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LIVRE TROISIÈME.

DES DIFFÉRENTES MANIÈRES DONT ON ACQUIERT LA PROPRIÉTÉ.

On entend par moyens d'acquérir, les actes ou les faits qui donnent à une personne la propriété d'une chose ou un droit réel sur cette chose. Ces moyens sont originaires ou dérivés. Originaires, lorsqu'ils servent à donner la propriété d'une chose qui n'appartient à personne; dérivés lorsqu'ils font passer d'une personne à une autre la propriété déjà établie. Les manières d'acquérir se divisent encore en manières d'acquérir à titre universel, et manières d'acquérir à titre particulier : par les premières, on succède à l'universalité des droits et des obligations d'une personne; ces manières sont les successions légitimes et testamentaires; par les secondes, on acquiert une ou plusieurs choses déterminées tels sont les legs et les donations d'objets particuliers, les ventes, etc. Ce qui distingue principalement ces manières différentes d'acquérir, c'est que les successeurs à titre universel sont tenus des dettes de leur auteur (art. 875, 1011), tandis qu'en général les successeurs à titre particulier n'en sont pas tenus. (Art. 1024.) Une autre division est celle des manières d'acquérir à titre onéreux, et des manières d'acquérir à titre gratuit les premières sont celles dans lesquelles chacune des parties est assujettie à donner ou à faire quelque chose. (Art. 1106.) Tels sont la vente, l'échange, etc.; les secondes sont celles dans lesquelles une personne obtient un avantage, sans être obligée à faire ou à donner quelque chose comme équivalent; tels sont les successions, les donations faites sans aucune charge, les testaments. Ce 3e livre, consacré aux manières d'acquérir, comprend plusieurs titres étrangers à cette dénomination générique; ainsi le commodat (titre X), le dépôt ( titre XI), le mandat (titre XIII), la contrainte par corps, qui n'est même qu'un mode d'exécution des jugements (titre XVI), le gage (titre XVII), les priviléges et les hypothèques (titre XVIII), ne peuvent être considérés comme des manières d'acquérir la propriété.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

711. La propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre-vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations.

Les moyens d'acquérir, indiqués par cet article, sont des moyens dérivés; car ils servent à transférer la propriété d'une personne à une autre.

Par l'effet des obligations. De simples obligations ne peuvent pas être, d'après le droit naturel, des moyens d'acquérir. Il n'existe dans ce droit qu'un seul moyen dérivé, c'est la tradition, c'est-à-dire la remise que le propriétaire fait de la possession de sa chose avec l'intention d'en transmettre la propriété. Ces principes étaient suivis dans le droit remain, et dans l'ancienne jurisprudence. Pour qu'une obligation transmit la propriété, elle devait être suivie de la tradition: Traditionibus dominia

rerum, non nudis paclis transferuntur. Celui qui achetait une maison, par exemple, n'en devenait propriétaire que du moment où la maison lui était délivrée; si elle était livrée à une autre personne, c'était cette personne qui l'acquérait. L'obligation n'était alors qu'un titre pour se faire donner la propriété ; le moyen d'acquérir cette propriété était la tradition. Mais aujourd'hui, la possession et la propriété sont deux choses bien distinctes on peut avoir la propriété, c'est-à-dire le droit de posséder, quoiqu'on ne possède pas réellement; aussi est-elle transmise par la seule force de l'obligation (art. 1158), sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait eu tradition, sauf cependant la modification apportée à ce principe, quant aux meubles, par l'art. 1141.

712. La propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription.

= Par accession. C'est un moyen d'acquérir qui est le plus souvent originaire, comme l'alluvion (art. 556), le croit des animaux (art. 547), etc.; mais quelquefois dérivé, par exemple, lorsqu'une chose a été jointe à une autre comme accessoire. (Art. 567.) Les effets de l'accession sont expliqués art. 546 et suivants.

Par prescription. La prescription est un moyen dérivé d'acquérir une chose par une possession continuée pendant un certain temps. (Art. 2219.)

713. Les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'État.

=

Qui n'ont pas de maître. Il existe un moyen originaire d'acquérir ces sortes de biens, c'est l'occupation, c'est-à-dire l'appréhension d'une chose qui n'appartient à personne, avec l'intention de l'avoir pour soi. On proposa dans le projet du Code un article qui portait : « La loi civile ne reconnaît point le droit de simple occupation; les biens qui n'ont jamais eu de maître, et qui sont vacants, appartiennent à la nation. » Cette rédaction fut changée, parce qu'il est des choses mobilières pour lesquelles le droit d'occupation est conservé. Mais le principe est entièrement vrai pour les immeubles; dès qu'ils n'ont pas de maître particulier, ils deviennent, dans la personne de l'État, la propriété de tous, et un individu qui s'en serait emparé le premier ne pourrait prétendre en avoir acquis la propriété par droit d'occupation.

714. Il est des choses qui n'appartiennent à personne, et dont l'usage est commun à tous. - Des lois de police règlent la manière d'en jouir.

= Qui n'appartiennent à personne. Tels sont l'air, l'eau, la mer, les rivages de la mer. Il n'existe personne

qui puisse prétendre avoir un droit de propriété sur ces objets; mais chacun peut en jouir, en se conformant toutefois aux règlements de police que chaque peuple a le droit de faire là-dessus pour sa sûreté ou sa tranquillité intérieure. Ces choses se nomment communes. Il en est d'autres qui ne sont à personne, ni pour la propriété, ni pour l'usage. Les latins les appelaient res nullius. Dans cette classe se trouvent les coquillages, les objets jetés par la mer, les poissons et tous les animaux sauvages, etc. Ces objets sont susceptibles d'une propriété privée, et le droit du premier occupant peut s'y appliquer, toujours cependant sous les modifications apportées par des lois particulières. — QUESTION. La pente des cours d'eau n'appartient-elle à personne? La cour suprême a consacré l'affirmative: « Attendu que la pente des cours d'eaux non navigables, ni flottables, doit être rangée dans la classe des choses qui, suivant l'art. 714 du C. civ., n'appartiennent privativement à personne, dont l'usage est commun à tous et réglé par des lois de police; attendu que la prétention du demandeur d'une propriété absolue sur la pente du cours d'eau dont il s'agit n'est appuyée sur aucune concession spéciale ou possession ancienne; ce qui pourrait seul modifier l'application de l'art. 714; rejette, etc.» (Arrêt du 14 février 1833.)

715. La faculté de chasser ou de pécher est également réglée par des lois particulières.

De chasser ou de pêcher. Les animaux sauvages, c'est-à-dire jouissant de toute leur liberté, n'appartiennent à personne, et le premier qui s'en empare en acquiert la propriété par droit d'occupation.

Par des lois particulières. La loi en vigueur aujourd'hui pour régler la faculté de chasser est celle du 30 avril 1790. Entre autres dispositions, elle porte que tout propriétaire ou possesseur, autre que les usagers, a le droit de chasser ou faire chasser dans ses possessions (art. 13 et 14); mais qu'on ne peut chasser sur le terrain d'autrui sans son consentement. (Art. 1er.) Que, pendant une certaine époque, qui sera fixée par le préfet, celle où les animaux se reproduisent, et où les récoltes principales pendent par branches ou par racines, la chasse sera interdite à tout le monde. (Art. 1er.) Que, dans le cas de contravention, les armes seront confisquées, mais les gardes ne pourront pas désarmer les chasseurs. (Art. 5.) Des règlements de police et des décrets ont de plus assujetti toutes les personnes qui veulent porter des armes à se faire délivrer un permis de port d'armes : cette mesure a pour but d'empêcher que, sous prétexte de chasser, des armes ne se trouvent dans les mains de malfaiteurs. Quant à la pêche : dans la mer, elle appartient à tout le monde, sauf l'observation des règlements de police à ce sujet; dans les rivières et canaux navigables ou flottables, elle est réglée aujourd'hui par la nouvelle loi sur la pêche fluviale promulguée le 24 avril 1829: la pêche n'appartient qu'aux adjudicataires aux enchères, ou aux particuliers munis de licences, sous peine d'une amende de 20 fr. à 100 fr.; cependant tout le monde peut y pécher à la ligne flottante tenue à la main, le temps de frai excepté. (Art. 5 et 10 de la nouvelle loi.) Dans les rivières non navigables, le droit de pêche appartient aux propriétaires riverains.

716. La propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds: si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié à celui qui l'a découvert, et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds. - Le trésor est toute chose cachée ou enfouie, sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard.

Qui le trouve. L'invention est une espèce d'occupation qui s'applique aux choses mobilières cachées ou enfouies, et qui donne à l'inventeur un droit sur la chose trouvée. Si elle est découverte sur le fonds d'autrui, comme la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous, le propriétaire a aussi un droit sur cette chose par une espèce de droit d'accession: pour concilier les intérêts de l'inventeur avec ceux du propriétaire, le Code décide que le trésor sera partagé entre eux. Si le fonds est public, c'est-à-dire appartient à l'État, ou communal, c'est-à-dire appartient à une commune, c'est l'État ou la commune qui, comme propriétaires, prendront la moitié du trésor.

Cachée ou enfouie. Car sans cette condition ce serait une chose perdue et non un trésor.

Ne peut justifier sa propriété. Si des indices ou des présomptions pouvaient faire connaître l'ancien propriétaire, ce serait encore une chose perdue. La preuve testimoniale est admissible pour faire cette justification. (Art. 1348. Bordeaux, 22 fév. 1827. Amiens, 19 janvier 1826.)

Découverte par le pur effet du hasard. Par exemple, par un ouvrier qui travaillait sur le terrain, par quelqu'un qui le traversait. Mais si la découverte a eu lieu à la suite de fouilles faites à dessein, sans le consentement du propriétaire, ou avec son consentement, l'inventeur n'a aucun droit. Dans le premier cas, il y a, pour ainsi dire, vol de sa part, et la chose n'est plus trouvée par le pur effet du hasard. Dans le deuxième, il n'a été que l'instrument du propriétaire.

717. Les droit sur les effets jetés à la mer, sur les objets que la mer rejette, de quelque nature qu'ils puissent être, les plantes et herbages qui croissent sur les rivages de la mer sont aussi réglés par des lois particulières. Il en est de mème des choses perdues dont le maître ne se représente pas.

=Sur les effets jetés à la mer, etc. C'est à l'ordonnance de 1681 sur la marine qu'il faut recourir pour connaître les droits que peuvent avoir les inventeurs à l'égard des divers objets énumérés par notre article.

Des choses perdues. Celui qui a perdu une chose peut la revendiquer pendant trois aus, contre celui dans les mains duquel il la trouve, sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. (Art. 2279.) Cependant il ne serait obligé de la rendre qu'en recevant le prix de ce qu'elle lui a coûté, s'il l'avait achetée dans une foire, ou d'un marchand vendant des choses pareilles. (Art. 2280.) Une décision ministérielle a ordonné la remise, à une personne qui, ayant trouvé une montre sur la voie publique, l'avait déposée au greffe du tribunal de Versailles, du prix de cette montre vendue par la régie, après le laps de trois ans expirés sans réclamation du propriétaire. Voici les motifs de cette décision: « Vu l'art. 717; considérant qu'en l'absence de dispositions spéciales sur la matière, l'on ne peut se déterminer que par des considérations morales; qu'il importe de laisser à l'inventeur l'espoir de profiter un jour de l'objet qu'il a trouvé, puisque cet espoir peut le décider à en faire le dépôt, et que cette mesure, par la publicité qu'elle occasionne et les délais qu'elle entraîne, a pour but de mieux assurer les droits du propriétaire; considérant d'ailleurs qu'il est de principe qu'en fait de meubles, la possession vaut titre. » (Décision du ministre des finances du 3 août 1825.)

TITRE PREMIER.

Des Successions.

On entend par succession, la transmission des biens, droits et charges, d'une personne décédée,

à une ou plusieurs autres. C'est aussi la définition de la loi romaine: Hæreditas nihil aliud est quam successio in universum jus quod defunctus habuit. Ce mot désigne aussi l'universalité même des biens, droits et charges que laisse la personne décédée: dans ce sens, il est synonyme d'hérédité, hoirie. (Art. 1696.) Les successions sont transmises par la force de la loi, ou par la volonté de l'homme. Les premières s'appellent légitimes, parce qu'elles font passer les biens dans l'ordre voulu par la loi elles forment la règle générale; les secondes, qu'on nomme successions testamentaires, ne sont que des exceptions que la volonté de l'homme apporte à cette règle générale.

CHAPITRE PREMIER.

De l'Ouverture des Successions et de la Saisine des Héritiers.

718. Les successions s'ouvrent par la mort naturelle et par la mort civile.

S'ouvrent. On dit qu'une succession est ouverte lorsque les biens qui la composent, étant restés sans maitre, doivent passer aux héritiers désignés par la loi. Il est important de déterminer le moment précis de cette ouverture, pour savoir quels sont les héritiers.

La mort. Il n'y a que la mort naturelle ou civile qui laisse irrévocablement les biens sans maître, et qui ouvre, par conséquent, la succession. Quant à l'absence, elle n'ouvre la succession que provisoirement, et ne confère aux héritiers que des droits en partie résolubles en cas de retour. (Art. 125, 152.)

719. La succession est ouverte par la mort civile, du moment où cette mort est encourue, conformément aux dispositions de la section II du chapitre II du titre de la Jouissance et de la Privation des Droits civils.

=Par la mort civile. Si la condamnation est contra dictoire, la succession sera ouverte, par la mort civile, du jour de l'exécution, soit réelle, soit par effigie; si elle est par contumace, elle ne sera ouverte qu'à l'expiration des cinq ans donnés au condamné pour se représenter, à partir de l'exécution par effigie. (Art. 26, 27.) Quant à l'heure de la mort naturelle, elle doit être indiquée par les actes de décès, quoique la loi ait omis de l'exiger. (Art. 79.) Si l'officier public n'en faisait pas mention, et qu'il devint absolument nécessaire de chercher à la déterminer, on pourrait le faire tant par titres que par témoins.

720. Si plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l'une de l'autre périssent dans un même evénement sans qu'on puisse reconnaître laquelle est décédée la première, la présomption de survie est déterminée par les circonstances du fait, et, à leur défaut par la force de l'âge où du sexe.

- Périssent dans un même événement. Il devient alors indispensable de fixer laquelle de ces personnes a survécu aux autres, et par conséquent leur a succédé. Si on ne peut pas le faire par des preuves certaines, on sera forcé de s'arrêter à des présomptions plus ou moins fortes; car il faut bien nécessairement que ces successions soient données à l'une de ces personnes.

Par les circonstances du fait. Par exemple, dans l'incendie d'une maison qui a commencé par le premier étage, ceux qui l'habitaient ont péri probablement avant ceux qui habitaient les étages supérieurs; dans un nau

frage, ceux qui savaient nager ont survécu à ceux qui ne le savaient pas.

A leur défaut. Ce n'est que dans le cas où les circonstances du fait manquent entièrement, que l'on a recours aux présomptions fondées sur l'âge et sur la force, parce qu'elles ont toujours quelque chose de très-incertain.

721. Si ceux qui ont péri ensemble avaient moins de quinze ans, le plus âgé sera présumé avoir survécu. S'ils étaient tous au-dessus de soixante ans, le moins âgé sera présumé avoir survécu. Si les uns avaient moins de quinze ans, et les autres plus de soixante, les premiers seront présumés avoir survécu.

Moins de quinze ans. Ils étaient dans l'âge où les forces physiques croissent; le plus âgé était donc le plus fort, il est présumé avoir survécu.

Tous au-dessus de soixante ans. Ils étaient à l'âge où les forces décroissent; le plus àgé était le plus faible, il est présumé être mort le premier.

Moins de quinze ans, et les autres plus de soixante. Ils étaient tous dans un âge de faiblesse pour se rapprocher alors de l'ordre de la nature, on suppose que le plus jeune a vécu plus longtemps. Cette présomption choquera, il faut en convenir, la vraisemblance, lorsque l'enfant sera mort âgé seulement de quelques jours; mais le législateur ne devait pas multiplier les classifications, bien que l'une d'elles put être fautive dans quelques

cas.

722. Si ceux qui ont péri ensemble avaient quinze ans accomplis et moins de soixante, le måle est toujours présumé avoir survécu, lorsqu'il y a égalité d'âge, ou si la différence qui existe n'excède pas une année. -- S'ils étaient du même sexe, la présomption de survie qui donne ouverture à la succession dans l'ordre de la nature, doit être admise : ainsi le plus jeune est présumé avoir survécu au plus ágé.

= Quinze ans accomplis et moins de soixante. Ils étaient dans une époque intermédiaire, où la différence dans les années ne produit pas une grande différence dans la force; c'est alors à l'ordre ordinaire de la nature qu'on a voulu se conformer le plus jeune est présumé avoir survécu au plus âgé. Dans le cas cependant où la différence d'âge n'excédait pas une année, la présomption a été établie en faveur du sexe le plus fort.-Le Code ne parle pas du cas où ceux qui ont péri étaient, les uns dans l'âge intermédiaire de quinze à soixante ans, les autres au-dessous de quinze ans ou au-dessus de soixante; c'est que les premiers, étant dans l'âge où les forces se sont développées entièrement, doivent nécessairement être présumés avoir survécu à ceux qui étaient dans l'âge où les forces ont encore besoin de croître, c'est-à-dire au-dessous de quinze ans, ou bien dans l'âge où elles décroissent, c'est-à-dire au-dessus de soixante ans. Quant à la question de savoir si les dispositions du présent article et des précédents s'appliquent aux successions testamentaires, voir la note de l'art. 1039.

Ainsi le plus jeune est présumé avoir survécu au plus âgé. Si ce sont deux jumeaux qui périssent dans le même événement, celui qui est sorti le premier du sein de la mère doit être regardé comme l'aîné; du moins la loi romaine le décidait ainsi, par la raison que la naissance est un fait positif, tandis que la conception est au contraire un fait conjectural si les actes de naissance constatent dans l'espèce le fait dont il s'agit, on suivra cette indication; si ces actes sont muets, on prouvera quel est celui des deux jumeaux qui est né le premier, par les actes et registres des père et mère et par témoins.

723. La loi règle l'ordre de succéder entre les héritiers légitimes: à leur défaut, les biens passent aux enfants naturels, ensuite à l'époux survivant; et, s'il n'y en a pas, à l'État.

:

= Héritiers légitimes. Ces expressions doivent être prises dans une acception différente selon que l'on oppose les héritiers légitimes aux héritiers institués, ou selon qu'on les oppose aux héritiers irréguliers: opposés aux institués, les héritiers légitimes sont ceux qui sont appelés par la loi, et les héritiers institués ou testamentaires ceux qui sont appelés par la volonté de l'homme opposés aux héritiers irréguliers, les héritiers légitimes seraient mal définis ceux qui sont appelés par la loi, car les héritiers irréguliers sont également appelés par la loi (art. 756 et suiv.); mais on peut dans ce cas les définir les héritiers du sang, les membres de la famille du défunt, et les héritiers irréguliers, ceux qui, appelés en général à défaut des héritiers légitimes, ne sont pas comme eux membres de la famille : les premiers succèdent jusqu'au douzième degré. (Art. 755.)

724. Les héritiers légitimes sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, sous l'obligation d'acquitter toutes les charges de la succession: les enfants naturels, l'époux survivant et l'État, doivent se faire envoyer en possession par justice dans les formes qui seront déterminées.

Saisis de plein droit. On entend par saisine, la continuation, dans la personne de l'héritier, de la possession et de tous les droits qu'avait le défunt : cette continuation s'opère de plein droit à l'instant même du décès; c'est ce qu'exprime énergiquement: Le mort saisit le vif, qui suppose que le propriétaire, en expirant, passe lui-même tous ses droits à ses héritiers. La saisine légale produit plusieurs effets importants : 1o N'eût-on survécu qu'une minute à celui dont on hérite, on a recueilli sa succession, de plein droit, même sans le savoir, et on l'a transmise à ses propres héritiers. 2o Dès la mort du défunt, l'héritier le remplace, et, pour tout ce qui regarde la succession, ne fait que continuer sa personne. Il est propriétaire de tout ce dont le défunt était propriétaire, possesseur de tout ce que le défunt possédait, créancier de tout ce qui était dû au défunt, débiteur de toutes les detles du défunt. Au reste, dans cet article, les héritiers légitimes sont ainsi appelés par opposition aux héritiers irréguliers seulement, et non par opposition aux héritiers institués; car ces derniers, dans certains cas, sont également saisis de plein droit; par exemple, le légataire universel, lorsqu'il n'existe pas d'héritiers à réserve (art. 1006): au contraire, les héritiers irréguliers, c'est-à-dire les enfants naturels, l'époux survivant et l'Etat, n'ont pas la saisine dans le sens étendu qui lui est donné par l'article que nous expliquons.

Se faire envoyer en possession. Les enfants naturels, l'époux et l'Etat, ne jouissent pas de tous les effets de la saisine légale; la possession du défunt ne se continue pas de plein droit dans leur personne : en effet, ils ne succèdent qu'à défaut d'héritiers légitimes; ils doivent donc prouver à la justice qu'il n'en existe pas. Mais le principal effet de la saisine, le droit de transmission à leurs propres héritiers, appartient également à l'enfant naturel et au conjoint. Les biens leur passent, dit l'article 725; ainsi on leur applique la maxime: Le mort saisit le vif, en ce sens qu'ils doivent aussi hériter sans le savoir, et transmettre à leurs héritiers, s'ils viennent eux-mêmes à mourir, les droits qu'ils peuvent même ignorer.

CHAPITRE II.

Des Qualités requises pour succéder.

Les différences qui existent entre l'incapacité et l'indignité sont assez difficiles à bien déterminer l'incapacité, disent les auteurs, opère de plein droit, tandis que l'indignité doit être prononcée; mais ce principe a lui-même besoin d'éclaircissement; c'est par les conséquences qui en découlent que nous le ferons saisir. L'incapacité opère de plein droit ainsi elle empêche l'incapable d'être saisi de la succession. S'il réclame quelque créance contre un débiteur du défunt, ce débiteur, pour échapper à la demande, n'aura qu'à prouver l'incapacité, puisque, au moyen de cette preuve, il établira qu'il n'est pas héritier, et que, par suite, il n'a aucune action en cette qualité. L'indignité, au contraire, doit être prononcée. Ainsi, tant qu'un jugement n'a pas déclaré l'indignité, l'héritier, quoique indigne, est saisi : il peut, en sa qualité d'héritier, poursuivre les débiteurs et les détenteurs de la succession; ceux-ci ne peuvent lui opposer son indignité, comme ils pourraient opposer l'incapacité; car l'indignité ne dépouillant de la qualité d'héritier que dans l'intérêt des cohéritiers ou des héritiers du degré subséquent, eux seuls peuvent avoir le droit de provoquer le jugement sur l'indignité, et conséquemment les débiteurs et les détenteurs de la succession ne sauraient se refuser à satisfaire aux demandes formées contre eux par un héritier capable relativement à eux, et saisi de tous les droits et actions du défunt, tant que son indignité n'a pas été prononcée, à la requête des véritables et seules parties intéressées, c'est-à-dire les cohéritiers de l'indigne ou les héritiers du degré subséquent.

725. Pour succéder, il faut nécessairement exister à l'instant de l'ouverture de la succession. Ainsi sont incapables de succéder: 1o celui qui n'est pas encore conçu; - 2o l'enfant qui n'est pas né viable; -3° celui qui est mort civilement.

=Exister. Puisque c'est au moment même du décès d'une personne que l'héritier est saisi, il faut nécessairement qu'il existe à cette époque.

Pas encore concu. Ainsi l'enfant conçu au moment de l'ouverture de la succession est capable de succéder. Conséquence de ce principe, qu'il est réputé né lorsqu'il s'agit de ses intérêts. Mais, pour qu'il hérite, il faudra prouver deux choses: 1o qu'il était conçu lors de l'ouverture de la succession: pour cette preuve on aura recours aux règles expliquées, art. 312 et suiv. (cass., 8 février 1821, et Orléans, 16 juill. 1821); 2o qu'il est né vivant; car l'enfant qui est né mort n'a jamais hérité. La fiction qui, dans ses intérêts, l'avait considéré comme né, se trouve évidemment démentie.

Viable (vitæ habilis.) Lorsqu'un enfant naît vivant, quelque courte que soit son existence, il hérite, s'il était viable. Mais si l'on prouve que, d'après sa conformation trop imparfaite ou trop peu avancée, il lui était impossible de conserver la vie qu'il a reçue un moment, son existence éphémère ne servira de rien, il n'aura pas hérité. La non-viabilité de l'enfant né vivant ne se présume pas, il faut la proaver. (Limoges, 12 janv. 1815.) Une visite d'experts, médecins ou chirurgiens, constatant le défaut d'organisation de l'enfant, sa naissance trop prématurée, avant le cent quatre-vingtième jour de la grossesse, peuvent servir à cette preuve.

Mort civilement. Il n'existe plus dans la société, sa propre succession a été ouverte. (Art. 25.) Comme son incapacité commence au moment où la mort civile le frappe, il est important de fixer ce moment. (Art. 26 et suiv.)

726. Un étranger n'est admis à succéder aux biens que son parent, étranger ou Français, possède dans le territoire du royaume, que dans le cas et de la manière dont un Français succède à son parent possédant des biens dans le pays de cet étranger, conformément aux dispositions de l'article 11, au titre de la Jouissance et de la Privation des Droits civils (1).

N'est admis à succéder. La faculté de succéder est un droit civil et n'appartient pas aux étrangers. L'art. 726 avait pour but d'engager les souverains à l'accorder aux Français, en offrant toujours la réciprocité. Mais cet article a été abrogé par la loi du 14 juill. 1819, ainsi conçue : « Art. 1er. Les art. 726 et 912 du C. civ. sont abrogés; en conséquence, les étrangers auront le droit de succéder, de disposer et de recevoir de la même manière que les Français dans toute l'étendue du royaume.

Art. 2. Dans le cas de partage d'une même succession entre les cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étrangers, dont ils - seraient exclus à quelque titre que ce soit, en vertu des Jois et coutumes locales. »-Cette loi a aboli entièrement l'ancien droit d'aubaine, ainsi nommé de aubain (alibi natus), c'est-à-dire étranger. Ce droit rendait les étrangers incapables de succéder ou recevoir en France, et faisait passer au gouvernement français les biens qu'ils laissaient en France à leur mort. La cour de Paris, adoptant les motifs parfaitement établis d'un jugement de première instance, a décidé que les biens d'un étranger mort en France, sans héritiers étrangers, ni régnicoles, appartiennent à la France par droit de souveraineté. (Arrêt du 15 nov. 1833.)

727. Sont indignes de succéder, et, comme tels, exclus des successions: 1o celui qui serait condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt; -2o celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse; - 3o l'héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice.

Condamné. Il faut absolument une condamnation, parce qu'alors seulement le crime est certain devant la loi. Si donc l'héritier accusé meurt avant sa condamnation, il n'aura jamais été indigne, et ses héritiers recueilleront la succession. Si l'action criminelle est prescrite, c'est-à-dire si le ministère public a laissé passer dix ans sans poursuite (art. 657, C. d'instr. crim.), le coupable ne pouvant plus être condamné, l'action d'indignité est éteinte. Si l'homicide a été commis involontairement par imprudence (art. 319, C. pén.); s'il l'a été dans le cas de légitime défense (art. 328, ib.); s'il est décidé que l'accusé a agi sans discernement (art. 66, ibid.), et dans les autres circonstances où il n'y a ni crime ni délit (arti

(1) Les Belges sont admis à recueillir les successions qui leur sont échues dans les États de l'empereur d'Autriche, et réciproquement les sujets de l'empereur d'Autriche sont habiles à succéder dans la Belgique. Les réversales deobservando reciproco doivent être délivrées par les cours supérieures de justice.(Br.. 30 déc. 1817; J. de Br., 1817, 2e, p. 144.) Arrêt contr. (Br., 9 mai 1832; J. de Br. 1832, 1re, p. 409, et 1831, 1re, p. 37; J. du 19e s. 1832, p. 389, et 1831, p. 166.) Le traité de Paris du 30 mai 1814, art. 28, abolit les droits d'aubaine, de détraction et autres de la même nature, entre la France et les Pays-Bas. Même convention entre les Pays-Bas et la Prusse, du 16 juin 1817 (rec. des lois de Remy, 2e sér., t. VI, p. 51); entre les Pays-Bas et la Bavière, du 26 août 1817; id. entre les Pays-Bas et le Wurtemberg, du 4 oct. même année ; id. entre les Pays-Bas et le Hanovre, du 6 juillet 1816; id. entre les Pays-Bas et le grand-duché de SaxeWeimar, du 6 août 1816; id. entre les Pays-Bas et la principauté

cles 64, 327, ib.), comme il n'y aurait pas de condamnation pour meurtre, il n'y a pas d'indignité. Mais celui qui a tenté de commettre le crime, celui qui a été complice, pouvant être condamné comme l'auteur (art. 2, 59, ibid.), il y a indignité. - QUESTION. Si l'homicide commis volontairement est néanmoins excusable d'après la loi, par exemple, s'il y a eu provocation (art. 521, 325, ibid.), l'indignité est-elle encourue? Pour l'affirmative, on observe qu'il y a, dans ce cas, une véritable condamnation (art. 326, ibid.), pour avoir donné ou tenté de donner la mort, bien que cette condamnation soit moins rigoureuse que lorsqu'il y a homicide, non excusable; que c'est bien le meurtre en lui-même que la loi alors entend frapper, et non, comme quand il y a maladresse ou imprudence (319, ibid.), le fait seulement d'imprudence et de maladresse; que telle était l'opinion des anciens auteurs. Pour la négative, on répond que la loi, en prononçant seulement des peines correctionnelles contre le meurtre qu'elle déclare excusable, ne considère dans la réalité le fait que comme un simple délit, et l'accusé comme plus malheureux que coupable; qu'il a véritablement agi, à ses yeux, sans la volonté de tuer; et que, l'indignité résultant principalement de l'intention, il faut en conclure qu'elle n'existe pas ici, puisque la volonté du meurtrier a été égarée par des circonstances impérieuses au reste, la question ne saurait se présenter quant au parricide, qui n'est jamais excusable (art. 323, ibid.) — Les lettres de grâce, la prescription, n'éteignent que la peine afflictive, jamais l'indignité. -L'art. 727 n'exige pas que le coupable ait subi sa peine. Une accusation. C'est-à-dire une dénonciation à la justice.

Capitale. Qui tend à faire condamner à la mort naturelle ou à une peine emportant la mort civile.

Jugée calomnieuse. Soit que l'accusation ait été reconnue telle par le jugement auquel elle a donné lieu, soit que l'accusateur ait été attaqué en calomnie par l'accusé, et condamné. Mais si le calomnié laisse prescrire son action par trois ans de silence (art. 638, C. d'instr. crim.), s'il fait remise de la calomnie, les héritiers ne pourront plus intenter l'action.

L'héritier majeur. Le mineur parvenu à sa majorité devrait dénoncer le meurtre qu'il aurait connu étant mineur, si la justice ne l'avait pas encore découvert.

Du meurtre. L'héritier n'est pas obligé de dénoncer le meurtrier, parce qu'il peut ne pas le connaître, ou ne pas vouloir s'exposer à être condamné comme calomniateur, si le crime n'était pas prouvé.

Dénoncé à la justice. Il n'est pas obligé, comme autrefois, de se porter partie plaignante. Au reste, celui qui se laisserait prévenir dans la dénonciation par une autre personne ne serait pas indigne pour cela seul : c'est aux juges à décider, d'après les circonstances, s'il y a réellement une coupable négligence. L'ancienne législation comprenait un bien plus grand nombre de causes d'indignité; le législateur moderne les a réduites à trois, afin de ne pas autoriser des inquisitions qui seraient souvent injustes et odieuses, et qui jetteraient le désordre dans les familles. Ces causes, comme toutes les dispositions pénales, sont de droit étroit, et ne peuvent par

de Waldeck, du 17 fév. 1818; id. entre les Pays-Bas et le duché d'Holstein-Oldembourg, du 1er juillet 1818; id. entre les Pays-Bas et les Deux-Siciles, du 8 avril 1818; id. entre les PaysBas et le grand-duché de Hesse, du 7 janv. 1829; id. entre les Pays-Bas et l'électoral de Hesse, du 8 mars 1821; id. entre les Pays-Bas et le royaume de Sardaigne, du 1er janv. 1820 (rec, des lois de Remy, 3e sér., t. Ier, p. 243 à 269 et 375); id. entre les PaysBas et le Danemarck, des 11 et 30 avril 1825 (id., 3o sér., t. XIII, p. 123). Un Espagnol n'est pas habile à recueillir ab intestat la succession d'un régnicole décédé en 1807. (Br., 20 juin 1828: J. du 19e s, 1828, 30, p. 143.) Un arrêt de Liége du 13 janv. 1829 (J, du 19 s., 1829, 3o. p. 94; J. de Br. 1829, 3e. p. 423) a décidé qu'un Anglais n'avait pu être admis à recueillir la succession de son parent mort en Belgique en 1804. (Vor. aussi Dalloz, t. XII, p. 78.

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