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Note de M. de Labrador aux Plénipotentiaires d'Autriche, de Russie, d'Angleterre et de Prusse.

Vienne, 30 mars 1815.

Le soussigné, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. le roi d'Espagne au Congrès, a reçu la note en date d'hier, par laquelle LL. EEx. Mgr le prince de Metternich, le comte de Clancarty, le comte de Nesselrode, le baron de Humboldt, et le baron de Wessenberg, lui demandent de faire parvenir à sa Cour l'invitation d'accéder au Traité signé le 25 de ce mois entre la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Russie et la Prusse, pour employer toutes leurs forces contre le nouveau danger dont l'usurpation de Buonaparte menace l'Europe.

Les efforts faits par l'Espagne au milieu de la servitude presque générale, et la gloire immortelle dont elle s'est couronnée en combattant contre l'usurpateur quand il réunissait sous ses drapeaux les soldats d'une grande partie du continent, imposeraient au souverain adoré des Espagnols l'honorable loi de le combattre de nouveau, quand même il serait à présent aussi puissant qu'alors. On ne peut, par conséquent, douter que le roi s'empressera de prendre part dans la nouvelle lutte entre la légitimité et l'usurpation; lutte qui, quelque difficile qu'elle puisse devenir, ne saurait jamais l'être autant que celle que l'Espagne entreprit seule, dont elle partagea ensuite pendant plusieurs années les périls et la gloire avec la Grande-Bretagne et le Portugal, et qui fut si heureusement terminée quand les Puissances qui viennent de signer le nouveau traité et autres, à leur exemple, réunirent leurs forces, et, après un grand nombre d'exploits dont la mémoire ne périra jamais, obligèrent le perturbateur du monde à descendre du même trône qu'il vient d'envahir.

Eu égard à ces considérations, et d'après ses instructions et la teneur de ses pleins pouvoirs, le soussigné se croit autorisé à accéder sans délai au Traité, au nom de son auguste souverain, si l'on entend qu'en force de cette accession, l'Espagne sera considérée partie également principale dans l'alliance que chacune des quatre Puissances qui l'ont négociée et signée de façon que, pour les conventions qui pourront avoir lieu dans la suite, soit pour l'exécution ou le complément dudit Traité, soit pour les arrangements définitifs à faire, une fois obtenu le but de l'alliance, le plénipotentiaire espagnol prendra part à toutes les discussions et conférences, sans réserve ni limitation.

Le sens nouvellement attaché à la phrase « Puissances alliées, » et les exemples du Traité de Paris et du Congrès actuel, font au soussigné un devoir de demander l'éclaircissement indiqué. Si celui qu'il espère recevoir de LL. EEx. les ministres des Puissances signataires est con

forme à ses vœux, le soussigné est prêt à accéder au Traité; dans le cas contraire, il doit en référer à sa Cour, et attendre ses ordres.

Le soussigné prie Leurs Excellences d'agréer l'assurance de sa haute considération.

Vienne, le 30 mars 1815.

Signé P. Gomez Labrador.

Circulaire adressée le 30 mars 1815 par le duc de Vicence aux agents français à l'étranger sur le retour de l'Empereur.

Monsieur, les vœux de la nation française n'avaient cessé de rappeler le souverain de son choix, le seul prince qui puisse lui garantir la conservation de sa liberté et de son indépendance. L'Empereur s'est montré et le gouvernement royal n'existe plus. A l'aspect du mouvement universel qui emportait vers son monarque légitime et le peuple et l'armée, la famille des Bourbons a compris qu'il ne restait point d'autre parti pour elle que de se réfugier sur une terre étrangère. Elle a quitté le sol français sans qu'il ait été tiré un seul coup de fusil, ni versé une goutte de sang pour sa défense. La maison militaire qui l'accompagnait s'est réunie à Béthune où elle a déclaré sa soumission à l'Empereur. Elle a remis ses chevaux et ses armes; plus de la moitié entre dans nos rangs; les autres, en petit nombre, se retirent dans leurs foyers, heureux de trouver un asile dans la générosité de Sa Majesté Impériale. Le calme le plus profond règne dans toute l'étendue de l'empire. Partout un même cri se fait entendre: jamais nation ne présenta le spectacle d'une plus complète unanimité dans l'expression de son bonheur et de sa joie. Ce grand changement n'a été l'ouvrage que de quelques jours. C'est le plus beau triomphe de la confiance d'un monarque dans l'amour de ses peuples; c'est en même temps l'acte le plus extraordinaire de la volonté d'une nation qui connaît ses droits et ses véritables devoirs.

Les fonctions dont nous avait chargé le gouvernement royal sont terminées et je vais prendre sans délai les ordres de S. M. l'Empereur pour accréditer une nouvelle légation.

Vous devez sur le champ, monsieur, prendre la cocarde tricolore et la faire prendre aux Français qui sont près de vous.

Si, au moment de quitter la Cour auprès de laquelle vous résidez, vous avez occasion de voir le ministre des affaires étrangères, vous lui ferez connaître que l'Empereur n'a rien de plus à cœur que le maintien de la paix; que Sa Majesté a renoncé aux projets de grandeur qu'elle pouvait avoir antérieurement conçus, et que le système de son Cabinet,

comme l'ensemble de la direction des affaires en France est dans un

tout autre principe.

Je ne doute pas, monsieur, que vous ne regardiez comme un devoir de faire connaître aux Français qui sont auprès de vous la position nouvelle de la France et celle où, d'après nos lois, ils se trouvent placés eux-mêmes. Recevez, etc.

Duc de Vicence.

Premier protocole des séances des plénipotentiaires des Princes souverains et villes libres d'Allemagne réunis, pour leur accession à l'alliance du 25 mars 1815, séance du 31 mars 1815.

Dans la conférence de ce jour des ministres et plénipotentiaires des princes allemands et des villes libres nommés en marge1, lecture ayant été donnée de la réponse des plénipotentiaires de Prusse et de son annexe, on a mis en délibération la question de savoir comment la députation, également demandée dans une note autrichienne, pourrait être choisie parmi les personnes nommées en marge, et quelle instruction il fallait lui donner.

On est parti de l'idée qu'une députation ne pourrait être nommée et munie d'instructions pour traiter au nom des États représentés par les ministres et plénipotentiaires assemblés, sur des propositions non encore connues, mais que sa mission et ses instructions doivent se borner à entendre et à rapporter à l'assemblée les propositions qui lui seraient faites.

Néanmoins, il a été arrêté que la députation choisie sera autorisée à déclarer, au nom de tous les présents, qu'on s'attendait à une convocation générale de tous les plénipotentiaires allemands au Congrès, et que ce ne sera que dans une pareille assemblée générale de tous les États intéressés à la conclusion de la Confédération, y compris ceux dont les plénipotentiaires n'assistent pas à la présente assemblée, qu'on pouvait former un Comité chargé de délibérer sur ce qui regarde la future constitution germanique, supposé toutefois qu'on jugeât nécessaire de former un tel Comité.

1. Ce sont les mêmes qui sont nommés à la note du 16 novembre 1814, page 443, à l'exception du plénipotentiaire de Hesse-Darmstadt, qui prit aussi peu de part à ces délibérations que celui de Bade. Mais il faut ajouter les suivants : le baron de Maltzahn, plénipotentiaire du duc d'Oldenbourg, et de Wiese, plénipotentiaire du prince de Lichtenstein.

2. Voy. page 986.

Les députés à nommer ont été, de plus, autorisés à donner, en cas qu'elle fût provoquée, une déclaration portant qu'on était convenu que les princes et villes réunis ne s'opposeraient pas à ce que l'Autriche, la Prusse, la Bavière, le Wurtemberg et le Hanovre fussent nommés membres du Comité, avec d'autres, pourvu toutefois qu'on fût tombé d'accord de nommer un Comité assez nombreux.

On a passé ensuite au choix des députés; et après que la grande majorité eut décidé qu'ils seraient au nombre de cinq, on a désigné comme tels MM. le comte de Keller, le baron de Minkwitz, le baron de Plessen, le président de Berg et le sénateur Smidt.

Pour copie conforme, signé : Rontgen.

Note des ministres d'Autriche, d'Espagne, de France, de la GrandeBretagne, de Portugal et de Russie, résidant en Suisse1. Zurich, le 31 mars 1815.

La Déclaration que les soussignés ont l'honneur de remettre à S. Ex. M. le président de la diète, et à cette assemblée elle-même, leur est déjà connue par la communication qui en a été faite, le 20 mars, à la députation suisse auprès du Congrès.

La grande difficulté de concilier les intérêts divergents des différents cantons, et de donner, en conséquence, des bases solides et sûres aux décisions des Puissances signataires du Traité de Paris, a seule pu retarder l'accomplissement de leurs vues bienfaisantes. S'il a été impossible de satisfaire complétement à tous les partis, on doit au moins rendre aux Puissances ce témoignage, qu'elles ont donné à leur ouvrage les bases les plus convenables aux véritables rapports de la Suisse, et telles qu'elles puissent le plus sûrement affermir leur existence politique et leur tranquillité intérieure. Attachant le plus grand prix à ce que ces deux objets soient à l'avenir garantis contre toute atteinte; et résolues d'employer, pour atteindre ce but, tous les moyens qui sont en leur pouvoir, elles ne forment d'autre vœu, si ce n'est de voir les diverses dispositions renfermées dans leur Déclaration, acceptées et exécutées avec cette loyauté et cet accord parfait d'où résulte la véritable force de la Confédération suisse, et qui maintenant doivent l'animer plus que jamais.

Il est surtout important que la résolution soit, autant que possible, accélérée, et qu'on choisisse pour cela les formes qui, d'après la constitution de chaque canton, puissent le plus promptement mener au but.

1. Voy. au 20 mars.

L'énergie vraiment digne du nom des Suisses, et le concert de volonté qui, dans ces derniers jours, ont distingué la conduite de la Confédération, ne laissent pas de doute que tous les cantons ne s'efforceront désormais de concourir à cette affaire essentielle, puisqu'elle fournit le moyen le plus efficace pour garantir leur concorde, en lui donnant une consistance et une force proportionnées à l'importance de la crise actuelle.

Les soussignés, qui ont reçu de leurs augustes monarques les instructions les plus précises, de ne rien négliger qui puisse accélérer l'achèvement total de l'affaire certainement la plus importante dont la Suisse se soit jamais occupée, seront toujours prêts d'intercéder, de la manière la plus avantageuse à la Confédération, pour donner suite aux dispositions de la Déclaration, et pour mettre à exécution les engagements contractés par les Puissances. Ils saisissent cette occasion pour prier S. Ex. et la diète d'agréer les assurances de leur haute considération. Zurich, le 31 mars 1815.

Signé: Pour l'Autriche, Schraut.

Pour l'Espagne, le comte Auguste de Talleyrand,
spécialement autorisé.

Pour la France, le comte Auguste de Talleyrand.
Pour le Portugal, Schraut, spécialement autorisé.
Pour la Russie, le baron de Krudener.

Note du baron de Turckheim, plénipotentiaire du grand-duc de Hesse aux plénipotentiaires d'Autriche et de Prusse.

Vienne, le 31 mars 1815.

Si le soussigné n'a pas signé la note que les princes et villes libres d'Allemagne, réunis, ont remise le 22 de ce mois aux deux grandes Puissances d'Allemagne, il en fut empêché, non parce qu'il n'est pas d'accord avec les principes qui y sont énoncés, mais par des motifs particuliers.

Déjà avant cette note il a, au nom de son gracieux maître, ainsi que le plénipotentiaire de Bade au nom du sien, offert toutes les forces qui sont en sa disposition, pour l'affermissement de la tranquillité en Allemagne et en Europe, et réitéré le vœu que le Congrès germanique fût ouvert, et que les bases de la liberté allemande et de l'indépendance des princes fussent posées.

Seulement il a cru que dans l'état d'épuisement où se trouvent nos provinces, et vu le désir de la tranquillité, si hautement manifesté par

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