Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint une série de documents relatifs à la question de TerreNeuve et du « French-Shore » recueillis par le CoMITÉ CENTRAL DES ARMATEURS DE FRANCE, et sur lesquels je me permets d'attirer votre attention.

Déjà le COMITÉ CENTRAL DES ARMATEURS DE FRANCE, auquel s'étaient joints les Syndicats d'armateurs à la grande pêche de Granville, Fécamp et Saint-Malo et les Chambres de Commerce de tous les ports intéressés, a été entendu par la Commission des Affaires Extérieures de la Chambre des Députés à laquelle l'accord anglo-français avait été renvoyé. A la suite de sa déposition que M. l'amiral Humann, qui a longtemps commandé la station navale de Terre-Neuve, avait appuyée de sa haute autorité et du témoignage de son expérience personnelle, la Commission des Affaires Extérieures s'était rendu compte de la nécessité absolue d'obtenir préalablement de l'Angleterre la promesse de la suppression du « Bait-Bill » avant d'accepter les termes du traité soumis à l'examen du Parlement. A l'unanimité, elle avait donné mission à son Président, M. Étienne, d'insister auprès de M. le Ministre des Affaires Étrangères pour l'abrogation préalable du « Bait-Bill » ou le maintien du statu quo.

Il serait étrange, d'ailleurs, qu'une législation d'exception fût maintenue contre nos pêcheurs dans une colonie britannique alors que règne l'entente cordiale et que les Gouvernements Français et Anglais font les plus sérieux efforts pour régler d'un commun accord toutes les questions susceptibles de donner lieu à un conflit entre les nations qu'ils représentent.

Au moment même où l'accord anglo-français est soumis à vos délibérations, notre campagne de pêche à Terre-Neuve se trouve gravement compromise par l'extrême difficulté qu'éprouvent nos nationaux à se procurer de la boëtte, et cette difficulté ne tient pas à des circonstances économiques naturelles, mais uniquement à l'interdiction résultant du « Bait-Bill ». Nous recevons aujourd'hui de la Chambre de Commerce de Saint-Pierre-Miquelon le câblogramme suivant :

<< Campagne pêche compromise comme année dernière par suite manque appåt. Supplions insister pour maintien exclusif de nos droits sur « French-Shore » si Angleterre refuse abrogation << Bait-Bill ».

Le COMITÉ CENTRAL DES ARMATEURS DE FRANCE fait en conséquence un pressant appel à votre patriotisme pour vous prier de ne ratifier l'accord soumis au vote du Parlement qu'à la condition expresse que le « Bait-Bill » soit abrogé.

Veuillez agréer, Monsieur le Sénateur, l'assurance de ma haute considération.

Le Président,

André LEBON.

Le COMITÉ CENTRAL a reçu un grand nombre de lettres de députés et de sénateurs qui toutes témoignent de l'intérêt porté à notre industrie des grandes pêches et à notre marine marchande. Elles nous donnent l'espoir que, au moment où la question viendra devant les Chambres, cet intéret se manifestera assez hautement pour empêcher le Gouvernement de renoncer à nos droits et prérogatives sur le « French-Shore » sans garantir à nos pêcheurs le libre exercice de leur industrie.

Encore une fois, en effet, les efforts du COMITÉ CENTRAL n'ont pas été vains. La question de Terre-Neuve, beaucoup trop importante pour être votée par les Chambres dans les quelques jours qui précédaient leur séparation, a été ajournée à la session suivante. Le COMITÉ CENTRAL a donc tout le loisir de la faire connaître sous son vrai jour : il s'efforcera, par ce moyen, d'éviter la disparition des armements pour Terre-Neuve.

ANNEXES

Documents sur la Question de Terre-Neuve et du "French-Shore''

I. — Le nouvel accord franco-anglais.

Texte des conventions.

Le Président de la République Française et S. M. le Roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires britanniques au delà des mers, Empereur des Indes, ayant résolu de mettre fin, par un arrangement amiable, aux difficultés survenues à Terre-Neuve, ont décidé de conclure une convention à cet effet, et ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs :

Le Président de la République Française, S. E. M. Paul Cambon, Ambassadeur de la République Française près de S. M. le Roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires britanniques au delà des mers, Empereur des Indes; et

S. M. le Roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires britanniques au delà des mers, Empereur des Indes, le Très Honorable Henry Charles Keith Petty-Fitzmaurice, marquis de Lansdowne, principal Secrétaire d'État de Sa Majesté au Département des Affaires Étrangères,

Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus de ce qui suit, sous réserve de l'approbation de leurs Parlements respectifs :

ARTICLE PREMIER.

La France renonce aux privilèges établis à son profit par l'article 13 du traité d'Utrecht, et confirmés ou modifiés par des dispositions postérieures ;

ART. 2.

La France conserve pour ses ressortissants, sur le pied d'égalité avec les sujets britanniques, le droit de pêche dans les eaux territoriales sur la partie de la côte de Terre-Neuve comprise entre le cap Saint-Jean et le cap Raye en passant par le Nord; ce droit s'exercera pendant la saison habituelle de pêche finissant pour tout le monde le 20 Octobre de chaque année.

Les Français pourront donc y pêcher toute espèce de poisson, y compris la boëtte, ainsi que les crustacés. Il pourront entrer dans tout port ou havre de cette côte et s'y procurer des approvisionnements ou de la boëtte et s'y abriter dans les mêmes conditions que les habitants de Terre-Neuve, en restant soumis aux règlements locaux en vigueur; ils pourront aussi pêcher à l'embouchure des rivières, sans toutefois pouvoir dépasser une ligne droite qui serait tirée de l'un à l'autre des points extrêmes du rivage entre lesquels la rivière se jette dans la mer.

Ils devront s'abstenir de faire usage d'engins de pêche fixes « stake-nets and fixed engines sans la permission des autorités locales.

Sur la partie de la côte mentionnée ci-dessus, les Anglais et les Français seront soumis sur le

pied d'égalité aux lois et règlements actuellement en vigueur ou qui seraient édictés, dans la suite, pour la prohibition, pendant un temps déterminé, de la pêche de certains poissons ou pour l'amélioration des pêcheries. Il sera donné connaissance au Gouvernement de la République Française des lois et règlements nouveaux, trois mois avant l'époque où ceux-ci devront être appliqués.

La police de la pêche sur la partie de la côte susmentionnée ainsi que celle du trafic illicite des liqueurs et de la contrebande des alcools feront l'objet d'un règlement établi d'accord entre les deux Gouvernements.

ART. 3.

Une indemnité pécuniaire sera allouée par le Gouvernement de Sa Majesté Britannique aux citoyens français se livrant à la pêche ou à la préparation du poisson sur le « Treaty Shore » qui seront obligés soit d'abandonner les établissements qu'ils y possèdent, soit de renoncer à leur industrie, par suite de la modification apportée par la présente Convention à l'état de choses actuel.

Cette indemnité ne pourra être réclamée par les intéressés que s'ils ont exercé leur profession antérieurement à la clôture de la saison de pêche de 1903.

Les demandes d'indemnité seront soumises à un tribunal arbitral composé d'un officier de chaque nation, et, en cas de désaccord, d'un surarbitre désigné suivant la procédure instituée par l'article 32 de la Convention de la Haye. Les détails réglant la constitution du tribunal et les conditions des enquêtes à ouvrir pour mettre les demandes en état, feront l'objet d'un arrangement spécial entre les deux Gouvernements.

ART. 4.

Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique, reconnaissant qu'en outre de l'indemnité mentionnée dans l'article précédent, une compensation territoriale est due à la France pour l'abandon de son privilège sur la partie de l'île de Terre-Neuve visée à l'article 2, convient avec le Gouvernement de la République Française des dispositions qui font l'objet des articles suivants :

ART. 3.

La frontière existant entre la Sénégambie et la colonie anglaise de la Gambie sera modifiée, de manière à assurer à la France la possession de Yarboutenda et des terrains et points d'atterrissement appartenant à cette localité.

Au cas où la navigation maritime ne pourrait s'exercer jusque-là, un accès sera assuré en aval au Gouvernement Français, sur un point de la rivière Gambie qui sera reconnu, d'un commun accord, comme étant accessible aux bâtiments marchands se livrant à la navigation maritime.

Les conditions dans lesquelles seront réglés le transit sur la rivière Gambie et ses affluents, ainsi que le mode d'accès au point qui viendrait à être réservé à la France, en exécution du paragraphe précédent, feront l'objet d'arrangements à concerter entre les deux Gouvernements.

Il est, dans tous les cas, entendu que ces conditions seront au moins aussi favorables que celles du régime institué par application de l'acte général de la Conférence africaine du 26 Février 1885, et de la Convention franco-anglaise du 4 Juin 1899, dans la partie anglaise du bassin du Niger.

ART. 6.

Le groupe désigné sous le nom d'iles de Los, et situé en face de Konakry, est cédé par Sa Majesté Britannique à la France.

ART. 7.

Les personnes nées sur les territoires cédés à la Françe par les articles 5 et 6 de la présente Convention pourront conserver la nationalité britannique moyennant une déclaration individuelle

faite à cet effet devant l'autorité compétente, par elles-mêmes ou, dans le cas d'enfants mineurs, par leurs parents ou tuteurs.

Le délai dans lequel devra se faire la déclaration d'option prévue au paragraphe précédent sera d'un an, à dater du jour de l'installation de l'autorité française sur le territoire où seront nées lesdites personnes.

Les lois et coutumes indigènes actuellement en vigueur seront respectées autant que possible. Aux îles de Los, et pendant une période de trente années, à partir de l'échange des ratifications de la présente convention, les pêcheurs anglais bénéficieront, en ce qui concerne le droit d'ancrage par tous les temps, d'approvisionnement et d'aiguade, de réparation, de transbordement de marchandises, de vente de poisson, de descente à terre et de séchage des filets, du même régime que les pêcheurs français, sous réserve, toutefois, par eux de l'observation des prescritions édictées dans les lois et règlements français qui y seront en vigueur.

ART. 8.

A l'Est du Niger, et sous réserve des modifications que pourront y apporter les stipulations insérées au dernier paragraphe du présent article le tracé suivant sera substitué à la délimitation établie entre les possessions françaises et anglaises par la Convention du 14 Juin 1898:

Partant du point sur la rive gauche du Niger indiqué à l'article 3 de la Convention du 14 Juin 1898, c'est-à-dire la ligne médiane du Dallul-Maouri, la frontière suivra cette ligne médiane jusqu'à sa rencontre avec la circonférence d'un cercle décrit du centre de la ville de Sokoto avec un rayon de 160.932 mètres (100 milles). De ce point, elle suivra l'arc septentrional de ce cercle jusqu'à un point situé à 5 kilomètres au Sud du point d'intersection avec ledit arc de ce cercle de la route de Dosso à Matankari par Maourédé.

Elle gagnera de là, en ligne droite, un point situé à 20 kilomètres au Nord de Kouni (RirniN'Kouni), puis de là, également en ligne droite, un point situé à 15 kilomètres au Sud de Maradi, et rejoindra ensuite directement l'intersection du parallèle 13° 20 de latitude Nord avec un méridien passant à 70 milles à l'Est de la seconde intersection du quatorzième degré de latitude Nord avec l'arc septentrional du cercle précité.

De là, la frontière suivra, vers l'Est, le parallèle 13° 20′ de latitude Nord jusqu'à sa rencontre avec la rive gauche de la rivière Komadougou Quobé (Komadugu Waube), dont elle suivra le thalweg jusqu'au lac Tchad. Mais si, avant de rencontrer cette rivière, la frontière arrive à une distance de 5 kilomètres de la route de caravane de Zinder à Yo, par Soua Kololoua (Sua Kololua), Adeber et Kabi, la frontière sera tracée à une distance de 5 kilomètres du Sud de cette route jusqu'à sa rencontre avec la rive gauche de la rivière Komadougou Ouobé (Komadugu Waube) étant toutefois entendu que si la frontière ainsi tracée venait à traverser un village, ce village, avec ses terrains, serait attribué au gouvernement auquel se rattacherait la partie majeure du village et de ses terrains. Elle suivra ensuite, comme ci-dessus le thalweg de ladite rivière jusqu'au lac Tchad.

De la elle suivra le degré de latitude passant par le thalweg de l'embouchure de ladite rivière jusqu'à son intersection avec le méridien passant à 35' Est du centre de la ville de Kouka, puis ce méridien vers le Sud jusqu'à son intersection avec la rive Sud du lac Tchad.

Il est convenu, cependant, que lorsque les commissaires des deux Gouvernements qui procèdent, en ce moment, à la délimitation de la ligne établie dans l'article 4 de la Convention du 11 Juin 1898, seront revenus et pourront être consultés, les deux Gouvernements prendront en considération toute modification à la ligne-frontière ci-dessus qui semblerait désirable pour déterminer la ligne de démarcation avec plus de précision. Afin d'éviter les inconvénients qui pourraient résulter de part et d'autre d'un tracé qui s'écarterait des frontières reconnues et bien constatées, il est convenu que, dans la partie du tracé où la frontière n'est pas déterminée par les routes commerciales, il sera tenu compte des divisions politiques actuelles des territoires, de façon que les tribus relevant des territoires de Tessaoua Maradi et Zinder soient, autant que possible, laissées à la France, et celles relevant des territoires de la zone anglaise soient, autant que possible, laissées à la Grande-Bretagne.

Il est en outre entendu que sur le Tchad, la limite sera, s'il est besoin, modifiée de façon à assurer à la France une communication en eau libre en toute saison entre ses possessions du NordOuest et du Sud-Est du lac, et une partie de la superficie des eaux libres du lac au moins proportionnelle à celle qui lui était attribuée par la carte forinant l'annexe no 2 de la Convention du 14 Juin 1898.

Dans la partie commune de la rivière Komadougou, les populations riveraines auront égalité de droits pour la pêche.

ART. 9.

La présente convention sera ratifiée, et les ratifications en seront échangées, à Londres, dans le délai de huit mois, ou plus tôt si faire se peut.

En foi de quoi S. E. l'Ambassadeur de la République Française près S. M. le Roi du RoyaumeUni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires britanniques au delà des mers, Empereur des Indes, et le principal Secrétaire d'État pour les Affaires Étrangères de Sa Majesté Britannique, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention et y ont apposé leurs cachets.

Fait à Londres, en double expédition, le 8 Avril 1904.

Déclaration concernant l'Égypte et le Maroc.

ARTICLE PREMIER.

Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique déclare qu'il n'a pas l'intention de changer l'état politique de l'Égypte.

De son côté, le Gouvernement de la République Française déclare qu'il n'entravera pas l'action de l'Angleterre dans ce pays en demandant qu'un terme soit fixé à l'occupation britannique ou de toute autre manière, et qu'il donne son adhésion au projet de décret khédivial qui est annexé au présent arrangement et qui contient les garanties jugées nécessaires pour la sauvegarde des intérêts des porteurs de la Dette Égyptienne, mais à la condition qu'après sa mise en vigueur aucune modification n'y pourra être introduite sans l'assentiment des puissances signataires de la Convention de Londres de 1885.

Il est convenu que la Direction Générale des Antiquités en Égypte, continuera d'être, comme par le passé, confiée à un savant français.

Les écoles françaises en Égypte continueront à jouir de la même liberté que par le passé.

ART. 2.

Le Gouvernement de la République Française déclare qu'il n'a pas l'intention de changer l'état politique du Maroc.

De son côté, le Gouvernement de Sa Majesté Britannique reconnaît qu'il appartient à la France, notamment comme puissance limitrophe du Maroc sur une vaste étendue, de veiller à la tranquillité dans ce pays, et de lui prêter son assistance pour toutes les réformes administratives, économiques, financières et militaires dont il a besoin.

Il déclare qu'il n'entravera pas l'action de la France à cet effet, sous réserve que cette action laissera intacts les droits dont, en vertu des traités, conventions et usages, la Grande-Bretagne jouit au Maroc, y compris le droit de cabotage entre les ports marocains dont bénéficient les navires anglais depuis 1901.

« PreviousContinue »