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justice et de la vérité, comme aussi l'intérêt que je porte à mes concitoyens et å mon pays. Ne savons-nous pas que pas que généralement tous les hommes naissent avec des instincts plus ou moins mauvais et que, depuis le commencement du monde, ils en ont fait de trop fréquents usages? Ne savons-nous pas aussi que Dieu, qui a créé l'homme à son image, dit-on, en le favorisant du plus précieux des dons, celui de l'esprit, n'a point donné à tous l'indulgence, la bonté et le désintéressement? Hélas! si nous en voulons des preuves évidentes, remontons à l'antiquité, au temps des Gaules, au moyen âge, aux siècles derniers; nous verrons que nous ne sommes guère meilleurs que l'étaient nos ancêtres. Nous verrons que l'esprit de conquête, la jalousie, l'ambition, la vanité sont des passions non moins dominantes chez nous qu'elles ne l'étaient chez les hommes d'autrefois et ne l'ont été sous quelque régime que ce soit.

Les anciens peuples avaient une grande excuse en leur faveur, c'est qu'ils étaient dans une complète ignorance et qu'ils manquaient de civilisation. Mais nous, qui possédons des

-lumières, de l'instruction, qui avons fait d'immenses progrès, passé par tant d'expériences, ne sommes-nous donc pas blâmables, je dirai même coupables, de nous constamment combattre dans nos idées, souvent les plus fausses et les plus insensées, de nous entre-tuer pour des théories, des utopies mensongères; de ne cesser d'être ennemis pour un principe, pour un système dont presque toujours le résultat est le même, quand nous savons que toutes nos discussions, nos disputes, nos guerres civiles ne changent absolument rien à notre état social et n'aboutissent à profiter qu'aux intrigants et aux ambitieux? Qui donc peut rester insensible et sans s'émouvoir en présence d'un tel état de choses, en voyant se prolonger et s'étendre d'aussi tristes tendances dans lesquelles nos populations sont entraînées et qui menacent sans cesse la société tout entière.

La France n'a-t-elle donc pas assez subi d'épreuves! n'a-t-elle pas supporté assez de malheurs! n'a-t-elle pas enduré assez de souffrances! sans être sans cesse menacée de tomber dans de nouveaux abîmes? Comment! aurions-nous déjà oublié 1793? aurions-nous

oublié 1830, 1848, 1852, même 1870, de si funeste mémoire? Non! cela n'est pas possible. Mais si, parmi notre nouvelle génération, il est des jeunes gens qui en ignorent l'histoire, n'est-il pas utile de la leur apprendre, non sous un faux jour, comme le font la plupart de nos écrivains modernes, mais au moins dans toute sa vérité? Cette histoire existe-t-elle ? Je ne le pense pas.

C'est donc alors, qu'effrayé de voir tant de mauvais livres et de mauvais journaux se propager à l'infini, qu'on lit de préférence aux bons qu'on délaisse, frappé de voir tant de jeunes hommes, à peine sortis des écoles, faire de la politique insensée, épouvanté de voir notre malheureux pays constamment tourmenté, agité, par tous les événements extraordinaires qui s'y passent journellement, il me vint l'idée d'écrire cette histoire dans le sens le plus simple possible.

Oui! voilà pourquoi, un jour, je soumis à quelques-uns de mes meilleurs amis mon intention et qu'ils me répondirent aussitôt :

Encore une histoire contemporaine de la France; mais vous ne savez donc pas qu'il y

en a surabondamment chez nos libraires qu'on ne lit pas? Pour vous, c'est donc peine perdue et une inutilité pour nos générations nouvelles, qui n'en suivront ni plus ni moins le cours des idées de leur temps, d'après la direction qui leur en sera donnée. Je compris tout d'abord combien mes amis avaient raison, et je crus devoir, momentanément du moins, renoncer à mon projet; mais un peu plus tard, me rappelant la pensée de Beaumarchais au sujet de la calomnie, entraîné par le besoin d'occuper mes loisirs et le désir de me rendre encore une fois utile avant de terminer la longue carrière dont me favorise la divine Providence, je me suis dis ceci Ecrivons d'abord; si ce n'est pas aujourd'hui, plus tard il en restera toujours quelque chose, et je me suis mis à l'œuvre. Alors voici les explications que je crois devoir donner à mes amis et aux lecteurs qui daigneront jeter les yeux sur ce modeste ouvrage.

Tout homme qui se sent les facultés et le courage d'écrire un livre et éprouve le désir de mettre au grand jour ses pensées, plus ou moins bonnes, plus ou moins utiles, a nécessairement un but; les uns dans un intérêt per

sonnel (et c'est le plus grand nombre), les autres par ostentation, d'autres encore simplement dans l'intention de se rendre utiles à la société en soutenant leurs principes dans les questions religieuses, sociales ou politiques.

En prenant la plume, mon but, à moi, je ne crains pas de l'avouer, est tout simplement de soumettre à l'attention des personnes qui voudront bien me lire les principaux faits de notre histoire contemporaine, au point de vue de mes appréciations personnelles, dans un intérêt purement humanitaire. En voici les raisons.

La manière dont la plupart de nos historiens ont rendu compte des nombreux et graves événements qui se sont succédé pendant et après la révolution de 1789 a été si souvent, si mal appréciée, que le faux jugement qu'il en est resté dans l'esprit d'un si grand nombre de personnes m'a fait sentir l'utilité de ce modeste travail, c'est-à-dire le besoin d'en démontrer plus clairement la vérité que ne l'ont fait jusqu'à présent nos historiens. Non pas que j'espère changer quelque chose à notre état social,

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