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CHAPITRE VI.

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

DEPUIS la réforme de Luthér, depuis que ce moine de Wittemberg a partagé l'Europe, déchiré la papauté, fondé un schisme puissant, jeté le calvinisme en France, en Angleterre une église nationale, rendu plus tard nécessaire la guerre de trente ans; depuis qu'il a préparé Descartes, Locke, Spinosa, Kant et Voltaire, depuis qu'il a tout remué, idées, sentimens, aristocraties, démocraties, rois, peuples, consciences, tout bouleversé, tout ému, il ne s'est rien passé en Europe d'aussi considérable. L'Angleterre a fait une révolution, mais elle en a renfermé dans son ile la grandeur et la fécondité. N'y aura-t-il pas un autre événement qui sera dans son ordre aussi européen que le christianisme réformé?

La nation française mit deux siècles à exercer sa pensée; sans avoir aucune institution politique, elle passa de l'âge de Descartes, de Corneille, de Racine, de Bossuet et de Molière, à celui de Montesquieu, de Jean-Jacques, de Voltaire et de Diderot; des idées, toujours des idées depuis la fin de la Fronde jusqu'en 1789; étonnez-vous encore du caractère philosophique de notre révolution.

Mais il y eut pour l'Europe comme un événement précurseur. L'Amérique, en 1773, s'insurgea contre l'Angleterre, et reçut les secours de la France: industrieuse économie de l'histoire qui associe le génie français à la déclaration des droits de l'homme de 1776 et le fait préluder par une expédition nationale, fu

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neste à l'Angleterre, à une révolution cosmopolite.

Quelles étaient sous Louis XVI les divisions politiques du pays? Le clergé, la noblesse, le tiers-état. Le clergé avait eu, dès l'origine de la monarchie, une existence féodale: comme propriétaire, il partageait les intérêts de la noblesse; comme corporation religieuse, il hésitait et flottait entre la papauté et la royauté; tantôt il adhérait aux libertés gallicanes, ouvrage des jurisconsultes français; tantôt il inclinait vers Rome et la théologie ultramontaine: mais il manqua toujours d'une consistance isolée, indépendante; il tint constamment ses grands hommes et ses ambitieux au service de la royauté, Suger, d'Amboise, Mazarin, Richelieu, Fleury et Dubois; la révolution le trouva riche, opulent, mais asservi et corrompu.

La noblesse s'était illustrée par la guerre et s'était fait un nom immortel; mais elle avait toujours vécu dans une ignorance inébranlable, sans autre science politique qu'un dévouement chevaleresque à la royauté.

Quand le désordre des finances occasiona les états-généraux, car il est remarquable que les révolutions les plus fécondes ont souvent débuté par une question de budget, on était fort embarrassé pour savoir dans quelle attitude se présenterait le tiers-état. Les traditions historiques voulaient qu'il se mit à genoux. Un des nombreux ministres de Louis XVI, qui en changeait si facilement, M. de

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Montmorin eut la bonhomie de faire un appel aux écrivains, et de leur demander des conseils. L'opinion consultée répondit par l'organe d'un homme, tête merveilleusement organisée pour la logique et la pensée, demandant aux principes toutes leurs conséquences, et dans le véritable sens du mot, un parfait doctrinaire; l'abbé Sieyes posa ainsi la question:

Qu'est-ce que le Tiers-État ? Tout.
Qu'est-il aujourd'hui ? Rien.
Que veut-il être ? Quelque chose.

Effectivement il fut quelque chose, car un mois après la convocation des trois ordres il constituait la nation. Les députés du tiers sentirent naturellement qu'ils étaient le pays, que ce n'était pas à eux à courir après le clergé et la noblesse, mais au clergé et à la noblesse à venir se mêler et s'incorporer dans le peuple. Ils s'intitulent avec calme et courage assemblée nationale, unissent dans une mesure parfaite la réserve et l'audace, attirent dans leur sein, par une puissance irrésistible, l'église et l'aristocratie; en un moment les trois ordres ont disparu, il n'a fallu qu'un sentiment profond et vrai pour abolir ces deux castes, et les perdre dans la mer immense du peuple français.

Ne vous attendez pas à voir briller à la tribune de la Constituante des renommées déjà solides, et des noms déjà célèbres. C'est l'obscurité qui paraît à la lumière; parmi les innombrables avocats qui encombraient les bancs, tout ce qu'il y avait de réputations de palais défaillit et tomba. Au bout de quelques séances, Target, l'orgueil du barreau, devint ridicule; plus tard il ne voudra pas défendre Louis XVI; âme molle et vraiment digne de réprobation qui refusa la gloire parce qu'elle aurait coûté la vie. C'était le tour aux hommes inconnus, au conseiller Duport, tête vaste et systématique, à Barnave, au brillant et généreux Barnave, dont la jeunesse, les espérances et les vœux représentaient si bien la jeunesse, les espérances et les vœux de notre révolution; ardent et naïf, sachant maîtriser les cœurs, se laissant entraîner lui-même, orateur aimable dont les triomphes n'avaient rien d'offensant, et dont l'unique défaite n'eut rien de honteux, puisqu'il succomba sous l'effort redoublé de Mirabeau.

Mirabeau!..... on a épuisé les phrases sur ce colosse; laissons donc de côté sa fougueuse jeunesse, le tumulte et la furie de ses passions, cette sensibilité ardente et fièvreuse qui le précipitait dans ses travaux, comme dans ses excès; ne célébrons même pas cette immense faculté oratoire qui lui fait surpasser dès son début tout l'éclat de la tribune anglaise, l'associe à la gloire séculaire de ceux qui ont le mieux parlé dans Rome et dans Athènes, sur-le-champ, aux yeux mêmes de ses contemporains, et ne lui laisse peut-être d'autre rival parmi les modernes qui se sont servi de la parole que Bossuet. Mais prenons Mirabeau au sein même de la Constituante, dans son bon sens et dans son esprit d'homme d'Etat, maître de l'assemblée, devinant avec un instinct rapide, jusqu'où il faudra frapper et détruire, ayant marqué d'avance le point où il voudra s'arrêter, de tribun devenir ministre, et imposer à la démocratie comme à la royauté la dictature de son génie. Supérieur à la coterie anglomane qui avait la fatuité de s'impatienter contre un pays qu'elle ne comprenait pas, il ne s'arrêta pas à la tentation de transplanter en France là division des deux chambres; il savait que cette séparation historique, séculaire, contemporaine de la liberté anglaise, était aussi belle dans la GrandeBretagne qu'impraticable à une époque où le peuple était souverain. La politique de Mirabeau fut de combiner l'unité du pouvoir exécutif avec l'unité du pouvoir législatif; il avait reconnu que le peuple seul était puissant, et qu'un roi seul était encore possible. Si nous descendons aux détails, Mirabeau sait tout, a tout étudié, a tout compris; il est versé dans l'histoire anglaise, dans les précédens parlementaires, non pour les copier, mais pour y puiser une expérience nécessaire; prenez-le sur les questions les plus diverses, droits de timbre, veto, tabac, théâtre, successions, droit de paix et de guerre, assignats et monnaies, politique étrangère, il est également sur tout habile, profond et passionné. Il a toute l'étendue philosophique de l'esprit national, et de plus, il est positif comme un Pitt et un Chatam; enfin il résume à lui seul les trois premières années de la révolution; c'est le manœuvre immortel qui en a posé la première pierre.

Puisque nos pères, en 1789, procédaient à novo et recréaient le monde; puisqu'ils ne s'appuyaient pas sur des franchises nationales et des antécédens historiques; puisque Montesquieu, Jean-Jacques, Diderot et Voltaire étaient les barons féodaux de la philosophie qui avaient stipulé la charte des droits de l'homme avant que M. de Lafayette la portât à la tribune de la Constituante, il était naturel que la révolution s'ouvrit, et que la constitution nouvelle commençât par une déclaration philosophique des droits de l'homme et du citoyen.

« Les représentans du peuple français, constitués en assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernemens, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présentée à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution et au bonheur de tous.

«En conséquence, l'assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivans de l'homme et du citoyen :

«ART. Ier. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

« ART. 2. Le but de toute association est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme : ces droits sont la liberté, la sûreté, la propriété et la résistance à l'oppression.

« ART. 3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation; nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

« ART. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui

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ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

« ART. 5. La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

« ART. 6. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentans à sa formation; elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protége, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talens.

« ART. 7. Nul homme ne peut être accusé, ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi, doit obéir à l'instant; il se rend coupable par la résistance.

« ART. 8. La loi ne doit établir que des peines strictement, évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée.

«ART. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

« ART. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

« ART. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

« ART. 12. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force

publique; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

« ART. 15. Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés.

«< ART. 14. Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentans la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

« ART. 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

« ART. 16. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution.

«ART. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

Ainsi, l'assemblée constituante a aboli les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits; elle a organisé la France, refait la législation et l'administration, constitué l'unité du pouvoir exécutif et la souveraineté du pouvoir législatif, institué le jury, la garde nationale, aboli la torture, réformé la jurisprudence criminelle, déclaré à l'Europe que la nation française renonçait à entreprendre aucune guerre dans un esprit de conquête, et n'emploierait jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. Cette assemblée fut véritablement constituante, et représente tout-à-fait la philosophie de la révolution française.

Notre première révolution a trois époques, la constituante, la convention et l'empire; voilà les véritables phases de la pensée de 1789 dont l'ineffaçable unité réunit et domine les contrastes pittoresques de ces trois grandes histoires.

Je serai court sur la convention, époque exceptionnelle et tragique où là démocratie fut aussi cruelle que Louis XI et Charles IX, où la philosophie se débordant

elle-même rêva follement la suppression immédiate du christianisme et l'égalité absolue, où les partis se dévoraient entr'eux, où la mort envahit tout depuis Barnave jusqu'à Robespierre; mais en même tems époque héroïque où l'indépendance du territoire, c'est-à-dire de la patrie, fut maintenue; où la convention, traquée par l'Europe comme un sanglier dans sa bauge, envoyait aux frontières ces admirables armées révolutionnaires qui n'avaient ni pain ni souliers, prodiguaient leur sang, multipliaient la victoire au service de la république, et formaient, pour ainsi dire, un formidable bataillon carré au milieu duquel la France pouvait être déchirée, malheureuse, mais au moins pas avilie, pas conquise, mais libre du joug de l'étranger, mais indépendante, mais victorieuse.

Les deux résultats historiques de cette époque sont l'inviolabilité du territoire et le partage au peuple des biens de la noblesse.

Que la convention fut un combat, en voulez-vous la preuve? Sous son règne la constitution fut continuellement suspendue; on avait suspendu bien autre chose, on avait suspendu l'humanité.

Je passe, non qu'il y ait dans mon cœur la moindre appréhension de condamner ce qui fut condamnable ni de plaindre ce qui fut malheureux. Mais enfin l'histoire n'est pas une idylle, destinée à représenter les hommes perpétuellement heureux, dans des plaines fortunées où coulent des ruisseaux de lait et de miel. Non; c'est une arène de lutte et de combat ou l'avantage se paie souvent fort cher, où pour toucher le but, il faut traverser les traces de sang des victorieux et des vaincus.

Dans sa première époque, la révolution avait constitué son esprit et sa philosophie; dans le second moment de son existence elle s'était recueillie et ramassée en convention pour se battre et se défendre contre ses ennemis; dans la troisième époque, elle passa tout entière dans un homme qui la rendit conquérante et législative, l'affubla de la pourpre impériale, commença par la servir, n'exista véritablement que par elle, la mit ensuite en oubli, et tomba.

Que la France fut fatiguée sous le directoire, qu'elle eût le droit de l'être, que le désir du repos et de la stabilité l'ait entraînée à l'abandon de sa liberté poli

tique, voilà qui est vrai, mais secondaire, et ne suffirait pas pour expliquer l'avènement de Napoléon. Mais le pays, jusqu'alors cerné, attaqué, sentait, sans bien y réfléchir, le besoin d'initiative, d'une gloire militaire qui répandit le nom français à travers l'Europe. La révolution s'était défendue avec vigueur, avec héroïsme; mais elle n'avait pas été conquérante, elle n'avait pas été fière et insolente aux yeux de l'Europe, elle n'avait pas encore parlé comme si elle eùt eu une légitimité de quatre ou cinq siècles sur le corps : elle arriva par Napoléon à une autre légitimité, à celle de la victoire. On vint annoncer un jour au premier consul que l'Autriche consentait à reconnaître la république française. «En vérité ! réponditil; elle reconnaît donc le soleil en plein midi.» Se faire reconnaître était beaucoup; dicter des lois, mieux encore et la révolution française, après s'être battue sur la frontière, se promena par le monde.

Si l'assemblée constituante avait décrété les principes de sa philosophie politique, elle avait laissé derrière elle les établissemens civils et domestiques de l'ancienne France qu'il fallait réformer et ramener aux doctrines nouvelles (1). Or, on peut, dans le premier enthousiasme d'une révolution, émettre avec promptitude les principes constituans d'une organisation politique; mais pour rédiger des codes, pour régler la vie civile et les transactions commerciales, il faut du tems et de la sécurité : le consulat et l'empire nous donnèrent l'un et l'autre : alors furent élaborés les codes que nous apprenons dans nos écoles; l'égalité ne fut plus une maxime philosophique, mais elle s'établit irrévocablement dans les mœurs domestiques du peuple français.

Tout cela fut grand et nécessaire; mais pour que la révolution pût régner à la fois par les armes et par les lois, elle dut se résumer dans une formidable unité, et cette unité ne pouvait consister que dans un homme. Or, par une autre déduction irrésistible, cette unité personnelle ne pouvait être que le despotisme, qui finit par corrompre celui qui en fut le dépositaire. Sur le faite du trône impérial, quand Napoléon, voyant au-des

(1) J'ai apprécié ailleurs le caractère à la fois historique et philosophique de nos Codes, surtout

sous de lui tous les rois de la terre, puis les petits princes, enfin les peuples, se pencha pour regarder cette multitude immense dont le bruit venait mourir à ses pieds, la tête lui tourna.

En ce moment deux opinions contradictoires divisent les amis de la liberté. Quelle est celle qui prévaudra dans l'histoire de Napoléon, quand il sera tems de l'écrire? On ne peut nier que, parmi les contemporains de l'empereur, tout ce qui avait de l'indépendance dans l'esprit et de la grandeur dans l'âme fut mécontent et froissé. Napoléon, sorti du peuple, venu à la pourpre par le vœu national qu'at

testera l'histoire sans faire le relevé des votes inscrits aux registres municipaux, oublia son origine plébéienne, livra son cœur à un égoïsme profond, et, ce qui est plus triste encore, au mépris des hommes et de l'humanité : disposition mortelle et vénéneuse dont je voudrais charger comme des victimes expiatoires ces flatteurs qui ont aveuglé sa grandeur et déserté son exil. Alors il y eut un tems où faire de l'opposition à l'empereur fut le rôle des âmes généreuses. Les Carnot, les Daunou, les Benjamin Constant ne s'y épargnèrent pas; résistance légitime et glorieuse par laquelle ces hommes d'élite empêchaient la liberté de se prescrire. De son côté le peuple, sans rien analyser, dans son instinct profond, sans être ébranlé par l'oppression uniforme qui pesait sur tous, salua toujours dans l'empereur l'enfant de la révolution; il s'opiniâtra à le considérer comme son homme et son héros, à le recommander à la postérité par la popularité la plus unanime et la plus vivace qui ait jamais célébré une gloire humaine. Nous croyons que l'opposition partielle disparaîtra de plus en plus devant l'acclamation nationale, et que le génie du peuple pèsera d'un plus grand poids dans la balance que la spirituelle critique de quelques écrivains.

Quel était donc cet homme tour à tour l'idole et la terreur du monde? Il y avait en lui du Mahomet, du César, du Charlemagne, et, de plus, cet homme était Napoléon. Né sur une autre terre que la France, sur un sol insulaire entre Rome et Paris, d'une imagination italienne et

du Code civil. Introduction générale à l'Histoire du Droit, chap. 20.

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