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avaient au-dessus des prètres, quoiqu'ils ne fussent que diacres, et même au-dessus des évêques dans toutes les assemblées qui se tenaient hors du sanctuaire et hors du concile. Balsamon, qui avait été lui-même cartophilar, a eu quelquefois de la peine à approuver cet usage, qui blesse si fort les canons (1).

CARTULAIRES.

On appelle cartulaires les papiers terriers des églises, où se trouvent les contrats d'achat, de vente, d'échanges, les priviléges, immunités, exemptions et autres chartes. On appelle chartrier le lieu où sont renfermés les cartulaires; il est bon d'observer que les cartulaires sont ordinairement postérieurs à la plupart des actes qui y sont contenus, et qu'ils n'ont été faits que pour conserver ces actes dans leur entier.

Les compilateurs des cartulaires n'ont donc pas toujours été fideles; on trouve dans la plupart des pièces manifestement fausses ou corrompues, ce qu'il est aisé de justifier par la comparaison des originaux avec les copies qui ont été enregistrées dans les cartulaires, ou en comparant d'anciens cartulaires avec d'autres plus nouveaux où les mêmes actes se trouvent. Voyez à ce sujet les règles que les savants ont proposées pour découvrir ces faussetés, sous le mot DIPLOME.

Nous remarquerons ici que les monastères ont fait quelquefois confirmer leurs titres par les princes et par les autres puissances, en leur représentant que leurs anciens titres étaient si vieux qu'on avait de la peine à les lire, et alors il est arrivé souvent que sous ce prétexte on en substituait d'autres en la place des anciens, d'où l'on doit conclure qu'il ne faut pas recevoir facilement et sans examen les actes qui se trouvent enregistrés dans les cartulaires (2).

CAS RÉSERVÉS.

Les cas réservés sont des péchés dont les supérieurs ecclésiastiques se sont tellement retenu l'absolution, qu'elle ne peut être donnée par les confesseurs qui n'ont que les pouvoirs ordinaires.

La règle est, parmi les théologiens, que pour qu'un péché puisse être réservé, il faut qu'il soit extérieur, consommé, mortel et certain, sur lequel il ne reste aucun doute raisonnable et commis par des personnes qui ont atteint l'àge de puberté; les péchés qui n'ont point toutes ces conditions, quelque énormes qu'ils soient d'ailleurs, ne sont point ordinairement compris dans les lois qui établissent des réserves. Les censures, qui ne sont jamais prononcées par le droit ou par le juge, que pour des cas graves, sont aussi indistinctement sujettes à la même réserve d'absolution. On voit, ci-après,

(1) Thomassin, Discipline de l'Eglise, Partie 1, liv. 111, ch. 52, n. 4 et 5. (2) Jurisprudence canonique, verbo CARTULAIRE; Mémoires du clergé, tom. VI, p. 958 et suiv.

en quoi ces deux sortes de réserves de péchés et de censures conviennent ou different, ainsi que les motifs et la fin de leur établissement. Dans l'Église d'Orient, il n'y a point de cas réservés, et chaque prètre, que les pénitents choisissent, peut y absoudre de . tous péchés, en vertu des pouvoirs qu'il a reçus dans son ordination (1).

Comme cette matière n'est de notre ressort qu'à quelques égards, nous n'entrerons pas ici dans le détail de tous les cas ni de toutes les questions qui sont savamment traitées dans les conférences écrites de différents diocèses. C'est là que les ecclésiastiques doivent s'instruire de ce qui appartient aux confesseurs dans l'administration du sacrement de pénitence: nous nous bornerons à rappeler ici certains principes généraux qui peuvent servir de règle au for extérieur.

A l'égard des autres espèces de réserves, voyez RESERVES, CAUSES

MAJEURES.

§ I. Origine des CAS RÉSERVÉS au pape, et leur nombre.

Le père Thomassin (2) nous apprend que l'on ne distinguait pas encore les cas réservés au pape d'avec ceux qui sont réservés aux évèques, lorsque ceux-ci commencèrent, sur la fin du dixième siècle, à demander à Sa Sainteté la décision des cas embarrassés et l'absolution des crimes énormes qui leur avaient été réservés jusqu'alors. Nous voyons en effet, par le second concile de Limoges, tenu l'an 1032, qu'on envoyait des pénitents à Rome avec des lettres, dans lesquelles on marquait l'espèce de leurs crimes et la pénitence qu'on leur avait imposée. Le pape pouvait confirmer cette pénitence, la diminuer ou l'augmenter: Judicium enim totius Ecclesiæ in apostolica Sede romanâ constat.

Le savant et pieux Yves de Chartres envoya au pape un gentilhomme concubinaire, avec des lettres qui exposaient son crime et qui remettaient tout à la décision du Saint-Siége: Dedi ei litteras, seriem ejus causæ continentes, ad dominum papam, ut, cognitâ veritate, quod indè vellet, ordinaret et mihi remandaret; hoc responsum expecto, nec aliter mutabo sententiam nisi aut ex ore ejus audiam, aut ex litteris intelligam. (Ep. 98.)

Et voilà de toutes les origines qu'on donne aux cas réservés au pape la plus vraisemblable (3).

Cet usage, qu'introduisirent les évêques, dit Durand de Maillane, devint ensuite une nécessité et une loi, par le soin qu'ont pris les Souverains Pontifes de l'exprinter par des réserves toutes particulières. D'ailleurs les papes ont de droit divin le pouvoir d'établir des cas réservés pour toute l'Église, vérité proclamée par Pie VI dans la

(1) Pontas, Dictionnaire, art. CAS RÉSERVÉS.

(2) Discipline de l'Église, part. IV, liv. 1, ch. 70.
(3) Mémoires du clergé, tom. VI, pag. 1392 à 1397.

bulle Auctorem fidei. (Prop. 44 et 45.) Quoiqu'il en soit de l'origine de ces réserves, voici quelle est à cet égard la doctrine du concile de Trente, session XIV, ch. 7, qui semble contredire un peu ce sentiment.

« Mais, comme il est de l'ordre et de l'essence de tout jugement, que nul ne prononce de sentence que sur ceux qui lui sont soumis, l'Église de Dieu a toujours été persuadée, et le saint concile confirme encore la mème vérité, qu'une absolution doit être nulle, qui est prononcée par un prètre sur une personne sur laquelle il n'a point de juridiction ordinaire et subdéléguée.

De plus aussi, nos anciens Pères ont toujours estimé d'une très grande importance, pour la bonne discipline du peuple chrétien, que certains crimes atroces et très griefs ne fussent pas absous indifféremment par tout prêtre, mais seulement par ceux du premier ordre. C'est pour cela qu'avec grande raison les Souverains Pontifes, suivant la suprême puissance qui leur a été donnée sur l'Église universelle, ont pu réserver à leur jugement particulier la connaissance de certains crimes des plus atroces. Et comme tout ce qui vient de Dieu est bien réglé, on ne doit pas non plus révoquer en doute que tous les évêques, chacun dans leur diocèse, n'aient la même liberté, dont pourtant ils doivent user pour édifier et non pour détruire; et cela en conséquence de l'autorité qui leur a été donnée, sur ceux qui leur sont soumis, par dessus tous les autres prêtres inférieurs, principalement à l'égard des chefs qui emportent avec eux la censure de l'excommunication.

« Or, il est convenable à l'autorité divine que cette réserve des péchés, non seulement ait lieu pour la police extérieure, mais qu'elle ait effet même devant Dieu. Cependant, de peur qu'à cette occasion quelqu'un ne vint à périr, il a toujours été observé dans la même. Église de Dieu, par un pieux usage, qu'il n'y eut aucuns cas réservés à l'article de la mort, et que tous prêtres pussent absoudre tous les pénitents des censures et de quelque péché que ce soit. Mais hors cela, les prêtres n'ayant point de pouvoir pour les cas réservés, tout ce qu'ils ont à faire est de tàcher de persuader aux pénitents d'aller trouver les juges supérieurs et légitimes, pour en obtenir l'absolution. »

Il semble que les cas réservés au pape devraient être les mêmes dans tous les diocèses; cependant nous trouvons quelque différence sur ce sujet. Dans quelques diocèses on lui réserve l'absolution de certains péchés dont les évêques absolvent dans d'autres ; il n'y a à cet égard de règle générale que pour cinq ou six cas, sur lesquels les auteurs paraissent tous s'accorder. Ces cas sont :

1° Quand on a frappé publiquement un clerc ou un religieux : Gravis aut mediocris percussio cleri vel monachi ac violentia, si sit publicè notaria. Le chapitre Si quis, suadente, c. 17, q. 4, tiré du concile de Reims, tenu l'an 1132, et où présidait le pape Innocent II, s'exprime ainsi : Si quis, suadente diabolo, hujus sacrilegii reatum

incurrerit, quòd in clericum vel monachum violentas manus injecerit, anathematis vinculo subjaceat, et nullus episcoporum illum præsumat absolvere (nisi mortis urgente periculo) donec apostolico conspectui præsentetur, et ejus mandatum suscipiat. Le concile de Londres, tenu l'an 1142, ordonne la même chose. Les évèques, dit le père Thomassin, ne crurent pas pouvoir autrement faire respecter la cléricature, qu'en remettant au pape seul l'absolution des outrages faits aux ecclésiastiques. Robert du Mont dit qu'après ce décret les cleres commencèrent un peu à respirer: Unde clericis aliquantulum serenitatis vix illuxit. On connaît qu'un excès commis sur la personne d'un clerc est violent à l'effet de la réserve, quand il y a effusion de sang, mutilation de membre, blessure ou meurtrissure; si un inférieur a usé de violence à l'égard de son prélat ou d'une autre personne constituée en dignité; quand l'action s'est faite avec scandale.

2o La simonie et la confidence réelles et notoires: Simonia realis et confidentia similiter non occulta. (Sixte V, Bulle Pastoralis, 61.) 3o Le crime d'incendie fait avec malice et de dessein prémédite après la dénonciation canonique: Incendii crimen ex deliberata malitia post factam et ecclesiasticam denuntiationem. (Can. Pessimam 23, q. 8; cap. Tua nos, de Sententiâ excom.)

4o Le vol et enlèvement des biens d'Église avec effraction, et auss après la dénonciation: Rapina rerum Ecclesie cum effractione, postquàm sacrilegus fuerit quoque denuntiatus. (Cap. Conquesti, de Sent. excom.)

5° La falsification des bulles ou lettres apostoliques, en retenir de fausses, ou ne pas s'en défaire vingt jours après en avoir connu la fausseté, sont encore des cas réservés au pape. (Cap. 4, extr. de Crim. fals.) (Voyez FAUX.)

§ II. CAS RÉSERVÉS aux évêques.

Le concile de Trente reconnaît ainsi le droit que chaque évêque a de faire, dans son diocèse, des cas réservés. « Si quelqu'un dit que les évêques n'ont pas droit de se réserver des cas, si ce n'est quant à la police extérieure, et qu'ainsi cette réserve n'empêche pas qu'un prêtre n'absolve véritablement des cas réservés, qu'il soit anathème. » Il y a des cas qui sont réservés aux évêques par le droit et d'autres par la coutume. Il est inutile, impossible même, de donner ici la connaissance de ces différents cas, parce qu'au moyen de ce pouvoir que nous venons d'établir en faveur des évêques, tels. cas sont réservés dans un diocese, dont les confesseurs ordinaires peuvent absoudre dans d'autres. Cela dépend des mœurs de chaque pays (1). L'on peut seulement dire avec le père Thomassin (2), que, comme dans tous les siècles passés, l'administration de la pénitence

(1) Barbosa, De potestate episcopi.

(2) Discipline de l'Église, part 1v, liv. 1, ch. 71, n 2.

publique a été réservée aux évêques, comme elle l'est encore, et qu'elle ne se faisait que pour des crimes énormes, et même dans les siècles moyens pour les crimes publics; ce sont aussi ces crimes énormes et scandaleux qui ont été réservés aux évêques depuis six ou sept cents ans. Voici comment en parle le second concile de Limoges en 1031: Presbyteri de ignotis causis, episcopi de notis excommunicare est, ne episcopi vilescat potestas. On peut voir en l'endroit cité du père Thomassin, les différents cas que les anciens conciles réservaient aux évêques. Voyez ci-après la disposition du concile de Trente pour les cas occultes des censures réservées au pape.

Gerson souhaitait qu'on laissat aux curés le pouvoir de remettre tous les péchés secrets, parce que la réserve les rend souvent pubiles. Le concile de Cologne suivit l'avis de Gerson; mais aujoura'hui cette raison n'est pas bien forte, au moyen de ce que les curés demandent et obtiennent l'absolution des cas réservés sous des noms empruntés. (Voyez PÉNITENCERIE.)

Il n'est point de diocèse où l'évêque n'ait aujourd'hui le soin d'insérer dans les statuts synodaux tous les cas qui lui sont réservés. Quelques évêques, dans nos derniers synodes, en ont restreint le combre, d'autres les ont augmentés.

La réserve faite par l'évêque seul finit à sa mort, si les successeurs ne la confirment; mais si elle a été faite par un statut synodal, elle est perpétuelle et ne peut être révoquée que par un autre Synode. (Voyez SYNODE.)

§ III. CAS RÉSERVÉS à des supérieurs ecclésiastiques, inférieurs aux évêques.

Le pouvoir de réserver des cas n'est pas tellement attaché au caractère épiscopal qu'il ne puisse être communiqué à des prélats inferieurs aux évèques; mais si ce n'est point dans ces prélats un droit que leur donne essentiellement la dignité à laquelle ils sont elevés, c'est un privilége qui leur a été accordé par les papes, du consentement des évêques, de sorte que, comme ces juridictions de privilége sont toujours odieuses, et qu'elles dérogent au droit commun, il n'est pas permis de s'en servir, à moins qu'elles ne soient appuyées sur les titres les plus authentiques. Ce droit des prélats du second ordre, exempts de la juridiction de l'ordinaire, a été reconnu par la congrégation des cardinaux, en interprétation du concile de Trente: elle a déclaré qu'ils pouvaient se réserver des cas lorsqu'ils jouissent d'une juridiction comme épiscopale, et que le territoire où ils l'exercent n'est d'aucun diocese. (Declar, concil. cardinal., in hæc verba. Magnopere ad popul., sess. XIV, c. 7.)

Les supérieurs réguliers, exempts de la juridiction de l'ordinaire, jonissent du même privilége que les prélats dont nous venons de parler ils sont ordinaires eux-mêmes à l'égard des religieux souinis à leur autorité; ils approuvent les confesseurs de leur ordre,

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