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» VIII PROJET. De la puissance paternelle. | pour qu'il soit possible de ne pas le publier. » IX PROJET. De la minorité, de la tutelle et de l'émancipation.

» X° PROJET. De la majorité et de l'interdiction.

» Le PREMIER CONSUL propose de réduire toutes ces matières à cinq projets, savoir: » Ier PROJET. La publication, les effets et l'application des lois en général.

»II PROJET. L'état des personnes. » Ce projet comprendrait la matière du mariage, celle du divorce, celle de la paternité, de la filiation et de l'adoption; celle de la puissance paternelle; celle de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation; celle de la majorité et de l'interdiction.

» III PROJET. Les actes destinés à constater l'état civil.

» IV PROJET. Le domicile. » Ve PROJET. Les absents.

» Un simple résumé n'aurait pas les mêmes avantages que la publication du procès-verbal; car il est impossible que les orateurs ne laissent rien échapper, et même la crainte de trop s'étendre leur ferait supprimer les détails dans une matière qui exigerait au contraire encore plus de développements.

M. THIBAUDEAU observe qu'il faudrait du moins trouver un moyen de pourvoir à l'inconvénient résultant de ce qu'un projet de loi a été discuté dans plusieurs séances; autrement le lecteur sera forcé de parcourir plusieurs procèsverbaux, et de faire un travail pour saisir la suite de la discussion de chaque matière.

» M. ROEDERER voudrait qu'on donnât au procès-verbal la forme des procès-verbaux des conférences tenues sur les ordonnances de 1667 et 1670; que d'abord on énonçât l'article présenté originairement; qu'on relatât les objec» M. MALLEVILLE dit que si l'on voulait ren- tions par lesquelles il a été combattu, les amenfermer dans un seul projet de loi tout ce qui dements proposés, les motifs qui ont fait admettre concerne l'état des personnes, il faudrait ne les uns et rejeter les autres; qu'on fit apercevoir faire qu'un seul Titre de tout le Livre Ier; car il ce que les rédacteurs du projet de loi ont voulu est destiné en entier à régler cet état, sauf ce qui obtenir, ce qu'ils ont voulu éviter. Cette forme est dit des lois en général, et qui n'est que le serait plus utile que le tableau fidèle et historipréliminaire du code; mais l'on ne peut pas pré-que de la discussion; il faut même prendre garde senter des projets en si grande masse; et quoi- que Louis XIV ne prenait pas part à la discusque toutes les matières traitées dans le Livre Iersion de l'ordonnance de 1667, et qu'au contraire aient un objet commun, il faut nécessairement, pour laisser des moments de repos à l'esprit du lecteur et à l'attention du corps législatif, diviser ces matières en plusieurs Titres, et classer sous chacun d'eux celles qui ont le plus de connexité entre elles.

le premier magistrat de la république concourt à la discussion du code civil. On ne peut donc mettre trop de circonspection dans la manière dont on le fait parler.

>> LE PREMIER CONSUL dit que les conférences tenues sur les ordonnances de 1667 et 1670 » Le projet de la section paraît à M. Malleville étaient d'une nature différente; elles étaient étaremplir cet objet, sauf qu'on pourrait placer, blies entre un petit nombre de personnes trèssous le même Titre, le mariage et le divorce, versées dans la science du droit, et ne portaient celui-ci n'étant qu'un moyen de dissoudre l'au-que sur une matière unique. Les conférences du tre; et sous un seul autre Titre encore, la puissance paternelle avec la paternité et l'adoption, qui sont la cause de cette puissance.

» La suite de cette discussion est ajournée. » On s'occupa ensuite du Titre préliminaire, puis on revint aux procès-verbaux. Celui de la séance continue ainsi :

« Le PREMIER CONSUL met en délibération la question de savoir si la partie des procès-verbaux qui contient la discussion du projet du code civil sera imprimée.

» M. THIBAUDEAU pense qu'on pourrait suppléer à cette impression par un exposé, dans lequel les orateurs du gouvernement présenteraient les divers systèmes et les divers projets qui ont été proposés, et les raisons qui les ont fait rejeter, adopter ou modifier.

» LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que l'impression du procès-verbal a été trop solennellement annoncée, et est trop universellement attendue,

conseil d'État, au contraire, portent sur toutes les matières que règle le droit civil; elles n'ont pas lieu exclusivement entre des jurisconsultes : il est donc inévitable qu'on y rencontre plus de choses vagues que dans les procès-verbaux dont parle M. Ræderer. Peut-être même trouveraiton des divagations et des frottements dans ces derniers, si on n'en avait sous les yeux le tableau purement historique; mais dans les procès-verbaux du conseil d'État ce n'est pas là un inconvénient. Que les jurisconsultes consommés revoient avec soin la rédaction de leurs opinions; la réputation qu'ils ont justement acquise exige qu'ils ne laissent rien paraître qui ne soit digne d'eux mais ceux qui ne sont pas obligés de posséder la science des lois, ceux qui n'apportent dans la discussion qu'un esprit droit et l'intention de trouver le bien, doivent attacher moins d'importance à ce qu'ils ont dit.

» M. TRONCHET dit qu'un procès-verbal n'est

que le récit exact de ce qui s'est passé : ainsi, siture en séance de la partie des procès-verbaux l'on se décide à faire paraître les procès-verbaux, relative à la discussion du Code civil; mais il faut qu'ils ne soient que le tableau exact et qu'elle sera déposée au secrétariat, où chaque fidèle des séances. Personne ne s'étonnera que membre pourra aller prendre connaissance de la des opinants qui ne sont pas obligés de posséder rédaction de son opinion, et y faire les rectificala science des lois, et qui délibèrent cependant tions qu'il jugera convenables. » sur des matières difficiles, soient tombés dans quelques divagations; il peut être utile même qu'on connaisse les objections moins solides qui ont pu être faites, et qu'on voie comment elles ont été écartées.

» Quant à la difficulté de retrouver la suite de chaque discussion, elle peut être facilement levée par des tables et par d'autres moyens. La discussion qui a lieu au conseil d'État ne peut avoir le même caractère que celle des ordonnances de 1667 et 1670, laquelle, étant établie entre cinq personnes seulement, et entre cinq personnes instruites, devait nécessairement être plus serrée. » M. PORTALIS dit qu'un procès-verbal fait dans la forme que propose M. Roederer, ne serait plus un procès-verbal, mais un ouvrage, puisqu'il ne présenterait pas les opinions originales des délibérants: cet ouvrage d'ailleurs serait peut-être moins exécutable pour la vaste discussion du projet du Code civil, qu'il ne l'a été pour les ordonnances de 1667 et 1670, dont la discussion était renfermée dans le cadre bien plus étroit de la procédure.

» Le CONSEIL maintient la forme dans laquelle les procès-verbaux sont rédigés, et arrête qu'après avoir été revus par les membres qui ont pris part à la discussion, ils seront imprimés pour ètre distribués au sénat conservateur, au corps législatif, au tribunat, et au tribunal de cassation. "

Dans cette séance, on ne s'était occupé que de la division du Livre Ier; dans la séance du 6, on fixa celle de tout le code. Le conseil prit l'arrêté suivant :

« La question de savoir comment seront divisées les lois extraites du projet de Code civil est mise en délibération.

Ici s'arrêtent les séances qui contiennent les discussions que j'appelle générales. Les autres s'appliquent aux divers titres.

Le premier consul voulut que les procès-verbaux des discussions fussent rédigés de suite et insérés jour par jour dans le Moniteur.

4. SUSPENSION DES TRAVAUX SUR LE CODE CIVIL.

Les projets arrêtés au conseil furent aussitôt portés au corps législatif.

On avait déjà présenté le titre préliminaire, de la publication des lois; le titre lor, de la jouissance et de la privation des droits civils, et le titre 11o, des actes de l'état civil, lorsqu'un incident arrêta tout, et faillit faire échouer le projet de donner un Code civil à la France.

Plusieurs membres du tribunat, fortement imbus d'idées républicaines, et dont quelquesuns avaient bu longtemps à la coupe du pouvoir, n'avaient pas vu sans peine le gouvernement sortir de l'esclavage des assemblées. Ce titre de tribuns qu'ils portaient, éveillait chez eux des souvenirs, et par suite des prétentions. Sans s'assimiler aux anciens tribuns de Rome, ils se croyaient dans la position la plus favorable pour attirer à eux la popularité, et mettre le gouvernement sous leur dépendance, ou du moins pour s'en faire craindre, obtenir une grande part dans les affaires publiques, et se donner, par le fait, un pouvoir que leur refusait la loi. Déjà, dès leur première séance, on avait lancé du haut de leur tribune cette phrase ambitieuse : Nous avons bien su renverser une idole de quatorze cents ans : croit-on que nous ne pourrions pas renverser une idole d'un jour? Le premier consul, me parlant d'eux un jour, les ca

Dans le corps législatif siégeaient aussi beaucoup de membres de la convention et des assemblées précédentes, et l'on conçoit qu'ils partageaient les sentiments de leurs collègues du

Le conseil arrête que l'on continuera de sui-ractérisa par ce mot: Ce sont des rois détrônés. vre les divisions indiquées par le projet de Code civil; qu'il sera rédigé un projet de loi pour réunir en un seul corps les diverses lois qui seront décrétées, et pour donner à tous les articles du Code civil une série unique de nu-tribunat. méros. "

Dans la séance du 24 vendémiaire an x, on fixa la manière dont la minute des procès-verbaux serait formée.

Voici comment le procès-verbal de cette séance s'exprime :

Les uns et les autres entreprirent, à l'occasion du Code civil, de tâter le chef du gouvernement, et d'essayer leurs forces contre lui. Ils connaissaient l'intérêt qu'il attachait à ce grand ouvrage, la gloire qu'il s'en promettait ils espérèrent qu'en le contrariant, ils l'amèneraient à composer avec eux. S'ils y parvenaient, c'était partie gagnée; le premier consul perdait de sa popularité, eux devenaient populaires, et le gouver

« Le secrétaire général du conseil d'État fait lecture du procès-verbal de la séance du 4 thermidor. » Le conseil arrête qu'il ne sera plus fait lec-nement était forcé de ne rien entreprendre sans

MEMENTO.

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ne fût dicté par les opposants, auxquels on aurait ainsi transporté de fait l'initiative, et Dieu sait quel code nous aurions eu! Plus d'une fois j'ai entendu dire à Bonaparte : Je les ai tués par la déclaration qu'il n'y avait pas unité d'intention entre eux et moi.

leur ordre, ou sans leur permission; mais ils savaient bien peu à quel homme ils avaient affaire. Dès le temps de l'idole de quatorze cents ans et de l'idole d'un jour, il avait dit entre ses dents en plein conseil d'État : Ho! si l'on marche ainsi, je reprendrai mon sabre. Une autre fois, les tribuns étant venus lui parler d'un ton un peu haut, il le prit avec eux de plus haut encore, et les renvoya fort étourdis; puis étant rentré dans son cabinet, il nous dit en riant: Ces gens-là croient que c'est ici comme au Directoire, que je vais les flatter, les cajoler; ils se trompent; quand ils me diront des sot-coup un grand calme, et même une sorte de stutises, je leur en répondrai d'autres. Mais revenons au Code civil.

5. REPRISE DES TRAVAUX SUR LE CODE CIVIL, ET ÉTABLISsement de LA COMMUNICATION

OFFICIEUSE.

C'était vrai. A la turbulence succéda tout à

peur. Les hommes sages reprirent le dessus. Le tribunat, pour empêcher le retour des agitations, améliora son organisation intérieure. Il sentit que l'usage, emprunté de l'assemblée précédente, de nommer des commissions spéciales pour l'examen de chaque projet de loi, prêtait aux combinaisons des partis, en leur fournissant le moyen de nommer les leurs, et, le 11 germinal an x, il prit un arrêté pour y mettre obstacle.

Le tribunat s'attacha aux projets de ce code qui avaient été présentés, et à un autre sur la marque qui le fut dans le même temps, pour ressaisir, s'il était possible, cette prédominance que les assemblées avaient si largement exercée. On attaqua vivement le titre préliminaire. La plupart des objections étaient de pures chicanes, et la manière dont on les présenta tenait de la dérision et de l'insulte. On aurait voulu persuader au public que des projets travaillés avec tant de soin, et par des hommes si habiles, n'avaient pas le sens commun. Les réponses victo-projets raisonnables, il était possible qu'on le rieuses de l'éloquent Portalis et de ses collègues ne produisirent rien. La détermination de donner un soufflet au premier consul était prise. Le rejet du titre préliminaire fut donc voté par le tribunat le 21 frimaire an x, et prononcé le 24 par le corps législatif, quoiqu'à la faible majorité de trois voix, de 142 contre 139.

Il en allait arriver autant au titre de la jouissance et de la privation des droits civils, dont le tribunat proposait le rejet, ainsi qu'au projet sur le rétablissement de la marque, lorsque le premier consul prit une de ces mesures de vigueur par lesquelles il est parvenu à éteindre en France les factions. Le 12 nivòse an x, il adressa au corps législatif le message suivant :

Le gouvernement, de son côté, réfléchit que sans prendre à tâche de le traverser, comme on venait de le faire, lorsqu'il ne proposait que des

combattit faute de le bien comprendre, et que ce n'était point dans une discussion générale, publique, solennelle, où d'ailleurs se mêlent toujours plus ou moins l'amour-propre et l'entètement d'opinions trop légèrement formées, qu'on pouvait entrer dans ces explications de détail, qui seules sont capables de révéler en entier la pensée des auteurs d'un projet; que cependant si une objection, quelquefois de peu d'importance et à laquelle on n'aurait pas songé à répondre, avait fait impression, elle entraînait le rejet de la loi, le tribunat ne devant pas proposer d'amendement, et le corps législatif étant obligé de rejeter ou d'admettre le projet entier. De plus, cette solennité, toujours forcée, de la discussion, qui interdisait au tribunat la proposition d'amendements, si ce n'est par voie d'objection, d'une manière hostile, et pour appuyer le vote du rejet, rendait inutiles ou moins utiles » C'est avec peine qu'il se trouve obligé de re- des observations dont on eût profité pour amémettre à une autre époque les lois attendues avec liorer la loi si elles eussent été proposées avant tant d'intérêt par la nation; mais il s'est con- que le projet fût arrêté définitivement. Ces convaincu que le temps n'est pas venu où l'on por-sidérations déterminèrent le gouvernement à tera dans ces grandes discussions le calme et l'unité d'intention qu'elles demandent. »

« Législateurs, le gouvernement a arrêté de retirer les projets de loi du Code civil, et celui sur le rétablissement de la marque des condamnés.

Ce coup imprévu changea sa défaite en victoire. Les amis de l'ordre, qui avaient craint des agitations nouvelles, applaudirent. Les turbulents se turent, et osèrent à peine murmurer tout bas. La France se rassura; car, à la manière dont on y allait, l'entreprise de lui donner un code civil devait échouer, à moins que le code

prendre, le 18 germinal, un arrêté qui établit la communication officieuse.

Ce nouveau mode a beaucoup contribué au perfectionnement des lois; mais il est devenu entre les mains de Napoléon le moyen d'asservir les deux autres branches du pouvoir législatif, grâce à leur pusillanimité: depuis, ce tribunat, d'abord si audacieux, s'est montré d'une docilité excessive. Il a donné de sages avis sur les

projets, mais, quand ses avis n'ont pas été adoptés, il n'a plus osé les reproduire devant le corps législatif ni opposer de résistance réelle. Le corps législatif, à son tour, a décrété tout ce qu'on a voulu. Voilà comment en s'exagérant sa force, on n'a fait que découvrir sa faiblesse; comment, pour avoir tenté d'étendre son pouvoir, on a étendu celui du premier consul. C'est de cette époque que date le commencement de cette puissance absolue, à laquelle Napoléon s'est ensuite élevé par degrés. Grande leçon de modération et de prudence donnée à ceux qui n'étant chargés que de contre-peser les gouvernements, entreprennent de faire pencher de leur côté la balance! Qu'ils l'emportent ou qu'ils ne l'emportent pas, l'équilibre est rompu, et la machine politique se détraque. Si le pouvoir passe dans leurs mains, vous avez l'anarchie : si l'autorité gouvernante s'en empare et qu'eux cessent d'être contre-poids, vous avez, du moins par le fait, le gouvernement absolu.

Quoique les arrangements qu'on venait de prendre eussent débarrassé la marche du Code des obstacles qui l'avaient inopinément entravée, le premier consul, afin d'augmenter le mécontentement général et de faire mieux sentir son pouvoir, laissa cette grande entreprise dormir encore pendant huit mois. Ce ne fut que le 22 fructidor an x (9 septembre 1802) qu'on reprit, ou plutôt qu'on recommença la discussion au conseil d'État.

A cette séance, le consul Cambacérès dit, « que conformément à l'arrêté pris par le gouvernement, et au vœu manifesté par le tribunat, il a été ou vert, en sa présence, des conférences sur le projet du Code civil; que les titres concernant la publication, les effets et l'application des lois en général, les droits civils, les actes de l'état civil, le domicile, les absents et le mariage y ont été discutés; que la dernière rédaction de ces projets sera présentée de nouveau au conseil d'Etat, pour y être définitivement arrêtée; que la discussion des titres qui n'ont pas été examinés par le conseil, sera également reprise. »

Il me reste à parler de l'immense lacune que la suspension du travail sur le Code a laissée dans les procès-verbaux du conseil d'État.

6. COMMENT, PAr suite de la sUSPENSION DES TRAVAUX SUR LE CODE CIVIL, UNE PARTIE CONSIDÉRABLE DES PROCÈS-VERBAUX DU CONSEIL EST DEMEURÉE INÉDITE.

Ces procès-verbaux, comme je l'ai dit, étaient rédigés et imprimés de suite. Ceux qui allaient être mis sous presse au moment de la levée de boucliers du tribunat, contenaient les discussions qui avaient eu lieu depuis le 4 brumaire an x jusqu'au 16 nivòse, et embrassaient par

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conséquent un espace de soixante-douze jours pendant lesquels il avait été tenu vingt et une séances très-étendues, car alors le conseil d'État commençait à midi, et, quand le premier consul présidait, nous n'en sortions guère avant sept, huit, quelquefois neuf heures du soir. On y trouve la fin de la discussion du titre de la publication des lois, de celui de la jouissance et de la privation des droits civils, et de celui des actes de l'état civil, qui tous trois avaient été présentés. On y trouve également la suite de la discussion des titres du domicile, des absents, du mariage et du divorce. On y trouve enfin la discussion première des titres de la paternité et de la filiation, de l'adoption, de la puissance paternelle et de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation. Tout cela manque dans la partie des procès-verbaux qui fut imprimée. Le public n'a donc pas la discussion complète des titres que je viens d'énoncer.

On a remarqué dans le temps cette importante lacune. Souvent on en a demandé la raison. II fallait la déguiser alors on peut la dire aujourd'hui.

Napoléon, ne s'attendant point aux critiques du tribunat, s'était expliqué avec une grande liberté sur toutes les matières, sans craindre de mettre au jour des idées hardies et quelquefois paradoxales. Mais c'était particulièrement dans la matière du divorce et dans celle de l'adoption, qu'il s'était donné carrière.

L'une et l'autre intéressaient sa politique, que cependant il se gardait bien, même de laisser entrevoir.

Dès qu'il s'était vu au sommet de la France, il avait conçu la pensée d'en devenir le souverain sous un titre ou sous un autre. Mais parce que sa souveraineté aurait été trop fragile si elle n'eût reposé que viagèrement sur sa tête, il songeait également à se donner une postérité. Il y songeait d'autant plus qu'il ne pouvait que peu compter sur ses frères : leur génie n'était pas le sien et leur ambition n'était pas moins grande que la sienne. Nous avons tous mainte fois entendu dire à Napoléon, dès le temps du consulat, qu'il avait moins de peine à gouverner la France que sa propre famille. Ceci ne s'applique pas cependant à son frère Louis, homme d'un carac tère doux, de mœurs simples, de goûts modestes, et qui aurait préféré de beaucoup la vie privée à l'éclat du trône sur lequel, bien contre son gré, Napoléon l'a fait asseoir.

Ne pouvant pas espérer d'enfants de madame Bonaparte, Napoléon n'avait que le choix entre deux partis: celui de divorcer pour contracter un mariage moins stérile, et celui de se donner des enfants d'adoption.

Il haïssait le divorce. Jamais il ne l'a permis à ceux qui l'entouraient; il l'avait interdit dans sa

famille. J'avais été chargé de rédiger ce qu'on a
nommé les statuts de la famille impériale, et
ne sachant pas s'il entendait soumettre les siens
à la loi commune ou les en excepter, j'avais
placé en regard, dans mon projet, deux arti-
cles, dont l'un portait: le divorce est interdit
dans la famille impériale, et le second: le di-
vorce ne pourra avoir lieu dans la famille im-gea les deux époux envers la religion.
périale que du consentement de l'empereur.
Il raya ce dernier et adopta l'autre. C'est de lui
que,
sans le nommer, j'ai emprunté le fond de
ces pensées qu'on trouve dans l'Esprit du Code
civil:

de se lier lui-même, il l'a fait couronner impé-
ratrice. Depuis, sa politique ayant repris le des-
sus, ce lien s'est trouvé trop faible. Ce ne fut
pas néanmoins par la force que Napoléon le
rompit. Il garda des formes. Un acte du sénat
anéantit le contrat civil; un acte ecclésiastique,
s'appuyant sur l'absence du propre curé, déga-

«Le divorce devait être dans notre législation. » La liberté des cultes le réclamait, mais ce se >>rait un grand malheur qu'il passât dans nos » habitudes. Qu'est-ce qu'une famille dissoute? » Que sont les époux qui, après avoir vécu dans » les liens les plus étroits que la nature et la loi » puissent former entre des êtres raisonnables, >> deviennent tout à coup étrangers l'un à l'au»tre, sans néanmoins pouvoir s'oublier? Que » sont des enfants qui n'ont plus de père; qui » ne peuvent confondre dans les mêmes embras»sements les auteurs désunis de leurs jours; » qui, obligés de les chérir et de les respecter » également, sont pour ainsi dire forcés de prendre parti entre eux; qui n'osent rappeler » en leur présence le déplorable mariage dont » ils sont les fruits! Ah! gardons-nous d'encou» rager le divorce! De toutes les modes, ce se»rait la plus funeste. N'imprimons pas le sceau » de la honte à l'époux qui en use, mais plai» gnons-le comme un homme auquel il est ar» rivé un grand malheur. Que les mœurs re» poussent la triste ressource que la loi n'a pu >> refuser aux époux malheureux. »

A cette répugnance pour le divorce, se joignait chez lui une autre répugnance plus forte encore. Il devait son élévation à son épouse; le mariage qu'il avait contracté avec madame de Beauharnais en avait été le premier degré : comment le rompre sans ingratitude? On l'a mal connu quand on se l'est représenté comme un cœur dur, inaccessible au sentiment. La bonté lui était au contraire naturelle, et toutes les fois que sa politique le laissait à lui-même, son âme s'ouvrait à la reconnaissance, à l'attachement, à la pitié.

Ces sentiments firent pour lors taire les prévisions de sa politique. Madame Bonaparte, alarmée, ne cachait pas ses inquiétudes. Chaque soir elle s'informait avec anxiété de ce qui s'était fait au conseil d'État; si l'on avait admis le divorce; de quelles conditions il dépendrait, etc., etc. Il y a grande apparence qu'il y eut alors entre son époux et elle des explications, soit directes, soit par la voie d'intermédiaires. Elles réussirent, puisqu'afin de la rassurer et

Cependant, à l'époque où le Code civil se discutait, Napoléon n'aurait jamais imaginé qu'il pût un jour employer le sénat dans une pareille affaire. Il voulait donc se ménager, dans la loi commune, un moyen de contracter une alliance nouvelle si, dans un autre temps, l'intérêt de sa politique l'exigeait. Par cette raison, il ne combattit point l'institution du divorce, quoiqu'il la détestat: elle fut adoptée sans discussion. Mais il soutint vivement la nécessité d'admettre des causes indéterminées, qui permissent aux époux de se séparer sans déshonneur. C'était pour se préparer le moyen d'user avec bienséance du divorce, s'il venait dans la suite à y recourir.

Mais, en abandonnant pour lors ces arrièrepensées, en renonçant à la ressource du divorce, il se jeta sur l'adoption.

La loi du 18 janvier 1792 avait introduit cette institution, quoiqu'en principe seulement (1). La commission ne proposait ni de l'organiser, ni même de la maintenir : elle gardait le silence le plus profond sur cette matière. Néanmoins, comme elle entrevoyait que le premier consul pourrait vouloir y recourir, elle trouvait bon qu'on l'admit «< comme mesure politique, parce qu'il importait grandement à l'État que des citoyens recommandables par les services qu'ils lui ont rendus, et que les circonstances ont éloignés du mariage, ou dont l'union a été stérile, pussent, par des choix éclairés et communément préférables au hasard de la naissance, lui laisser des enfants qui leur ressemblent. » C'est ainsi qu'elle s'en expliqua dans la séance du 6 frimaire an x, dont le procès-verbal était jusqu'à présent demeuré inédit.

On ne pouvait pas désigner en termes moins équivoques le premier consul, et mème le second.

Mais si Napoléon eût adopté ce système, il aurait mis trop à découvert son projet de se donner une dynastie, et il n'était pas encore temps de le faire même soupçonner.

La section de législation du conseil d'État présenta donc un projet qui faisait de l'adoption une institution de droit commun, purement civile, établie pour tous les citoyens.

mité de législation comprendra, dans son plan général des (1) Texte : «< L'assemblée nationale décrète que son colois civiles, celles,relatives à l'adoption.

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