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le concerne aussi bien que l'étranger majeur. Mais, comme nous l'avons déjà fait observer, d'après les termes de la nouvelle loi militaire, cette hypothèse ne peut se présenter que par suite d'une erreur très peu vraisemblable.

82.

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II. Enfant d'un Français qui a perdu sa nationalitė. (Code civ. art. 10).

Le droit de réclamer la qualité de Français appartient encore à l'enfant né de parents dont l'un a perdu cette nationalité. Peu importe que ce soit le père ou la mère: le texte le dit formellement. Cet individu acquiert la nationalité française aux conditions fixées par l'art. 9 (1), c'està-dire en faisant sa soumission de fixer son domicile en France, en l'y établissant effectivement dans l'année qui suit (2) et en réclamant expressément la qualité de Français. Cette dernière déclaration sera seule nécessaire s'il est domicilié en France. Elle devra être enregistrée au ministère de la justice, et l'enregistrement pourra être refusé, comme nous l'avons dit plus haut, soit parce qu'il est irrégulier, soit pour cause d'indignité. (Loi du 22 juillet 1893. Code civ. art. 9).

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La réclamation peut être faite, au nom du mineur, par son père, sa mère, ou son tuteur: nous renvoyons, sur ce point, aux observations que nous avons déjà présentées. Mais l'article 10 l'autorise à tout âge et, par conséquent, même après l'expiration de l'année qui suit la majorité.

La disposition de l'art. 10 ne s'applique plus à l'enfant d'un ex-Français, lorsque lui-même a possédé, puis perdu la qualité de Français, par exemple, lorsque, étant né en France d'une mère qui y était née, ou étant domicilié en France à sa majorité, il a usé de la faculté accordée par

pistron, no 103. Contrà, Baudry-Lacantinerie et Houques Fourcade, t. I, no 394; Weiss, t. 1, p. 118; Geouffre de Lapradelle, p. 323. (1) Suprà, nos 71 et s.

(2) La question de savoir si un individu expulsé de France peut, après y être rentré, réclamer la nationalité française, a été discutée sur l'art. 10 aussi bien que sur l'art. 9 et comporte la même solution. C'est même dans l'hypothèse qui nous occupe en ce moment qu'elle s'est tout d'abord présentée et qu'ont été rendus les arrêts précités de Cass. 27 octobre 1891, 31 janvier 1896 et 9 décembre 1896 (Suprà, p. 38, n. 1, 2 et 3).

l'art. 8, 3° et 4 et opté pour une nationalité étrangère (1); les Français qui ont perdu leur nationalité n'ont, pour la recouvrer, d'autre moyen que d'obtenir leur réintégration. L'enfant d'un Français qui a perdu la nationalité française est déchu du droit de la réclamer, lorsque, étant domicilié en France et ayant été appelé sous les drapeaux à l'époque de sa majorité, il a revendiqué la qualité d'étranger (art. 10 in fine).

La loi cherche à prévenir le calcul de ceux qui voudraient s'assurer le bénéfice de la nationalité française, tout en échappant à ses charges.

Ici encore il faut supposer qu'une erreur a été commise. Domicilié ou non en France, l'enfant d'un ex-Français est étranger et ne doit pas figurer sur les listes du recrutement. Si, cependant, il y avait été porté et s'il s'en faisait rayer, il perdrait le bénéfice de l'art. 10 (2). Mais l'application de cette déchéance est, on le voit, à peu près impossible.

En tout cas, elle n'est encourue qu'à deux conditions: que l'individu dont il s'agit soit domicilié en France et qu'il soit déjà majeur. Elle ne frapperait donc pas celui qui se serait fait rayer des listes du recrutement où il avait été inscrit sans être domicilié en France (3) ou lorsqu'il était encore mineur (4).

83.

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L'étrangère qui épouse un Français devient Française de plein droit. Peu importe qu'elle soit alors mineure. Il faut seulement que le mariage soit valable ou qu'il produise, au profit de la femme, les effets d'un mariage putatif.

à

§ 5.

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- Effets de l'acquisition de la nationalité française.

84. L'acquisition de la nationalité française produit, peu de chose près, les mêmes effets dans les différents

(1) Besançon, 26 juin 1895, Sir. 95, 2, 236; Douai, 6 décembre 1894, Clunet, 1895, 1066; Cass. 6 juillet 1896, Sir. 1900, 1, 487.

(2) Aubry et Rau (5e éd.) t. I, p. 421, texte et n. 73. Contrà, Lesueur et Dreyfus, p. 251.

(3) Lesueur et Dreyfus, p. 251.

(4) Douai, 9 juillet 1890, Sir. 92, 2, 272; Cass 26 octobre 1891, Sir. 91, 1, 537.

cas que nous venons de passer en revue. Nous les réunissons sous le nom de Naturalisation. Chemin faisant, nous signalerons, s'il y a lieu, les particularités que présentent les effets de la réintégration, des déclarations de nationalité et du mariage.

Quels effets produit la naturalisation? A l'égard de quelles personnes ? Pour quel temps?

83. a) Quels effets produit la naturalisation? L'étranger naturalisé est assimilé aux Français d'origine. Comme eux, il est, pour son état et sa capacité, régi par la loi française; il a les mêmes droits; il est soumis aux mêmes obligations.

Droits.

« L'étranger naturalisé jouit de tous les droits civils et politiques, attachés à la qualité de citoyen français » (Loi du 26 juin 1889, art. 3). Nous préciserons plus loin ce qu'il faut entendre par droits civils (1). Quand aux droits politiques, la loi fait une réserve. L'étranger naturalisé devient apte à remplir les fonctions pour lesquelles la jouissance des droits de citoyen est requise; il est électeur, éligible même aux assemblées départementales et communales; il n'est pas aussitôt éligible aux assemblées législatives. L'ordonnance du 4 juin 1814 avait déjà distingué la naturalisation ordinaire, conférée par le pouvoir exécutif, de la grande naturalisation, accordée par une loi, et nécessaire pour faire partie des Chambres. Cette distinction, maintenue par la loi du 11 décembre 1849, avait été supprimée implicitement par la constitution de 1852, expressément par la loi du 5 juillet 1867. La loi de 1889 l'a rétablie dans une certaine mesure.

L'étranger naturalisé n'est éligible aux assemblées législatives que dix ans après le décret de naturalisation, à moins qu'une loi spéciale n'abrège ce délai, qui pourra être réduit à une année. Il doit, pour être admis à exercer une part de la souveraineté, avoir donné « des preuves d'un dévouement persévérant, des garanties qui permettent de le croire sincèrement attaché à sa patrie d'adoption (2) ».

(1) V. infrà, Tit. II, Chap. III, Sect. I.

(2) Ce stage de 10 ans ne s'applique pas aux étrangers déjà naturalisés avant la promulgation de la loi de 1889. Ils avaient acquis la plénitude des droits politiques et la loi nouvelle n'a pu leur préjudicier. V. Clunet, 1890, 92 et s.

Ce nouveau stage de dix ans n'est pas imposé aux Français qui recouvrent cette qualité après l'avoir perdue; ils sont immédiatement éligibles aux assemblées législatives.

On doit, au contraire, y soumettre ceux qui réclament la qualité de Français, dans les cas prévus aux articles 9 et 10 du Code civil. Il y a cependant quelque doute, parce que la loi n'a pas prévu cette situation, et semble même l'exclure, quand elle parle d'un délai de dix ans, à partir du décret de naturalisation; mais nous ne voyons pas de motif pour écarter ici l'application du droit commun. D'ailleurs, la loi, voulant y soustraire les Français réintégrés, l'a dit expressément : cette exception serait inutile, si la règle ne s'appliquait qu'à la naturalisation proprement dite et ne devait pas s'étendre à toute acquisition de la nationalité française (1).

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86. Obligations. L'étranger qui a acquis la nationalité française est dorénavant soumis à toutes les obligations qui pèsent sur les Français, notamment au service militaire. Aussi la loi du 21 mars 1905 sur le recrutement de l'armée décide à bon droit (art. 12) que « les individus devenus Français par voie de naturalisation, réintégration ou déclaration de nationalité, sont portés sur les tableaux de recensement de la première classe formée après leur changement de nationalité ».

Suivant la loi du 15 juillet 1889, ils étaient assujettis aux obligations de la classe à laquelle ils appartenaient par leur âge. Dorénavant, au contraire, ils accompliront le même temps de service que la classe dans laquelle ils sont compris; ils passeront donc, après leur naturalisation, deux ans dans l'armée active et le temps déterminé par la loi dans la réserve et l'armée territoriale. Ainsi, les Français par naturalisation sont entièrement assimilés aux Français d'origine. Cependant ils ne pourront pas être retenus sous les drapeaux après vingt-sept ans et ils seront, à cinquante ans au plus tard, libérés de toute obligation militaire.

(1) Aubry et Rau (5° éd.) t. I, p. 430, texte et n. 5; Lesueur et Dreyfus, p. 95. L'opinion contraire compte un plus grand nombre de partisans: Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, t. I, no 398; Weiss, t. I, p. 136, note 4 et p. 603; Vincent, no 151 (Lois nouvelles, 1889, 1, 887); Campistron, no 144; Rouard de Card, p. 158 et 183; Chausse, Examen doctrinal, Revue critique, 1890, p. 385.

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87. — b) A l'égard de quelles personnes la naturalisation produit-elle ses effets? - Les effets de la naturalisation sont-ils strictement limités à celui qui l'a obtenue, ou, au contraire, la femme et les enfants mineurs doivent-ils acquérir, en même temps que le chef de famille, la nationalité française ?

Il existe deux systèmes opposés. A un point de vue rationnel, il vaut mieux décider que la naturalisation sera limitée à celui qui l'obtient. Cela est conforme à sa nature: c'est une concession libre, accordée ou refusée par des motifs tout personnels à l'individu qui la sollicite; si sa femme et ses enfants sont forcément liés à son sort, la liberté de l'Etat n'est plus entière. Pour accorder la naturalisation au chef de la famille, il sera forcé de l'accorder à sa femme et à ses enfants, bien qu'il y ait, peut-être, de bons motifs de la leur refuser; pour refuser la naturalisation à la femme ou aux enfants, il doit la refuser à leur mari ou à leur père, qui lui-même en est, peut-être, parfaitement digne. D'autre part, la femme prend, au mariage, la nationalité de son mari, les enfants, en général, prennent à leur naissance celle de leur père; néanmoins, la nationalité de la femme et des enfants, même mineurs, n'est point une dépendance de celle du chef de famille; elle leur appartient en propre; elle fait partie de leur état, dont le mari ou le père n'a pas le droit de disposer. Le changement de nationalité doit être libre: or la femme et les enfants changeront de nationalité sans le vouloir et même contre leur gré.

Ce système était suivi, en France, jusqu'en 1889. Le silence de la loi avait, il est vrai, fait naître des difficultés ; mais, relativement aux enfants mineurs, la loi du 7 février 1851 (art. 2) avait tranché la question. En leur permettant de réclamer, à leur majorité, la nouvelle nationalité de leur père, elle supposait évidemment qu'ils ne l'avaient pas acquise en même temps que lui. – Pour la femme, il n'existait pas de textes formels; mais, en leur absence, on devait suivre les principes rationnels et décider que la naturalisation, nominativement accordée au mari, ne profitait qu'à lui. L'art. 12 disposait bien que « l'étrangère, qui aura épousé un Français, suivra la condition de son mari »; mais il se plaçait au moment du mariage. L'étrangère, qui épouse un Français, sait qu'elle suivra sa

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