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long exil, les trois autres durent être fusillés. Louis XVIII aurait bien voulu éviter ce pénible sacrifice, mais les royalistes qui voulaient un exemple ne le lui permirent pas.

Quelques jours plus tard furent également exécutés. à Bordeaux les deux frères Faucher, deux frères qui ne s'étaient jamais quittés et qui moururent courageusement ensemble, en qualité de conspirateurs.

Ces regrettables exécutions n'empêchèrent pas le parti bonapartiste d'avoir encore de profondes racines dans le pays et d'y entretenir une certaine agitation qui ne cessa que lorsque le parti libéral s'y substitua. Car il n'est pas possible qu'un gouvernement, le meilleur du monde, soit sans opposition.

Cela n'empêche pas que les dix années du règne de Louis XVIII ne fussent pour la France une véritable réparation; car aussitôt la confiance se rétablit dans la population et fit cesser la stagnation des affaires industrielles et commerciales que produisirent les dernières guerres de l'empire. De grands besoins de marchandises se firent sentir à l'étranger et notre exportation augmenta extraordinairement. La noblesse et la bourgeoisie d'un autre côté, se livrant à de nouveaux plaisirs, excitèrent tellement le luxe et les entreprises nouvelles que tous les corps d'état avaient une grande activité, et que le travail devint abondant à ce point, qu'à peine les ouvriers pouvaient y suffire.

La prospérité était donc générale dans toute la France et tout le monde, pour ainsi dire sans s'occuper de politique, était content. Je puis dire que ces dix années furent certainement les plus heureuses de ce siècle. Il est bon de dire que les souvenirs tout récents encore des souffrances de la Révolution et des guerres de l'em

pire ne furent pas sans contribuer à maintenir les esprits dans le calme. D'un autre côté, s'il y avait quelques libéraux exaltés, les républicains n'osaient pas se montrer, comme aussi les journaux ne pouvaient pas attaquer les prérogatives royales, ni les droits que le roi tenait de la Charte.

Une loi, cependant, qui en 1821 fut votée par les chambres, causa quelques murmures dans la population; ce fut l'indemnité d'un milliard, accordé aux émigrés comme restitution des biens qui leur avaient été confisqués dans la Révolution, mais elle n'y causa aucun désordre.

C'est le 13 février 1820 qu'eut lieu l'assassinat du duc de Berry par Louvel, qui causa une si grande émotion dans toute la France. L'Opéra était alors place de Louvois et c'est en y entrant que le malheureux duc fut frappé mortellement d'un coup de poignard. Peu de temps après, eut lieu également la naissance du duc. de Bordeaux dont la nouvelle fut reçue avec acclamation par toute la population.

C'est à la suite de l'assassinat du duc de Berry que par ordre de Louis XVIII, l'Opéra qui existait alors, comme je viens de le dire, place de Louvois, fut démoli et reconstruit de nouveau rue Lepelletier dans de bien plus larges proportions. En 1824, comme j'arrivais à Paris pour la première fois, ce fut un des premiers théâtres que je m'empressai de visiter. Ce soir-là on donnait Aladin ou la lampe merveilleuse, et j'avoue que j'y fus si émerveillé et si ébloui que j'en pleurai d'émotion. Je ne fus pas moins ému au Théâtre-Français en voyant le grand tragédien Talma, Mlle Georges, Me Duchesnois et Mile Mars. A cette époque, on n'y jouait que des pièces de haute littérature, c'est-à-dire les tragé

dies de nos grands écrivains, et la comédie; au surplus, tous les théâtres étaient en grande prospérité et très suivis.

Sous l'empire, il était facile aux jeunes gens de se faire une position professionnelle. Un si grand nombre alors, soit volontaires ou contraints, entraient dans l'armée, et très souvent n'en revenaient pas, il en résultait que dans beaucoup de professions, il se trouvait considérablement de vides. Du temps de Louis XVIII, ils avaient un autre avantage, c'était celui, moyennant une somme de deux mille à deux mille cinq cents francs, de pouvoir se faire remplacer au service militaire; ils n'étaient pas alors assujettis à avoir une interruption dans leurs études ou dans leur carrière. C'était, en même temps, un avantage pour l'armée, car au moyen d'un remplaçant que l'on prenait presque toujours parmi des soldats sortant du service, on avait des hommes faits au service militaire. Ce système de conscription valait bien celui d'aujourd'hui.

C'est ainsi que se passa le règne de Louis XVIII dont le caractère et les capacités, autant que l'esprit, étaient appréciés de tout le monde, lorsque le 15 septembre 1824 il fut enlevé à la France, emportant d'unanimes regrets. Son corps fut transporté en grande pompe à Saint-Denis.

CHAPITRE V

CHARLES X

Après la mort de Louis XVIII, ce fut le comte d'Artois qui lui succéda. Lorsqu'il fit son entrée à cheval à la tête de sa troupe, il fut reçu avec une grande indifférence. Il est vrai qu'il pleuvait à torrent, ce qui était d'un mauvais présage. Le comte d'Artois était peu connu du peuple. Dans le monde, il passait pour avoir eu une jeunesse assez dissipée et il s'était jusque-là fort peu occupé d'affaires gouvernementales; il était loin du reste d'avoir la sagacité, l'esprit et les capacités de son frère; il était en outre d'un àge très avancé. Tout cela n'était pas fait pour lui attirer les sympathies de la population française qui, devenue riche, sentait le besoin. d'une tout autre impulsion donnée aux affaires et aux plaisirs qu'elle recherchait. Le comte d'Artois était veuf et il en résultait que la cour était triste et qu'à peine il y avait quelques réceptions aux Tuileries. L'aristocratie s'en plaignait, comme le peuple n'était pas content.

Néanmoins quelques années se passèrent dans le

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