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nous arrangerons. Mais point de licence, point d'anarchie, car l'anarchie nous ramènerait au despotisme des républicains, le plus fécond de tous en actes tyranniques, parce que tout le monde s'en mêle.....

Des 11 et 12. Les mesures ordonnées par le gouvernement royal, les démonstrations de dévouement et les offres de services qu'il reçoit, ou plutôt que le ministère provoque et achète, pourraient faire croire que l'Europe conjurée s'apprête à fondre sur la France; et pourtant ce ministère continue de publier que Bonaparte est sans moyens, que la désertion est dans sa bande, et que l'immense majorité des sujets dévoués au trône laisse sans inquiétude sur les tentatives désespérées des partisans de l'usurpateur. On proclame même une grande victoire remportée devant Lyon par les gardes nationales réunies aux troupes du roi, et il faut, pour la démentir, le retour à Paris de Monsieur, du duc d'Orléans et du maréchal Macdonald; alors on convient de la défection des Lyonnais, mais on donne pour certain que Grenoble ne s'est pas encore rendu.-Le 11, proclamation du roi aux Français (N.): S. M., après avoir annoncé que des dispositions sont prises pour arrêter l'ennemi entre Lyon et Paris, ajoute : « La France ne sera point vain> cue dans cette lutte de la liberté contre la tyrannie, de la fidélité » contre la trahison, de Louis XVIII contre Bonaparte. » Par une ordonnance royale, les conseils généraux de département sont convoqués, et doivent rester en permanence pour l'exécution des mesures prescrites de salut public, l'organisation des gardes nationales, l'enrôlement des volontaires, etc. Une autre ordonnance, rendue conformément à une loi de nivôse an 4, frappe de la peine de mort les embaucheurs pour l'ennemi, les déserteurs, les provocateurs à la rébellion, soit par écrit ou autrement. Le ministre de la guerre, Soult, duc de Dalmație, est remplacé par Clarck, duc de Feltre; mais Soult reçoit une lettre du roi qui « lui témoigne la satisfaction de S. M. pour ses services, l'estime qu'elle en fait, et le désir qu'elle a de les éprouver encore. » Néanmoins cette fausse mesure donne à l'armée un homme qui n'a pas sa confiance; elle retire à la cause royale un habile général dont elle a reçu des gages, et qui peut-être lui serait resté fidèle. Enfin, ouverture de la Chambre des Députés (0.) : discours qui expriment le dévouement peu efficace des loyaux représentans; communications ministérielles qui inspirent une fausse sécurité ; délibération en faveur de troupes encore fidèles, et l'on voit seulement que trois garnisons du nord, de La Fère, de Lille, de Cambrai, ont bien mérité du roi et de la patrie. Le 12, proclamation du roi aux armées (P.): << Un général que vous auriez défendu jusqu'au dernier soupir, s'il ne » vous avait pas déliés par une abdication formelle, vous a rendu à » votre roi légitime... Soldats, vous êtes Français; je suis votre roi : » ce n'est pas en vain que je confie à votre courage et à votre fidélité » le salut de notre chère patrie! » Le roi, par une autre proclamation,

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voulant utiliser tant de braves Français qui se présentent de toutes parts, règle le mode de formation des bataillons de volontaires royaux. Ordre du jour du duc de Berry, à qui le roi a confié le commandement de tous les corps qui se trouvent à Paris et aux environs ; le prince a pour second le maréchal Macdonald : « S. A. R. se félicite d'avoir, pour premier acte de son commandement, à témoigner aux troupes sa >> satisfaction sur la conduite qu'elles tiennent, et elle en appelle » avec confiance à l'honneur français, sûr garant de celle qu'elles » tiendront à l'avenir. >>

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Du 13. - Acte du Congrès de Vienne qui déclare Napoléon hors des relations civiles et sociales... C'est là que la cause des Bourbons trouvera enfin un appui. (1)

Du 14 au 18. Le 14, ordonnance royale qui pourvoit à la tranquillité particulière de Paris; elle y rétablit la préfecture de Police, qui en 1814 avait été réunie au directoriat général; le nouveau préfet est Bourienne. Le 15, une autre ordonnance excite, récompense le zèle des employés du gouvernement : ceux qui prendront les armes conserveront leur traitement pendant la durée de leur service extérieur. Le 16, le roi et les princes renouvellent leur serment de fidélité à la Charte devant les mandataires de la nation, témoins d'une solennité touchante, et à jamais mémorable : J'ai travaillé au bonheur de mon peuple, dit le roi ; j'ai recueilli, je recueille tous les jours les marques de son amour : pourrai-je, à soixante ans, mieux terminer ma carrière qu'en mourant pour sa défense! Je ne crains donc rien pour moi; mais je crains pour la France... Rallions-nous ! (Voyez page 55.) Après cette séance royale Monsieur, comte d'Artois, passe en revue la garde nationale parisienne; les acclamations dont il est l'objet semblent lui garantir un dévouement unanime: il s'expose, comme à Lyon, à faire un appel direct aux vrais royalistes, et il ne voit sortir des rangs qu'une extrême minorité pour composer la légion volontaire du colonel général. - Des promotions dans les grades de l'armée, de nombreuses nominations dans la Légion-d'Honneur, des récompenses de toute nature, des réclamations accueillies ou prévenues, des secours aux pauvres, des promesses sacrées à la nation, tout est employé pour appeler des défenseurs à la cause du trône; enfin, le 18, le roi écrit de sa main à l'armée française pour réclamer de nouveau sa fidélité, et offrir un pardon aux soldats égarés qui reviendront sous l'étendard des lis. (Q.) Du 19. En voyant tant de mesures imposantes, tant d'augustes prières rester sans aucun effet, on serait confondu d'étonnement, on douterait du caractère aimant et généreux des Français, si d'un autre

(1) Voyez cette déclaration et le rapport qui la réfute, pages 76 et suiv.; au § III, les motifs du Congrès.

côté l'on n'envisageait l'énormité du mal que les ministres et les agens de la couronne avaient fait à cette cause, qui périssait sans défenseurs : ici l'on ne peut énumérer; tous les intérêts avaient été blessés, toute la France, pendant dix mois, avait été calomniée, froissée, humiliée. Que restait - il donc au trône? Un ministère justement détesté de la nation... Les députés en avaient demandé le renvoi; mais le monarque, abandonné, trahi des bonapartistes, craignait de se livrer aux hommes de la révolution. Quelques maréchaux, des états majors sans troupes... Ney, chargé d'un commandement important, et sur qui le trône avait dû le plus compter, venait d'entraîner le reste de l'armée par sa défection, consommée le 13, sur une lettre que Napoléon lui avait fait écrire; ce maréchal, possédant au plus haut degré la confiance des soldats, leur communiqua facilement sa propre persuasion, que la cause des Bourbons était à jamais perdue... (R.) Une maison militaire très fastueuse, composée de vieux émigrés ou de leurs enfans, et dans laquelle il n'y avait guère de soldats que les Suisses mercenaires ; des vendéens, que le duc de Bourbon recrutait dans les départemens de l'ouest; les royalistes du midi, enflammés par la présence dú duc et de la duchesse d'Angoulême : ici l'espoir du trône paraissait mieux fondé; mais les résultats ne pouvaient être prochains, et la garantie du succès reposait sur la guerre civile, qui, là comme ailleurs, était en horreur à la majorité du peuple; aussi, de Bordeaux à Marseille, verra-t-on l'héroïsme et la fidélité se rendre après un mois d'efforts. A Paris, beaucoup de femmes, criant, agitant leurs mouchoirs sous les fenêtres de la famille royale. Les volontaires royaux, dont le prétendu bataillon, sans ordre, sans discipline, offrait l'image d'un groupe tumultueux : dans le nombre se trouvaient des étudians, cherchant le plaisir et le bruit, exaspérés par quelques orateurs fougueux, mais trop amans de la gloire pour rester constans dans leur enthousiasme. Enfin cette faction toujours habile à surprendre la protection du trône, comme à usurper ses droits; recrutée d'hommes incapables au combat, prompts aux cris comme à la fuite, directeurs d'émeutes, puissans dans l'intrigue, nourris dans la trahison : les théâtres, les places publiques, tout Paris retentissait des protestations de leur impuissante fureur; les mots vive le roi devenaient dans leur bouche un cri d'effroi, poussé du même accent que ceux à bas les Bonapartistes, à bas le Corse. Ils invoquaient l'assassinat, et offraient un prix au meurtrier de Napoléon: à leur voix les prisons s'étaient ouvertes pour des assassins connus; l'infâme mission de 1814 fut encore acceptée par plusieurs; mais le courage du crime ne se rencontra dans aucun. La faction aurait voulu punir la France d'avoir repoussé ces excitations atroces : le plan d'une Saint-Barthélemy fut - Le roi ne pouvait connaître ces manœuvres, ni supposer tant d'horribles pensées, si indignes de son caractère et de sa cause; mais on fut contraint de lui avouer l'approche de l'ennemi. L'irrésolution, le

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trouble était dans ses conseils ; le dévouement sincère d'un petit nombre de serviteurs offrait seulement des victimes à la monarchie; déjà les faux chevaliers se dispersaient; la garde nationale songeait à la tranquillité publique, au respect des propriétés, et les troupes envoyées contre Napoléon lui servaient d'avant-garde. Alors le roi eut la sagesse de céder à la crise; il déposa ses sentimens dans une dernière proclamation promit au peuple de lui ramener bientôt la paix et le bonheur, déclara les Chambres closes (S.), et quitta Paris dans la nuit du 19 au 20. Du 20. Parti de Lyon le 13, Napoléon avait vu seulement les villes s'ouvrir à son approche, mais les populations se porter à sa rencontre pour le saluer comme autrefois au retour de ses victoires. En général les autorités cherchaient à s'acquitter de leurs sermens envers le roi; mais le peuple exigeait, ménaçait; et, parmi les corps de troupes, ceux que la voix de leurs chefs retenait encore restaient pour ainsi dire suspendus entre le devoir et la défection; ils se retiraient sans combattre. De son côté Napoléon avait écrit au commandant de son avant-garde : « Général Girard, on m'assure que » vos troupes, connaissant les décrets de Paris ( du 6), ont résolu par » représailles de faire main-basse sur les royalistes qu'elles rencontre>ront : vous ne rencontrerez que des Français. Je vous défends de > tirer un seul coup de fusil. Calmez vos soldats; démentez les bruits » qui les exaspèrent. (L'annonce d'un prix offert pour l'assassiner.) » Dites-leur que je ne voudrais pas rentrer dans ma capitale à leur » tête si leurs armes étaient teintes du sang français. » Villefranche,, Mâcon, Tournus, Châlon, Autun, Avalon, Auxerre, et enfin Fontainebleau, présentèrent ainsi le même spectacle que Lyon, Grenoble et Gap. Le 20, à huit heures du soir, jour anniversaire de la naissance de son fils, Napoléon reparut aux Tuileries. Son entrée, faite sans annonce, sans éclat, était ignorée d'une grande portion des habitans de Paris, qui ne l'attendaient que le lendemain; néanmoins il est accueilli avec enthousiasme par la foule qui se rassemble et se grossit sur son passage, et lui forme un cortège jusqu'au Carrousel; là, citoyens et soldats le reçoivent dans leurs bras, et le portent ainsi jusque dans les appartemens du château : depuis il a plusieurs fois répété que ce moment fut un des plus beaux de sa vic.

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Le 21.Revue des troupes par l'empereur : tout Paris était présent. Arrivée des grenadiers de l'île d'Elbe ; en vingt jours ils ont fait deux cent quarante lieues : leurs pieds, meurtris, sont enveloppés ; mais sur leurs traits on voit que le contentement d'eux-mêmes le dispute à l'excès de la fatigue; leurs habits, vieux et déchirés, rappellent leurs exploits, leur fidélité, et la gloire de la patrie; l'aigle n'a jamais quitté leurs bonnets tout en eux excite l'admiration. Agité pendant plusieurs jours par tant d'impressions douloureuses, Paris s'abandonne à l'ivresse des plus doux sentimens: on croit avoir reconquis la liberté. L'affluence

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qui se porte aux Tuileries, la sécurité qui anime tous les visages, le mélange de toutes les classes de la société, la franchise des acclamations, les embrassemens prodigués aux soldats, les larmes d'attendrissement qui coulent de tous les yeux, les cris de joie qui éclatent à la vue du drapeau tricolor, au bruit de refrains longtemps nationaux (1), tous ces traits d'un tableau difficile à peindre démontrent que l'opinion publique embrassait dans un même triomphe la cause de la révolution et le retour de l'empereur. Napoléon ne fera qu'apercevoir cette vérité.......—Il termina la revue par cette harangue : << Soldats, je suis » venu avec six cents hommes en France parce que je comptais sur >> l'amour du peuple et sur le souvenir des vieux soldats. Je n'ai pas » été trompé dans mon attente! Soldats, je vous en remercie ! » La gloire de ce que nous venons de faire est toute au peuple » et à vous: la mienne se réduit à vous avoir connus et appréciés. » Soldats, le trône des Bourbons était illégitime, puisqu'il avait été » relevé par des mains étrangères, puisqu'il avait été proscrit par le » vœu de la nation, exprimé par toutes nos Assemblées nationales; » puisqu'enfin il n'offrait de garantie qu'aux intérêts d'un petit nombre » d'hommes arrogans, dont les prétentions sont opposées à nos droits. » Soldats, le trône impérial peut seul garantir les droits du peuple, » et surtout le premier de nos intérêts, celui de notre gloire. Soldats, » nous allons marcher pour chasser du territoire ces princes auxiliaires » de l'étranger; la nation non seulement nous secondera de ses » vœux, mais même suivra notre impulsion. Le peuple français et ́ » moi nous comptons sur vous. Nous ne voulons pas nous mêler des » affaires des nations étrangères; mais malheur à qui se mêlerait des » nôtres..... Voilà les officiers du bataillon qui m'a accompagné dans » mon malheur ; ils sont tous mes amis ; ils étaient chers à mon cœur! >> Toutes les fois que je les voyais ils me représentaient les différens » régimens de l'armée; car dans ces six cents braves il y a des hommes » de tous les régimens: tous me rappelaient ces grandes journées dont » le souvenir est si cher; car tous sont couverts d honorables cicatrices >> reçues à ces batailles mémorables. En les aimant, c'est vous » tous, soldats de toute l'armée française, que j'aimais! Ils vous » rapportent ces aigles: qu'elles vous servent de point de rallie»ment! En les donnant à la garde, je les donne à toute l'armée. >> La trahison et des circonstances malheureuses les avaient couvertes » d'un crêpe funèbre! Mais, grâce au peuple français et à vous, >> elles reparaissent resplendissantes de toute leur gloire. Jurez qu'elles » se trouveront toujours partout où l'intérêt de la patrie les appel>> lera! Que les traîtres, et ceux qui voudraient envahir notre ter» ritoire, n'en puissent jamais soutenir les regards! >> Et tous les soldats répétaient avec enthousiasme : nous le jurons!

(1) Allons, enfans de la patrie; Veillons au salut de l'Empire, etc.

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