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cipes qui doivent guider les bureaux de bienfaisance dans la répartition des secours, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire textuellement les sages dispositions de l'instruction du 8 février 1823, qui sont encore en vigueur.

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Les bureaux de bienfaisance, dit cette instruction, étant les auxiliaires nés des hospices, peuvent éviter à ces établissements une grande dépense, au moyen d'une sage distribution de secours à domicile. En effet, il n'est point de père de famille qui ne s'estime heureux, lorsqu'il est atteint de maladie, de pouvoir rester près de sa femme et de ses enfants; et pour cela, il suffit d'alléger une partie de sa dépense par des distributions de médicaments et d'aliments à domicile. En conséquence, on ne peut mieux entendre la charité qu'en multipliant les secours à domicile et en leur donnant la meilleure direction possible.

• Tous les malheureux ont droit aux secours, toutes les fois que la force des circonstance les met dans l'impossibilité de fournir à leurs premiers besoins; ce sont donc ces besoins que les bureaux de bienfaisance doivent constater: car, autant on doit s'empresser de secourir le véritable indigent, autant on doit éviter, par une distribution aveugle, d'alimenter l'oisiveté, la débauche et les autres vices dont le résultat inévitable est la misère.

Il sera bon de tenir un livre des pauvres où l'on inscrive tous les indigents qui seront assistés. Ce livre sera divisé en deux parties: la première pour les indigents temporairement secourus, et la seconde pour les indigents secourus annuellement. Dans la première partie on comprendra les blessés, les malades, les femmes en couches ou nourrices, les enfants abandonnés, les orphelins, et ceux qui se trouvent dans des cas extraordinaires et imprévus. Dans la seconde partie seront portés les aveugles, les paralytiques, les cancérés, les infirmes, les vieillards, les chefs de famille surchargés d'enfants en bas age. Les infirmités qui donnent droit aux secours annuels doivent être constatées par les médecins attachés aux bureaux de bienfaisance.

Les listes dont il s'agit seront arrêtées par ces bureaux en assemblée; on ne doit pas y comprendre un plus grand nombre d'indigents que n'en peut secourir l'établissement. On apportera dans la formation de ces listes de la sévérité; car, comme il est souvent impossible de secourir tous les pauvres, et que ceux qui sont secourus ne peuvent l'être que dans une proportion inférieure à leurs besoins, il y a un choix à faire, et la justice ainsi que l'humanité exigent que ce choix soit en faveur des plus malheureux.

Cet examen devra porter sur l'âge, les infirmités, le nombre d'enfants, les causes de la misère, les ressources qui sont à leur disposition et leur conduite. Du moment où les motifs qui ont fait admettre un pauvre aux secours n'existent plus, les secours doivent cesser; ils doivent cesser également, s'ils sont plus nécessaires à d'autres.

Si le pauvre abuse des secours qu'il reçoit, il mérite d'être puni, ce qui pourra avoir lieu en le privant du secours pour quelque temps ou pour toujours.

C'est, autant que possible, en nature, que ces secours doivent être distribués. Le pain, la soupe, les vêtements et les combustibles sont les objets qui peuvent le mieux remplir les besoins. Les soupes aux légumes forment aussi une ressource facile et économique.

• On s'appliquera surtout, autant que les localités le permettront, à procurer du travail aux indigents valides. A défaut de manufacturiers ou de

maitres artisans, on pourra proposer 'établissement d'ateliers de charité.

« Les bureaux de bienfaisance ne doivent pas borner leurs soins à la distribution des secours à domicile; ils doivent encore les étendre aux écoles de charité. Ces écoles sont une des parties les plus intéressantes de leur administration: car si, par des secours appliqués avec discernement, ils soutiennent la vieillesse sans ressources, d'un autre côté, par une éducation morale et religieuse, ils disposent les enfants à se garantir un jour du fléau de la misère, en leur inculquant l'amour du travail, l'esprit d'ordre, d'économie et de prévoyance. En conséquence, il ne suffit pas d'apprendre aux enfants à lire, à écrire et à compter; il est bien plus important encore de leur former le cœur et d'y jeter les semences de la religion. Pour atteindre ce but, les bureaux de bienfaisance ne doivent pas perdre de vue que, dans le choix des maitres, ils devront donner la préférence à ceux qui, par leurs lumières, leur piété, leur zèle, penvent faire espérer l'instruction religieuse la plus convenable et la plus solide; ne pas perdre de vue que les frères de la doctrine chrétienne et les sœurs de charité offrent, sous ce rapport, des avantages qu'il est rare de trouver dans les autres individus. > VII. STATISTIQUE. Il est presque impossible de donner une statistique exacte des bureaux de bienfaisance. En effet, chaque jour voit naître ou mou-rir quelques-uns de ces établissements, qui son créés par de simples arrêtés des préfets et qui n'ont souvent pour toutes ressources que le produit précaire des troncs, des quêtes et des souscriptions volontaires. Ainsi, par un arrêté récent, le préfet de la Moselle a prescrit la création de bureaux de bienfaisance dans toutes les communes de son département encore dépourvues de ce genre d'institutions charitables.

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VIII. OBSERVATIONS GÉNÉRALES.--Aucune institution n'est plus utile et plus morale que celle des bureaux de bienfaisance. Elle a sur les hospices l'immense avantage de conserver l'esprit de famille. Insuffisants pour remplacer le produit du travail et pourvoir d'une manière complète aux besoins de l'existence, les secours à domicile ne sont qu'une aide temporaire accordée à l'indigent qui, par suite de circonstances malheureuses, se trouve hors d'état de se nourrir lui-même ou d'entretenir sa famille. Loin donc de servir d'aliment à l'oisiveté, ces secours, s'ils sont distribués avec intelligence, sont, au contraire, un encouragement aux habitudes d'ordre et de travail; une main que l'on tend au malheureux pour l'aider à se relever et à se soutenir lui-même; en un mot, une œuvre de moralisation autant que d'humanité.

Il est à remarquer aussi que le service des bureaux de bienfaisance occasionne peu de frais. Ces établissements n'ont pas à faire face aux dépenses de personnel, de matériel et d'administration qui, dans les hospices de peu d'importance, absorbent le plus clair des revenus des pauvres. Aussi le gouvernement tend à favoriser, dans les petites communes, la conversion des hospices en bureaux

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de bienfaisance, afin de maintenir les liens de famille et d'augmenter la somme des secours à accorder aux pauvres. De nombreuses ordonnances royales rendues, depuis quelques années, sur la proposition des administrations hospitalières ellesmêmes, ont consacré ce principe et ouvert une nouvelle voie à l'amélioration matérielle et morale de la classe indigente.

Nous renvoyons aux sages considérations développées, à cet égard, dans la circulaire ministérielle du 6 août 1839 et surtout dans celle du 6 août 1840, sur le paupérisme et la charité légale. Nous ne pouvons mieux faire, pour terminer, que de reproduire quelques passages de cette dernière instruction, qui se rattachent spécialement à l'objet du présent article:

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Apprécier avec exactitude les causes fondamentales de la pauvreté, est un préalable indispensable pour trouver les moyens les plus propres à la soulager et surtout à la prévenir. C'est ce double but, en effet, que doit toujours envisager la charité publique, pour pouvoir remplir, dans toute son étendue, la mission qui lui est imposée.

«

« Vous n'ignorez pas les reproches que les économistes les plus éclairés ont adressés à la charité légale. Il est certain qu'elle a ses dangers. Si l'Etat dote trop libéralement les établissements destinés aux pauvres; s'il promet à la vieillesse ou aux infirmités un asile assuré; s'il laisse à l'indigent qui tend la main, l'espérance de trouver l'aumône toujours prête, il encourage et accroit le paupérisme au lieu de le diminuer et de le détruire; il habitue les classes pauvres à recevoir le secours, comme un revenu que l'État leur reconnaît et leur garantit; et ces classes ne tardent pas à le considérer comme une espèce de prélèvement légitime auquel elles ont droit sur la fortune sociale. Alors, plus de prévoyance ni d'économie; et, bientôt, aussi plus de travail. L'indigent perd ainsi le sentiment de sa propre dignité, et il en vient à préférer recevoir, sans peine, de la charité publique, le pain qu'il pourrait gagner par lui-même. C'est la disposition qu'on remarque chez la plupart des mendiants, et tels sont les résultats que l'expérience a signalés dans les pays où la taxe des pauvres a été admise. Mais ce sont là les abus de la charité légale; et il suffit de s'en garantir, sans aller, comme le font certains esprits, jusqu'à mettre en question le principe même de la bienfaisance publique. Il est une règle qui peut concilier à la fois les droits de l'humanité et les intérêts de la société; c'est que la charité publique doit principalement faire en sorte d'empêcher l'individu de tomber dans l'indigence, ou l'aider à en sortir, en entretenant en lui l'amour du travail, l'esprit d'ordre et d'économie; et, enfin, en lui offrant, dans les moments difficiles, les moyens d'améliorer sa position par ses propres efforts. La perspective d'un secours permanent ne peut être sans danger que lorsqu'elle s'adresse au malheureux que la nature même semble condamner à l'indigence, en le rendant incapable de tout travail. Ce principe est, aujourd'hui, généralement compris, et vous aurez remarqué, sans doute, comme moi, Monsieur le préfet, la transformation qui s'est opérée, à cet égard, depuis quelques années, dans l'esprit charitable, en France. Si l'on examine les anciennes fondations faites en faveur des pauvres, on voit qu'elles ne s'occupaient guère que de pourvoir simplement aux besoins de l'indigent. Les institutions qu'a formées récemment la charité pri

vée, sur divers points du royaume, ont surtout ce caractère, que le travail est la condition du secours, et que leur but est moins de recueillir définitivement le pauvre, que de l'aider à sortir de son état de pauvreté.

Cette tendance me paraît devoir être encouragée, et la charité publique elle-même ne saurait mieux faire que de s'y associer.

...

« On ne peut méconnaître l'immense utilité des hôpitaux et des hospices. Dans les grands centres de population principalement, ils seront toujours une nécessité d'ordre public comme d'humanité; en général même, et à les considérer sous le rapport de l'économie, il est certain que la vie en commun, dans des établissements où les pauvres sont centralisés, occasionne une dépense moindre que ne coûterait l'entretien du même nombre d'individus, secourus isolément à leur domicile. Mais, d'autre part, l'expérience tend chaque jour à démontrer que le système des hospices relache, s'il ne les détruit pas, les liens de la famille. Il déshabitue les enfants du devoir naturel de nourrir et de soigner leurs parents vieux ou infirmes; ces derniers eux-mêmes, dans la pensée d'enlever une charge à leurs enfants, finissent par considérer l'hospice comme un asile où il est naturel d'aller terminer ses jours; et, souvent, même avant l'age, l'individu apte encore au travail simule ou exagère des infirmités pour obtenir son admission.

« C'est là un fait d'autant plus grave qu'il coincide, d'ailleurs, avec une tendance que le ministère de l'intérieur a constatée, dans certaines localités, de la part de quelques administrations hospitalières, d'augmenter le nombre de lits de vieillards et d'infirmes, au préjudice des lits de malades ou des secours qui pourraient être distribués à domicile. « Il ne peut s'agir, sans doute, de supprimer les hospices de vieillards et d'infirmes; mais ce doit être pourtant l'objet de sérieuses méditations, d'examiner s'il ne conviendrait pas d'arrêter la progression croissante du nombre d'individus admis dans ces établissements, et de favoriser, au contraire, le développement d'un système de secours à domicile qui, en laissant le pauvre au sein même de la famille qui lui doit des soins, resserrerait les liens naturels; et, en excitant la prévoyance des pères et des enfants, contribuerait à restreindre le nombre des demandes d'admission aux secours publics; et substituerait, dans tous les cas, un secours temporaire aux frais d'entretien qui deviennent toujours définitifs, dès que le pauvre est reçu dans l'hospice.

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Il conviendrait même d'examiner s'il n'y aurait pas lieu de transformer en bureaux de bienfaisance, certains hospices qui ont de si modiques revenus qu'ils reçoivent à peine quelques indigents, tandis que les frais d'administration absorbent la majeure partie des ressources. » TH. DE F.

BUREAU DES NOURRICES, Voy. NOURRICES. BUREAU DU COMMERCE ET DES COLONIES, Voy. CONSEIL SUPÉRIEUR DU COMMERCE ET DES

COLONIES.

BUREAUX DES MINISTÈRES, Voy. ORGANI

SATION ADMINISTRATIVE.

BUREAUX D'ENREGISTREMENT, Voy. ENREGISTREMENT; DE GARANTIE, Voy. MATIÈRES D'OR ET D'ARGENT; D'HYPOTHÈQUE, Voy. HYPOTHÈQUES; DE PESAGE, Voy. POIDS ET MESURES; DE TIMBRE, Voy. TIMBRE.

CABARET, Voy. LIEUX PUBLICS, POLICE MU

NICIPALE.

CABOTAGE. Nom sous lequel on désigne, pour la distinguer de la navigation au long cours, cette navigation maritime qui se fait sur les côtes de cap en cap, et ne s'applique qu'à des voyages de distances plus ou moins rapprochées.

Le cabotage se divise lui-même en grand et petit cabotage.

L'intérêt administratif de ces diverses distinctions reside dans l'application des lois de douane et dans celle des règlements de police de la navigation. (Voy. DOUANE, NAVIGATION.)

CADASTRE. Toutes les nations, dès l'origine de lear gouvernement, ont reconnu la nécessité de faire concourir les revenus particuliers aux dépenses générales de l'État. Le mode le plus simple, et qui dut se présenter le premier, fut de demander à chaque citoyen une portion du produit des terres qu'il possédait; cette portion se perçut d'abord en nature, puis en argent, devenu le signe représentatif de toutes les valeurs. L'impôt sur le revenu des terres une fois établi, on dut chercher à le rendre égal pour tous. Il devint nécessaire, dès lors, de constater la contenance du territoire et de procéder à l'évaluation de ses revenus. Ces deux opérations constituent ce que l'on nomme un cadastre.

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En 1791, la contribution foncière fut établie. Le comité d'impositions de l'Assemblée constituante se donna beaucoup de soins pour parvenir à une juste répartition de cette contribution: plusieurs projets furent présentés et discutés; on adopta celui qui parut le plus simple, et, quelques mois après, des réclamations s'élevèrent de toutes parts. Pour les faire cesser, l'Assemblée constituante décréta la confection d'un cadastre général; mais les circonstances ne permirent pas de s'en occuper. Des pétitions, des projets nombreux furent présentés, sans plus d'effet, aux assemblées qui lui succédèrent. Cependant, les réclamations étaient générales sur Tinégalité de la répartition, soit de département à département, soit de commune à commune, soit, entin, de propriétaire à propriétaire, et cet état de choses avait la plus fàcheuse influence sur la marthe des recouvrements. Un gouvernement réparateur ne pouvait laisser un mal aussi grave sans remède. On essaya d'abord une mesure qui, sans atteindre le but, fut un premier pas vers le bien. Une instruction du 22 janvier 1801 ordonna la refoute générale des matrices de rôles; c'était un cadastre sans arpentage préalable des terres et qui exigeait, à l'exception du levé des plans, toutes les opérations qui se sont depuis exécutées. Ce travail reposait sur le système, tant de fois proposé et toujours reconnu impraticable, d'obtenir des propriétaires la déclaration exacte de leurs revenus. Ce si

C

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mulacre de cadastre, dénué de sa base premiere, ne fut qu'une tentative inutile; mais il devint le germe des idées qui allaient bientôt se développer et s'agrandir.

Les réclamations se multipliant de jour en jour, l'empereur nomma une commission spéciale appelée à donner son avis sur des vues que le ministre des finances lui avait soumises à cet égard. Cette commission, composée de membres tirés des diverses parties de l'empire, reconnut qu'il n'existait, en effet, qu'un seul moyen d'arriver à un résultat réel, celui de la confection du cadastre général. Mais, effrayée de la durée et de la dépense d'une telle entreprise, elle se borna à proposer l'arpentage de dix-huit cents communes disséminées sur tous les points de la France, pour fixer ensuite, par analogie, les revenus de toutes les autres communes de l'empire. Cet arpentage devait présenter, non toutes les propriétés en détail, mais seulement les masses des différentes natures de cultures: ainsi, une terre labourable de trente arpents, quoique partagée entre dix propriétaires, ne formait qu'une figure ou polygone du plan. L'expertise ou évaluation des revenus devait également s'opérer par masses de cultures. L'arpentage était confié, dans chaque département, à un géomètre en chef, qui s'adjoignait des géomè tres secondaires.

On eut beaucoup de peine à trouver des sujets instruits. Des cours gratuits de géométrie pratique s'ouvrirent d'abord à Paris, ensuite dans les principaux départements. Les instruments manquaient également. Le ministre chargea les six ingénieurs mécaniciens les plus distingués de Paris de la fabrication de ces instruments, et en avança le prix aux géomètres, qui le remboursèrent par des retenues sur leurs indemnités.

Dans ces circonstances, les progrès durent d'abord être très-lents. A la fin de la seconde année, les dix-huit cents communes n'étaient pas encore toutes arpentées. Le ministre, en mettant cette situation sous les yeux du chef du gouvernement, fit observer le peu de probabilité qu'il voyait à parvenir au perfectionnement de la répartition, en établissant le revenu foncier de toutes les communes d'après celui des dix-huit cents communes expertisées. Toutefois, un second arrêté du gouvernement du 20 octobre 1803, confirma les dispositions du premier, et ordonna que les travaux continueraient à être exécutés dans toute l'étendue de l'empire.

Les dix-huit cents communes terminées, le ministre traça aux préfets la marche qu'ils avaient à suivre pour en appliquer les résultats aux autres communes du département. Tous s'empressèrent d'exécuter ce travail; mais tous, en l'envoyant, firent les représentations les plus fortes sur le danger d'en faire usage; tous assurèrent que, loin de remédier aux vices de la répartition, il ne ferait que les augmenter. Cette mesure devait être et fut abandonnée.

L'arpentage et l'expertise de toutes les communes, exécutés l'un et l'autre par masses de cultures, auraient sans doute donné la connaissance des forces respectives des communes, et, par suite, des départements, et fourni les moyens de perfectionner la répartition générale; mais on ne faisait rien encore pour la répartition individuelle; on ne remédiait point aux inégalités de contribuable à contribuable; et c'étaient précisément ces inégalités qui rendaient l'impôt plus onéreux et excitaient le plus

de réclamations. Le revenu de chaque commune une fois déterminé, il eût fallu que les propriétaires s'entendissent pour le répartir proportionnellement entre eux; mais comment espérer qu'ils y parvinssent, lorsque, depuis plusieurs siècles, on n'y était point arrivé? Ainsi, après même que la répartition générale eût été perfectionnée, les plaintes individuelles n'auraient pas cessé de se faire entendre, sans que le gouvernement eût eu aucun autre moyen d'y mettre un terme, que celui du cadastre parcellaire.

Il fallait, néanmoins, que l'indispensable nécessité de l'arpentage parcellaire fût démontrée jusqu'à l'évidence, pour proposer une opération qui devait occasionner une dépense aussi considérable. Le ministre, plutôt pour acquérir ce degré de conviction que dans l'espoir d'un plein succès, essaya de faire exécuter des expertises parcellaires sur des plans par masses de cultures. La difficulté était de reconnaître, dans chaque masse ou figure du plan, la portion qui appartenait à chaque propriétaire; de partager, par exemple, une terre labourable de trente arpents entre ses dix propriétaires, et d'assigner à chacun d'eux la contenance des terres qu'il y possédait. Pour y parvenir, tous les propriétaires furent invités à donner la déclaration, non pas de leurs revenus, mais seulement de la contenance de leurs terres. Ce second renseignement paraissait plus facile à obtenir que le premier. Les contenances partielles, ainsi déclarées, devaient former une contenance égale à celle indiquée par le plan.

On eut à peine essayé l'exécution de ce travail, que l'on se vit arrêté par des difficultés insurmontables très-peu de déclarations furent fournies; elles se trouvèrent presque toutes inexactes; leur réunion donna partout des contenances très-inférieures à celles qui résultaient des plans par masses de cultures. Le ministre insista auprès des directeurs des contributions: tous, animés du désir de prouver leur dévouement, redoublèrent d'efforts; plusieurs se rendirent dans les communes avec feurs employés, allèrent demander des déclarations de maison en maison, aidèrent à leur rédaction, salarièrent des indicateurs instruits. A force de travail et de soins, on parvint à avoir plusieurs matrices cadastrales dans chaque département.

Ces matrices cadastrales, encore imparfaites, puisqu'elles n'assignaient pas à chaque propriétaire la juste contenance de ses possessions, produisirent, cependant, quelques résultats utiles; elles remédièrent à une partie des inégalités dont on s'était plaint; les rôles furent expédiés et mis en recouvrement; ils n'excitèrent point de réclamations, parce qu'ils faisaient du moins cesser une partie des inconvénients les plus sensibles de l'ordre de choses qui existait antérieurement. En effet, le ministre ayant fait venir des états présentant, pour chaque commune, les noms et les cotes des dix contribuables qui, par l'effet de cette nouvelle répartition, éprouvaient les plus fortes augmentations, et des dix qui éprouvaient les plus fortes diminutions, ces états, vérifiés et signés par les maires, prouvèrent que, dans la méme commune, des propriétaires payaient, précédemment, le tiers, le quart, la moitié de leurs revenus, tandis que d'autres ne payaient que le vingtième, le cinquantième, le centième, et que tous se trouvaient ramenés, par l'effet du cadastre, à une proportion uniforme du huitième, du neuvième ou du dixième.

Cependant, la difficulté d'obtenir des déclarations des propriétaires, celle plus grande encore de faire concorder les contenances partielles déclarées avec la contenance totale indiquée par le plan de masses, subsistaient dans toute leur force: elles étaient senties partout; et, de toutes parts, les délibérations

des conseils généraux, des conseils d'arrondissements et des conseils municipaux, appelaient la confection de l'arpentage parcellaire comme l'unique moyen de parvenir à rendre justice à tous: plusieurs communes avaient même déjà fait faire cette opération à leurs frais; d'autres sollicitaient l'autorisation de s'imposer pour cet objet.

L'unanimité de ce vœu détermina, à la fin de 1807, le ministre des finances à former une réunion de directeurs des contributions et de géomètres en chef, présidée par M. Delambre, secrétaire perpétuel de la classe des sciences exactes de l'Institut, à l'effet de délibérer sur le mode d'exécution du parcellaire. De ces conférences résulta un projet de règlement dont les bases, soumises à l'empereur, obtinrent son approbation, et il se trouva que l'expérience avait raínené, par degrés, à l'idée de l'Assemblée constituante.

Les principales dispositions concernant le cadastre avaient été établies par la loi du 15 septembre 1807; et elles furent suivies dans l'exécution des expertises cadastrales jusqu'en 1821; on voulait alors que les allivrements cadastraux servissent de régulateur, non-seulement pour la répartition individuelle, mais encore pour la répartition des contingents entre les communes, les cantons, les arrondissements et les départements; en sorte qu'après l'opération terminée, la contribution foncière, d'impôt de répartition, serait devenue impôt de quotité, et que la législature, au lieu de fixer annuellement le principal des départements, aurait, au moyen de la connaissance de l'allivrement général de toutes les propriétés du royaume, réglé que chaque propriétaire payerait une certaine portion de son revenu, par exemple, le neuvième, le dixieme, etc.

La loi du 20 mars 1813 ordonna qu'à partir de 1814, il serait fait une peréquation entre tous les cantons cadastrés d'un même département; mais cette disposition fit naitre de nombreuses réclamations et fut rapportée dès l'année suivante. L'article 16 de la loi du 23 septembre 1814 suspendit la peréquation, et ordonna que les cantons cadastrés reprendraient pour 1815 les contingents qu'ils avaient

en 1815.

On put se convaincre, dès lors, que, malgré tous les soins qui avaient été pris, les allivrements n'étaient point fixés dans une exacte proportion, et qu'il était indispensable de les niveler avant d'en faire la base d'une nouvelle répartition, même entre les cantons. C'est dans le but d'établir de l'ensemble dans les évaluations que fut pris l'arrêté ministériel du 1er avril 1817. Cet arrêté obligeait les huit inspecteurs généraux du cadastre à résider au cheflieu de leur division respective, et les chargeait de réunir, chaque année, sur différents points, les directeurs des contributions de cette même division, de discuter et comparer entre elles les évaluations des différents départements; enfin, de recueillir tous les documents propres à en constater l'exactitude et à en opérer le nivellement.

La loi du 15 mai 1818, relative au budget de 1818, avait disposé que la peréquation aurait lieu en 1819, entre les cantons d'un même arrondissement; mais cette mesure ne reçut pas d'exécution; elle fut rapportée par la loi de finances de 1819.

La peréquation fut également suspendue pour 1820, et, enfin, la loi du 31 juillet 1821, en ordonnant le travail de la sous-répartition, déclara (art. 20) que les opérations cadastrales ne seraient plus, à partir du 1er janvier 1822, destinées qu'à rectifier la répartition individuelle dans chaque départe

ment.

Mesurer, sur une étendue de plus de quarante

mille lieues carrées, plus de cent millions de parcelles ou propriétés séparées; confectionner, pour chaque commune, un plan en feuilles d'atlas où sont rapportées ces cent millions de parcelles, les classer toutes d'après le degré de fertilité du sol, évaluer le produit imposable de chacune d'elles; reunir ensuite, sous le nom de chaque propriétaire, les parcelles éparses qui lui appartiennent; déterminer, par la réunion de leurs produits, son revenu total, et faire de ce revenu un allivrement qui sera désormais la base immuable de son imposition, ce qui doit l'affranchir de toutes les influences dont il avait eu si longtemps à se plaindre tel est l'objet du cadastre.

Il consiste en opérations d'art qui ont pour but d'en établir la base, et en travaux d'expertise par lesquels on arrive à en réaliser l'application. Le travail des mutations tient le cadastre au courant des changements survenus dans la condition des propriétés depuis les premières opérations (1).

II. OPERATIONS D'ART. Les opérations d'art embrassent la délimitation de la commune, sa division en sections, la triangulation, l'arpentage et le levé du plan.

§1er. Délimitation. - Un géomètre de première classe doit être spécialement chargé de la délimitation. Il rédige un procès-verbal de l'opération. Ce procès-verbal est signé de lui et de tous les maires des communes intéressées. (Règl. 10 octobre 1821.)

Division en sections.-La division du territoire de la commune en sections est une opération accessoire à la délimitation. Elle a pour objet de rendre plus facile la confection du plan et de fournir aux propriétaires les moyens de reconnaître plus aisément la situation de leurs immeubles.

Le procès-verbal de la division en sections doit se trouver à la suite de celui de la délimitation et être signé par les mêmes personnes. (Ibid.)

§2. Triangulation.-La triangulation consiste àétablir un réseau de triangles dont on observe tous les angles, et des côtés desquels on détermine la longueur à l'aide des angles et d'un seul cóté mesuré sur le terrain. On met d'autant plus de soin à mesurer ce côté, qu'on appelle base, que l'on est certain de reproduire, par le calcul trigonométrique, la meme exactitude pour la longueur cherchée des autres côtés non mesurés, pourvu, toutefois, que les angles aient été suffisamment bien observés. La triangulation circonscrit ainsi l'arpenteur du parcellaire dans des polygones dont les côtés, déterminés à l'avance avec une grande précision, lui servent de guides et de vérificateurs, de manière qu'une erreur dans les distances qu'il mesure à la chaine ne puisse se prolonger sans être découverte. Il doit être procédé à la triangulation pendant l'année qui précède l'arpentage.

Cette opération est confiée à un seul géomètre de première classe, lequel ne peut être chargé de lever le plan d'aucune commune. Le triangulateur doit inserire sur un registre spécial le résultat de ses observations sur le terrain et du calcul des triangles. Il doit aussi rapporter ses observations sur un Canevas trigonométrique, qui doit être réuni au retre d'opérations. A mesure qu'il a terminé son travail dans chaque commune, il transmet le caneas et le registre des opérations trigonométriques an géomètre en chef; celui-ci vérifie les calculs (1) Nous avons extrait des publications officielles l'historiCe qui précède. Nous prenons pour guide, dans la suite de cet article, le traité De la Fortune publique, de MM. Macarel et Boulatignier, où toute la matière des contributions direcLes a été exposée d'une manière si nette et si précise.

et fait part de ses observations au triangulateur. Dans le mois qui suit la réception des pièces concernant les dernières communes comprises dans le travail de triangulation, le géomètre en chef procède à la vérification des opérations sur le terrain. Cette vérification consiste à calculer dans chaque commune au moyen d'une base autre que les lignes portées au registre trigonométrique, les côtés des deux triangles du canevas. Cette base doit être rattachée à la triangulation de la commune. Le géomètre en chef dresse le procès-verbal de sa vérification.

Les opérations trigonométriques ne sont point admises, lorsque le géomètre vérificateur a reconnu une différence de plus d'un millième entre les côtés des triangles qu'il a calculés et leurs analogues dans le canevas. (Règl. 15 mars 1827.)

$3. Arpentage.—Levé du plan.-Vérification. -Après la triangulation il est procédé à l'arpentage et au levé du plan.

Les plans du cadastre se lèvent aujourd'hui parcellairement, c'est-à-dire par parcelles de propriété. On appelle parcelle toute portion de terrain qui se distingue de celles qui l'environnent, par la différence, soit du propriétaire, soit de la nature de culture. Les terres contigues appartenant au même propriétaire et qui ne different que par leur assolement ne forment qu'une seule parcelle, à moins que ces fonds ne dépendent de deux triages différents. (0. 3 octobre 1821; Recueil méthodique; Circ. 30 mars 1852.)

L'arpentage des communes désignées à l'avance

pour
être cadastrées ne peut être entrepris qu'après
l'achèvement, sur le terrain, des plans des com-
munes comprises dans les budgets antérieurs, et la
représentation, au directeur, de toutes les pièces
de l'arpentage. Il ne peut être procédé à aucune
opération de détail, si, au préalable, le procès-ver-
bal de délimitation n'a pas été approuvé, la trian-
gulation vérifiée, et si les points trigonométriques
n'ont pas été établis par les géomètres de première
classe, sur les feuilles qui doivent servir au levé
du plan. (Règl. 15 mars 1827.) Aussitôt que l'arpen-
tage peut être entrepris, le géomètre en chef et le
directeur des contributions établissent, de concert,
le projet de distribution des communes entre les
géomètres de première classe. Le directeur soumet
ce projet à l'approbation du préfet. Celui-ci adresse
au directeur des contributions les lettres destinées
à accréditer les géomètres de première classe au-
près des maires de chacune des communes dési-
gnées pour être arpentées. Le directeur remet ces
lettres au géomètre en chef, à mesure que ce der-
nier a justifié, par la représentation des plans, des
tableaux indicatifs et des procès-verbaux de vérifi-
cation, de l'achèvement des travaux dans les com-
munes confiées précédemment aux géomètres de
première classe. Ces derniers reçoivent, avec les
lettres spéciales qui les accréditent auprès des mai-
res, les procès-verbaux de délimitation, les canevas
et les registres trigonométriques relatifs aux com-
munes qu'ils doivent arpenter. (Règl. 15 mars
1827.)

Le maire doit faire publier un avis annonçant aux propriétaires le jour où les travaux du parcellaire sur le terrain doivent s'exécuter dans telle ou telle partie de la commune, afin qu'ils puissent assister par eux ou par leurs fermiers, régisseurs ou autres représentants, à l'arpentage de leurs propriétés, et fournir tous les renseignements nécessaires. (Recueil méthodique.)

Avant de se rendre sur le terrain, le géomètre prend communication du rôle de la commune chez le percepteur, et, de concert avec celui-ci, qui en

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