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(Cass. 25 juillet 1825, commune d'Erp; 0. roy. 31 décembre 1831, commune de Belloy; 2 juillet 1836, commune de Raix.)

On pourrait peut-être douter de l'étendue de l'exception si l'on s'arrêtait aux termes des deux ordonnances royales des 26 décembre 1859 (commune de Laceñas) et 29 janvier 1840 (commune de Neufchelles), qui, bien que postérieures à la loi du 18 juillet 1857, semblent avoir statué au fond sur le point de savoir si ces deux communes devaient être autorisées à plaider en matière possessoire. Mais il parait certain que tel n'est point le sens réel de ces décisions (Voy. le Traité de M. REVERCHON, p. 67). Au surplus, aucune hésitation n'est permise aujourd'hui. La question a été discutée et jugée spécialement au sujet d'un pourvoi formé par la commune de Saint-Laurent-d'Arce (Gironde), et l'ordonnance royale intervenue à ce sujet, le 30 décembre 1843, porte que les communes sont dispensées de l'autorisation du conseil de préfecture pour plaider en matière possessoire, soit en première instance, soit en appel. Déjà un arrêt de la cour de cassation du 2 février 1842 avait statué dans le même sens. Ainsi, il reste bien établi que la dispense d'autorisation est pleine et entière pour tous les degrés de juridiction.

La même règle serait-elle applicable dans le cas où la commune voudrait se pourvoir en cassation au sujet d'une action possessoire? Ce point n'a encore fait l'objet d'aucune décision expresse, du moins à notre connaissance. Il peut être controversé. Toutefois, nous serions portés à pencher pour la négative, attendu que le pourvoi en cassation ne constitue ni une instance possessoire ni une instance pétitoire; c'est une action sui generis. On ne peut donc pas dire, d'une manière absolue, qu'elle soit comprise dans l'exception établie par l'article 35 de la loi municipale qui ne parle que des actions possessoires. Or, si l'on considère la gravité d'un pareil recours et les présomptions fâcheuses qui résultent pour la commune du jugement qui a déjà rejeté ses prétentions, il semblerait peu judicieux de résoudre la question dans un sens d'émancipation complète, plutôt que dans celui d'un contrôle tutélaire des intérêts communaux. Nous devons citer, à l'appui de notre sentiment, une ordonnance royale du 10 janvier 1815 (commune de Moulins-Engilbert), qui a statué implicitement en ce sens, puisque, prononçant au fond, sur le mérite d'un arrêté de conseil de préfecture qui refusait à la commune l'autorisation de recourir en cassation contre un jugement du tribunal de Chateau-Chinon, rendu sur l'appel d'une sentence de juge de paix, dans une instance possessoire, elle rejette le pourvoi de la commune.

Inutile de dire que, puisque, en première instance et en appel, la commune est dispensée de l'autorisation pour les actions possessoires, soit en demandant, soit en défendant, son adversaire est également dispensé de présenter le mémoire préalable prescrit par l'article 51 de la loi.

Inutile aussi d'ajouter que l'article 55 ne donne pas au maire la faculté d'exercer les actions possessoires sans l'assentiment préalable du conseil municipal. Cet assentiment est toujours indispensable pour donner qualité au maire. Ce dernier ne peut donc faire, de son propre mouvement, que les actes conservatoires ou interruptifs de déchéances, à la charge de se faire autoriser ultérieurement par le conseil municipal pour la suite à donner à ces

actes.

Nous avons dit qu'une seconde exception générale à la règle de l'autorisation résulte de l'article 65 de Ja loi sur l'administration municipale. En effet, cet

article porte que les recettes communales, pour lesquelles les lois et règlements n'ont pas prescrit un mode spécial de recouvrement, s'effectueront sur des états dressés par le maire et rendus exécutoires par le visa du sous-préfet. Il ajoute que les oppositions, quand la matière est de la compétence des tribunaux, seront jugées comme affaires sommaires, et que la commune pourra y défendre sans autorisation du conseil de préfecture.

Il est à remarquer qu'en pareil cas la commune est défenderesse, puisque celui qui forme opposition est tenu d'en faire déclarer la validité par les juges compétents; que, d'une autre part, la commune étant pourvue d'un titre que la loi déclare exécutoire, les présomptions de droit sont de son côté. Dans cette position, à peu près semblable à celle où les communes, ayant eu gain de cause en première instance et étant assignées en appel, n'ont pas besoin d'autorisation pour y défendre, on conçoit que l'article 63 leur ait accordé la même dis

pense.

Enfin, il existe une troisième exception à l'égard des actions administratives, que les communes peuvent être à même d'exercer devant les conseils de préfecture, les commissions spéciales mentionnées dans le titre X de la loi du 16 septembre 1807, les préfets, les ministres, la cour des comptes et le conseil d'État. Pour ces sortes d'actions, le maire peut les exercer avec le seul assentiment du conseil municipal, en première instance comme en appel, soit en demandant, soit en défendant. Ce point de doctrine n'a jamais été mis sérieusement en doute, quoiqu'il ne soit expressément établi par aucune disposition de loi. Il se trouve, d'ailleurs, confirmé par plusieurs ordonnances royales, notamment celles des 16 février 1826 (commune d'Ervy); 16 janvier 1828 (section de Nointel); 8 avril 1842 (Duvergier C. Recordère). Cette exception s'explique aisément, car il serait peu rationnel que l'autorité administive exerçât à la fois des attributions de tutelle et de juge dans la même cause. D'un autre côté, les procédures étant beaucoup moins dispendieuses devant la justice administrative que devant les tribunaux civils, il y a moins d'inconvénient à laisser aux communes une entière indépendance. Enfin, lorsqu'une commune voudrait interjeter appel, soit d'un arrêté de conseil de préfecture, soit d'une décision de ministre, soit même d'une ordonnance royale, il ne serait pas équitable, dans le premier cas, de subordonner l'appel au consentement de ceux-là mêmes qui auraient rendu la décision attaquée, et, dans les deux autres cas, il y aurait une sorte d'inconvenance à soumettre à l'appréciation des conseils de préfecture des décisions émanées de pouvoirs supérieurs.

Telles sont les exceptions formelles à la règle générale de l'autorisation. Nous avons exposé plus haut les cas spéciaux où, selon nous, les communes peuvent, sans une autorisation nouvelle, plaider sur les incidents ou sur les suites d'une instance régulièrement engagée, et défendre sans autorisation aux actions correctionnelles et en responsabilité civile qui leur sont intentées. Nous n'ignorons pas que notre sentiment sur l'inutilité de l'autorisation dans quelques-uns de ces cas peut être contesté, mais les limites dans lesquelles nous devons nous restreindre ne nous permettent pas, tout en y persistant, de l'appuyer par un plus grand développe

ment de motifs.

Nous venons d'indiquer les cas où la commune a besoin d'une autorisation pour ester en justice, et ceux où elle en est dispensée. Lorsqu'elle est tenue de la demander et que le conseil municipal a résolu de plaider, les formes à observer varient

selon que la commune est demanderesse ou défenderesse.

Dans la première situation, c'est au maire qu'il appartient de former la demande en autorisation. Des habitants isolés ne seraient pas recevables (0. roy. 19 février 1823, Faucher). Il faut y joindre, avec la délibération du conseil municipal, tous les documents et renseignements nécessaires pour la justifier. Cette demande doit être adressée au préfet, qui ne saurait, sous aucun prétexte, refuser d'en saisir le conseil de préfecture; car il se rendrait par là indirectement l'arbitre d'une poursuite dont les lois ne lui ont pas donné l'appréciation. (0. 23 décembre 1855, commune de Grandvilliers.)

Si le conseil municipal, délibérant sur le point de savoir si la commune doit intenter l'action, adopte la négative, le conseil de préfecture pourrait-il, saisi, soit par quelques habitants isolés, soit par le maire, soit d'office par le préfet, autoriser la commune à plaider, nonobstant cette délibération? Des doutes avaient longtemps existé sur ce point. Mais, dès avant la loi du 18 juillet 1837, une ordonnance royale du 9 juin 1830 (commune de Beaufort) avait annulé, pour excès de pouvoir, un arrêté du conseil de préfecture de Maine-etLoire, qui autorisait d'office la commune à intenter l'action, et un auteur célèbre professait la même opinion au sujet de l'incapacité du maire pour demander l'autorisation de plaider sans l'adhésion préalable du conseil municipal (HENRION DE PANSEY, du Pouvoir municipal, p. 87). Aujourd'hui, cette question ne pourrait pas être sérieusement soulevée, puisque la loi, prévoyant le cas où un conseil municipal refuse ou néglige d'exercer les actions de la commune, donne cette faculté à un contribuable inscrit au rôle, mais à lui seul, s'il veut en courir les risques. On doit donc tenir pour certain que le maire ni le préfet ne peuvent demander l'autorisation de plaider, si le conseil municipal n'a voté l'action.

Le conseil de préfecture a le droit de s'éclairer par les moyens qu'il juge à propos, notamment par une consultation d'avocats. Est-ce à lui à les désigner, ou doit-il en laisser le soin à la commune? Aucun acte réglementaire n'a fixé ce point. Mais il semble que le choix appartienne au conseil de préfecture, comme, par analogie, il appartient au préfet, en cas de transactions. Dans tous les cas, ce choix ne saurait être attribué à l'adversaire de la commune, füt-il le domaine de l'État (O. roy. 18 avril 1821, communes de la vallée de Barousse). Au surplus, quoique l'avis des avocats ne lie pas nécessairement le conseil de préfecture, il doit être d'un grand poids dans sa décision. On voit même, par une ordonnance royale du 14 janvier 1824 (commune de Balmelles), qu'en pareil cas le conseil de préfecture avait paru préjuger le fond en refusant l'autorisation nonobstant l'avis favorable des avocats consultés. Quant au payement des honoraires d'avocats désignés par le conseil de préfecture, pourrait-on l'allouer d'office au budget, si le conseil municipal refusait d'y pourvoir? Des instructions, adressées par le ministre de l'intérieur au préfet de l'Aude, au mois de mars 1840, ont exprimé la négative, par le motif qu'encore bien que l'obligation de la commune paraisse certaine, ce n'est pourtant pas là une dépense obligatoire, dans le sens de l'article 50 de la loi du 18 juillet 1837.

Les adversaires des communes, les habitants agissant ut singuli, les tiers, à quelque titre que ce soit, sont sans qualité, soit pour discuter le mérite des autorisations de plaider accordées aux communes, soit pour les attaquer par la voie du recours

au conseil d'État. La raison en est sensible: ces autorisations sont des actes de simple tutelle qui ne préjugent jamais le fond du litige. Les adversaires des communes n'ont donc pas d'intérêt réel à les critiquer, et les habitants isolés ou les tiers sont évidemment sans mandat pour contredire en cette matière les conseils municipaux. Un très-grand nombre de décisions ont consacré ce principe. Nous citerons seulement les ordonnances royales des 31 juillet 1853 (commune de Flevy) et 3 février 1835 (commune de Cervières), relatives aux adversaires des communes; celles des 23 mai 1830 (Salles) et 8 juin 1842 (Maupuy), concernant les tiers. La première de ces deux ordonnances est d'autant plus remarquable, qu'au fond il parait que, dans l'espèce, on avait eu tort de syndiquer la section autorisée à plaider; car elle n'était pas en procès avec sa commune, ni avec une section de la même commune.

Il peut arriver que, lorsque la commune demande l'autorisation d'intenter une action, le litige présente une question préjudicielle dont la solution appartienne au conseil de préfecture luimême. Par exemple, dans une contestation sur la propriété d'un immeuble vendu nationalement il s'agirait d'interpréter d'abord l'acte d'adjudication. En pareil cas, lors même que, d'après l'acte de vente, les prétentions de la commune paraîtraient dénuées de fondement au conseil de préfecture, il ne devrait pas, par ce motif, refuser d'une manière absolue l'autorisation d'intenter l'action; car il jugerait ainsi, sans en être saisi, la question contentieuse. Il devrait se borner à surseoir sur la demande en autorisation, jusqu'à ce que la commune se fut pourvue devant lui sur la question préjudicielle (0. roy. 10 février 1830, commune de Chissay). Cette distinction peut paraître subtile au premier abord. Elle est cependant essentielle pour empêcher qu'on ne confonde la juridiction contentieuse du conseil de préfecture avec ses attributions de tutelle.

Toutefois, il ne pourrait être procédé de la même manière si la commune, au lieu d'être demanderesse, était défenderesse. Dans cette hypothèse, le conseil de préfecture devrait, comme nous l'avons déjà fait remarquer, accorder l'autorisation, si, d'ailleurs, le conseil municipal avait résolu de soutenir l'action; mais avec restriction et seulement pour décliner la compétence des tribunaux civils sur la question préjudicielle.

Quoique, en principe, il appartienne au conseil de préfecture de statuer en première instance sur les demandes en autorisation de plaider formées par les communes, il n'est pas sans exemple que cette autorisation leur ait été accordée de plano par le conseil d'Etat, à l'occasion des débats portés devant lui par la voie contentieuse, et dans lesquels se présentaient des questions du ressort des tribunaux (0. roy. 7 mars 1821, commune de Cauneilles;

août 1826, ville de Salins). Mais, dans ces espèces, l'instruction était sans doute complète sur la question d'autorisation. Sans cela, le conseil d'Etat aurait renvoyé la commune devant le conseil de préfecture, ainsi qu'il l'a fait dans plusieurs autres circonstances. (O. roy. 24 octobre 1821, Boison; 5 novembre 1823, commune de la Petite-Pierre.)

Lorsque le maire est intéressé personnellement dans l'action, et que, par conséquent, il ne saurait la suivre au nom de la commune, il a été jugé nécessaire d'exprimer dans l'acte d'autorisation qu'elle était accordée à la commune, en la personne de l'adjoint du maire (0. roy. mars 1829, commune de Bouaye). C'est une conséquence du principe, mentionné plus haut, qu'à défaut du maire

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Les formes ne sont pas les mêmes lorsque la commune est défenderesse à une action. D'après l'article 52 de la loi du 18 juillet 1837, la délibération prise par le conseil municipal, sur le mémoire du demandeur, doit, dans tous les cas, être transmise au conseil de préfecture qui décide si la commune sera autorisée à ester en justice. Le même article porte que cette décision doit être rendue dans le délai de deux mois.

Ainsi, le conseil municipal doit nécessairement prendre connaissance du mémoire préalable. Si le conseil de préfecture statuait auparavant, son arrêté serait annulé par le conseil d'Etat, comme violant les dispositions des articles 51 et 52. (0. roy. 29 janvier 1840, commune de Marnay.)

Les mots dans tous les cas, énoncés dans l'article 52, veulent-ils dire que, même alors que le conseil municipal déclarerait qu'il n'a pas l'intention de défendre à l'action, le conseil de préfecture pourrait y autoriser d'office la commune, et que cette autorisation obligerait le maire, de telle sorte que s'il refusait ou négligeait de défendre à l'action, le préfet pût, en vertu de l'article 15 de la loi municipale, agir à sa place ou déléguer un commissaire spécial? L'affirmative semblerait résulter de la discussion, à la chambre des députés, qui précéda l'adoption de l'article 52. Mais l'esprit général de la loi et les explications données par le rapporteur (M. Vivien) ne permettent pas d'adopter cette interprétation. Le sens yéritable de la disposition, le seul qui, puisse se concilier avec le principe de l'initiative des actions qui appartient exclusivement aux conseils municipaux (sauf l'unique exception admise par le dernier alinéa de l'article 49, en faveur des contribuables inscrits au rôle de la commune), est que, dans tous les cas, le conseil de préfecture peut autoriser la commune à défendre, quand bien même le conseil municipal aurait déclaré n'y avoir lieu de le faire; mais que c'est là une simple permission et non pas une injonction de plaider. Expliquée de cette manière, la disposition respecte le droit d'initiative du conseil municipal et protége, autant qu'il est possible, l'intérêt de la commune; car le conseil municipal, ainsi averti par cette décision, peut revenir sur son refus de plaider, et, d'ailleurs, la décision du conseil de préfecture peut n'être pas sans influence sur l'esprit des juges appelés à prononcer sur le litige; enfin, elle peut aussi encourager un contribuable inscrit au rôle à suivre une action que les organes ordinaires de la commune déserteraient sans de justes motifs.

Mais, du moins, si le maire ne partageait pas l'avis de la majorité du conseil municipal, pourrait

il défendre à l'action en vertu de l'autorisation donnée d'office et engager la commune, quant aux suites du procès? Sur cette question, assez délicate, M. Reverchon s'abstient de donner une solution, dans son traité, parce qu'elle n'a pas encore été portée au conseil d'Etat. Nous apprécions la convenance d'une semblable réserve, tout en regrettant qu'elle nous prive de l'avis du savant auteur. S'il nous était permis de hasarder notre sentiment, nous dirions qu'en pareille conjoncture on ne doit pas distinguer entre le maire et le conseil municipal; car, en droit communal, le premier ne saurait avoir une autre volonté que le second lorsqu'il s'agit d'exercer les actions de la commune. D'un autre côté, en prineipe, quand le conseil de préfecture accorde l'autorisation, ce n'est pas au maire qu'il la donne, c'est à l'être moral de la commune, et si le maire exerce l'action, c'est parce qu'il tient cette attribution de la loi et non pas du conseil de préfecture. Or, le

véritable représentant de l'être moral, c'est d'abord le conseil municipal; le maire n'intervient que secondairement, pour exécuter les résolutions de ce conseil; il n'en peut prendre aucune de son propre mouvement, sauf pour faire des actes conservatoires et interruptifs de déchéances (Art. 55). Un autre système tendrait à altérer profondément, sinon à les détruire, les principes organiques qui constituent le pouvoir municipal, tel que les lois de 1789 et celles des 21 mars 1831 et 18 juillet 1837 ont voulu le créer ou le rétablir.

Nous avons vu que, dans certains cas, un contribuable, inscrit au nom de la commune, peut, en vertu de l'article 49 de la loi du 18 juillet 1837, la représenter en justice avec l'autorisation du conseil de préfecture. Ce dernier doit donc s'assurer avec soin si le contribuable qui en fait la demande se trouve exactement dans la position prévue par la loi, c'est-à-dire si le conseil municipal a positivement refusé ou négligé d'exercer l'action; car, dans le cas contraire, l'autorisation devrait lui être refusée par une fin de non-recevoir. (0. roy. du 8 janvier 1840, Vaillant.)

Il y aurait également lieu de rejeter la demande du contribuable, s'il était démontré que l'exercice de l'action fût contraire à l'intérêt de la commune. (0. roy. 24 juin 1840, Goupil-les-Paillières.)

Ce qui précède s'applique également au cas où il s'agit d'intenter l'action, comme à celui où il est est question d'y défendre, attendu qu'il peut y avoir un intérêt aussi grand dans chacune des deux situations.

Mais le contribuable aurait-il la même faculté de représenter la commune, sans autorisation préalable, en ce qui concerne les actions possessoires, les actions administratives et les actions en recouvrement de créances pour lesquelles les communes n'ont pas besoin d'autorisation? La loi municipale ne s'explique pas d'une manière précise sur ce point. M. Reverchon, dont l'opinion a beaucoup de poids en cette matière, se détermine pour la négative. Il pense que, relativement à ces cas exceptionnels, le contribuable est tenu d'obtenir l'autorisation du conseil de préfecture, et il cite à l'appui de son sentiment une ordonnance royale du 30 juin 1841 (Isnard), où la question aurait été résolue en ce sens, au sujet des actions possessoires, et deux autres ordonnances, des 20 novembre 1840 (Garnier de Farville) et 23 février 1841 (de Vilette), rendues par la voie contentieuse, et touchant, par conséquent, des actions administratives. Ces décisions paraissent bien, en effet, avoir la portée que leur attribue M. Reverchon. Cependant, la solution du point en question ne s'y trouve que d'une manière implicite. Il est donc à désirer que la jurisprudence soit fixée par des actes plus formels. Nous ferons même remarquer que, d'après une ordonnance royale du 8 avril 1842 (Duvergier et consorts), relative à la commune de Gentilly (Seine), et rendue par la voie contentieuse en matière de comptabilité communale, le contribuable qui exerce l'action de la commune, en vertu de l'article 49 de la loi du 18 juillet 1837, n'aurait pas besoin de l'autorisation du conseil de préfecture pour exercer un recours près du conseil d'Etat, parce que cette autorisation ne serait nécessaire que devant les tribunaux ordinaires (2o considérant, § 2, de cette ordonnance). Ainsi, tant que de nouvelles décisions n'auront pas infirmé celle-ci, on peut penser que les contribuables, agissant en vertu de l'article 49, n'ont besoin de l'autorisation du conseil de préfecture que dans les cas où la commune serait tenue de l'obtenir.

Quant à la disposition de la loi qui fixe un délai de deux mois au conseil de préfecture pour statuer

dans le cas où la commune est défenderesse, cela ne veut pas dire qu'après l'expiration de ce délai le conseil de préfecture ne puisse pas prendre une décision pour accorder ou pour refuser à la commune l'autorisation de plaider. Le seul effet de cette disposition est de permettre au demandeur d'assigner la commune et de suivre l'instance quand ce délai est expiré. Mais celle-ci pourrait, si elle y était autorisée plus tard, défendre à l'action ou, au besoin, relever le défaut par la voie de l'opposition, si, d'ailleurs, elle arrivait à l'audience avant le jugement définitif. Cette opinion n'avait pas, d'abord, prévalu au conseil d'Etat (0. roy. 7 octobre 1841, commune de Longue). Mais elle est maintenant établie. (O. roy. 30 novembre 1841, commune de Saint-Marcel-de-Careyset; 22 avril 1842, commune de Saint-Fuscien.)

Lorsque le conseil de préfecture accorde l'autorisation de plaider, il n'est pas nécessaire qu'il motive sa décision; car autrement il paraitrait préjuger le fond du litige et empiéter sur les attributions des tribunaux. Mais s'il refuse l'autorisation, la loi du 18 juillet 1857 (Art. 55) lui impose l'obligation d'exprimer les motifs de son refus. Cette règle peut sembler nouvelle; car, avant la loi municipale, les refus de cette nature ne devaient pas être nécessairement motivés. On voit même que des arrêtés de conseil de préfecture avaient été annulés pour cause d'incompétence, parce qu'au lieu de refuser simplement l'autorisation ils avaient préjugé le fond du droit en litige. (O. roy. 25 janvier 1828, commune du Petit-Quevilly.)

Après un refus d'autorisation, le conseil de préfecture peut revenir sur sa décision et accorder à la commune la permission d'ester en justice. Cette faculté tient à ce que ces sortes de décisions sont des actes de simple tutelle et non pas des jugements entre parties; que, dès lors, le conseil de préfecture, mieux informé, doit pouvoir changer d'avis (0. roy. 15 février 1853, commune de Saint-Pierreen-Val; 22 février 1838, commune de Pernes), quand bien même l'arrêté de refus aurait été confirmé en appel par le conseil d'Etat. (0. roy. 10 février 1842, commune de Triel.)

Il n'en faudrait pas conclure, néanmoins, que les conseils de préfecture auraient aussi le pouvoir de rétracter leur permission après l'avoir donnée. Aucune disposition expresse ne leur interdit, il est vrai, cette faculté. Mais la raison l'indique, et la jurisprudence a, d'ailleurs, fixé la règle sur ce point (0. roy. 12 février 1825, ville de Poitiers). Nous ferons même remarquer qu'il s'agissait, dans l'espèce sur laquelle statua cette ordonnance, d'un arrêté de conseil de préfecture qui avait autorisé la commune à plaider en première instance et en appel (alors cela pouvait se faire). La commune ayant succombé au premier degré de juridiction, le conseil de préfecture crut devoir rétracter son autorisation pour l'empêcher d'interjeter l'appel; mais l'ordonnance précitée annula sa décision pour excès de pouvoir.

Si le refus est définitif, la commune peut se pourvoir devant le conseil d'État pour obtenir la réformation de l'arrêté du conseil de préfecture (Art. 50 de la loi municipale). Le recours doit être introduit et jugé dans la forme administrative (Ibid., et O. roy. régl. 12 mars 1851, art. 5). Il ne serait pas recevable s'il était formé par la voie contentieuse (O. roy. 2 mai 1837, commune de Nalliers). La loi n'accorde à la commune qu'un délai de trois mois, à peine de déchéance. Il importe donc que l'administration municipale fasse diligence pour éviter la forclusion. Le maire qui, seul, peut introduire le pourvoi, doit, avant tout,

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Le délai de trois mois court à partir de la notification de l'arrêté du conseil de préfecture (Article 50). La loi n'explique pas comment et par qui cette notification aura lieu. L'emploi du mot notification semble indiquer qu'on n'a pas voulu rendre nécessaire une signification par acte extrajudiciaire. Alors ce serait au préfet à faire notifier la décision; mais dans quelle forme? I importe que la notification soit réelle et puisse être constatée puisqu'elle fait courir des délais emportant déchéance. Nous pensons qu'on devrait employer le ministère d'agents administratifs dont les procèsverbaux font foi en justice, ainsi qu'il a été prescrit en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique par l'article 57 de la loi du 3 mai 1841.

On voit, par une ordonnance royale du 26 mars 1825 (commune de Lecey), que la signification à la commune d'un arrêté du conseil de préfecture qui lui refuse l'autorisation de plaider fait courir, en faveur de l'adversaire, les délais du pourvoi. Mais dans une matière de tutelle où les adversaires des communes sont considérés comme non recevables pour intervenir, nous ne comprendrions pas bien le sens de cette ordonnance s'il ne s'expliquait par les circonstances particulières de l'espèce sur laquelle elle est intervenue, et où il s'agissait d'une contestation au sujet d'un bien communal vendu en vertu de la loi du 20 mars 1815, et qui avait déjà donné lieu à une décision du conseil de préfecture statuant par la voie contentieuse.

Inutile, sans doute, de dire que les communes n'ont pas besoin d'être autorisées pour recourir au conseil d'Etat contre un refus du conseil de préfecture; car autrement la faculté du recours pourrait devenir illusoire. Cependant, il a paru nécessaire d'exprinter cette doctrine dans une ordonnance royale du 16 février 1826. (commune d'Ervy.)

Avant la loi du 18 juillet 1857, il avait été décidé que des habitants agissant ut singuli sont sans qualité pour attaquer des arrêtés de conseil de préfecture qui refusent aux communes l'autorisation de plaider (O. roy. 6 septembre 1826, Terral). La règle serait encore la même aujourd'hui si l'habitant entendait agir ut singulus. Mais elle est modifiée évidemment s'il a l'intention d'agir au nom de la commune, en vertu de l'article 49 de la loi du 18 juillet 1837; car les demandes en autorisation de plaider, sans être précisément l'action même, en sont inséparables. Toutefois, une difficulté réelle se présente sur ce point: le conseil municipal ayant trois mois pour exercer le recours, on ne pourrait pas dire qu'il refuse ou néglige de le faire tant que ce délai n'est pas expiré. On ne saurait lui adresser ce reproche qu'après l'expiration du délai; mais alors la déchéance étant survenue, le contribuable ne serait plus à même de former le recours. Il est donc à craindre que le droit de ce dernier ne soit purement théorique, à moins d'admettre qu'il put, dès la notification du refus du conseil de préfecture, faire mettre, au moyen du mémoire préalable mentionné en l'article 49 de la loi, le conseil municipal en demeure de déclarer s'il entend exercer le recours près du conseil d'État.

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Le législateur a jugé nécessaire d'exprimer, dans deux articles séparés de la loi du 18 juillet 1837,

la faculté, pour la commune, de se pourvoir contre le refus d'autorisation du conseil de préfecture. Dans l'article 50 il est question du cas où la commune avait demandé à intenter l'action. L'article 53 prévoit, au contraire, le cas où la commune est défenderesse, et, pour ce dernier cas, le conseil d'État est tenu de statuer sur le recours dans le délai de deux mois, par une disposition semblable à celle de l'article 51 à l'égard du conseil de préfecture. Sauf cette différence dans les deux ordres d'actions, dont nous avons déjà expliqué les motifs, les formes à suivre sont les mêmes, notamment en ce qui concerne le mode d'introduction du recours par la

commune.

le

Aux termes de l'article 54 de la loi municipale, le pourvoi de la commune devant le conseil d'État est suspensif de l'instance projetée contre elle; mais M. Reverchon fait remarquer, avec raison, que, si la commune ne forme pas son recours, demandeur n'est pas tenu d'attendre l'expiration du délai de trois mois fixé par l'article 50. Il peut introduire l'instance dès que le refus du conseil de préfecture lui est connu, ou aussitôt après l'expiration des deux mois accordés par l'article 52 au conseil de préfecture pour statuer. C'est donc à la commune, si elle veut suspendre l'instance, à former immédiatement le recours au conseil d'Etat, et à en justifier.

Lorsque le conseil d'Etat est saisi du pourvoi, il peut en compléter l'instruction par telle mesure qu'il juge à propos, soit en prenant l'avis de jurisconsultes, soit en communiquant les pièces au ministre de l'intérieur. Mais comme il doit statuer dans le délai de deux mois, lorsque la commune est défenderesse à l'action, il ne peut guère recourir à ces moyens d'instruction que dans le cas où c'est le conseil municipal qui veut intenter l'action, parce qu'alors aucune déchéance n'est à craindre. Toutefois, ce délai de deux mois, fixé dans le seul intérêt du demandeur, n'empêche pas que le conseil d'État ne puisse statuer sur le pourvoi de la commune après qu'il est expiré. Il en résulterait seulement, comme nous l'avons dit au sujet d'un semblable délai fixé pour le conseil de préfecture, que l'adversaire pourrait intenter l'action, et que la commune risquerait d'arriver trop tard, à moins qu'elle ne fut encore à temps de relever le défaut en vertu de l'autorisation qu'elle aurait obtenue (0. roy. 22 avril 1842, commune de Saint-Fuscien, qui résout implicitement cette question, puisqu'elle statue sur un pourvoi enregistré au greffe le 13 décembre 1841, c'est-à-dire après un délai de plus de quatre mois). (Recueil des arrêts du conseil, 1842, p. 640.) Le conseil d'Etat peut quelquefois surseoir à toute décision, comme, par exemple, s'il résulte de l'instruction qu'il y a possibilité et intérêt pour la commune de transiger sur le litige. (0. roy. 19 août 1857, commune de Fontenay-aux-Roses.)

Si le recours devient sans objet, soit par suite d'une transaction intervenue depuis, soit parce que le conseil de préfecture serait revenu sur son refus, soit par l'effet du désistement de la commune, le conseil d'Etat ne procède pas par voie de simple radiation du rôle. Une ordonnance royale décide qu'il n'y a lieu à statuer. (0. 18 décembre 1840, commune des Iveteaux; 30 novembre 1836, commune de Dornecy; 6 août 1840, Jacquin.)

De même que les arrêtés des conseils de préfecture, les ordonnances royales qui statuent au fond sur le recours des communes sont motivées (du moins à présent, car elles ne l'ont pas toujours été), quand elles confirment le refus d'autorisation de plaider, et elles ne le sont pas lorsqu'elles accordent cette permission. Toutefois, l'expression des

motifs est très-laconique, pour ne pas dire insignifiante, lorsqu'il s'agit du fond même de la contestation. Ordinairement, l'ordonnance se borne à dire que la demande de la commune n'offre pas des éléments suffisants de succès. (O. roy. 18 décembre 1840, commune de Bretoncelles; 30 juin 1841, commune de Boucoiran.)

Il peut arriver que la commune ait intérêt à attaquer, près du conseil d'État, un arrêté du conseil de préfecture qui l'autorise à plaider, ou qui accorde l'autorisation à un contribuable inscrit au róle, sur le refus qu'elle aurait fait d'exercer l'action. Comme en pareil cas le recours ne peut guère être fondé que sur un excès de pouvoir, la question est de savoir s'il doit être introduit par la voie contentieuse, ou par la voie administrative. On voit, par une ordonnance royale du 30 juillet 1840 (commune de Saint-Pierre-les-Calais), citée par M. Reverchon, p. 84, et rendue dans la forme administrative, que, sur la demande de la commune, on annula un arrêté du conseil de préfecture qui avait autorisé le maire à plaider, nonobstant le vote contraire du conseil municipal. Une autre ordonnance du 25 avril 1845 (commune de Vallerangue, Gard), a aussi annulé un arrêté du conseil de préfecture qui avait autorisé un contribuable inscrit au rôle de la commune à exercer l'action que celle-ci refusait d'intenter. Dans cette espèce, le conseil municipal prétendait qu'il était en voie de transaction avec l'adversaire de la commune, laquelle avait plus d'intérêt à conclure un arrangement qu'à suivre les voies judiciaires. L'ordonnance, rendue par la voie administrative, a admis ce motif d'où il résultait que la commune n'avait pas refusé précisément d'exercer l'action.

Les limites de cet article ne permettent pas de donner ici un aperçu complet des règles du fond, en matière d'autorisation de plaider. Une pareille entreprise exigerait de longs développements, puisque les actions des communes, en ce qui concerne leurs droits de propriété, peuvent soulever la plupart des questions qui naissent de l'application des principes du droit commun. Nous nous bornerons donc à indiquer sommairement les règles princicipales que la jurisprudence a consacrées.

Et d'abord, du principe que les attributions des conseils de préfecture et du conseil d'État, en cette matière, sont de pure tutelle, il suit que ces conseils ont le droit, et que c'est même leur devoir, d'apprécier le degré d'intérêt et les chances de succès que présente l'action de la commune, soit en demandant, soit en défendant. Quant aux chances de succès, cela est évident. Relativement à l'intérêt, on conçoit aussi qu'il ne suffit pas toujours que le droit de la commune paraisse plus ou moins fondé. Pour peu que l'issue du procès présente des doutes, il est sage de refuser l'autorisation, si l'objet en litige est trop minime pour balancer les risques de l'action, ou si d'autres circonstances établissent que la commune a plus d'intérêt à rester dans la demeure. que d'intenter l'action, ou d'y intervenir. (O. roy. 27 août 1840, commune de Piolène.)

Dans tous les cas, il faut que la contestation soit du ressort de l'autorité judiciaire. Autrement, l'autorisation doit être refusée, s'il s'agit d'intenter l'action (0.roy. 19 février 1840, ville d'Yvetot; 12 mai 1840, section de Trinquetaille); si la commune est défenderesse, l'autorisation doit lui être accordée sans doute, puisqu'on ne peut empêcher l'instance, mais, en pareil cas, le conseil de préfecture doit limiter l'autorisation à la faculté de décliner la juridiction des tribunaux civils, et, de son côté, le préfet doit veiller aux suites du procès, afin d'élever au besoin le conflit d'attributions. Quant au

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