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1832). La persécution finit par triompher de la résistance du clergé. En 1839, trois évêques et treize cents prètres demandèrent à entrer dans l'Église « orthodoxe ». A leur suite, deux millions de Grecs-Unis y furent incorporés de force. Les Latins, c'est-à-dire les Polonais, n'étaient pas mieux traités. L'insurrection polonaise de 1831' fut, sous prétexte de répression, le signal de mesures odieuses. Le pape Grégoire XVI, qui avait condamné la rébellion, s'éleva vivement contre les procédés barbares employés par le gouvernement russe pour opérer des « conversions >> (juillet 1842). Il eut à Rome, le 13 décembre 1845, une entrevue célèbre avec Nicolas I, qu'il décida à conclure un concordat. Mais ce concordat, signé sous Pie IX (1847), resta lettre morte.

Persécutions en Portugal et en Espagne. Ce n'était pas seulement dans les pays protestants ou schismatiques que l'Église était persécutée. Dans les pays catholiques, les gouvernements n'échappaient pas à la contagion.

En Portugal, à la suite de la victoire de Don Pedro sur Don Miguel, auquel le clergé s'était rallié, l'Église put se croire revenue aux temps de Pombal. - En 1841, des négociations furent ouvertes à Lisbonne par l'internonce Capaccini; mais, malgré son habileté, n'aboutirent pas à un concordat.

En Espagne, les troubles qui éclatèrent à la mort de Ferdinand VII (sept. 1833), furent défavorables à l'Église. La régence de la reine Christine fut marquée par le triomphe du parti dit « libéral » et par une réaction violente contre le clergé. Durant plusieurs années, il y eut, dans le royaume d'Isabelle, un véritable déchaînement à l'égard de l'Église. Les relations entre l'Espagne et le pape se trouvèrent suspendues de fait, et un grand nombre de diocèses restèrent sans évèques (22 en 1839). La régente avait reconnu la nécessité de rétablir ses rapports avec le Saint-Siège, lorsque l'insurrection de 1840 la força de fuir et ramena les actes de violence. Ces actes durèrent jusqu'à la chute du régent Espartero (1843).

1. Voir ci-dessus, p. 310 et suiv. 2. Voir ci-dessus, p. 259 et suiv. 3. Voir ci-dessus, p. 239 et suiv.

Enfin, après de longues négociations, la reine Isabelle, en ouvrant les Cortès le 15 décembre 1848, put annoncer que les rapports avec le Saint-Siège étaient rétablis.

L'on peut donc dire, sans exagération, que, pendant ses quinze ans de règne, Grégoire XVI n'a jamais vu l'Église en paix dans ses rapports extérieurs avec les princes. Seuls, l'Angleterre, où la cause de l'émancipation des catholiques faisait chaque jour des progrès, et les États-Unis de l'Amérique du Nord, où la liberté sincèrement pratiquée favorisait le développement de l'Église, ont pu lui donner quelque con

solation.

III.

État intérieur de l'Église.

Aperçu général.

Le xvi siècle, si l'on ne considère que les hautes classes, avait été un siècle de scepticisme. Parmi les hommes qui avaient gardé la foi, beaucoup étaient imbus de préjugés plus ou moins contraires à l'esprit catholique jansénisme, gallicanisme, febronianisme, joséphisme. Après les secousses terribles de la Révolution, cet état de choses se modifia. Le nombre des sceptiques diminua : plus d'un répétait volontiers avec Napoléon : « Une nation sans religion est comme un vaisseau sans boussole. » En même temps que l'esprit religieux, l'on vit renaître les controverses dogmatiques, qui depuis un demi-siècle n'intéressaient plus. Les tenants du gallicanisme et du joséphisme avaient dû, bon gré, mal gré, se rapprocher du centre de l'unité. Ces deux doctrines pouvaient être encore celles des gouvernements; elles n'étaient plus celles des peuples. La poussée vigoureuse donnée par Lamennais et ses disciples avait porté ses fruits; les Églises schismatiques qui cherchèrent à se fonder ne recrutèrent qu'un nombre infime d'adhérents. Le jansénisme fut plus difficile à détruire. Il y fallut quarante ans d'efforts. L'action des Jésuites, de Dom Guéranger, de Lacordaire, assura le succès, qui se manifesta par la restauration des ordres religieux, la création d'une foule

d'associations pieuses ou charitables, la reprise générale des prédications et des missions. Ce réveil intérieur de l'Église catholique fut d'abord favorisé, puis contrarié, mais non arrêté, par ses rapports extérieurs avec les gouvernements.

Controverses dogmatiques: Hermès, Lamennais,

par

Bautain. C'est en Allemagne, tout agitée encore par les systèmes philosophiques de Kant et de. Fichte, que se produisirent les premières controverses dogmatiques, et ces controverses furent provoquées par le désir de faire de la philosophie la base de la religion. C'est ainsi qu'un professeur de l'Université de Bonn, Georges Hermès, prétendit établir la vérité du christianisme par les seules forces de la raison, en cherchant, par la méthode de Kant, à prouver l'existence de Dieu, la possibilité de la révélation, et sa conservation l'Écriture et la Tradition. La foi devenait ainsi matière à démonstration, et tout homme devait y être conduit par l'assentiment nécessaire de la raison spéculative ou le consentement nécessaire de la raison pratique ». Il y avait là une exagération du rôle de la raison dans la connaissance des vérités révélées, qui rappelait le semi-pelagianisme. Par le charme de son enseignement et par ses livres, Hermès avait gagné à sa théorie un grand nombre de disciples, particulièrement à Bonn (Braun, Achterfeld), à Breslau (Elvenich, Baltzer), au séminaire de Trèves. Après sa mort (mai 1831), les débats s'ouvrirent sur sa doctrine, et Grégoire XVI finit par la condamner (septembre 1835).

En France, à la même époque, Lamennais et l'abbé Bautain tombaient dans un excès contraire, en méconnaissant la part assignée à la raison dans le fondement de la certitude. Pour Lamennais, il n'y avait pas d'autre criterium de la vérité que « le sens commun ou l'autorité », l'assentiment général du genre humain. Tout le tome II de son célèbre Essai sur l'indifférence en matière de religion (1820) est employé à développer cette idée. L'abbé Bautain, professeur de philosophie à Strasbourg, partait du même principe; mais il substituait au « sens » de Lamennais, comme criterium de la vérité, la tradition de l'Église (traditionalisme). Pour lui, c'est la révélation seule, et non la raison, qui nous éclaire sur les choses

divines et nous fait connaître les dogmes chrétiens. La doctrine philosophique de Lamennais, interdite dès 1823 par le P. Fortis, général des jésuites, fut condamnée par 75 évêques de France, et déférée au pape, qui confirma la condamnation (encyclique Mirari vos, 1832). L'abbé Baulain fut censuré en septembre 1834 par son évêque, MTM de Trevern. Après quelque hésitation, il céda aux instances de Lacordaire (1837) et soumit l'affaire au jugement du Saint-Siège. Condamné de nouveau, il se rétracta et le débat fut clos (1840). L'abbé Bautain mourut, en 4867, vicaire général de Paris.

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Églises schismatiques : Châtel, Helsen, Ronge. A côté des penseurs cantonnés sur le terrain spéculatif, quelques hommes d'aventure cherchèrent à fonder des Églises nationales.

La première tentative de ce genre eut lieu en France, au lendemain de la révolution de 1830. Un ancien aumônier de régiment, l'abbé Châtel, vint à Paris et essaya d'organiser une

Église catholique française », dont il s'intitula le primat. Cette église où les offices se faisaient en langue vulgaire et qui comptait Napoléon I au nombre de ses saints, végéta douze ans, tomba dans le ridicule, et fut fermée par la police en 1842. L'ex-primat fut tout heureux d'obtenir un emploi dans les postes.

La Belgique, comme la France et à la même date, eut son abbé Châtel dans la personne de l'abbé Helsen. Ce prêtre, suspendu pour cause de mœurs, fonda à Bruxelles, dans un local appartenant à la loge maçonnique, une « Église catholique et apostolique », où les offices se faisaient en français et en flamand, et qui dégénéra bientôt en une sorte de club révolutionnaire. Helsen se rétracta en novembre 1842.

En Allemagne, une agitation du même ordre, mais qui eut en fait plus d'importance, fut celle des « catholiques allemands », qui trouvèrent avec Ronge et le rongianisme un chef et une formule. Ces catholiques », influencés par les principes protestants, voulaient changer toute l'économie de l'Église. Ils récla maient des offices en langue vulgaire, des cérémonies appropriées à l'esprit moderne, l'abolition du célibat des prêtres, la coustitution d'Églises nationales indépendantes de Rome. Ces

idées furent propagées d'abord par le coadjuteur de Constance, Wessenberg, par le prêtre marié Fisher, par un professeur de Fribourg, Reichlin-Meldegg, par les frères Theiner, et quelques autres « libéraux », qui firent d'assez nombreux prosélytes dans le duché de Bade, le Wurtemberg, la Suisse, la Saxe, la Silésie. La plupart de ces réformateurs devaient se séparer de l'Église à la première occasion. Elle leur fut fournie par un prêtre silésien, Jean Ronge, que son évêque avait suspendu et qui profita de l'ostension de la Sainte Tunique, à Trèves (1844), pour publier un violent pamphlet contre Mr Arnoldi, évêque de cette ville. Il s'ensuivit une longue agitation, pendant laquelle Ronge établit à Breslau une paroisse dite « catholique », où l'on ne reconnaissait plus que deux sacrements. En même temps, un autre prètre (suspendu pour avoir violé la loi du célibat), Jean Czerski, fondait une « communauté chrétienne catholique » dans la province de Posen, à Schneidemühl. Des communautés analogues s'établirent çà et là. A Pâques 1845, elles tinrent à Leipzig un synode, où elles adoptèrent un symbole à peu près négatif, rédigé par Ronge, et rejetant, entre autres choses, la primauté du pape, la confession auriculaire, le célibat ecclésiastique, le culte des saints. Ainsi fut constitué ce qu'on appela le « catholicisme allemand » ou même « l'Église chrétienne catholique et apostolique »>, catholique de nom, protestante de fait. Encouragés par les gouvernements allemands et notamment par la Prusse, les catholiques allemands » comptaient, en 1846, 170 communautés. En 1848, ils conquirent pleine liberté, commencèrent à entamer les Églises protestantes, et provoquèrent même, avec Dowiat, une agitation politique. La Prusse, le Hanovre, la Hesse-Cassel, l'Autriche prirent alors contre eux des mesures sévères. A partir de ce moment, la secte tomba en décadence.

Ordres religieux, anciens et nouveaux. Peu favorable aux sectes, la période qui nous occupe l'a été beaucoup au contraire aux ordres religieux : on les voit naître ou renaître de tous côtés. Le premier qui réapparut fut celui des Jésuites, que Pie VII rétablit par toute la chrétienté en 1814 (bulle Sollicitudo omnium ecclesiarum). La Compagnie de Jésus se répandit

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