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Les Etats-Unis d'Amérique admettent aussi le divorce (1); il est, au contraire, repoussé par les pays de l'Amérique espagnole ou portugaise, à l'exception du Guatemala (2).

608 bis. — Les diverses législations qui admettent le divorce présentent entre elles de profondes différences, relativement aux causes qui permettent de l'obtenir.

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Dans certains pays, c'est le plus petit nombre, le divorce, qui peut être prononcé par les tribunaux pour des causes déterminées, peut aussi résulter du consentement mutuel des époux. Il en est ainsi en Belgique, où le texte primitif du Code civil français est resté en vigueur; en Danemark (3), en Norvège (4), en Roumanie (5), dans la République de Guatemala (6).

Dans les autres Etats, comme en France, le divorce ne peut être prononcé que pour des causes limitativement énumérées par la loi. En Angleterre, il n'y en a qu'une seule l'adultère; encore, s'il a été commis par le mari, doit-il être accompagné de certaines circonstances aggravantes. Ailleurs, au contraire, on rencontre des causes de divorce inconnues à la loi française; l'abandon de l'un des époux par son conjoint, l'absence prolongée, l'aliénation mentale (7). En Allemagne (8) et en Hongrie (9), le juge

la procédure en faisaient un privilège des classes riches. La loi du 28 août 1857 a donné le droit de le prononcer à une cour de justice, aujourd'hui l'une des divisions de la Cour suprême d'Angleterre (Probate, divorce and admiralty division). Le divorce est ainsi devenu accessible à tous (Lehr, Droit civil anglais, nos 107-111).

(1) Aux Etats-Unis, comme en Angleterre, le divorce ne résultait primitivement que d'un acte législatif. Il en est encore ainsi dans quelques Etats. Dans les autres, on a transféré aux tribunaux le droit de le prononcer. Lehr, Le mariage, le divorce et la séparation de corps, nos 432-439.

(2) Loi du 12 février 1894; Annuaire, 1893, p. 960.

(3) Code de 1684 (Liv. III, chap. XVI, § 15); Lehr, Le mariage, le divorce et la séparation de corps, nos 334-338.

(4) Code de 1687, liv. III, chap. XVIII, § 15; Lehr, Le mariage, le divorce el la séparation de corps, nos 954, 955.

(5) Code civ. art. 211 et s.

(6) Loi du 12 février 1894, art. 2.
(7) Code civil allemand. art. 1569.

24 décembre 1874, art. 46.

(8) Code civil allemand, art. 1568. (9) Loi XXXI, 1894, art. 80.

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peut prononcer le divorce lorsqu'il estime que par sa mauvaise conduite, ou par la violation grave de ses devoirs matrimoniaux, l'un des époux a rendu impossible la continuation des rapports conjugaux. En Suisse, le tribunal a un pouvoir d'appréciation plus large encore: il est autorisé à dissoudre le mariage, «s'il résulte des circonstances que le lien conjugal est profondément atteint (1). »

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Les conflits que font naître ces divergences entre les législations se produisent dans deux hypothèses: 1° Lorsque les conjoints sont de la même nationalité : leur loi nationale peut se trouver en conflit avec celle du pays où ils demandent le divorce; 2° lorsque les conjoints, n'étant pas de même nationalité, sont régis par des lois différentes. Dans les deux cas il faut résoudre deux questions: 1° quelle loi décide si les époux ont le droit de divorcer; 2° ce droit étant admis, quelle loi détermine les causes de divorce?

Ces questions ont été résolues par la convention conclue à La Haye, le 12 juin 1902, « pour régler les conflits de lois et de juridictions en matière de divorce et de séparation de corps. » Nous indiquerons les solutions qu'elle a adoptées. Nous dirons aussi quel est, d'après la même convention, le tribunal compétent pour connaître de la demande en divorce et quels sont les effets des jugements rendus en cette matière (2).

610.

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· Le di

A. Les conjoints sont de même nationalité. 1° Quelle loi décide s'ils ont le droit de divorcer? vorce change l'état des conjoints; c'est donc leur loi nationale, c'est-à-dire celle du mari dont la femme a pris la nationalité, qui doit décider s'ils ont le droit de divorcer.

(1) Loi fédérale du 24 décembre 1874, art. 47.

(2) Cette convention a été signée par les mêmes puissances que la convention relative aux conditions du mariage (Suprà, no 545). Son application est aussi renfermée dans les mêmes limites: 1o Elle ne s'applique que sur les territoires européens des Etats contractants et non dans leurs colonies; 2° elle ne concerne que les demandes en divorce ou en séparation de corps formées dans l'un de ces Etats, lorsque l'un des plaideurs au moins est de leurs ressortissants (art. 9 et 10).

Mais, d'autre part, la prohibition du divorce, là où elle existe, est d'ordre public et s'impose même aux étrangers. En conséquence, les conjoints ne peuvent obtenir le divorce que s'il est admis également par leur loi nationale et par celle du pays où ils forment leur demande; ils ne le peuvent pas, si l'une ou l'autre de ces lois le repoussent. C'est ce que décide expressément la convention de La Haye (art. 1) (1).

611. - a) Deux époux, auxquels leur loi nationale ne permet pas le divorce, ne peuvent le demander dans un pays où la loi locale l'admet, même s'ils y ont leur domicile. Il en serait ainsi, en France, de deux Espagnols et de deux Italiens. On a cependant soutenu le contraire. La loi qui déclare le mariage dissoluble, a-t-on dit, est une loi d'ordre public et, par suite, dans un pays, en France par exemple, elle s'applique aux étrangers comme aux nationaux (2). Mais il y a là une confusion. La loi qui permet le divorce, sans l'imposer, est, comme toutes celles qui sont relatives à l'état des personnes, d'ordre public interne : il ne dépend pas de deux Français de rendre leur mariage indissoluble; mais elle n'est pas d'ordre public international, et ne s'applique pas aux étrangers. Que le mariage de deux étrangers, même en France, soit indissoluble, cela n'a rien de contraire à la morale ou à l'intérêt général. D'ailleurs, si les juges fran

(1) Art. 1: « Les époux ne peuvent former une demande en divorce que si leur loi nationale et la loi du lieu où la demande est formée admettent le divorce l'une et l'autre. >>

(2) Asser et Rivier, Droit international privé, no 53. Antérieurement à la promulgation du Code civil, les auteurs et la jurisprudence allemands admettaient généralement que la loi applicable au divorce était celle du tribunal saisi de la demande. Le tribunal allemand était compétent lorsque le mari était domicilié en Allemagne et il appliquait au fond la loi allemande. A vrai dire, la lex fori se confondait alors avec la loi personnelle du mari, qui, d'après le système alors suivi, était celle de son domicile. V. notamment :

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Trib. de l'Empire, 1er juin 1883, Clunet, 1884, 306; 19 juin 1883, Clunet, 1884, 307; 22 avril 1884, Clunet, 1885, 316; 22 juin 1886, Clunet, 1888, 530; Savigny, t. VIII, § 379 in fine; de Bar, Theorie und Praxis, t. I, nos 173 et s., en particulier, nos 177 et 178. V. aussi Beauchet, Du divorce en Allemagne, Clunet, 1884, 271.

çais prononçaient le divorce entre deux époux dont la loi nationale ne l'admet pas, ils créeraient une situation inextricable. Les deux conjoints seraient, à la fois, divorcés et mariés : leur mariage, dissous en France, subsisterait toujours dans leur pays. La solution que nous admettons est celle de la jurisprudence française (1); elle a aussi été adoptée par la législation allemande (2), et la convention de la Haye l'a consacrée.

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b) Il résulte encore du principe admis par cette convention que deux époux, auxquels leur loi nationale permet le divorce, ne peuvent le faire prononcer dans un pays où la loi locale ne l'admet pas. En effet, partout où le législateur a consacré l'indissolubilité du mariage, il est certain qu'il a considéré le divorce comme contraire à la morale. Cette prohibition est donc d'ordre public international, elle s'impose aux étrangers 'comme aux nationaux (3). L'opinion contraire de quelques auteurs ne semble pas soutenable (4). Il est juridiquement impossible que le divorce soit prononcé dans un pays où la loi locale le repousse. Comment les juges participeraient-ils à un acte que leur propre loi condamne comme immoral? Ils n'ont d'ailleurs de compétence ou de pouvoir qu'autant que la loi

(1) Alger, 2 mai 1888, Revue algérienne de législation et de jurisprudence, 1890, 2, 229; 18 février 1891, Clunet, 1891, 504; 27 janvier 1892, Clunet, 1892, 662; Cass. 12 février 1895, Sir. 96, 1, 401; Paris, 17 mars 1902, Clunet, 1903, 342; 9 mars 1904, Clunet, 1904, 678; Weiss, t. III, p. 600; Despagnet, no 262; Surville et Arthuys, no 300; Laurent, t. V, nos 119 et 124; Rolin, t. II, nos 591 et 594; Fiore, t. II, nos 676 et s.

(2) Loi d'introduction, art. 17: « Le divorce est réglé par les lois de l'Etat auquel le mari appartient au moment où l'action est intentée. – Il a été jugé, cependant, que le juge allemand peut prononcer le divorce entre conjoints étrangers dont la loi nationale n'admet que la séparation de corps. Trib. de l'Empire, 12 octobre 1903, Clunet, 1904, 961. Cette décision nous paraît directement contraire au texte précité de l'article 17. La loi japonaise du 15 juin 1898 (art. 16) admet aussi que le divorce est réglé par la loi nationale du mari, mais en se plaçant, pour la déterminer, au moment où s'est produit le fait qui sert de cause à la demande.

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(3) Weiss, t. III, p. 592; Despagnet, no 262; Fiore, i. II, no 688. (4) Laurent, t. V, nos 127 et 132.

leur en a donné. Quelle loi donnerait aux juges espagnols le pouvoir de prononcer le divorce entre deux Français ? La loi française ? Ce n'est pas elle qui les a institués et qui règle leurs attributions. La loi espagnole? - Elle ne connaît pas le divorce.

Les tribunaux italiens, cependant, ont cru pouvoir, à plusieurs reprises, prononcer le divorce entre conjoints. étrangers, bien qu'il ne soit pas admis par la loi italienne (1). La convention a prévu cette hypothèse, article 3: << Nonobstant les dispositions des articles 1 et 2, la loi nationale sera seule observée, si la loi du lieu où la demande est formée le prescrit ou le permet ».

En résumé, si le divorce ne peut jamais être prononcé lorsqu'il est interdit par la loi nationale des époux, il n'est pas défendu aux Etats dont la loi ne l'admet pas de le laisser prononcer sur leur territoire. Mais ce cas se présentera, sans doute, bien rarement.

613. 2o Etant admis que les époux ont le droit de divorcer, quelle loi détermine les causes du divorce?

Il faut appliquer ici les principes que nous venons de développer. Le divorce ne peut être prononcé que pour une cause admise, à la fois, par la loi nationale des époux et par celle du pays où ils forment leur demande (2).

(1) Trib. de Gênes, 7 juin 1894, Clunet, 1898, 412; Trib. de Milan, 2 juin 1897, Clunet, 1899, 409. Ces deux jugements avaient été précédés d'un arrêt dans le même sens de la Cour d'Ancône du 22 mars 1884 cité (mais non rapporté), Clunet, 1899, 409. Comp. Cass. Turin, 21 novembre 1900, Clunet, 1901, 392, et la note de M. Chrétien.

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(2) V. dans ce sens l'art. 17, 4° al de la loi d'Introduction au Code civ. allemand: « Il ne peut être prononcé, en Allemagne, en vertu d'une loi étrangère, sur un divorce... que lorsque le divorce serait recevable, tant d'après la loi étrangère que d'après les lois allemandes >>. V. aussi la loi japonaise du 15 juin 1898, art. 16; Weiss, t. III, p. 602; Despagnet, no 263; Rolin, t. II, no 598.

L'Institut de droit international (Session de Lausanne, 1888; Règlement des conflits de lois en matière de mariage et de divorce, art. 18; Annuaire de l'Institut, t. X, p. 79, proposait de décider que l'aptitude à divorcer dépendrait de la loi nationale des époux, mais que les causes de divorce seraient régies par la lex fori.

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