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Une seconde décharge qui eut lieu dans la rue Traversière, donna la mort à quatre personnes.

Vers le même instant s'élevait, dans la rue SaintHonoré, aux angles des rues Rohan et Richelieu, une première barricade construite à l'aide de trois grosses voitures renversées. Ce genre de défense, dont l'effet allait être si puissant, n'avait guère été pratiqué dans l'étendue de la capitale depuis les

Révolution française. Deux de ses amis, armés comme lui, avaient, ajoute-t-on, succombé à ses côtés. Ce n'est qu'après des recherches infinies et en remontant à la source même de l'événement, que je suis parvenu à connaître exactement ce qui s'était passé. Voici le fait, dépouillé de toute l'enveloppe poétique dont on s'est plu à le revêtir. Un jeune étudiant anglais, nommé Folks, et non Fox, se trouvant dans la rue Saint-Honoré, au moment où le choc entre les troupes et le peuple paraissait imminent, imagina d'aller demander un asile au maître de l'hôtel Royal, existant alors, dont il était personnellement connu. Il monta, et eut l'imprudence de se mettre à l'une des fenêtres de cet hôtel. Les troupes, harcelées par le peuple, commençaient à tirer, et l'une de leurs premières décharges atteignit le malheureux étudiant qui périt victime de sa cu riosité. Ses prétendus amis, qui n'étaient autre que deux garçons de salle de l'hôtel, furent légèrement blessés; ils ont survécu. Tels sont les faits qui résultent d'une note circonstanciée, rédigée en anglais par M. Lawson, ancien propriétaire de l'hôtel Royal, et qu'il a bien voulu mettre à ma disposition.

troubles de la Fronde. Le peuple, qui s'en souvint lors de l'émeute de la rue St-Denis, en 1827, paraissait l'avoir entièrement oublié dans la sanglante journée du 13 vendémiaire. A l'abri de ce retranchement improvisé, les insurgés assaillirent à coups de pierres un corps de gendarmes posté sur la place du Palais-Royal, et que menaçait également un rassemblement qui s'était formé dans la rue du Lycée. Ce détachement tira quelques coups de fusil; mais l'officier, craignant d'être forcé, demanda des renforts au maréchal, qui le fit dégager par un peloton de lanciers.

Une autre barricade s'élevait presque simultanément à l'angle de la rue de l'Echelle et de la rue St-Honoré. Un détachement nombreux de la garde, précédé de lanciers et de gendarmes, et conduit par un officier supérieur, s'y présenta. L'officier fit sommer le peuple de se retirer; on ne lui répondit qu'à coups de pierres ou de tuiles. Il mit pied à terre, fit écouler ses cavaliers par la galerie Delorme, et ordonna à l'infanterie de forcer le passage. Deux nouvelles sommations furent adressées sans succès au peuple; la troupe fit une décharge en l'air, et les insurgés commencèrent à rétrograder. Les barricades furent détruites, et le détachement s'avança le long de la rue St-Honoré. Assailli de nouveau au-delà de l'église St-Roch, il fit une

seconde décharge en l'air qui ne servit qu'à redoubler l'audace des agresseurs. Mais un troisième feu eut lieu sur les groupes, et blessa mortellement un homme du peuple. La foule s'écoula rapidement, et la circulation fut rétablie. Le dernier mouvement que nous venons de décrire avait été secondé par un bataillon du 15° léger, lequel, après la destruction des deux barricades, s'était mis en marche par la rue St-Denis pour se croiser sur le boulevard avec un détachement de la garde qui se rendait au Pont-Neuf. Le régiment dont ce corps était tiré, avait suivi une partie de cet itinéraire. Il avait ordre de balayer tout ce qu'il rencontrerait sur son passage, mais sans faire feu, si ce n'est sur les fenêtres d'où partiraient des pierres ou d'autres projectiles, ou sur les groupes dont il aurait essuyé plusieurs agressions. Ces instructions furent fidèlement observées.

Cette soirée fut marquée par une circonstance fâcheuse pour la cause royale. On a vu plus haut qu'un détachement nombreux du 5o de ligne, qui stationnait sur la place Vendôme, avait été appelé dans la rue St-Honoré pour fortifier l'action de la gendarmerie, qui ne suffisait plus à dissiper les rassemblements. Cette troupe, pressée ou assaillie par les flots du peuple, chercha vainement à s'ouvrir un passage. Un commandant ordonna de faire feu;

mais l'officier inférieur, au lieu de répéter ce commandement, donna celui de mettre l'arme au bras. Il fut obéi, et les cris de vive la ligne! éclatèrent aussitôt de toutes parts. Ce premier succès ne suffit point à la multitude. Elle exigea que le détachement livrât ses armes. Le même officier s'y refusa et menaça de faire tirer sur ceux qui essaieraient de s'en emparer. Ce peloton rejoignit son corps en bon ordre.

Tandis que ces événements se passaient dans la rue St-Honoré, la place de la Bourse était le théâtre de scènes non moins tumultueuses. Un vieillard, foulé aux pieds dans une charge de la gendarmerie, avait succombé. Son cadavre fut porté sur cette place aux cris répétés de vengeance! La force publique ne put réussir à soustraire aux promoteurs de la révolte ce sanglant moyen d'excitation. Des insurgés voulaient déposer ce cadavre au corps-degarde; les gendarmes qui occupaient ce poste s'y barricadèrent; on l'assaillit à coups de pierres, on menaça de l'incendier. Cette menace détermina ces militaires à la retraite; l'incendie eut lieu immédiatement et se prolongea une partie de la nuit. Plusieurs détachements de la garde royale et de la ligne s'étant présentés pour faire évacuer la place, furent repoussés à coups de pierres.

Les cadavres de plusieurs individus qui avaient

péri furent promenés dans divers quartiers de la capitale, dans le but d'exciter le peuple à l'insurrection. Quelques blessés, en qui la vie n'était point encore éteinte, étalés ainsi en spectacle, moururent victimes de l'inhumanité des agitateurs. Le peuple se montra sur plusieurs points peu sensible à ces démonstrations. Ailleurs, eles produisirent une vive effervescence. Les environ du Château-d'Eau, la place du Châtelet se couvrirent de rassemblements plus ou moins inoffensifs. Quelques militaires isolés de leurs corps furent indignement massacrés. Sur le soir, le peuple s'empara de l'imprimerie royale, et, par cette occupation qui eut lieu sans résistance, il priva le gouvernement de ses moyens de communication avec le public. Quelques fusils de chasse, d'autres appartenant à la garde nationale, licenciée en 1827, avaient commencé à briller, ça et là, entre les mains des insurgés. Plusieurs boutiques d'armuriers, forcées et pillées dans la soirée, servirent à en armer un plus grand nombre. Enfin la nuit et la fatigue ralentirent l'ardeur des combattants. Vers onze heures les troupes rentrèrent dans leurs casernes et les citoyens se retirèrent. Peu à peu un silence absolu succéda à ces scènes de tumulte et d'agitation. Mais quel sinistre aspect présentait la cité! Presque partout une résistance intelligente avait,

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