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tion qu'elle n'avoue pas, il faut que ces enfants | hommes soit constaté par des monumens pusoient reconnus par les auteurs de leurs jours, blics, elle est plus occupée des familles que des pour pouvoir réclamer des droits. S'il en était individus ; le sort obscur d'un citoyen qui peut autrement, l'honneur des femmes, la paix des être injustement compromis dans son état, la ménages, la fortune des citoyens, seraient con- touche moins que le danger dont la société entinuellement en péril. Les lois nouvelles ont tière serait menacée, si, avec quelques témoipourvu au mal, et nous conservons, à cet égard, gnages mendiés ou suspects, on pouvait naturales dispositions de ces lois. liser dans une famille des êtres obscurs qui ne lui appartiennent pas.

En second lieu, dans la recherche d'un crime, il s'agit d'un fait qui ne remonte pas à une époque reculée, et qui est, pour ainsi dire, sous

66. La possession a été la première, et, pendant longtemps, l'unique preuve de l'état des hommes. Celui-là était réputé époux, enfant, qui vivait publiquement, sous l'un ou l'autre de ses rapports, dans une famille déterminée. De-nos yeux. Or la preuve testimoniale est la preuve puis la découverte de l'écriture, tout a changé les mariages, les naissances, les décès sont constatés par des registres. En conséquence, la preuve la plus légitime dans les questions d'état est celle qui se tire des registres publics. Ce principe est une espèce de droit des gens commun à toutes les nations policées.

naturelle des faits récents. Ce genre de preuve est moins convenable dans des affaires dont l'origine se perd presque toujours dans des temps éloignés, et qui, par les circonstances dont elles se compliquent, n'offrent communément ni certitude ni repos à l'esprit.

Enfin, dans l'instruction d'un crime, la preuve 67. Mais cette preuve, quelque authentique par témoins est épurée par la contradiction, par et quelque légitime qu'elle puisse paraître, n'est les reproches de l'accusé, et par toutes les forpas néanmoins la seule; et comme il n'est pas mes qui garantissent à cet accusé le droit de se juste que la négligence des parents, la prévari- défendre: au lieu que, dans les questions d'état, cation de ceux qui conservent les registres pu- le litige ne s'engage presque jamais qu'après le blics, les malheurs et l'injure des temps, puis-décès des personnes qui pourraient éclaircir le sent réduire un homme à l'impossibilité de mystère, ou repousser la calomnie: on n'a auprouver son état, il est de l'équité de la loi cune des ressources qui, en matière criminelle, d'accorder, en tous ces cas, une autre preuve servent si bien à déjouer le mensonge et l'imqui puisse suppléer le défaut et réparer la perte posture. des registres; et cette preuve ne peut être que celle qui se tire des autres titres et de la déposi

tion des témoins.

Nous avons donc consacré la maxime que, dans les questions d'état, la preuve par témoins n'est admissible qu'autant qu'elle est soutenue par Observons pourtant que, dans les questions un commencement de preuve plus imposante, d'état, la preuve testimoniale ne doit point être c'est-à-dire par des documens domestiques, par admise sans précaution; elle ne l'a jamais été des écrits de personnes décédées et non suspecsans un commencement de preuve par écrit. tes, par des lettres missives envoyées et reçues On a besoin d'être rassuré contre un genre de dans un temps opportun, enfin par un certain preuve qui inspire tant de méfiance: des témoins concours de faits qui aient laissé des traces perpeuvent être corrompus ou séduits; leur mé-manentes que l'on puisse recueillir avec succès moire peut les tromper; ils peuvent, à leur pro- pour l'éclaircissement de la vérité. pre insu, se laisser entraîner par des inspirations étrangères. Tout nous avertit qu'il faut se tenir en garde contre de simples témoignages.

Ce serait mal raisonner que d'argumenter, dans les matières d'état, de la facilité avec laquelle la preuve par témoins est accueillie dans les matières criminelles.

En matière criminelle, la loi se mettrait dans l'impuissance de connaître le crime qu'elle veut réprimer, si elle n'admettait la preuve testimoniale; car les crimes sont des faits dans lesquels l'écriture n'intervient que par accident, et bien rarement or les purs faits ne peuvent se prouver que par témoins. L'accueil que l'on fait à la preuve testimoniale dans la recherche et l'instruction des crimes, dérive donc de la nécessité.

La même nécessité ne se rencontre point dans les questions d'état. La loi veut que l'état des

68. Après avoir fixé les preuves qui garantissent l'état civil des personnes, nous sommes entrés dans les détails du gouvernement de la famille. Le mari est le chef de ce gouvernement. La femme ne peut avoir d'autre domicile que celui du mari. Celui-ci administre tout, il surveille tout, les biens et les mœurs de sa compagne. Mais l'administration du mari doit être sage, et sa surveillance modérée; l'influence du mari se résout bien plus en protection qu'en autorité : c'est le plus fort qui est appelé à défendre et à soutenir le plus faible. Un empire illimité sur les femmes, tel que nous le trouvons établi dans certaines contrées, répugnerait autant au caractère de la nation qu'à la douceur de nos lois. Nous souffrons, dans un sexe aimable, des indiscrétions et des légèretés qui sont des grâces; et sans encourager les actions qui pour

raient troubler l'ordre et offenser la décence, nous écartons toute mesure qui serait incompatible avec la liberté publique.

69. Les enfants doivent être soumis au père; mais celui-ci ne doit écouter que la voix de la nature, la plus douce et la plus tendre de toutes les voix. Son nom est à la fois un nom d'amour, de dignité et de puissance; et sa magistrature, qui a été si religieusement appelée piété paternelle, ne comporte d'autre sévérité que celle qui peut ramener le repentir dans un cœur égaré, et qui a moins pour objet d'infliger une peine que de faire mériter le pardon.

70. Avec la majorité des enfants, la puissance des pères cesse, mais elle ne cesse que dans ses effets civils: le respect et la reconnaissance continuent à exiger des égards et des devoirs que le législateur ne commande plus; et la déférence des enfants pour les auteurs de leurs jours est alors l'ouvrage des mœurs plutôt que celui des lois.

71. Dans le cours de la révolution, la majorité a été fixée à vingt et un ans. Nous n'avons pas cru devoir réformer cette fixation, que tant de raisons peuvent motiver. Dans notre siècle, mille causes concourent à former plus tôt la jeunesse ; trop souvent même elle tombe dans la caducité au sortir de l'enfance. L'esprit de société et l'esprit d'industrie, aujourd'hui si généralement répandus, donnent un ressort aux ames, qui supplée aux leçons de l'expérience, et qui dispose chaque individu à porter plus tôt le poids de sa propre destinée. Cependant, malgré ces considérations, nous avons prorogé jusqu'à vingt-cinq ans la nécessité de rapporter le consentement paternel pour le mariage. Un acte tel que le mariage décide du bonheur de toute la vie; il serait peu sage, quand il s'agit d'une chose qui tient de si près à l'empire des passions les plus terribles, de trop abréger le temps pendant lequel les lois associent la prudence des pères aux résolutions des enfants.

72. La tutelle est, dans le gouvernement domestique, une sorte de magistrature subsidiaire, dont nous avons déterminé la durée et les fonctions d'après des règles qui sont presque communes à toutes les nations policées. Un tuteur est préposé à la personne et aux biens; il doit être choisi par la famille et dans la famille : car il faut qu'il ait un intérêt réel à conserver les biens, et un intérêt d'honneur et d'affection à veiller sur l'éducation et le salut de la personne. Il ne peut aliéner sans cause et sans formes le patrimoine confié à ses soins; il doit ad ministrer avec intelligence, et gérer avec fidélité; il est comptable, puisqu'il est administrateur; il répond de sa conduite; il ne peut mal faire, sans être tenu de réparer le mal qu'il fait. Voilà toute la théorie des tutelles.

73. Les questions de domicile sont, pour la plupart, liées aux questions sur l'état des personnes. Ainsi, comme le domicile de la femme est celui du mari, le domicile des enfants mineurs est celui de leur père ou de leur tuteur. 74. Le domicile civil n'a rien de commun avec le domicile politique. L'un peut exister sans l'autre ; car les femmes et les mineurs ont un domicile civil, sans avoir un domicile politique. Cette dernière sorte de domicile est une dépendance du droit de cité, puisqu'elle désigne le lieu dans lequel, en remplissant les conditions prescrites par les lois constitutionnelles, on est autorisé à exercer les droits politiques attachés à la qualité de citoyen.

Le domicile civil est le lieu où l'on a transporté le siége de ses affaires, de sa fortune, de sa demeure habituelle. La simple absence n'interrompt pas le domicile. On peut changer de domicile quand on veut. Toute question de domicile est mêlée de droit et de fait. Nous avons fixé les règles d'après lesquelles on peut juger du vrai domicile d'un homme parce que, dans toutes les actions judiciaires, et même dans le commerce ordinaire de la vie, il importe de savoir où une personne est domiciliée, pour pouvoir l'atteindre.

75. L'absence est une situation momentanée. On peut être absent pour son intérêt propre, ou pour celui de la république. Les absents, et surtout ceux qui le sont pour cause publique, ont des droits particuliers à la protection des lois; nous avons déterminé ces droits. Il a fallu déterminer encore la vie présumée d'un absent dont on n'a point de nouvelles, pour ne pas laisser les familles et les propriétés dans une funeste incertitude. Nous avons confronté les diverses jurisprudences sur les différents points qui concernent les absents, et nous avons opté pour les principes qui nous ont paru les plus équitables, et les moins susceptibles d'inconvénient.

76. On verra que, dans tous les projets de loi relatifs à l'état des personnes, nous nous sommes uniquement occupés de l'état civil; l'état politique des hommes est fixé par la constitution. Nous avons pourtant parlé des étrangers, pour marquer jusqu'à quel point ils peuvent, dans les choses civiles, être assimilés aux Français et jusqu'à quel point ils en diffèrent.

Il faut convenir qu'anciennement les divers peuples communiquaient peu entre eux; qu'il n'y avait point de relations entre les États, et que l'on ne se rapprochait que par la guerre, c'est-à-dire pour s'exterminer. C'est à ces époques que l'auteur de l'Esprit des Lois fait remonter l'origine des droits insensés d'aubaine et de naufrage. Les hommes, dit-il, pensèrent que les étrangers ne leur étant unis par au

biens, une foule de distinctions qui ont disparu et qui ne peuvent plus revivre.

cune communication du droit civil, ils ne leur devaient, d'un côté, aucune sorte de justice, et, de l'autre, aucune sorte de pitié. On peut dire que les choses étaient classées Le commerce, en se développant, nous a gué- comme les personnes mêmes. Il y avait des biens ris des préjugés barbares et destructeurs; il a féodaux et non féodaux, des biens servants et uni et mêlé les hommes de tous les pays et de des biens libres. Tout cela n'est plus : nous n'atoutes les contrées. La boussole ouvrit l'univers; vons conservé que les servitudes urbaines et le commerce l'a rendu sociable. Alors les étran- rurales que le rapprochement des hommes gers ont été traités avec justice et avec humanité. rend indispensables, et qui dérivent des deLes rapports entre les peuples se sont multi-voirs et des égards qui seuls peuvent rendre la pliés; et on a compris que si, comme citoyen, société possible.. on ne peut appartenir qu'à une société particulière, on appartient, comme homme, à la société générale du genre humain. En conséquence, si les institutions politiques continuent d'être propres aux membres de chaque État, les étrangers sont admis à participer plus ou moins aux institut ons civiles qui affectent bien plus les droits privés de l'homme, que l'état public du citoyen. iAprès avoir parcouru tout ce qui est relatif aux personnes, nous nous sommes occupés des

biens.

77. Il est diverses espèces de biens; il est diverses manières de les acquérir et d'en disposer. Les biens se divisent en meubles et immeubles. C'est la division la plus générale et la plus naturelle.

Les immeubles de chaque pays sont communément possédés par ses habitants. Jusqu'ici la plupart des États ont eu des lois qui dégoûtaient les étrangers de l'acquisition de leurs terres : il n'y a même que la présence du maître qui les fasse valoir ce genre de richesse appartient donc à chaque État en particulier. Mais les effets mobiliers, comme l'argent, les billets, les lettres de change, les actions dans les banques ou sur les compagnies, les vaisseaux, toutes les marchandises, appartiennent au monde entier, qui, dans ce rapport, ne compose qu'un seul État dont toutes les sociétés sont les membres. Le peuple qui possède le plus de ces effets mobiliers, est le plus riche. Chaque État les acquiert par l'exportation de ses denrées, par le travail de ses manufactures, par l'industrie et les découvertes de ses négociants, par le hasard

même.

80. En parlant des différentes natures de biens, nous avons distingué le simple usage d'avec l'usufruit, et l'usufruit d'avec la propriété. Nous avons énuméré les diverses espèces de rentes et de droits qui peuvent entrer dans le patrimoine d'un particulier.

Les règles que nous avons posées sur ces différents objets, et dont il sera utile de présenter ici le détail, sont conformes à ce qui s'est pratiqué dans tous les temps. Nous n'avons changé ou modifié que celles qui n'étaient plus assorties à l'ordre actuel des choses, ou dont l'expérience avait montré les inconvénients.

81. Les contrats et les successions sont les grands moyens d'acquérir ce qu'on n'a point encore, et de disposer de ce que l'on a.

82. En traitant des contrats, nous avons d'abord développé les principes de droit naturel qui sont applicables à tous.

Nous avons ensuite parlé des formes dans lesquelles ils doivent être rédigés.

83. L'écriture est, chez toutes les nations policées, la preuve naturelle des contrats. Cependant, en nous conformant à toutes les lois précédentes, nous autorisons la preuve par témoins dans les cas où il existe un commencement de preuve par écrit. Ce commencement de preuve par écrit n'est pas même nécessaire dans les affaires mercantiles, qui se consomment souvent à la Bourse, sur la place publique, ou dans une conversation imprévue.

84. En général, les hommes doivent pouvoir traiter librement sur tout ce qui les intéresse. Leurs besoins les rapprochent; leurs contrats se multiplient autant que leurs besoins. Il n'y a La distinction des immeubles et des richesses point de législation dans le monde qui ait pu démobiliaires nous donne l'idée des choses pure- terminer le nombre et fixer la diversité des conment civiles et des choses commerciales. Les ri-ventions dont les affaires humaines sont suscepchesses mobiliaires sont le partage du commerce; les immeubles sont particulièrement du ressort de la loi civile.

78. Il est pourtant des effets mobiliers qui sont réputés immeubles, parce qu'on peut les regarder comme des dépendances ou des accessoires des fonds et autres objets civils.

79. Dans l'ancien régime, la distinction des personnes privilégiées ou non privilégiées, nobles ou roturières, entraînait, par rapport aux

tibles. De là cette foule de contrats connus, dans les lois romaines, sous le titre de contrats innommés. La liberté de contracter ne peut être limitée que par la justice, par les bonnes mœurs, par l'utilité publique.

85. Mais c'est précisément lorsqu'il s'agit de fixer ces limites, que les difficultés naissent de toutes parts.

Il est des objets sur lesquels la justice se manifeste clairement. Un associé, par exemple,

veut partager tous les profits d'une société, sans | pothèques et pour tous les actes publics. On n'a en partager les risques : la prétention est révol- pas cru, dans les affaires civiles ordinaires, tante; il ne faut pas chercher hors d'un tel dont les rapports peuvent être appréciés avec pacte, une iniquité consommée par la lettre une certaine fixité, devoir abandonner le cours même de ce pacte. Mais il est des choses sur les- de l'intérêt aux écarts de l'avarice, aux combiquelles la question de justice se complique avec naisons particulières et à la licence des prêteurs. d'autres questions, souvent étrangères à la ju- Mais indépendamment de l'intérêt légal qui risprudence. Ainsi, c'est dans nos connaissances régit l'ordre civil, il existe, dans le commerce, acquises sur l'agriculture, que nous devons un intérêt courant qui ne peut devenir l'objet chercher la justice ou l'injustice, l'utilité ou le d'une loi constante et précise. danger de certaines clauses ou de certains pactes stipulés dans les baux à ferme. Ce sont nos connaissances commerciales qui ont terminé nos interminables discussions sur le prêt à intérêt, sur le monopole, sur la légitimité des conditions apposées dans les contrats maritimes, et sur plusieurs objets semblables. On s'est aperçu que, dans ces matières, la question de droit ou de morale se trouve subordonnée à la question de calcul ou d'administration.

86. L'argent est le signe de toutes les valeurs; il procure tout ce qui donne des profits ou des fruits pourquoi donc celui qui a besoin de ce signe n'en payerait-il pas l'usage comme il paye l'usage de tous les objets dont il a besoin? A l'instar de toutes les autres choses, l'argent peut être donné, prêté, loué, vendu. La rente à fonds perdu est une aliénation; le prêt à intérêt est un acte de louage; l'usage gratuit que l'on cède d'une somme d'argent, est un simple prêt: la libéralité sans stipulation d'intérêt et sans espoir de retour, est un don. Le don et le prêt sont des actes généreux; mais le louage et l'aliénation ne sont point des actes injustes.

Nous n'avons pas touché à la fixation de l'intérêt légal. Cette fixation ne peut appartenir qu'au gouvernement; et les mesures que le gouvernement peut prendre à cet égard ne doivent pas être précipitées.

L'intérêt légal ne peut être respecté qu'autant qu'il se trouve en harmonie avec le taux de l'argent dans le commerce. Dans le moment actuel, mille causes connues rompent cette harmonie. La paix, en donnant un nouvel essor au commerce, en diminuant les dépenses de l'État, et en mettant un terme aux opérations forcées du gouvernement, rétablira l'équilibre, et fera rentrer les affaires dans le sein de la probité.

Les lois civiles peuvent pourtant préparer cette heureuse révolution, en donnant aux préteurs une sûreté capable de les engager à se contenter d'une rétribution modérée. Ainsi, des institutions qui puissent inspirer de la confiance, de bons règlements sur les obligations solidaires ou non solidaires des cautions, des lois sages qui assurent la stabilité des hypothèques, et qui, simplifiant l'action des créanciers contre leurs débiteurs, la rendent plus rapide et moins dispendieuse, sont bien propres à maintenir cette activité de circulation dont l'influence est si grande sur le taux de l'intérêt et sur la prospérité nationale.

Pour que les affaires de la société puissent aller, il faut que l'argent ait un prix; sans cela, il n'y a point de prêteurs, ou, pour mieux dire, il y en a, mais qui savent se venger de l'ineptie des lois par des stipulations simulées, et en faisant, Ce qui est certain, c'est que le taux de l'intépayer très-chèrement le péril de la contraven-rêt est le pouls de l'État; il marque toutes les tion. Jamais les usures n'ont été plus effroyables maladies du corps politique. La modération dans que lorsque l'intérêt a été prohibé. En défen- ce taux est le signe le moins équivoque de la dant une chose honnête et nécessaire, on ne véritable richesse et du bonheur public. fait qu'avilir ceux qui la font et les rendre malhonnêtes gens.

S'il faut que l'argent ait un prix, il faut aussi que ce prix soit peu considérable. L'intérêt modéré de l'argent encourage toutes les entreprises utiles; il donne aux propriétaires de terre qui veulent se livrer à de nouvelles cultures, l'espoir fondé d'obtenir des secours à un prix raisonnable; il met les négociants et les manufacturiers à portée de lutter, avec succès, contre l'industrie étrangère.

87. L'argent règle le prix de toutes les autres choses tant mobiliaires qu'immobiliaires. Ce prix est fondé sur la comparaison de l'abondance et de la rareté relative de l'argent avec la rareté ou l'abondance relative des objets ou des marchandises que l'on achète. Il ne peut être fixé par des règlements. Le grand principe sur ces matières est de s'abandonner à la concurrence et à la liberté.

Avant l'usage de la monnaie, toutes les affaires de la société se faisaient par simple prêt ou par Les rapports qui déterminent le prix de l'ar- échange. Depuis l'usage de la monnaie, on progent sont indépendants de l'autorité, les gou- cède par ventes, par achats, et par une multitude vernements ne peuvent jamais espérer de le fixer d'actes qui constituent ce que nous appelons le par des lois impérieuses. Cependant on a toujours commerce de la vie civile, et auxquels nous avons adopté un intérêt légal pour les contrats d'hy-assigné les principales règles qui les gouvernent.

MEMENTO.

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Le commerce ordinaire de la vie civile, uni-thèque, sont des choses presque inconnues au quement réduit aux engagements contractés commerce. Mais dans les matières civiles, où entre des individus que leurs besoins et certai-l'on suit plutôt les biens que la personne, il faut nes convenances rapprochent, ne doit pas des lois hypothécaires, c'est-à-dire, il faut des être confondu avec le commerce proprement lois qui puissent donner sur les biens toute la dit, dont le ministère est de rapprocher les na- sûreté que l'on cherche. Il ne faut pourtant pas tions et les peuples, de pourvoir aux besoins de outrer les précautions. Nos dernières lois sur la société universelle des hommes. Cette espèce cet objet sont extrêmes, et le bien politique, de commerce, dont les opérations sont presque comme le bien moral, se trouve toujours entre toujours liées aux grandes vues de l'administra-deux limites. tion et de la politique, doit être régie par des lois particulières qui ne peuvent entrer dans le plan d'un code civil.

L'esprit de ces lois diffère essentiellement de l'esprit des lois civiles.

On gouverne mal quand on gouverne trop. Un homme qui traite avec un autre homme doit être attentif et sage; il doit veiller à son intérêt, prendre les informations convenables, et ne pas négliger ce qui est utile. L'office de la loi est de Sans doute, en matière civile comme en ma-nous protéger contre la fraude d'autrui, mais tière commerciale, il faut de la bonne foi, de la réciprocité et de l'égalité dans les contrats; mais pour garantir cette bonne foi, cette égalité et cette réciprocité dans les engagements, on aurait tort de raisonner sur les affaires civiles comme sur les affaires de commerce.

non pas de nous dispenser de faire usage de notre propre raison. S'il en était autrement, la vie des hommes, sous la surveillance des lois ne serait qu'une longue et honteuse minorité; et cette surveillance dégénérerait elle-même en inquisition.

On fait très-sagement, par exemple, d'écarter C'est un autre principe, que les lois, faites des affaires de commerce les actions revendi-pour prévenir ou pour réprimer la méchanceté catoires, parce que ces sortes d'affaires roulent des hommes, doivent montrer une certaine fransur des objets mobiliers qui circulent rapide-chise, une certaine candeur. Si l'on part de ment, qui ne laissent aucune trace, et dont il l'idée qu'il faut parer à tout le mal et à tous les serait presque toujours impossible de vérifier et abus dont quelques personnes sont capables, tout de reconnaître l'identité; mais on ne pourrait est perdu. On multipliera les formes à l'infini, on sans injustice et sans absurdité, refuser d'ad- n'accordera qu'une protection ruineuse aux cimettre les actions revendicatoires dans les affai-toyens, et le remède deviendra pire que le mal. res civiles, presque toutes relatives à des Quelques hommes sont si méchants, que pour immeubles qui ont une assiette fixe, que l'on gouverner la masse avec sagesse, il faut supposer peut suivre en quelques mains qu'ils passent, et les plus mauvais d'entre les hommes meilleurs qui, par leur permanence, rendent possibles, qu'ils ne sont. et même faciles, toutes les discussions que l'intérêt de la justice peut exiger.

On paraît avoir entièrement oublié ces principes en rédigeant nos dernières lois sur les bypothèques.

Jamais on n'a admis dans le commerce l'action rescisoire pour lésion d'outre-moitié du juste Sans doute il ne faut pas que les hommes puisprix, parce que la mobilité des objets commer-sent se tromper mutuellement en traitant ensemciaux, les risques, les incertitudes, les cas for- ble, mais il faut laisser quelque latitude à la contuits qui environnent les opérations du com- fiance et à la bonne foi. Des formes inquiétantes merce, ne sauraient comporter cette action. et indiscrètes perdent le crédit, sans éteindre les C'est même avec raison que, dans le temps du fraudes; elles accablent sans protéger. Nous nous papier-monnaie et de la dégradation plus ou sommes convaincus que nos dernières lois sur moins précipitée de ce papier, on avait aboli cette matière ne pouvaient contribuer qu'à pal'action rescisoire, même dans les matières ci- ralyser toutes les affaires de la société, à fatiguer viles, puisque, pendant ce temps, on rencon- toutes les parties intéressées par des procédures trait dans ces matières la même mobilité et les ruineuses; et qu'avec le but apparent de conmêmes incertitudes que dans les matières com- server l'hypothèque, elles n'étaient propres qu'à merciales, mais aujourd'hui nous avons cru la compromettre. Nous avons cru devoir revenir devoir la rétablir, parce que la justice peut, sans à un régime moins soupçonneux et plus inconvénients, reprendre ses droits, et que modéré. les contrats privés ne sont plus menacés, comme ils l'étaient, par le désordre des affaires publiques.

88. Dans le commerce, où les plus grandes fortunes sont souvent invisibles, on suit plutôt la personne que les biens. De là le gage, l'hypo

Nous ne pouvons nous faire illusion sur la véritable origine des lois relatives à la conservation des hypothèques : cette origine est toute fiscale, comme celle des lois du contrôle ou de l'enregistrement des divers actes civils. Nous savons que la finance peut faire une sage alliance avec

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