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Saisie de ce projet, la chambre des députés le soumit à l'examen d'une commission, qui choisit pour rapporteur M. Amilhau, député de la HauteGaronne.

Les résolutions de cette commission furent communiquées à la chambre, le 2 avril suivant. - Dans un travail aussi remarquable par la sagesse des observations que par la noblesse des pensées et l'élévation du langage, M. le rapporteur rendit un compte fidèle de l'esprit du projet et des amendemens qui avaient été délibérés. Ces amendemens étaient nombreux et importans. Ils changeaient la physionomie entière du projet du gouvernement dont ils débordaient les bases par des innovations plus larges et plus hardies.

Le dissentiment profond, qui venait d'être constaté entre les opinions de la commission et celles du gouvernement, éloigna toute idée d'une discussion actuelle, en inspirant au Ministre la pensée de consulter, dans l'intervalle des sessions, toutes les cours de justice du royaume.

Ces cours répondirent à l'appel qui leur fut fait; elles apportèrent dans l'examen du projet du gouvernement et du travail de la commission, le tribut de leur zèle et de leur expérience, et leurs rapports vinrent bientôt confirmer toutes les espérances qu'avait fait concevoir leur amour de la science et de la justice.

Ceci se passait dans les mois de juillet et d'août 1835. A la même époque, de lamentables évé

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nemens vinrent semer dans tous les esprits de nouvelles alarmes et concentrer toute la sollicitude du pouvoir sur les moyens les plus propres à prévenir le retour de ces sanglantes catastrophes. Les lois

de Septembre furent votées.

La session de 1836 s'ouvrit au milieu de ces vives inquiétudes qui en réagissant sur le législateur ne lui permettaient guère de s'occuper immédiatement de choses étrangères à la situation du moment. Bientôt le ministère du 22 février vint remplacer celui du 11 octobre; M. Persil céda la simarre à M. Sauzet. - Quelques jours après l'avènement du cabinet et au moment où la commission déjà nommée par la chambre des députés semblait disposée à présenter un nouveau rapport, le nouveau gardedes-sceaux retira le projet en vertu d'une ordonnance royale du 9 mars. Et comme il avait compris le besoin de le soumettre à une élaboration nouvelle, il confia ce soin à une commission spéciale composée de hauts fonctionnaires pris dans le sein des deux chambres et parmi les magistrats les plus élevés de l'ordre ju

diciaire.

Le ministère du 22 février ne fut pas de longue durée. Le 6 septembre de la même année vit rentrer aux affaires la plupart des ministres qui s'en étaient récemment éloignés.-M. Persil devint une seconde fois le chef de la magistrature du royaume.

Appelé ainsi à présider de nouveau aux destinées de l'oeuvre législative qu'il avait le premier soumise à la chambre des députés, il ne tarda pas à s'apercevoir

que le projet était trop étendu pour résister aux épreuves qui lui étaient réservées. Il reconnut que ses proportions étaient peu en harmonie avec nos formes parlementaires qui s'accommodent mal des travaux compliqués, et il conçut dès-lors l'idée de le démembrer, pour le diviser en autant de projets qu'il y avait de matières différentes dans le projet originaire.

Cette heureuse pensée fut bientôt réalisée.

En effet, dès le mois de janvier 1837, le ministre présentait aux chambres le projet sur l'autorité des arrêts rendus par la Cour de Cassation après deux renvois, et le projet sur les justices de paix. -- Le premier projet d'abord soumis à la chambre des pairs et par elle adopté le 21 février, sur un rapport de M. le comte Roy, fut communiqué à la chambre des députés le 28 février. Cette chambre entendit, le 14 mars, le rapport de M. Parant, et adopta à son tour le projet le 30 du même mois. — Il fut revêtu de la sanction royale le 1er avril.

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Cette loi modifia sensiblement le système consacré par la loi du 30 juillet 1828, qui avait dérogé de son côté à la loi si peu constitutionnelle du 16 septembre 1807. D'après la loi du 30 juillet, ce n'était pas la Cour de Cassation qui pouvait fixer la jurisprudence et la rendre uniforme. En effet, après un premier arrêt de cassation, si la cour royale devant laquelle l'affaire était renvoyée, partageait la doctrine improuvée par la Cour Suprême, un second arrêt des chambres réunies de cette dernière cour

n'avait pas plus d'autorité que le premier. La troisième cour royale restait maîtresse de condamner encore la solution de la Cour Régulatrice, et l'arrêt de la cour royale était souverain; il ne pouvait devenir l'objet d'un nouveau pourvoi pour les mêmes moyens. Seulement il en était référé au roi pour être ultérieurement procédé, par ses ordres, à l'interprétation de la loi.

D'après la loi du 1er avril 1837, au contraire, la troisième cour royale saisie par le renvoi, après deux arrêts de Cassation, est tenue de se conformer, sur le point de droit, à la doctrine établie par ces arrêts. Ainsi, l'autorité reste en définitive à la décision de la Cour Suprême, qui conserve la suprématie que son institution même a entendu lui conférer.

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Le projet de loi sur les justices de paix ne devait pas recevoir une solution aussi prompte et aussi facile. D'autres épreuves lui étaient réservées. C'était cependant à son sort que s'intéressaient vivement les masses. C'était lui que les sympathies nationales avaient depuis long-temps sollicité; que les classes agricoles et industrielles réclamaient à grands cris parce qu'il était fait plus particulièrement pour elles, parce que ses bien faits devaient se réaliser principalement dans leur sein. Ce nouveau projet était sans doute bien différent du projet primitif. Les observations des Cours, jointes aux réflexions particulières auxquelles le gouvernement s'était livré, avaient sensiblement modifié ses bases premières. Une réaction s'était opérée dans un grand nombre d'esprits

auxquels l'extension immodérée de la compétence avait inspiré des craintes sérieuses. Cette extension fut considérablement réduite. Mais les réformes qu'il renfermait n'en étaient pas moins susceptibles de provoquer des dissidences, et de donner lieu sur plus d'un point à de sérieuses controverses. Aussi la nouvelle commission de la chambre des députés à laquelle il fut d'abord soumis, lui fit subir encore un long examen. Cette commission choisit pour rapporteur M. Renouard. - Le rapport fut déposé dans la séance du 19 mars, et la discussion générale avait déjà commencé, lorsque, par une de ces vicissitudes si fréquentes dans le gouvernement représentatif, M. Persil, qui était destiné à ne pas conduire à son terme, en qualité de ministre, l'oeuvre législative dont il avait eu les prémices, fut encore obligé de s'éloigner des affaires. - Le rejet du projet de loi sur la disjonction avait entraîné la dislocation du cabinet du 6 septembre. Le 15 avril 1837, M.

Barthe reprit les sceaux.

Cette révolution ministérielle exerça sur le projet de loi une influence que nous aurons plus tard l'occasion de reconnaître et de caractériser.

A peine était-elle accomplie, que l'ordre du jour de la chambre appelait la continuation de la discussion sur le projet. Le nouveau garde-des-sceaux n'avait pas encore pris place au banc des ministres ; la chambre, toute préoccupée du mouvement politique que son vote venait de provoquer, adopta en quelques instans, et presque sans discussion, tous

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