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Le même jour, 21, Napoléon composa ainsi son ministère : à l'intérieur, Carnot, à qui il conféra en même temps le titre de comte, en témoignage de sa satisfaction pour la défense d'Anvers ; à la guerre, le maréchal Davoust, prince d'Eckmulh; aux affaires étrangères, Caulaincourt, duc de Vicence; aux finances, Gaudin, duc de Gaëte; au trésor, Mollien; à la marine, Decrès ; à la police générale, Fouché, duc d'Otrante; le portefeuille de la justice était remis à l'archichancelier, Cambacérès; Maret, duc de Bassano, reprenait le ministère de la secrétairerie d'état. Les deux plus importantes administrations de Paris furent confiées, savoir, la préfecture du département au comte de Bondy, et la préfecture de police au comte Réal. De ces nominations, généralement accueillies avec faveur, une seule fut reçue aux acclamations de toute la France; c'est celle de Carnot.

Le trône impérial était rétabli. Il fut bientôt entouré, assailli de ses anciens conseillers, serviteurs, gens de haute livrée, tous rendus à leurs fonctions, mais non à l'estime publique, qu'ils avaient perdue même avant la chute de leur maître.

Le dimanche 26, Napoléon tint sa première audience solennelle ; il reçut les hommages des autorités, des grands fonctionnaires, etc. Le ministère fit sa profession de foi dans une adresse à l'empereur. (T.) Le Conseil d'état présenta une délibération dans laquelle, en exposant la règle de ses opinions et de sa conduite, il établissait la légitimité du pouvoir impérial. (V.)

Après avoir reconquis la France, Napoléon voulut désarmer les cabinets de l'Europe, conjurés contre sa personne. Par une sorte de pudeur, autant que par des calculs politiques, il avait fait répandre dans le public que la déclaration du Congrès de Vienne était l'ouvrage de certains libellistes. L'authenticité de cette pièce étant universellement reconnue, il en dicta lui-même une réfutation, que son Conseil des ministres publia dans les formes délibératives. (X.) Ensuite, le 4 avril, et sans faire aucune mention de l'acte du Congrès, il écrivit directement aux rois ses anciens frères pour leur annoncer son retour dans sa capitale, et les assurer de ses intentions pacifiques. (Y.)

PIÈCES CITÉES dans ce sommaire historique.

(A.)-PROCLAMATION de l'empereur au peuple franAu golfe Juan, le 1 mars 1815.

çais.

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«NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et les Constitutions de l'Etat, empereur des Français, etc., etc., etc. (1).

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Français, la défection du duc de Castiglione livra Lyon sans défense à nos ennemis : l'armée dont je lui avais confié le

(1) Dans les actes rendus à Paris, Napoléon fit supprimer ces etc., etc., qui avaient-inquiété les amis de la paix.

elc.

commandement était, par le nombre de ses bataillons, la bravoure et le patriotisme des troupes qui la composaient, à même de battre le corps d'armée autrichien qui lui était opposé, et d'arriver sur les derrières du flanc gauche de l'armée ennemie qui menaçait Paris.

» Les victoires de Champaubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamp, de Mormans, de Montereau, de Graonne, de Reims, d'Arcis-sur-Aube et de Saint-Dizier; l'insurrection des braves paysans de la Lorraine, de la Champagne, de l'Alsace, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les derrières de l'armée ennemie, en la séparant de ses magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une position désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissans, et l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressource; elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du duc de Raguse livra la capitale, et désorganisa l'armée. La conduite inattendue de ces deux généraux, qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre. La situation désastreuse de l'ennemi était telle, qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu devant Paris il était sans munitions, par la séparation de ses parcs de réserve.

» Dans ces nouvelles et grandes circonstances mon cœur fut déchiré, mais mon âme resta inébranlable. Je ne consultai que l'intérêt de la patrie; je m'exilai sur un rocher au milieu des mers ma vie vous était et devait encore vous être utile. Je ne permis pas que le grand nombre de citoyens qui voulaient m'accompagner partageassent mon sort; je crus leur présence utile à la France, et je n'emmenai avec moi qu'une poignée de braves nécessaires à ma garde.

» Elevé au trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illégitime. Depuis vingt-cinq ans la France a de nouveaux intérêts, de nouvelles institutions, une nouvelle gloire qui ne peuvent être garantis que par un gouvernement national, et par une dynastie née dans ces nouvelles circonstances. Un prince qui régnerait sur vous, qui serait assis sur mon trône par la force des mêmes armées qui ont ravagé notre territoire, chercherait en vain à s'étayer des principes du droit féodal; il ne pourrait assurer l'honneur et les droits que d'un petit nombre d'individus ennemis du peuple, qui, depuis vingtcinq ans, les a condamnés dans toutes nos Assemblées nationales; votre tranquillité intérieure et votre considération extérieure seraient perdues à jamais.

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Français, dans mon exil j'ai entendu vos plaintes et vos

vœux : vous réclamez ce gouvernement de votre choix qui seul est légitime. Vous accusiez mon long sommeil; vous me reprochiez de sacrifier à mon repos les grands intérêts de la patrie.

» J'ai traversé les mers au milieu des périls de toute espèce ; j'arrive parmi vous reprendre mes droits, qui sont les vôtres. Tout ce que des individus ont fait, écrit ou dit depuis la prise de Paris, je l'ignorerai toujours; cela n'influera en rien sur le souvenir que je conserve des services importans qu'ils ont rendus: car il est des événemens d'une telle nature qu'ils sont au dessus de l'organisation humaine.

» Français, il n'est aucune nation, quelque petite qu'elle soit, qui n'ait eu le droit et ne se soit soustraite au déshonneur d'obéir à un prince imposé par un ennemi momentanément victorieux. Lorsque Charles VII rentra à Paris, et renversa le trône éphémère de Henri VI, il reconnut tenir son trône de la vaillance de ses braves, et non d'un prince régent d'Angleterre.

>> C'est aussi à vous seuls et aux braves de l'armée que je fais et ferai toujours gloire de tout devoir.

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Signé NAPOLÉON. Par l'empereur, le grand-maréchal, faisant les fonctions de major général de la grande armée, signé comte BERTRAND. »

(B.)

PROCLAMATION de l'empereur à l'armée.
Au golfe Juan, le 1er mars 1815.

NAPOLÉON, etc.

» Soldats, nous n'avons pas été vaincus! Deux hommes sortis de nos rangs ont trahi nos lauriers, leur pays, leur prince, leur bienfaiteur.

» Ceux que nous avons vus pendant vingt-cinq ans parcourir toute l'Europe pour nous susciter des ennemis, qui ont passé leur vie à combattre contre nous dans les rangs des armées étrangères, en maudissant notre belle France, prétendraientils commander et enchaîner nos aigles, eux qui n'ont jamais pu en soutenir les regards? Souffrirons-nous qu'ils héritent du fruit de nos glorieux travaux, qu'ils s'emparent de nos honneurs, de nos biens, qu'ils calomnient notre gloire? Si leur règne durait, tout serait perdu, même le souvenir de ces immortelles journées! Avec quel acharnement ils les dénaturent! Ils cherchent à empoisonner ce que le monde admire; et s'il reste encore des défenseurs de notre gloire, c'est parmi ces mêmes ennemis que nous avons combattus sur le champ de bataille.

» Soldats, dans mon exil j'ai entendu votre voix; je suis

arrivé à travers tous les obstacles et tous les périls. Votre général, appelé au trône par le choix du peuple, et élevé sur vos pavois, vous est rendu; venez le joindre!

>>Arrachez ces couleurs que la nation a proscrites, et qui pendant vingt-cinq ans servirent de ralliement à tous les enneInis de la France! Arborez cette cocarde tricolore ! Vous la portiez dans nos grandes journées!

:

» Nous devons oublier que nous avons été les maîtres des nations; mais nous ne devons point souffrir qu'aucune se mêlé de nos affaires.

>>

Qui prétendrait être maître chez nous? Qui en aurait le pouvoir? Reprenez ces aigles que vous aviez à Ulm, à Austerlitz, à léna, à Eylau, à Friedland, à Tudela, à Eckmulh, à Essling, à Wagram, à Smolensk, à la Moskowa, à Lutzen, à Wurschen, à Montmirail! Pensez-vous que cette poignée de Français, aujourd'hui si arrogans, puissent en soutenir la vue! Ils retourneront d'où ils viennent; et là, s'ils le veulent, ils régneront, comme ils prétendent avoir régné depuis dixneuf ans.

»Vos biens, vos rangs, votre gloire, les biens, les rangs et la gloire de vos enfans n'ont pas de plus grands ennemis que ces princes, que les étrangers nous ont imposés : ils sont les ennemis de notre gloire, puisque le récit de tant d'actions héroïques qui ont illustré le peuple français combattant contre eux pour se soustraire à leur joug est leur condamnation.

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» Les vétérans des armées de Sambre-et-Meuse, du Rhin, d'Italie, d'Egypte, de l'Ouest, de la grande armée, sont humiliés; leurs honorables cicatrices sont flétries. Leurs succès seraient des crimes ces braves seraient des rebelles, si, comme le prétendent les ennemis du peuple, des souverains légitimes étaient au milieu des armées étrangères.

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Les honneurs, les récompenses, les affections sont pour ceux qui les ont servis contre la patrie et nous.

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Soldats, venez vous ranger sous les drapeaux de votre chef! Son existence ne se compose que de la vôtre; ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres; son intérêt, son honneur, sa gloire, ne sont autres que votre intérêt, votre honneur et votre gloire. La victoire marchera au pas de charge; l'aigle, avec les couleurs nationales, volerà de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame. Alors vous pourrez montrer avec honneur vos cicatrices; alors vous pourrez Vous vanter de ce que vous aurez fait: vous serez les libérateurs de la patrie.

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» Dans votre vieillesse, entourés et considérés de vos con

I.-2 Série.

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citoyens, ils vous entendront avec respect raconter vos hauts faits; vous pourrez dire avec orgueil :

« Et moi aussi je faisais partie de cette grande armée qui » est entrée deux fois dans les murs de Vienne, dans ceux de » Rome, de Berlin, de Madrid, de Moskou; qui a délivré » Paris de la souillure que la trahison et la présence de l'en» némi y ont empreinte! »

>> Honneur à ces braves soldats, la gloire de la patrie! et honte éternelle aux Français criminels, dans quelque rang que la fortune les ait fait naître, qui combattirent vingt-cinq ans avec l'étranger pour déchirer le sein de la patrie!

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(C.)

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Signé NAPOLÉON. Par l'empereur, etc. >>

ADRESSE des généraux, officiers et soldats de la garde impériale, aux généraux, officiers et soldats de l'armée. Au golfe Juan, le 1 mars 1815.

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Soldats et camarades, nous vous avons conservé votre empereur, malgré les nombreuses embûches qu'on lui a tendues; nous vous le ramenons au travers des mers, au milieu de mille dangers. Nous avons abordé sur la terre sacrée de la patrie avec la cocarde nationale et l'aigle impériale. Foulez aux pieds la cocarde blanche! Elle est le signe de la honte et du joug imposé par l'étranger et la trahison. Nous aurions inutilement versé notre sang si nous souffrions les vaincus nous donque nassent la loi !

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Depuis le peu de mois que les Bourbons règnent, ils vous ont convaincus qu'ils n'ont rien oublié ni rien appris; ils sont toujours gouvernés par les préjugés, ennemis de nos droits et de ceux du peuple.

» Ceux qui ont porté les armes contre leur pays, contre nous, sont des héros: vous êtes des rebelles, à qui l'on veut bien pardonner jusqu'à ce que l'on soit assez consolidé par la formation d'un corps d'armée d'émigrés, par l'introduction à Paris d'une garde suisse, et par le remplacement successif de nouveaux officiers dans vos rangs. Alors il faudra avoir porté les armes contre la patrie pour pouvoir prétendre aux honneurs et aux récompenses; il faudra avoir une naissance conforme à leurs préjugés pour être officier; le soldat devra toujours être soldat; le peuple aura les charges, et eux les

honneurs.

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>> En attendant le moment où ils oseraient détruire la Légion-d'Honneur, ils l'ont donnée à tous les traîtres, et l'ont prodiguée pour l'avilir; ils lui ont ôté toutes les pré

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