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véritable, ajoutons même à cette hypothèse que le consécrateur Barlow ait été investi du caractère épiscopal, nous devrons encore examiner si l'ordination a pu être validement conférée avec les formes rituelles qu'on y a suivies. Pour saisir cette question, il faut remonter à l'époque du schisme, et suivre les modifications apportées dans les cérémonies religieuses jusqu'au règne d'Elisabeth.

<< En Angleterre, la doctrine de Luther trouva dans Henri VIII un ardent antagoniste. Plus tard il fallut au roi sensuel un prétexte légal pour colorer son divorce et un nouvel hymen. Irrité contre les barrières que lui opposaient le droit canonique et le saint-siége, il conçut l'idée de se faire chef de l'Eglise et arbitre des lois dans son royaume. En 1534, il entama l'oeuvre par des négociations avec le clergé et le parlement, et déjà à la fin de 4534, le parlement avait reconnu au roi et à ses héritiers la suprématie exclusive sur l'Eglise d'Angleterre avec tous les droits qui en découlent. Par suite, suppression des petits et des grands cloîtres, publication d'une version anglaise de l'Ecriture, dévastation des reliques. Du reste, le roi se tenait, avec toute la sévérité d'un chef de religion, aux doctrines catholiques ; il les appuya, en 1539, par un statut de six articles, et, dans un même jour, fit brûler comme hérétiques trois individus, accusés d'avoir dévié des dogmes catholiques, et pendre, comme coupables de haute trahison, trois autres restés fidèles au dogme de la suprématie du pape.

» Mais sous la minorité d'Edouard VI, le parti réformateur dans l'esprit de l'école de Genève prit le dessus. Dès la première année, des bills du parlement et des ordonnances royales révoquérent les six articles, instituèrent la cène sous les deux espèces, autorisèrent le mariage des prêtres, prescrivirent une nouvelle liturgie dans la langue du pays. La reine Marie rétablit à la vérité l'Eglise catholique sur les mêmes bases qu'avant Henri VIII; mais Elisabeth qui, d'après les principes catholiques, était issue d'une union illégitime d'Henri VIII, et n'avait aucun droit à la couronne, dût se déclarer de suite pour la doctrine des réformés; elle supprima les statuts de religion de Marie, pour remettre en vigueur ceux d'Henri VIII sur la suprématie ecclésiastique, et les décrets d'Edouard (1559); et s'autorisant d'un écrit analogue déjà rédigé sous le règne de ce dernier, elle formula en trente-neuf articles la confession de foi de l'Eglise anglicane (1).

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S'il est vrai que Parker ait été ordonné par Barlow, le sacre aura dû se faire suivant le rituel d'Edouard VI rétabli par Elisabeth, c'est l'aveu des Episcopaux et de leurs partisans. Il importe donc d'examiner si dans ce rit est renfermé ce qui appartient à l'essence même du sacrement de l'ordre. « L'on commence par lire le brevet du roi: Nous nommons, faisons, ordonnous, créons et établissons N. évêque de tel siége. » L'élu prête

(1) Walter. $31.

un serment conçu en ces termes : « J'atteste et je déclare sur ma conscience que le roi est le seul gouverneur suprême de ce royaume, tant dans les choses spirituelles ou ecclésiastiques, que dans les temporelles, et qu'aucun autre prince ou prélat étranger n'y a aucune juridiction, pouvoir, ni autorité ecclésiastique ou spirituelle. » Le consécrateur demande à l'élu s'il a été appelé à l'administration de l'épiscopat, suivant la volonté de Jésus-Christ et suivant les constitutions du royaume, et s'il est dans la volonté d'en remplir les devoirs. Après les réponses de l'élu, le consécrateur lui met la main sur la tête, et prononce cette prière : « Que Dieu tout-puissant, qui vous a donné cette volonté, vous accorde encore les forces et la faculté de faire efficacement toutes ces choses, de manière qu'il achève en vous son ouvrage qu'il a commencé, et qu'il vous trouve innocent et sans tache au dernier jour, par JésusChrist notre Seigneur. Ainsi soit-il. »

«<< Or, on a soutenu contre Le Courrayer, et nous soutenons encore que cette formule est nulle et insuffisante. 1° Loin de faire aucune mention directe ou indirecte du sacrifice ni du sacerdoce, elle a été faite exprès pour en exclure formellement ces notions, puisque l'article 34 de la confession de foi anglicane les rejette comme un blasphême. 2° Que demande le consécrateur pour l'élu? que Dieu lui donne la volonté de remplir les devoirs de l'épiscopat selon les constitutions du royaume; vainement il ajoute, selon la volonté de

Jésus-Christ, puisque la constitution du royaume touchant l'épiscopat, est formellement contraire à la volonté de Jésus-Christ; l'une de ces choses exclut l'autre. 3° Il n'est pas une fonction civile pour laquelle on ne puisse faire la même prière en faveur de celui qui y est installé; elle n'a donc rien de sacré ni de sacramentel... Avant d'être ordonnés évêques, Barlow et Parker n'étaient pas prêtres; or, on ne peut citer dans toute l'histoire ecclésiastique, aucun exemple certain d'une pareille ordination reconnue pour valide (1). Bellarmin déclare impossible d'ordonner évêque celui qui n'est pas encore prêtre, à moins qu'il ne reçoive successivement les deux ordinations. Or, dans les actes allégués en faveur du sacre de Parker, on ne mentionne que la consécration épiscopale. On conçoit au reste que des Zuingliens se fussent fort peu occupés de la prêtrise. L'acte de la cérémonie épiscopale devait leur suffire pour remplir la formalité légale, et percevoir les avantages de leur dignité.

On pourrait insister sur ces considérations théologiques, et examiner, 4° si cette charge dépendante d'un roi, d'une reine, chefs suprêmes de la religion, au point d'y nommer, d'y créer les sujets par leur autorité spirituelle, souveraine, si, dis-je, cette charge doit s'appeler l'épiscopat chrétien, lorsque le consécrateur, serait-il évêque lui-même, agit conformément à cette suprématic

(1) Berg. Dict. Th.

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qui entre dans les dogmes de sa croyance, et les constitutions de son Eglise? 2° Nous pourrions demander si un consécrateur et un élu, qui doivent considérer le sacrifice établi par Jésus-Christ comme une idolâtrie, qui ne peuvent avoir l'intention de communiquer ni de recevoir un caractère relatif au sacerdoce, dont l'essence consiste dans le pouvoir d'offrir le sacrifice de l'autel, si de tels hommes ont les dispositions nécessaires pour communiquer et recevoir validement la consécration épiscopale? 3° La difficulté se manifeste plus claire encore pour l'ordination du prêtre. Car il est impossible, suivant les principes des Anglicans, qu'un consécrateur veuille conférer le pouvoir radical d'offrir le saint sacrifice qu'il abhorre comme une idolâtrie; et c'est là cependant, suivant le concile de Trente, l'essence de l'ordination. « Si quelqu'un dit qu'il n'y a point dans le Nouveau-Testament un sacerdoce visible et extérieur, ou qu'il n'existe pas un pouvoir de consacrer et d'offrir le vrai corps et le sang de Jésus-Christ, qu'il soit anathême (S. 23). Et il déclare dans le premier chapitre de cette session, que Dieu a toujours joint le sacrifice et le sacerdoce, et que dans la nouvelle loi, de l'institution du sacrifice eucharistique, découle la nécessité d'un sacerdoce visible : « Si quelqu'un dit que par ces paroles: Faites ceci en mémoire de moi, le Christ n'a pas institué les apôtres prêtres, afin qu'eux et les autres prêtres offrissent son corps et son sang, qu'il soit anathême (S. 22), » Nous

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