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ont remis l'extrait du protocole du 7 avec les points et articles concernant le royaume de Saxe, en invitant Sa Majesté à y donner son adhésion.

S. M. le roi de Saxe, en recevant cette communication, s'est borné à donner pour première réponse que l'objet étant de grande importance, il devait y réfléchir.

Le roi a ensuite fait inviter chacun des trois plénipotentiaires à des audiences séparées. Ceux-ci, ayant tenu un langage absolument uniforme, ont renouvelé leurs instances près de S. M. saxonne pour qu'elle ne différât pas de donner son acte d'adhésion, seul moyen de faire cesser l'occupation provisoire de Saxe.

Ces trois audiences particulières s'étant passées sans que le roi eût donné une réponse catégorique, MM. les plénipotentiaires on ont réitéré la demande dans une conférence à laquelle ils invitèrent M. le comte d'Einsiedel. En suite de cette démarche, S. M. saxonne leur a donné heure pour une audience commune, après laquelle M. le comte d'Einsiedel leur a remis une note signée par lui. Cette note, en date de Presbourg le 11 mars, est annexée au présent protocole sub lit. T.

MM. les plénipotentiaires ayant pris connaissance de son contenu y ont fait sur-le-champ la réponse ci-jointe lit. U.

Après la délibération qui a suivi cet exposé, MM. les plénipotentiaires sont convenus unanimement que S. M. le roi de Saxe méconnaît entièrement la situation dans laquelle il se trouve envers les Puissances, en pensant, ainsi que l'insinue la note du comte d'Einsiedel, que, rendu à sa liberté, il peut attaquer la validité des dispositions irrévocablement arrêtées par elles sur la Saxe, et entamer une nouvelle négociation par un plénipotentiaire de sa part.

Ils conviennent en conséquence de nouveau que la partie de la Saxe qui est destinée à rester sous la domination de S. M. le roi de Saxe ne pourra lui être remise que lorsque Sa Majesté aura donné son adhésion pleine et entière aux articles qui lui ont été soumis à Presbourg; qu'il ne peut être question de négociation avec un plénipotentiaire de sa part avant que cette condition ait été remplie, et que la négociation pour laquelle la cour d'Autriche a promis sa médiation ne peut avoir lieu que pour les arrangements accessoires spécifiés dans les articles VIII, IX et X, et que sur les bases fixées par ces mêmes dispositions.

Le manque de consentement de la part de S. M. le roi de Saxe ne pouvant arrêter une marche exigée impérieusement par les droits respectifs des Puissances et par le besoin qu'éprouve l'Europe de voir assurer sa tranquillité par le passage des différents pays sous les gouvernements auxquels ils sont destinés, il a été arrêté :

1° Qu'il sera procédé incessamment à la séparation des parties de la

Saxe qui passent sous la domination prussienne, de celles qui restent à S. M. saxonne.

2° Que S. M. le roi de Prusse prendra définitivement possession de la partie de la Saxe qui lui a été cédée par les arrangements actuels. 3o Que celle qui reste à S. M. saxonne demeurera, en attendant, soumise au gouvernement provisoire de S. M. prussienne.

MM. les plénipotentiaires ayant examiné ensuite plus en détail la note du comte d'Einsiedel, ont trouvé que, pour justifier la conduite du roi, on s'y est permis des réticences et des assertions contraires à la vérité des faits. Il y est dit :

Qu'il n'avait point dépendu de S. M. saxonue, ni lors du commencement de la grande lutte, ni pendant son progrès, d'accéder à la cause des Alliés, quelque sincère qu'en fût son désir manifesté d'une manière non équivoque, et en donner lieu par la demande formelle adressée aux souverains coalisés. »

Il est cependant de notoriété générale que, si le roi de Saxe a été forcé d'entrer dans une alliance aussi contraire à tous ses devoirs et à tous ses intérêts, il y a persisté de sa propre volonté, ayant été sommé de la manière la plus généreuse et la plus amicale de l'abandonner dans un temps où il était libre de sa personne, et où la Russie et la Prusse possédaient la plus grande partie de la Saxe; qu'il n'y a pas persisté seulement, mais qu'il y est, pour ainsi dire, rentré de nouveau en quittant, de propos délibéré, l'asile que la sagesse bienveillante d'une des Puissances alliées, neutre alors, lui avait préparé; que ce retour vers l'ennemi le plus cruel du pays auquel tant de considérations auraient dû l'attacher également, ne saurait être nommé forcé, puisque la Puissance qui protégeait alors sa neutralité lui avait garanti en même temps ses États; qu'il mit par sa conduite une forteresse importante entre les mains de l'ennemi, et prolongea, pour le malheur de ses propres États, de l'Allemagne et de l'Europe, la lutte la plus désastreuse; et qu'il n'offrit de s'allier aux Puissances victorieuses qu'au moment où ses États étaient conquis et lui-même fait prisonnier.

Les Puissances ne pouvant pas, d'après cet exposé succinct, dans lequel on ne s'est arrêté qu'aux faits les plus marquants, en passant sous silence tous les autres, permettre qu'une justification du roi de Saxe jette un faux jour sur leurs actions et sur leurs intentions, il a été résolu de faire rédiger une réponse à cette note, dans laquelle la conduite politique de S. M. saxonne sera exposée, d'après toute la vérité des faits et des transactions, pour empêcher que l'opinion de l'Europe ne soit égarée. Sur quoi la séance a été levée.

Annexes au présent Protocole.

T.

Note du comte d'Einsiedel.

S. M. le roi de Saxe a vu avec la plus profonde affliction, dans les pièces dont LL. AA. MM. les princes de Metternich et de Talleyrand et S. E. M. le duc de Wellington ont été chargés de lui faire part, ce que les cinq Puissances viennent d'arrêter concernant le sort de la Saxe.

Sans autre principe que celui de la convenance et sans égard pour les rapports intérieurs de la nation, on a tracé à travers le pays une ligne qui lui arracherait à la fois deux cinquièmes de sa population, au delà de la moitié de son étendue territoriale, et les moyens indispensables pour la subsistance de la partie qui resterait au roi.

C'est à de tels sacrifices que l'on invite le roi de donner son adhésion, en ajoutant qu'on n'entrerait en négociation sur les points accessoires qu'après que Sa Majesté se serait déclarée d'une manière catégorique sur les cessions territoriales. Sa Majesté ne peut pas reconnaître la validité de ces dispositions faites sans le concours de son plénipotentiaire.

Le roi ayant recouvré sa liberté, il n'y a plus d'obstacle à traiter avec lui; on ne peut prononcer sur ses droits sans son consentement; et il ne saurait admettre que ses États puissent être regardés et retenus comme pays conquis.

Entraîné par la force des circonstances et par les obligations qu'il avait dû prendre, dans une guerre qu'il n'avait ni provoquée ni déclarée, le roi n'y a pris part que dans la qualité d'auxiliaire. Il n'a pas dépendu de Sa Majesté, ni lors du commencement de la grande lutte, ni pendant son progrès d'accéder à la cause des Alliés, quelque sincère qu'en fût son désir, manifesté d'une manière non équivoque et en dernier lieu par la demande formelle adressée aux souverains coalisés.

La nation saxonne, pleine de confiance dans les Puissances alliées, a fait les efforts et porté avec résignation les sacrifices qu'elles ont exigés d'elle.

Le droit de conquête ne serait donc applicable ni contre le roi, ni contre son peuple, quand même les Alliés n'auraient pas proclamé, comme ils ont fait, que leurs efforts étaient exclusivement dirigés contre l'usurpation, et qu'ils étaient éloignés de toute vue de conquête.

Sa Majesté n'ayant de but que le bien de ses sujets, et désirant sincèrement de voir rétablir ses anciennes relations d'amitié et de bonne harmonie avec toutes les cours de l'Europe, se flatte que les cinq Puissances voudront avoir égard à ces représentations et prendre derechef

en considération ses intérêts et ceux de ses États, et elle réclame réitérément l'admission de son plénipotentiaire pour traiter sur ces intérêts dans toute leur étendue.

Sa Majesté ajoute la demande qu'il soit enjoint au gouvernement provisoire en Saxe de suspendre toutes les mesures qui auraient rapport au partage projeté.

Le roi accepte enfin, avec une profonde sensibilité, l'offre de la médiation des augustes souverains qui se sont intéressés jusqu'ici en sa faveur, et la conviction qu'a Sa Majesté de son droit et de l'équité de sa réclamation l'assure que ces monarques lui accorderont aussi dorénavant et sans restriction leur puissant appui.

Le soussigné ministre de cabinet et secrétaire d'État s'acquitte des volontés du roi son maître, en remettant à S. A. M. le prince de Metternich, ministre d'État et des conférences de S. M. l'empereur d'Autriche, etc., cette note, et en priant Son Altesse de vouloir bien la soumettre à Son Auguste souverain et au comité, en l'accompagnant de ses bons offices.

Il saisit avec empressement cette occasion d'offrir à Son Altesse l'assurance nouvelle de sa plus haute considération.

Presbourg, le 11 mars 1815.

Signé le comte d'Einsiedel.

U.

Réponse des princes de Metternich et Talleyrand et du duc de Wellington à la note du 11 mars du comte d'Einsiedel du même jour.

Les soussignés, ayant trouvé dans les notes que vient de leur adresser simultanément S. E. M. le comte d'Einsiedel, les mots suivants :

« Le roi accepte enfin avec une profonde sensibilité l'offre de la médiation des augustes souverains qui se sont intéressés jusqu'ici en sa faveur, et la conviction qu'a Sa Majesté de son droit et de l'équité de sa réclamation l'assure que ces monarques lui accorderont aussi dorénavant et sans restriction leur puissant appui; croient qu'ils n'ont pas été bien compris par M. le comte d'Einsiedel, auquel ils ont déclaré :

Qu'ils resteraient dans les termes du protocole remis à S. M. le roi de Saxe, lequel porte expressément que la médiation de S. M. l'empereur d'Autriche ne pourrait avoir lieu qu'après un acte formel d'adhésion de S. M. le roi de Saxe aux cessions et aux arrangements qui ont fait le sujet des engagements pris entre les Puissances. »

Si dans la conférence qu'ils ont eue hier avec M. le comte d'Einsiedel, quelques expressions ont pu donner lieu à l'interprétation qu'ils

trouvent dans la note de Son Excellence en date de ce jour, les soussignés croient qu'il est de leur devoir de rétablir immédiatement le véritable sens des communications qu'ils ont faites, afin que de leur part rien ne puisse donner lieu à des espérances qui ne pourront jamais se réaliser.

Les soussignés ont l'honneur etc., etc.

Presbourg, le 11 mars 1815, à midi et demi.

Signé : Metternich ; Talleyrand; Wellington.

Dixième Protocole de la séance du 12 mars 1815 des plénipotentiaires des huit Puissances signataires du Traité de Paris.

Après la lecture du procès-verbal de la séance du 9 février, M. le prince de Metternich a observé qu'il serait digne des puissances, et utile dans la conjoncture actuelle de se prononcer sur un événement qui ne pouvait manquer de faire une grande sensation dans toutes les parties de l'Europe; que Napoléon Buonaparte, en quittant l'île d'Elbe, et en débarquant en France avec des hommes armés, s'était ouvertement constitué ennemi et perturbateur du repos public; que, comme tel, il n'était plus sous la protection d'aucun traité ni d'aucune loi; que les Puissances signataires du Traité de Paris se trouvaient particulièrement appelées à déclarer, à la face de l'Europe, que tel est le jugement qu'elles portent sur ce fait, en ajoutant que le Traité de Paris, et tout ce qui a été réglé à la suite de ce Traité, sera invariablement maintenu, et que toutes les Puissances sont prêtes, en cas de besoin, à fournir au roi de France les secours que S. M. Très-Chrétienne pourrait juger nécessaires pour rétablir la tranquillité publique, dans la supposition peu probable qu'elle fût troublée par cette entreprise insensée.

MM. les plénipotentiaires ont été tous parfaitement d'accord avec ces propositions, et on est convenu de faire rédiger en conséquence un projet de déclaration, de le soumettre à l'assemblée dans une séance fixée à demain, et de renvoyer à cette même séance la question de la forme à adopter pour la signature et la publication de cette pièce.

On a ensuite procédé à une déclaration sur les mesures à prendre pour la rédaction définitive de l'instrument qui comprendra la totalité des dispositions arrêtées au Congrès.

M. le prince de Metternich a observé que pour gagner du temps, et pour faire marcher d'un pas égal la forme et le fond des différentes parties de cet ouvrage, il serait utile de s'en occuper sans retard, et de

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