Page images
PDF
EPUB

saire pour procéder à des actes d'exécution en vertu d'une sentence étrangère. La question est donc de savoir si la vente peut être considérée comme un acte d'exécution. Dans la pratique, on admet que le jugement sera revêtu de l'exequatur par le tribunal français, qui est celui de la situation des biens, mais sans revision au fond, parce qu'il ne s'agit pas là d'une décision contentieuse (1). 3o Enfin les formalités prescrites par la loi nationale du mineur suffisent toujours à habiliter le tuteur. Il n'a pas besoin de remplir celles que prescrit la loi de la situation des immeubles (2).

667. Les formalités destinées à habiliter le tuteur, notamment pour la vente des immeubles, sont régies par la loi nationale du mineur. En est-il de même des formalités extrinsèques de la vente? On a soutenu qu'elles seraient régies par la loi du pays où la vente a lieu. La vente d'un immeuble, situé et vendu en France, devrait donc toujours être faite aux enchères et en justlce. Mais cette opinion est inexacte. Ces formalités extrinsèques elles-mêmes sont destinées à la protection du mineur et, par conséquent, doivent dépendre de sa loi nationale.

Il suit de là: 1° que la vente pourrait avoir lieu, même en France, à l'amiable, si la loi nationale du mineur l'autorisait; 2' que, à l'inverse, la vente d'un bien appartenant à un mineur français doit toujours, en quelque pays qu'il soit situé, avoir lieu aux enchères et en justice. Toutefois, il ne sera pas toujours facile de satisfaire à cette dernière exigence, si la vente se fait dans un pays où les tribunaux ne sont pas compétents pour présider aux adjudications; il y serait alors procédé aux enchères, devant les officiers compétents, d'après la loi locale: c'est une application de la règle locus regit actum (3).

668. Hypothèque légale.- La loi française et quelques autres législations accordent au mineur une hypothèque légale sur les immeubles de son tuteur. Les difficultés

(1) Chavegrin, op. cit., no 33.

(2) Sénat dirigeant de Russie, 7 mars 1901, Clunet, 1903, 215. (3) Chavegrin, op. cit., no 32; Despagnet, no 289 in fine; Laurent, t. VI, n° 121. Comp. Weiss, t. III, p. 337; Surville et Arthuys

p. 365, note 5.

qu'elle soulève sont les mêmes que nous avons déjà rencontrées, à propos de l'hypothèque légale de la femme mariée; nous renvoyons aux explications précédemment données à ce sujet (1). Nous dirons seulement en résumé: 1o que la loi française n'interdit pas, à notre avis, de reconnaître au mineur étranger un droit d'hypothèque légale sur des immeubles situés en France; 2° que la loi nationale du mineur, et non la loi de la situation des biens, décide si cette garantie doit lui être accordée; 3° qué, dans le cas où le mineur et son tuteur ne sont pas de même nationalité, il faut appliquer la loi nationale du mineur à l'hypothèque légale, comme aux autres mesures de protection prises dans son intérêt (2).

669.

SECTION III.

Protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés.

Nous avons déjà parlé des causes de déchéance de la puissance paternelle, établies en France par la loi du 24 juillet 1889. Il nous reste à envisager les conflits auxquels peuvent donner naissance les mesures que cette loi prescrit, pour la protection des enfants dont les parents, en droit ou en fait, n'exercent pas la puissance paternelle. Ces mesures sont de deux sortes. Elles ont pour but: 1° la tutelle des enfants dont les parents sont déchus de la puissance paternelle; 2o la protection des mineurs qu'en fait leurs parents abandonnent.

670. I. TUTELLE EN CAS DE DÉCHÉANCE DE LA PUISSANCE PATERNELLE. · Lorsque le père est déchu de la puissance paternelle, le tribunal doit décider si l'exercice en passera à la mère. Dans le cas où il ne jugerait pas à propos de la lui confier, ou si la mère est prédécédée, ou elle-même déchue de la puissance paternelle, trois situations sont possibles: 1 Le tribunal décide s'il y a lieu de constituer la tutelle dans les termes du droit commun, sans que personne soit obligé de l'accepter.

2° Si la tutelle n'est pas ainsi constituée, elle est exercée

(1) Suprà, no 557 et s. Voir aussi notre note sur Bordeaux, 23 juillet 1897, Sir. 1900, 2, 89.

(2) Contrà, Bordeaux, 23 juillet 1897, précité.

par l'Assistance publique, représentée, à Paris, par son directeur, dans les départements, par les inspecteurs des enfants assistés.

3° Au cours de l'instance en déchéance, toute personne peut obtenir du tribunal la garde de l'enfant. C'est un tuteur officieux, dont les obligations et les droits envers le mineur et ses biens sont réglés par les articles 364, 365 et 370 du Code civil.

Enfin, en ce qui concerne le consentement au mariage, à l'adoption, etc., les droits du père ssnt exercés par les mêmes personnes que s'il était décédé.

Comment la tutelle est-elle organisée, lorsqu'un père français est déchu de la puissance paternelle en pays étranger?

671.

[ocr errors]

Comment la tutelle est-elle organisée, lorsqu'un père étranger est déchu de la puissance paternelle en France? A. Un père français est déchu de la puissance paternelle en pays étranger. La déchéance de la puissance paternelle peut, suivant nous, être prononcée contre un Français par les tribunaux étrangers, pour les causes déterminées par la loi française. Elle produit alors ses effets en France.

Il appartiendrait, dans ce cas, aux tribunaux étrangers d'ordonner les mesures prescrites, comme nous venons de le voir, par la loi française; la tutelle serait alors constituée dans le pays étranger, conformément à cette loi. Mais cette solution serait inapplicable dans les relations des Etats signataires de la convention de La Haye. Il résulte, en effet, de ce traité que la tutelle doit toujours être constituée dans le pays du mineur et par ses autorités nationales.

C'est aussi en France que la tutelle devrait être constituée, toutes les fois où les différences entre la loi française et la loi étrangère en rendraient l'établissement impossible, dans le pays où aurait été encourue la déchéance de la puissance paternelle.

Au surplus, la question que nous venons d'indiquer ne se pose pas si l'on admet que la déchéance ne peut résulter que du jugement d'un tribunal français. Les juridictions françaises seront alors, dans tous les cas, seules compétentes, soit pour ordonner l'établissement de la tutelle, soit pour présider à son organisation. C'est là, sans doute, la solution qui serait admise dans la pratique.

672. – B. Un père étranger est déchu en France de la puissance paternelle. - Le tribunal qui prononce cette déchéance contre un étranger, par application de la loi de 1889, n'a pas seulement pour mission d'enlever au père l'exercice de la puissance paternelle; il doit aussi et surtout assurer, pour l'avenir, la protection du mineur. Il lui appartient donc d'ordonner, conformément à la loi française, les mesures nécessaires à cet effet. Il remettra l'enfant à sa mère, dès lors investie de la puissance paternelle, ou il ordonnera la constitution d'une tutelle, ou enfin il chargera l'Assistance publique de l'exercer (1).

Quelle que soit, d'ailleurs, la mesure prise, ses effets seront limités au territoire français (2).

La tutelle, constituée en vertu de la loi française à un mineur qui n'y serait pas soumis d'après sa loi nationale, sera organisée suivant la loi française, mais elle aura un caractère provisoire. Elle prendra fin lorsque les autorités nationales du mineur auront organisé sa tutelle, conformément à sa loi personnelle, ou pris, à son égard, les mesures de protection prévues par cette loi (3).

673. Nous pensons, d'ailleurs, que la déchéance, prononcée en vertu de la loi française, ne priverait pas le père étranger du droit de consentir au mariage de l'enfant. Les conséquences de cette privation affectent le mariage dans sa validité, et ne pourraient, par conséquent, être limitées à la France. Ce n'est pas là une mesure nécessaire à la protection du mineur, et il faut laisser tout son effet à la loi qui régit son état. Enfin, si l'on déclarait le père déchu du droit de donner son consentement, tandis que la loi nationale de l'enfant l'exigerait toujours, il en résulterait que la validité du mariage serait appréciée différemment en France et à l'étranger: conflit qu'il vaut beaucoup mieux éviter.

(1) Douai, 10 décembre 1895, Sir, 99, 2, 57. Contrà, Pillet, Clunet, 1892, 10; Surville et Arthuys, p. 362, note 1; Weiss, t. IV, p. 155: Despagnet, n° 258, p. 524.

(2) Aix. 8 mars 1897 (motifs), Sir. 99, 2, 57.

(3) Lettre du Garde des Sceaux au Procureur général près la Cour de Douai, 6 février 1896, Clunet, 1897, 646.

674.

II. PROTECTION DES MINEURS ABANDONNÉS PAR LEURS PARENTS. Lorsque des enfants, mineurs de seize ans, sont placés dans des établissements dépendant, soit de l'Assistance publique, soit d'institutions de bienfaisance, ou enfin chez des particuliers, la loi permet au tribunal de déléguer à l'Assistance publique, représentée comme nous l'avons dit ci-dessus, les droits de la puissance paternelle, abandonnés, de fait, par les parents. L'exercice de ces droits sera remis, le cas échéant, aux établissements ou aux personnes qui auront recueilli l'enfant.

Il ne peut être question d'appliquer cette loi aux mineurs français qui résident en pays étranger. Elle est strictement territoriale. Les tribunaux étrangers ne pourraient, en effet, avoir de mission à exercer à l'égard de l'Assistance publique, c'est-à-dire d'une partie de l'administration française; et la loi n'a pas entendu que la puissance paternelle serait confiée aux administrations analogues existant à l'étranger. Mais l'Assistance publique pourrait exercer même à l'étranger, les droits dont elle aurait été investie, conformément à la loi française, sur un mineur français.

Nous pensons, au contraire, que les dispositions que nous avons résumées s'appliquent, en France, aux mineurs étrangers. Le but de la loi est d'assurer la protection physique et morale des enfants délaissés par leurs parents: c'est donc une loi d'ordre public. Mais, bien entendu, c'est seulement dans l'intérieur de la France que l'Assistance publique pourra être investie des droits de la puissance paternelle sur un mineur étranger.

Pour le consentement au mariage du mineur, il faudra toujours appliquer la loi étrangère, sans que la loi française puisse y déroger.

TITRE II. CONFLIT DES LOIS RELATIVES AU PATRIMOINE.

CHAPITRE I. Successions.

-

Donations.

Testaments,

675. La succession est la transmission du patrimoine d'une personne décédée. La succession est ab intestat, lorsqu'elle est réglée par la loi, ou testamentaire, lorsqu'elle est réglée par le défunt. L'étude des successions

« PreviousContinue »