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dèle, et qu'elle établit irrévocablement par sa révolution de 1688: alors cette île célèbre donne à l'Europe l'enseignement de la liberté politique; elle en fut l'école au dix-huitième siècle pour tout ce que l'Europe eut de penseurs; Voltaire, Montesquieu et Rousseau l'explorèrent avidement et préparèrent pour la France un progrès nouveau sur cette transaction si belle en Angleterre entre l'aristocratie, le peuple et le trône, dont aujourd'hui une des parties contractantes demande à changer un peu les conditions.

Mais avant de commencer elle-même une révolution, la France jette la liberté dans un monde nouveau, dont les destinées ne sont pas encore accomplies. Elle envoie à Washington des soldats et un émule, et quand la république américaine aura plus tard porté elle-même les fruits d'une civilisation originale, elle n'oubliera pas que, si l'Angleterre fut son berceau, la France fut son alliée; que, si l'une l'a fondée, l'autre lui a tendu la main pour s'émanciper, et que la première action de la France, quand elle a commencé de tressaillir au nom de la liberté, a été d'envoyer en Amérique des Français pour y faciliter une république.

L'an 1789 ouvre pour la société moderne une époque nouvelle dont la seconde phase a commencé l'an dernier : révolution sociale, mise en jeu de tous les problèmes qui puissent troubler la tête humaine, elle est aujourd'hui le dernier progrès de la société européenne.

Si l'histoire n'a pu nous refuser cette inépuisable série de progrès et de conquêtes, les théories des penseurs, la philosophie sera-t-elle plus avare? C'est à Athènes que s'ouvre l'histoire raisonnée des problèmes sociaux : c'est au sein de la philosophie grecque, qui est, avec la législation romaine et le christianisme, une des faces les plus saillantes du monde intellectuel, qu'éclate sous les auspices de Socrate l'examen des lois de la sociabilité humaine; deux esprits bien différens l'inaugurent, Platon et Aristote.

Platon fut en continuelle opposition avec l'État et la constitution d'Athènes. L'état était démocratique : Platon avait une intelligence aristocratique et orientale; les lois étaient populaires, parfois bavardes, et sentaient le rhéteur : la politique de Platon était immuable, car elle

LERMINIER. -PHILOS.

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Aristote a un autre esprit; il est tout grec et n'a rien d'oriental : c'est à la fois le maître et le disciple d'Alexandre; doué du génie positif des modernes, tandis que · Platon est dans les cieux à la condition de s'y égarer et de disparaître à travers les nuages, Aristote observe ce qui se fait sur la terre, c'est comme un contemporain de Machiavel et de Montesquieu; il cherche les lois des faits, il veut en voir l'esprit et la raison, et nous a laissé dans sa Politique ce que nous pouvons savoir de plus net sur la législation de la Grèce.

De l'examen de ces deux philosophes nous passerons au stoïcisme qui termine l'antiquité et précède le christianisme. Le stoïcisme n'a rien de progressif : le stoïcien se drape sur les ruines du monde, mais il ne marche pas; il élève la statue de fer du devoir, mais il ne sait pas l'animer. L'histoire du stoïcisme est comme une curieuse galerie de tableaux et de bustes antiques : mais demandez-lui ce qu'il a fait dans la civilisation historique du monde, il est muet. Je le sais, il a des disciples sur le trône, les Antonins; parmi les esclaves, Épictète; parmi les beaux esprits, Senèque: tout cela est fort beau, fort noble, mais entièrement stérile; c'est un appendice plein de grandeur aux derniers momens du paganisme.

Tels n'étaient pas le sort et la mission du christianisme, dont la pensée sociale nous semble s'être développée en trois époques bien distinctes. Le christianisme, en face des Césars, a commencé par la résignation et une abdication complète de l'empire terrestre : Mon royaume n'est pas de ce monde; lisez saint Augustin, vous trouverez dans la Cité de Dieu ce sentiment profondément empreint. Les penseurs chrétiens se livrent surtout à la spiritualité mystique de la plus haute théologie mais une fois accepté comme croyance et doctrine spiritualiste par la société, le christianisme songea naturellement à la gouverner, en vertu de sa su

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périorité même; les peuples adorèrent avec joie, et l'autorité du catholicisme se mesura sur sa vertu. Seconde époque. La réforme éclate, Luther, Mélanchton, en Allemagne, Hubert Languet en France, Sydney en Angleterre, s'arment du christianisme, de la Bible, et développent une philosophie politique qui revendique les droits et la liberté des peuples.

J'arrive aux philosophes modernes. L'Italie s'était mise à réagir contre le moyen âge, après avoir été le théâtre de sa gloire; et Machiavel nous donne, à la fin du quinzième siècle, le spectacle d'un Italien maudissant la papauté, la religion catholique et le moyen âge : il a dans la tête toutes les combinaisons de la politique moderne, il eût été parfaitement apte à devenir le ministre de Louis XI (1), si cela eût été possible; il représente toutà-fait cette Italie du quinzième siècle, si brillante et si déchirée, si perfide, si factieuse et si lettrée.

Après l'Italie, l'Angleterre, qui a l'initiative dans la liberté politique, nous offre ses penseurs, Hobbes et Locke. Le philosophe de Malmesbury prend en ironie la révolution qui doit affranchir son pays; les excès et l'usurpation de la démocratie le passionnent pour le despotisme, et l'entraînent logiquement à la théorie sardonique du pouvoir absolu. Ce misanthrope est suivi d'un esprit plus serein et plus égal, d'une humeur tolérante, d'un cœur noble; l'influence philosophique de Locke fut immense en Europe, bien qu'il y ait eu de plus grands métaphysiciens que lui, et nous saisirons dans son Gouvernement civil, qui parut deux ans après l'avènement de la maison de Hanovre, le germe du Contrat social de Rousseau.

Dans la haute spéculation, la Hollande ne nous livre qu'un homme, mais si grand qu'il suffit c'est Benoist Spinosa. Quelques années auparavant elle avait produit Grotius, homme de la science politique au dix-septième siècle, génie positif et historique, résumant philosophiquement la guerre de trente ans et sachant tirer de cet enseignement vivant son traité de la

(1) Louis XI mourut en 1483; Machiavel naquit en 1469.

(2) Introduction générale à l'histoire du droit,

Paix et de la Guerre. Vient se placer à côté de sa gloire le juif le plus hardi et le plus audacieux qui ait paru dans la philosophie. Spinosa rompt ouvertement, non seulement avec la synagogue, mais avec toutes les autorités historiques et religieuses qui le précèdent; il s'enferme dans sa pensée avec une indépendance inouïe, refuse une chaire à Heidelberg, doutant un peu de l'amplissima philosophandi libertate qu'on lui promettait, construisant un système complet du monde, de Dieu et de l'homme; faisant comme Platon, découler sa politique et son droit naturel de sa métaphysique.

L'Allemagne ne peut se faire attendre dans cette arène de la pensée. Kant et Fichte paraissent et donnent une base vraiment philosophique du droit naturel si faiblement établi par Thomasius et par Wolf. La philosophie politique de Kant, dont nous avons déjà ailleurs tracé l'esquisse (2), nous conduira à l'idéalisme de Fichte qui crée tout, Dieu et le monde. Schelling et Hegel viennent ensuite arracher la philosophie à ce monologue solitaire du professeur d'Iéna, tentent de résumer dans une même unité de nature, l'histoire et la pensée; et surtout le droit naturel de Hegel nous offrira une vue critique admirable sur l'histoire du passé, mais pas de tendance vers l'avenir, mais dans l'application pratique quelque chose de stagnant et d'illibéral.

Enfin, arrivant à la France, nous nous arrêterons devant Rousseau. Tandis que Montesquieu, majestueux patricien, promène ses regards sur l'histoire du monde et les y maintient avec une inaltérable sérénité (5), Rousseau, fils d'un horloger, arrivant à quarante ans à la pensée et à la littérature à travers une vie pleine d'amertume et de détresse, bat en ruine l'ordre établi et trace le contrat social. Ne lui demandez pas l'impartialité savante de Montesquieu ; sa mission est autre. Ainsi, Montesquieu, dans une œuvre pleine de calme et de proportion, déroule une inépuisable suite de tableaux pittoresques et dramatiques; il considère curieusement la féodalité et lui consacre la

chap. xvi. Kant considéré sous les rapports moraux et juridiques.

(3) Voyez Introduction générale à l'Histoire du Droit MONTESQUIEU, chap. XIV.

fin de son Esprit des lois. Jean-Jacques, au contraire, la flétrit de quelques phrases fougueuses; sans impartialité, car il doit accuser et détruire; sans érudition sur le passé, car il doit s'agiter dans les pressentimens d'un avenir vague. Il s'inspirera, pour l'histoire des passions, de Richardson; pour la morale et pour la politique, de Plutarque, de Montaigne et de Locke; il pétrira de tous ces emprunts une œuvre brûlante, et la jetant dans son siècle, il entraînera ses contemporains par sa divine éloquence à des commotions inouïes.

La révolution française, voilà le philosophe qui succède à Rousseau. Nous en examinerons les penseurs. Et d'abord voici venir un adversaire passionné de cette révolution; il a de très bonne foi contre elle l'injure à la bouche et l'indignation dans le cœur; il s'arme d'une ironie qui brùle, d'une invective qui ne tarit pas, et d'un bonheur d'expressions de colère qui fait frémir le lecteur. Qui n'a pas nommé M. de Maistre? c'est le vengeur du passé, c'est le Michel-Ange de la philosophie catholique artiste de génie, il mérite de comparaître dans cette évocation de penseurs depuis Platon jusqu'à la révolution française. Nous pouvons l'admirer tout en le blåmant; notre cause, à nous amis de la liberté, est assez bonne pour nous laisser être justes; c'est à nous à confesser la vérité sur toute chose et sur tout homme, à saluer la gloire partout où elle se trouve, même dans les rangs ennemis.

Mais il est trois hommes sur lesquels avec plus de plaisir, je l'avoue, je reporte ma pensée. Condorcet, Saint-Simon, Benjamin Constant. Le premier a disparu dans les orages de notre première révolution; le second est mort avec calme et foi dans l'avenir sous la restauration; le troisième a expiré après avoir vu le réveil de la liberté; espérons fermement qu'il n'a pas douté de ses destinées futures. Ils sont tous trois représentans légitimes de

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la révolution française: Condorcet a d'admirables instincts sur la philosophie de l'histoire; Saint-Simon pose et travaille puissamment à résoudre le problème de l'association; Benjamin Constant voue son esprit étendu, si vif, si varié, si gracieux et si juste, à la défense de la liberté et des garanties politiques.

Après avoir parcouru l'homme, la société, l'histoire et la philosophie, nous pourrons convenablement définir et asseoir la science de la législation dans la cinquième partie de ce livre : nous la distinguerons de la science du droit proprement dite, nous définirons ses rapports avec l'économie politique, avec la philosophie, avec la religion. La législation posée, nous examinerons comment aujourd'hui elle doit être faite et rédigée; c'est le problème de la codification: comment appliquée; c'est celui des institutions judiciaires. Nous finirons en interrogeant d'un regard les destinées futures de la science et de l'humanité.

Le dix-huitième siècle nous a conquis la liberté, et nous a nécessairement encombrés de ruines: sous l'empire la pensée se reposa un peu; on était dans les camps: pendant la restauration on vécut peu dans les camps, beaucoup avec les livres; on s'instruisit avec sincérité; mais par une inévitable réaction on fut enclin à croire que le passé pouvait souvent devenir légitime par la connaissance que l'on en acquérait et les raisons que l'on en donnait. Il faut sortir de cette disposition, qui conduit les esprits et les peuples à l'apathie, et dont au surplus le tems est passé. Ainsi l'école historique allemande, si fertile en riches matériaux, semble être close dans ses véritables résultats : le grand Niebuhr est mort, et apparemment la disparition des individus signifie quelque chose.

Que l'histoire soit donc désormais pour nous la conscience du passé et de l'avenir, un appui à des inductions philosophiques.

CHAPITRE II.

DE L'INDIVIDUALITÉ.

LE Lyrique grec, dans une de ses Pythiques, proposant quelque chose à Arcésilas de Cyrène sous des paroles énigmatiques et obscures, lui dit de prendre la sagesse d'OEdipe. Que tout homme qui essaie d'ouvrir la bouche sur lui-même et sur la nature des choses profite de l'avis du poète, et qu'il s'arme, s'il peut, de la sagesse d'OEdipe.

Pourquoi fut-il donné au fils de Laïus de percer l'énigme et la poitrine du sphinx sur le mont Phicéus? c'est qu'il avait souffert et combattu; et il acheta, au prix d'une vie tragique, d'expliquer et de représenter au monde le destin, comme plus tard le Christ versa son sang pour expliquer et représenter la providence.

Douloureuse et profonde leçon ! Il faut donc souffrir pour apprendre et agir; et tant que l'ame n'a pas passé par le feu, que voulez-vous attendre de cette salamandre qui n'a pas subi son épreuve? Oui, lisez ce qu'ont écrit les hommes, compulsez les penseurs, exténuez-vous sur les philosophes, usez-vous dans des veilles ardentes, errez dans les cités et parmi les hommes sans les regarder ni les voir, mais la tête pleine de spéculations infinies: eh bien! qu'avez-vous recueilli quels fruits? quelle moisson ? J'entends la réponse mêlée d'un éclat de rire dans la bouche d'Hamlet: des mots, des mots, des mots. Mais qu'un jour la foi en quelque chose se soit emparée de vous, vous anime et vous possède, puis languisse et vous délaisse, vous ressaisisse encore pour vous quitter; que vous vous soyez trouvé le courage d'agir une fois à la face de tous selon votre pensée et votre désir alors, quelle que soit l'issue et le dénouement de cette lutte avec vous-même

et la vérité, dussiez-vous en sortir en lambeaux, au moins vous aurez senti, vous aurez vécu ; ce que les livres n'avaient pu vous donner, vous l'aurez au moins conquis et trouvé : le sentiment de l'humaine nature, grandeur et misère, fange et feu divin.

Ce livre sera pur de tout mensonge et dégagé de toute hypocrisie ; on n'y trouvera ni croyances officielles ni traditions adoptées de confiance; et je dirai simplement mes opinions et mes ignorances.

Il est une manière commode de philosopher. Depuis Platon jusqu'à Kant, que de systèmes l'esprit de l'homme n'a-t-il pas façonnés! Que de vues divergentes! que d'idées moitié heureuses, moitié folles! Étudiez-les toutes, enchaînez-les les unes aux autres par le point où elles peuvent se heurter le moins; de tant d'incohérence tâchez d'abstraire une unité; et, sans avoir engagé en rien votre imagination et votre cœur, vous annoncerez à vos semblables que tout est vrai et que rien n'est faux. Mystification amère! J'ai lu quelque part qu'un grand alchimiste avait consumé ses nuits à construire un corps de géant. Il avait dérobé dans un cimetière les élémens de sa création, ici avait pris une jambe, là un bras; il avait tourmenté beaucoup de cadavres pour devenir le père d'une créature; cependant la vie ne venait pas, et de plus en plus notre alchimiste en désespérait, quand une nuit, penché sur son ouvrage pour l'observer de plus près, il voit peu à peu s'ouvrir et se diriger sur lui un œil jaunâtre; puis le corps s'anime, se meut, se dresse, se lève, poursuit son créateur, et le tue. Ne reconnaissez-vous pas ce monstre? Il s'appelle le scepticisme; il est

sorti de l'accouplement des plus illustres systèmes, ces cadavres empaillés de la philosophie.

Sans doute, il est bon de connaître l'histoire des opinions et des gestes de l'homme, pourvu que le souvenir du passé ne soit pas tourné en empêchement de l'avenir. Autre chose est de faire du passé un objet d'études, autre chose est de faire de la connaissance du passé la science même de l'humanité.

Demander à la poussière des livres la conscience de soi-même, c'est se tromper gravement sortez des illusions et des brouillards du Collegium logicum pour vous recueillir profondément en vousmême, et dire comme un juré la main sur le cœur je crois à tel ou tel fait de la nature humaine. Or, qui nous donne l'éveil ? qui nous sonne le signal de la vie, de la lutte, et, par contre-coup, de l'énergique conscience de nous-mêmes? les passions. Voilà l'aimant divin qui nous envoie la secousse et le branle d'une première et irrésistible électricité. C'en est fait : dès que la corde pathétique a vibré dans l'âme du jeune homme, la vie s'est révélée à lui; je ne sais quel instinct mystérieux et puissant le conduit sourdement au sentiment de ses forces et de lui-même; son cœur se gonfle et veut déborder, son front s'agrandit et semble devenir le siége de la puissance. Amour, science, gloire, postérité, il aspire à vous; et vous pourrez à peine, en vous réunissant, combler le vide de cette âme qui se dévore et s'alimente sans relâche. Qui donc a calomnié les passions? quels docteurs ont voulu les extirper, ou du moins les endormir? Ne sortons-nous pas d'une époque où quelques-uns avaient la manie de se faire vieux avant le tems? peu s'en faut qu'ils n'aient rougi d'avoir le front jeune, quelque chaleur dans la tête et dans le sang, préoccupés du soin de se retrancher, eux, leurs idées et leurs affections, dans ces beaux tempéramens qui vous laissent un homme entre l'erreur et la vérité, l'énergie et la lâcheté, la puissance et le néant. Secouons ce stérile pédantisme; loin d'étouffer nos passions, sachons les exalter en les purifiant; elles seules envoient aux grandes entreprises; pour agir, il faut aimer. Quoi? voilà la question. Choisissez ; mais une fois l'élection faite, levez-vous et marchez.

Cependant, celui qui s'est engagé à la poursuite d'un but, non seulement il l'aime, mais il l'a conçu ; à l'élan du sentiment se mêle un acte d'intelligence et un acte de volonté.

Un mot d'abord de l'intelligence. La logique est-elle toute la science? le raisonnement est-il non seulement l'instrument de nos connaissances, mais en est-il la source?

Voici deux propositions: deux et deux font quatre: il n'y a pas d'effet sans cause. Comment nous sont données ces deux propositions incontestables? tâchez de répondre de bonne foi, sans aucun mysticisme imposé. Elles nous sont données antérieurement à tout raisonnement. Il faut admettre que dans notre intelligence il y a des élémens, des bases, des formes de conception qui existent nécessairement: avec le raisonnement il y a l'intelligence. Elle peut recevoir l'éveil de la sensibilité, mais elle s'en distingue : elle est pour l'homme une base impérissable, une colonne éternelle où il doit chercher constamment son appui. Point capital d'où dépend toute philosophie; qui doit remplacer pour la France le sensualisme du dernier siècle par un idéalisme nouveau, indépendant, qui explique, sans calomnier et en vertu des lois de la nature humaine, Dieu et la religion.

Mais il est vrai que l'intelligence, solidement posée sur un substratum qui lui co-existe, reçoit les inépuisables provocations de la sensibilité et se développe surtout par le raisonnement et la logique. Voilà qui a pu donner le change et pousser à croire que l'intelligence était uniquement le raisonner : elle est auparavant le

concevoir.

Spinosa a dit, ce me semble, un mot bien profond sous certaines réserves dans cette phrase: voluntas et intellectus unum et idem sunt. Comment concevoir le jeu de la volonté sans y joindre les vues de l'intelligence et l'aiguillon des passions? car tous les faits de la nature humaine sont complexes, et dans tout acte l'homme à la fois désire ou repousse, pense et veut. On a donc eu tort dans ces derniers tems de séparer entièrement la liberté de l'intelligence, et sur ce point l'analyse psychologique a faussé la réalité : car la liberté, et voilà la difficulté, est un mélange de conception et de volition.

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