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continent européen la France, l'Allemagne, l'AutricheHongrie, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Roumanie, la Russie, la Suède et la Suisse.

A l'issue des deux premières conférences, il a été conclu, le 14 novembre 1896. entre toutes les puissances représentées, un traité relatif à diverses matières de procédure civile (1); après la conférence de 1900, trois autres conventions, destinées à régler les conflits en matière de mariage, de divorce et de séparation de corps et de tutelle, ont été signées le 12 juin 1902. Les États qui avaient pris part au traité de 1896 ont également participé à ceux de 1902, à l'exception du Danemark et de la Russie qui se sont abstenus (2).

La conférence de 1904 a adopté et proposé à la signature des États qui y étaient représentés, trois projets de conventions. Le premier est relatif à la procédure civile; il modifie sur certains points et est destiné à remplacer la convention du 14 novembre 1896; le second concerne les conflits de lois en matière de successions et de testaments et le troisième, les conflits de lois relatifs aux effets du mariage sur les rapports personnels des époux et sur leurs biens (3).

3° Les législations intérieures des différents États prévoient, en général, les conflits de lois et font une place plus ou moins large aux règles destinées à les résoudre. Cette place est fort étroite dans le Code civil français, où le seul article 3 a formulé des principes généraux, tandis qu'un très petit nombre d'autres dispositions sont relatives à des points spéciaux. (V. notamment art. 47, 170, 999, etc.). Les Codes plus récents sont aussi plus complets. Il en est ainsi, en particulier, du Code italien, qui a prévu et résolu la plupart des questions fondamentales du droit international privé (Dispositions préliminaires, art. 6 à 12), et du Code. espagnol (art. 8 à 11) qui s'est inspiré du précédent (4). La loi

(1) Clunet, 1899, p. 626. Sir. Lois annotées de 1900, p. 6. (2) Clunet, 1904, p. 746. Journal officiel, 26 juin 1904. (3) Revue de droit international et de législation comparée, 1904, p. 536 et s.

(4) V. aussi le Code portugais (art. 26 à 31); le Code roumain (art, 2 à 15); le Code chilien (art. 14 à 18), etc,

d'introduction au Code civil allemand, entrée en vigueur en même temps que lui le 1er janvier 1900, consacre au droit international privé une assez longue série d'articles (7 à 31); malheureusement la clarté et même l'exactitude juridique leur font trop souvent défaut. Ailleurs, le règlement des conflits a été l'objet de lois spéciales, comme en Suisse, la loi du 25 juin 1891, sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour (1), ou, au Japon, la loi du 15 juin 1898 (dite Ho-Rei), contenant les règles générales pour l'application des lois (2). Cette dernière reproduit presque textuellement, sur beaucoup de points, la loi d'introduction au Code civil allemand. Il est superflu d'ajouter que l'autorité de ces règles de conflit, absolue dans les pays où elles ont été édictées, ne s'étend pas au delà de leurs frontières.

7. Sanction du droit international privé... Cette sanction est la même que celle du droit privé interne. Les conflits de lois donnent lieu à des débats entre particuliers relatifs à des intérêts privés et qui sont, comme tout autre procès, soumis aux tribunaux. Il appartient donc aux juridictions compétentes, dans chaque Etat, d'appliquer et de faire respecter les règles du droit international privé.

II. Aperçu historique.

Avec son nom et sous sa forme actuelle, le droit international privé est une science de date assez récente. Mais les conflits de lois ont depuis longtemps appelé l'attention et exercé la sagacité des jurisconsultes. Le droit romain, cependant, ne nous fournit, à cet égard, aucun renseignement utite. Au surplus, le jus civile, étant inapplicable aux pérégrins, ne pouvait se trouver en conflit avec les lois étrangères. Les conflits étaient, au contraire, possibles entre le jus gentium et le droit particulier des cités auxquels appartenaient les pérégrins. Nous ignorons comment ils étaient résolus.

(1) Annuaire de législation étrangère, 1892, p. 664. (2) Clunet, 1901, 639.

9. Après les invasions, le système de la personnalité des lois (1) dut amener des conflits fréquents entre les lois régissant les races diverses qui co-habitaient dans les royaumes barbares. Quelle en était la solution? Ici encore nous sommes réduits à des conjectures.

10. C'est seulement au moyen âge qu'apparaît un système suivi et raisonné. La féodalité avait morcelé les Etats européens en une foule de petites souverainetés indépendantes, ayant chacune sa loi ou sa coutume particulière. Il est probable qu'à l'origine chaque coutume locale s'appliquait d'une façon absolue sur son territoire, sans jamais avoir d'effets au dehors. Ce régime de territorialité absolue avait d'autant plus d'inconvénients que les coutumes étaient plus nombreuses et leur territoire plus restreint : une même personne se trouvait majeure ou mineure, capable ou incapable, suivant le lieu où elle contractait. Les jurisconsultes édifièrent un système plus juridique et plus acceptable en pratique, qui prit naissance dans les écoles italiennes aux XIII et XIVe siècles et a gardé de son origine le nom de théorie des statuts. Les commentateurs du droit romain appartenant à l'école des post-glossateurs entreprirent de délimiter l'application de ce droit, par rapport aux divers statuts locaux des villes italiennes et celle de ces divers statuts locaux entre eux. Plus tard, à leur exemple, en France et dans les Pays-Bas, de nombreux auteurs, parmi lesquels on doit citer d'Argentré et Dumoulin (XVIe siècle), appliquèrent, en leur faisant subir plus d'un changement, ces théories au conflit des coutumes; elles finirent par se résumer dans la célèbre distinction du statut réel et du statut personnel. Le statut réel est relatif aux biens immobiliers; il régit tous ceux qui sont situés sur le territoire de la coutume, quel que soit le domicile de leur propriétaire, et ne s'applique pas hors de ce territoire. Le statut personnel est principalement relatif à l'état et à la capacité des personnes; il ne régit que les personnes domiciliées sur le territoire de la coutume, mais il les suit

(1) Il ne faut pas confondre le système de la personnalité des lois, usité après l'invasion des barbares, avec le principe de la personnalité des lois qu'on invoque aujourd'hui pour résoudre les conflits entre les législations des divers pays.

partout où elles vont. Tel fut le principe auquel, du XVI' au XIXe siècle, on demanda, à peu près universellement, la solution des conflits de lois.

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11. Le droit international privé a reçu de nos jours son nom et sa forme actuels. Les anciens jurisconsultes envisageaient surtout les conflits entre les différentes lois d'un même pays; l'unité de législation les rend aujourd'hui impossibles en France et dans la plupart des Etats européens (1), mais les conflits sont devenus fréquents entre les lois des pays différents. La facilité des communications, les habitudes de déplacement qui en ont été la suite, ont multiplié, d'un côté à l'autre des frontières, les relations de commerce, d'affaires ou de famille; beaucoup de personnes ont émigré et sont allées se fixer hors de leurs pays. Sous l'empire de ces circonstances, les travaux des jurisconsultes, les décisions des tribunaux, la conclusion de traités diplomatiques, la promulgation de lois nouvelles, ont donné d'importants développements et fait réaliser de grands progrès au droit international privé.

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12. Nous devons étudier le droit international privé à deux points de vue: 1' Au point de vue théorique général : Quels sont les principes rationnels que l'on devrait suivre pour résoudre le conflit des lois? 2° Au point de vue spécial du droit français: Quelles sont les règles suivies en France pour la solution de ce conflit? Ces règles sont de deux sor

(1) Ces conflits sont encore possibles dans les pays où cette unité de législation n'est pas établie, comme la monarchie britannique, et même l'Espagne où la promulgation du Code civil a laissé subsister les lois locales (fueros) en vigueur dans certaines provinces. L'unité de législation n'existe pas non plus dans plusieurs colonies françaises; les indigènes de l'Algérie, de l'Inde et de l'Indo-Chine sont, à certains égards, régis par leurs lois personnelles. Le conflit entre les diverses lois d'un même État se résout, en général, d'après les mêmes principes que le conflit entre les lois des différents États; nous n'avons pas à nous en occuper, parce qu'il n'appartient pas, à proprement parler, au droit international.

tes les unes sont consacrées par la loi et les traités, elles s'imposent à l'interprète comme au juge. Il n'est pas défendu de les apprécier, ni même de les critiquer, mais nous ne pouvons méconnaître leur caractère obligatoire; au législateur seul il appartiendrait de les modifier. Les autres, admises d'une façon plus ou moins constante dans la pratique et la jurisprudence, n'ont cependant rien d'obligatoire; elles laissent une entière liberté, non seulement à l'interprète qui les apprécie, mais aux juges qui restent toujours libres de modifier leur jurisprudence.

L'exposé théorique des principes n'est pas, d'ailleurs, sans intérêt pratique, même au point de vue spécial du droit français et pour décider les questions qui se posent journellement devant les tribunaux. D'après l'article 4 du Code civil, « le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Lors donc qu'il y a doute entre les lois de différents pays, le juge, pour déterminer celle qui est applicable, doit d'abord consulter la loi française. Si elle est muette, et elle le sera souvent, il devra néanmoins juger : il ne pourra le faire qu'en suivant les principes théoriques et rationnels. Nous indiquerons aussi sommairement les règles adoptées par les principales législations étrangères.

13.

Ces explications se diviseront en deux parties : La première sera consacrée à l'exposé des théories générales et particulièrement à la recherche des principes qui président à la solution des conflits de lois.

Dans la seconde, on appliquera ces principes aux plus importantes matières du droit civil et du droit commercial.

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