITRE DEUXIÈME.

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Préparatifs et discussion des ordonnances. Elles sont signées le 25 juillet. - Réflexions sur ces actes de l'autorité royale. Premières impressions que leur apparition fait naître dans la capitale. Protestation des journalistes.

ON objectait un jour à Charles X l'exemple de l'Angleterre, où, par le fait, la puissance souveraine réside dans le parlement: « Cela est vrai, répondit-il, mais il y a cette différence entre les deux états, qu'en Angleterre, ce sont les Chambres qui ont fait la part au roi, tandis qu'en France, c'est le roi qui l'a faite aux Chambres. » Cette idée, grosse d'une révolution de 1688, explique fidèlement l'origine des ordonnances de juillet, conception qui ne fut pas moins propre à Charles X luimême qu'aux ministres qui reçurent la mission de la mûrir et de l'élaborer.

La pensée d'une excursion éventuelle hors des limites rigoureuses de la Constitution était ancienne dans l'esprit du roi. Sans remonter ici à ses antécédents contre- révolutionnaires, sans rappeler sa constante opposition aux tendances libérales du gouvernement de Louis XVIII, et, plus récemment sa tentative abandonnée pour restreindre, lors du sacre de Reims, son serment à la Charte (1), on sait avec quelle prédilection, depuis la retraite de M. de Villèle, ce prince avait caressé les théories de pouvoir constituant dont l'attitude hostile de l'opinion publique avait produit le développement. Ces théories flattaient d'autant plus ses penchants personnels, qu'elles ne paraissaient point inconciliables avee l'esprit ni même avec les dispositions textuelles de la Charte, pour laquelle il professait, comme on l'a déjà dit, un respect sans conviction. Personne à sa cour ne se montrait plus que lui pénétré du principe de la suprématie royale et de l'o

(1) C'est un fait peu connu mais certain, que Charles X, la veille du jour de son sacre, était à peu près décidé à prêter à la Charte un serment restrictif et non absolu. Les représentations que fit à ce sujet, à M. de Villèle, un dignitaire éminent de l'Etat, firent échouer ce plan impolitique et dangereux, à la conception duquel on doit croire que quelques membres du corps diplomatique, et notamment M. Lambruschini, nonce du pape, n'étaient pas étrangers.

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