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médiaire, serait nul, parce que la cause est contraire à la loi. (Art. 674.) La promesse de payer une somme à quelqu'un pour qu'il se battit en duel, serait contraire aux bonnes mœurs et à l'ordre public. Celui à qui elle aurait été promise ne pourrait pas la réclamer: mais si elle avait été payée, elle ne pourrait plus être redemandée; car celui qui a violé les lois en contractant ne peut plus être écouté lorsqu'il réclame ensuite leur secours : Nemo auditur turpitudinem allegans. QUESTION. Un dédit joint à une promesse de mariage repose-til sur une cause illicite? La cour suprême a consacré l'affirmative d'une manière générale : « Attendu, d'ailleurs, qu'en droit, les art. 1134 et 1142, C. civ., invoqués à l'appui du recours en cassation, se référant uniquement aux conventions légales, et non à celles qui tendent à gêner la liberté des mariages, telles que l'acte dont il s'agit, ces dernières doivent être considérées comme ayant une cause illicite, et sont comprises dans la disposition de l'art. 1133; attendu enfin, qu'il a été reconnu par l'arrêt attaqué, que Suzanne Cheneveau n'avait éprouvé, par l'inexécution de cette promesse de mariage, aucune perte ni dommage dans ses biens, et qu'elle n'avait porté aucune atteinte à sa réputation; rejette, etc. »> (Arrêt du 6 juin 1821.) Il résulte des termes du dernier considérant, qu'encore bien qu'un dédit ajouté à une promesse de mariage soit nul, cependant l'inexécution de la promesse peut entraîner des dommages-intérêts qu'arbitrent les juges, si cette inexécution a causé un préjudice, soit à la fortune, soit à la réputation des parties. Voy.cass., 17 août 1814 et 27 juin 1835. QUESTION. L'obligation consentie en faveur d'une personne pour prix de l'emploi de son crédit, à l'effet de faire obtenir une place à la nomination du gouvernement, est-elle valable? La jurisprudence a déclaré cette obligation nulle, comme reposant sur une cause illicite, en ce sens qu'elle aurait pour objet d'établir un nouveau genre de vénalité des offices, plus désastreux que celui que les lois ont aboli, et de faire, des fonctions publiques, le monopole de l'intrigue et de l'incapacité. (Colmar, 25 juin 1834.) Voy. Cassation, 20 mai 1828.

CHAPITRE III.

De l'Effet des Obligations.

SECTION première. Dispositions générales. 1134. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. - Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de

bonne foi (1).

De loi. Nous avons vu que l'obligation naît du contrat; cette obligation est la nécessité morale de donner, de faire, ou de ne pas faire. C'est une loi, en ce sens qu'on ne peut pas plus se dispenser de l'observer, que les lois générales; mais si les magistrats, dans leurs décisions, violaient cette loi, le recours en cassation ne serait pas admissible, car l'appréciation de la loi du contrat est une appréciation de fait qui n'est pas du domaine de la cour de cassation.

De leur consentement mutuel. D'après le principe qu'il est naturel que les choses cessent d'avoir leur effet par le même moyen qu'elles l'ont obtenu : Nihil tam naturale est quam eo genere quidquid dissolvere quo colligatum est. Il faut cependant distinguer entre les obligations de faire et celles de donner les premières

(1) Celui qui a contracté avec quelqu'un sous le nom de celui-ci et compagnie, ne peut se soustraire à l'accomplissement de ses engagements, sur le seul prétexte que cette per

reçoivent l'application du principe; mais dans les obligations de donner, la propriété étant à l'instant même transférée (art. 1138), la convention contraire devient un nouveau contrat qui donne à la chose un autre propriétaire; aussi, dans ce cas, les droits de mutation seraient-ils dus.

De bonne foi. On a conclu de là que l'ancienne division des Romains en contrats de bonne foi et de droit strict était abrogée : les premiers étaient ceux qui s'étendaient à tout ce que l'usage et l'équité exigeaient; par exemple, l'intérêt du prix de la vente; les autres, ceux qui se renfermaient dans ce qui avait été rigoureusement

convenu.

1135. Les conventions obligent non-seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature (2).

= Que l'équité. Ainsi, un tailleur s'oblige à me faire un habit: l'équité veut que je ne puisse me dispenser de le prendre par quelque caprice.

L'usage. Ainsi, pour donner congé à mon locataire, je devrai observer l'usage des lieux.

La loi. Ainsi, dans la vente, je serai obligé de garantir mon acquéreur de toute éviction (art. 1626), bien qu'il n'ait rien été exprimé sur ce point dans le contral.

D'après sa nature. On distingue dans les contrats les choses qui sont de leur essence, celles qui sont de leur nature, et les choses qui leur sont accidentelles. De leur essence, sont les choses sans lesquelles ils n'existeraient pas; ainsi trois choses sont de l'essence de la vente : un objet certain, le prix et le consentement; retranchez une de ces choses, ou il n'y aura plus de contrat, ou ce sera un autre contrat. De leur nature les choses qui s'y trouvent sans qu'on en convienne, mais qu'on pourrait en détacher sans anéantir le contrat, ainsi la garantie est de la nature de la vente, elle s'y trouve sans convention; mais le contrat ne cesserait pas d'exister, bien que l'on convint que le vendeur ne sera pas tenu de garantir. (Art. 1626, 1627.) Accidentelles aux contrats, les choses qui ne s'y trouvent qu'autant qu'on les stipule ainsi dans la vente, un terme pour payer le prix, une condition.

SECTION II. De l'Obligation de donner.

1136. L'obligation de donner emporte celle de livrer la chose et de la conserver jusqu'à la livraison, à peine de dommages et intérêts envers le créancier.

De donner. La loi prend ici cette expression dans son acception la plus étendue. De livrer la chose. Cette obligation est principale; celle de conserver n'est qu'accessoire.

Et de la conserver. Si c'est un corps certain; car il est clair que si l'obligation n'est déterminée que quant à l'espèce, par exemple, l'obligation de donner une somme d'argent, tant de mesures de blé, il n'y a pas obligation de conserver sous peine de dommages-intérêts.

A peine de dommages et intérêts. Cela ne signifie pas que l'obligation de donner en elle-même doive se résoudre en dommages-intérêts; en ce sens que le débiteur puisse s'affranchir de cette obligation en payant des dommages-intérêts; tant que la chose existe, le débiteur peut être obligé de la livrer; il n'y a que l'obligation de faire qui se résolve en dommages-intérêts (art. 1142) : or l'obligation de conserver la chose, c'est-à-dire de veiller à sa conservation, est une obligation de faire, et

sonne ne serait en société avec aucune autre.( Br., 13 av. 1827.) (2) La violation de l'usage consacré par la jurisprudence ne peut donner lieu à cassation. (Brux., cass., 28 juîn 1820.)'

c'est celle-là seulement qui, en cas d'inexécution, se résout en dommages-intérêts.

1137. L'obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n'ait pour objet que l'utilité de l'une des parties, soit qu'elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apportertous les soins d'un bon père de famille.-Cette obligation est plus ou moins étendue, relativement à certains contrats, dont les effets, à cet égard, sont expliqués sous les titres qui les concernent.

Que l'utilité de l'une des parties. Ainsi le dépôt n'a pour objet que l'utilité du déposant; la vente, l'utilité commune des parties.

Ay apporter tous les soins d'un bon père de famille. On divisait autrefois les fautes en trois classes: la faute très-légère (levissima culpa), qui consiste à ne pas apporter aux choses la diligence des personnes les plus attentives à leurs affaires; la faute légère (culpa levis), celle qui consiste à ne pas apporter aux choses la diligence qui appartient au commun des hommes; la faute Jourde (culpa lata), qui consiste à ne pas apporter aux choses la diligence dont les hommes les moins attentifs ne sont pas même dépourvus. Dans l'ancien droit, on distinguait, quant à la responsabilité de ces diverses espèces de fautes, entre les divers contrats : dans ceux qui étaient faits pour les seuls intérêts de la partie qui recevait et qui devait rendre la chose, tels que le contrat de prêt à usage, le débiteur, c'est-à-dire l'emprunteur, était tenu de la faute très-légère. Dans les contrats faits dans l'intérêt réciproque des parties, tels que la vente, le débiteur n'était tenu que de la faute légère. Dans les contrats faits pour le seul intérêt du créancier, tels que le dépôt, le débiteur, c'est-à dire le dépositaire, n'était tenu que de la faute lourde. — QUESTION. Le Code a-t-il conservé les distinctions de l'ancien droit entre les fautes? Pour la négative, on invoque la première disposition de l'article actuel, qui, sans égard à l'utilité du contrat pour toutes les parties ou pour l'une d'elles, soumet le débiteur à y apporter les soins d'un bon père de famille : on argumente aussi du discours de l'orateur du gouvernement, qui dit positivement que cette théorie des fautes ne servait qu'à répandre une fausse lueur et à devenir la matière de contestations plus nombreuses. Des auteurs ont conclu de là que le législateur avait entendu soumettre les contractants dans tous les cas à le responsabilité résultant de la faute la plus légère. Ils se fondent, dans cette opinion, sur les art. 1148, 1382, et 1583. D'autres auteurs ont prétendu que la distinction des fautes, loin d'être abolie, était, au contraire, maintenue formellement par les art. 804, 1882, 1928 et 1992, et même par le dernier alinéa de l'article 1137, qui veut que la responsabilité soit plus ou moins étendue relativement à certains contrats. Enfin une troisième opinion a été professée par quelques jurisconsultes : ils ont pensé qu'en s'abstenant de consacrer l'ancienne division des fautes, le législateur a voulu abandonner aux juges l'appréciation des circonstances en raison desquelles on peut exiger du débiteur une diligence ou supérieure ou moindre. Quant à nous, nous pensons que l'article 1137, dans sa première partie, est trop positif, lors surtout qu'on le rapproche du discours de l'orateur du gouvernement, pour qu'il soit possible de soutenir encore l'ancienne distinction des fautes; nous croyons, en conséquence, qu'on n'est, en général, responsable que de la faute lourde et de la faute légère, c'est-à-dire celle qui consiste à ne pas apporter tous les soins d'un bon père de famille, sauf quelques cas où l'on peut être tenu de la faute très-légère, cas énoncé dans les articles 1882, 1928

ROGRON. C. CIV.

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Par le seul consentement. Nous avons expliqué ce changement considérable apporté à l'ancien droit romain, dans lequel la propriété n'était jamais transférée par le seul consentement, mais par la tradition. Voyez l'art. 711.

Elle rend le créancier propriétaire. Ainsi elle donne au créancier le droit sur la chose, jus in re, et par suite, l'action réelle, ou revendication, pourvu qu'il s'agisse d'un corps certain qui ne soit pas purement mobilier; car s'il s'agissait d'une obligation de payer une somme d'argent ou de livrer tant de mesures de blé, le corps n'étant pas certain, l'article no s'appliquerait plus; il ne s'appliquerait pas non plus, quant à l'action en revendication, contre les tiers de bonne foi, si l'objet était purement mobilier. (Article 1141.) Il faut bien distinguer entre les obligations de donner et les obligations de faire dans les premières, on poursuit la chose en quelques mains qu'elle se trouve, au moyen de l'action réelle, qui est le droit de forcer tout détenteur de la chose qui nous appartient à nous la rendre; dans les autres, c'est elle seule que nous pouvons poursuivre. Le droit que nous avons contre elle est un droit pour la contraindre à faire ce qu'elle nous a promis, c'est le jus ad rem, d'où découle l'action personnelle.

Dès l'instant où elle a dû être livrée. Les auteurs ont très-bien remarqué que cette rédaction est vicieuse; il en résulterait, en effet, que si un terme avait été stipulé pour la livraison, c'est seulement après l'échéance de ce terme que la chose serait aux risques du créancier; ce qui serait contraire au principe même consacré par notre article: l'obligation est parfaite par le seul consentement; et, en outre, aux articles 711, 1502, 1585; il faut donc changer cette rédaction en celle-ci : dès l'instant où est née l'obligation de livrer, car cette obligation nait avec le contrat. Ainsi, je vous vends tel cheval, que je dois vous livrer dans un mois; le lendemain, il périt chez moi sans ma faute; vous en étiez propriétaire, il a péri pour vous, res perit domino: vous devez m'en payer le prix, si vous ne me l'avez pas déjà payé.

Ne soit en demeure. L'obligation de supporter la perte est alors la peine de mon retardement; mais ce principe même reçoit une exception dans le cas où la chose que je suis en demeure de livrer eût également péri si je l'avais livrée (art. 1302): par exemple, je vous ai vendu une maison; je suis en demeure de vous la livrer; le feu du ciel la consume, elle eût également péri dans vos mains.

1139. Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte,

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et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure (1).

Une sommation. C'est un acte qu'un huissier remet au débiteur au nom du créancier, pour lui demander qu'il remplisse ses obligations.

Autre acte équivalent. Par exemple, une demande formée par le créancier devant le tribunal à fin d'exécution du contrat, une citation donnée au débiteur pour venir en conciliation.

Sans qu'il soit besoin d'acte, et par la seule échéance du terme. - QUESTION. Faut-il que la convention, pour qu'elle mette par elle-même en demeure, renferme ces deux phrases? On dit, pour l'affirmative, qu'il ne faut pas supposer que la loi contienne des dispositions inutiles, et que peut-être le législateur a pensé qu'au moyen de cette accumulation, les personnes les moins attentives et les moins instruites connaîtraient mieux leurs obligations. Cette opinion paraît bien rigoureuse.

1140. Les effets de l'obligation de donner ou de livrer un immeuble sont réglés au titre de la

Vente et au titre des Priviléges et Hypothè

ques.

1141. Si la chose qu'on s'est obligé de donner ou de livrer à deux personnes successivement, est purement mobilière, celle des deux qui en a été mise en possession réelle est préférée et en demeure propriétaire, encore que son titre soit postérieur en date, pourvu toutefois que la possession soit de bonne foi (2).

= Purement mobilière. C'est-à-dire les choses corporelles, mobilières par leur nature (art. 528), et non les choses incorporelles, qui ne sont meubles que par la détermination de la loi (art. 529), comme une action, une créance, et dont on ne peut transporter la propriété que par un acte écrit. (Art. 1690.)

En possession réelle. Je vous vends mon cheval : d'après le principe consacré dans les art. 711 et 1138, vous en devenez à l'instant propriétaire, bien que je ne vous l'aie pas livré, vous pouvez me forcer à vous le livrer; s'il périt sans ma faute, il périt pour vous; entre nous, en un mot, les principes consacrés par les articles précités reçoivent leur application; mais il n'en est pas ainsi à l'égard des tiers, quant à l'action en revendication que je voudrais exercer contre eux le cheval que je vous ai vendu aujourd'hui, je le vends demain à Pierre, et je le lui livre; il doit lui rester, car il en a été mis en possession réelle. Ainsi, en matière de meubles, la tradition est encore nécessaire pour transférer la propriété cette exception au principe général, est basée sur la circulation des meubles qui peuvent passer, dans le même jour, dans vingt mains différentes, et sur la nécessité de prévenir les circuits d'actions et les nombreux procès qui en résulteraient; l'art. 2279 pose un principe semblable, lorsqu'il dit qu'en fait de meubles la possession vaut titre : Potior est causa possidentis. Remarquez cependant qu'il faut que la possession soit de bonne foi. Comme on le voit, l'art. 1141 conserve encore à la possession une de ses anciennes prérogatives, et forme exception au grand principe sur la transmission de la propriété. (Préamb. de la Propriété.)

(1) Cet article n'ayant pas déterminé quels sont les actes équivalents à une sommation, il est dans le domaine du juge d'appel de décider souverainement, d'après les circonstances, si le débiteur doit ou non être considéré en demeure. (Brux., Cass., 7 déc. 1829.)

(2) Voy. l'arrêt de Bruxelles, du 2 juill. 1831, qui décide qu'il faut tradition réelle, et non fictive.

SECTION III. De l'Obligation de faire ou de ne pas faire.

1142. Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur.

= Toute obligation de faire. Mais non, comme nous l'avons observé, toute obligation de donner : car on peut forcer une personne qui a la chose en sa possession à la livrer; ainsi, je refuse de vous livrer la maison que je vous ai vendue; vous pouvez m'en faire sortir et vous faire mettre en possession à ma place au moyen de la force publique. Mais je me suis obligé à vous faire un tableau, je ne puis être forcé d'exécuter mon obligation : Nemo præcisè cogi potest ad factum; cette obligation devra donc se résoudre en dommages-intérêts.

1143. Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement, soit détruit; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts, s'il y a lieu.

= Soit détruit. Vous vous êtes obligé à ne pas bâtir sur votre fonds pour me laisser le prospect; vous bâtissez, je pourrai faire détruire votre bâtiment.

1144. Le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, étre autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur (3).

=

= Être autorisé. Ainsi, un maçon s'est obligé à me bâtir une maison: je ne puis le contraindre à la bâtir lui-même, mais je puis la faire bâtir par un autre à ses dépens; si le talent de l'artiste m'avait seul déterminé, je pourrais ne pas vouloir faire exécuter l'obligation par un autre, et exiger les dommages-intérêts. L'artiste ne pourrait pas non plus faire exécuter malgré moi par un autre artiste, eût-il un talent supérieur au sien.

1145. Si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit les dommages et intérêts par le seul fait de la contravention.

De ne pas faire. Si vous vous êtes obligé à m'aider dans une découverte que j'ai faite, et à ne confier mes procédés à personne, du moment où vous les aurez divulgués, vous me devez des dommages-intérêts.

SECTION IV. Des Dommages et Intérêts résultant de l'inexécution de l'Obligation.

1146. Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire, ne pouvait être donnée ou faite, que dans un certain temps qu'il a laissé passer.

Est en demeure. C'est-à-dire en retard (mora). Je me suis obligé à vous livrer un cheval au 1er mars, vous ne me le demandez pas; c'est qu'apparemment vous n'en avez pas besoin, et conséquemment le retard que j'apporte à l'exécution ne vous cause aucun prėju

(3) Un arrêt de Bruxelles, du 9 janvier 1808 a jugé que cet article n'est point applicablé à l'obligation de donner, et que, quand l'obligé n'a point en sa puissance la chose qu'il a promise, le débiteur ne peut pas se faire autoriser à se la procurer à ses frais.

dice; dès lors point de dommages-intérêts. - QUESTION. La nécessité de la mise en demeure existe-t-elle lorsqu'il s'agit de dommages-intérêts pour réparation d'un fait préjudiciable? La cour suprême a embrassé la négative: Considérant que l'art. 1146 du C. civ. est relatif aux débiteurs qui sont en demeure de remplir leur obligation, mais n'est point applicable aux dommages et intérêts qui sont dus par un fait qui porte préjudice à autrui; que, dans ce cas, les tribunaux doivent appliquer l'art. 1382, qui n'exige pas une mise en demeure, à l'effet de faire cesser le fait qui cause le préjudice, comme condition des dommages-intérêts réclamés; que l'arrêt, en accordant la somme de 375 fr. pour la réparation du préjudice que les demandeurs avaient fait éprouver au sieur Rochebouet, n'a violé aucune loi; rejette, etc.» (Arrêt du 8 mai 1832.)

Que dans un certain temps. C'est une question de fait plutôt que de droit cùm sit magis facti quàm juris. Je me suis obligé à vous livrer des chevaux pour que vous les vendiez à la foire de Pâques ; je suis en demeure aussitôt que le jour de la foire est passé.

1147. Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

D'une cause étrangère. Si je me suis obligé à vous faire parvenir du vin par le moyen de telle rivière, et qu'elle fût gelée à l'époque où je devais vous faire l'envoi, le retard résulte d'une cause étrangère dont je ne suis pas responsable (art. 1148); mais si je prétends qu'à l'instant où j'ai voulu opérer l'envoi, je n'ai pas trouvé de bateau, je n'en devrai pas moins les dommages-intérêts: je devais prendre mes mesures à l'avance, et ma bonne foi ne peut m'affranchir des dommagesintérêts.

1148. Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts, lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

mages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée (1).

Qu'on a pu prévoir. Je vous vends des étais pourris que je croyais bons, la maison mal étayée s'écroule : je ne serai tenu que de la valeur des étais, et non de la perte de la maison. Il en serait autrement, si j'étais un charpentier, car j'ai dû me connaître à ces sortes d'objets, et il y a de ma part impéritie voisine de la faute : Imperitia culpæ annumeratur; mais si, dans ce cas, je suis tenu de la ruine du bâtiment, je ne le serai pas de la perte des immeubles laissés dedans, car je n'ai pu prévoir que, contre l'usage, vous laisseriez des meubles dans un bâtiment étayé.

1151. Dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention.

Du dol. Il y a, dans ce cas, une sorte de fraude qui doit être punié. Ainsi, un marchand m'a vendu sciemment un cheval infecté d'une maladie contagieuse, mes autres chevaux en ont tous été atteints; s'il l'eût ignoré, il ne m'aurait dû que le prix du cheval; mais l'ayant su, il me devra des dommages-intérêts pour le cheval qu'il m'a vendu, et pour tous les autres, car cette perte est la suite immédiate de son dol. Mais si, par suite de la perte de mes chevaux, j'ai été empêché de cultiver mes terres, et que n'ayant pu dès lors remplir mes obligations, j'aie été saisi dans mes biens, les dommages-intérêts ne s'étendent pas jusque-là: je devais faire cultiver mes terres à prix d'argent, et les pertes que j'ai faites ensuite ne découlent plus immédiatement du dol de mon vendeur, mais de ma négligence, et du mauvais état de mes affaires.

1152. Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus

= Force majeure. C'est-à-dire une force que le dé-forte ni moindre.

biteur ne pouvait détruire, et à laquelle il a dû nécessairement se soumettre. Comme si, m'étant obligé à faire certaine chose pour vous, je tombe dangereusement malade et suis hors d'état de remplir mon obligation pour le temps convenu. Il y a cependant plusieurs exceptions à ce principe: si l'une des parties a spécialement répondu des cas fortuits (art. 1302), si le cas fortuit a été précédé de quelque faute de la part de l'une des parties. (Art. 1807, 1881.)

1149. Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

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Une somme plus forte ni moindre. Il en était différemment autrefois; mais les conventions doivent tenir lieu de loi à ceux qui les ont faites (art. 1134), et les intéressés eux-mêmes doivent être les meilleurs appréciateurs des dommages-intérêts qui peuvent résulter pour eux de l'inexécution de la convention.

1153. Dans les obligations qui se bornent au payement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts fixés par la loi; sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la de

(1) Cet article ne s'étend qu'au gain dont on a été réellement privé et non à celui que l'on aurait pu faire. (Bruxelles, 8 déc. 1825; Liége, 5 janvier 1832.)

mande, excepté dans le cas où la loi les fait l'échéance d'un an d'intérêts, et que toute stipulation courir de plein droit (1).

Ne consistent jamais. Vous me devez 100,000 fr.; il peut se faire que l'absence de cette somme à l'époque fixée me cause un préjudice considérable, et altère mon crédit et ma fortune; vous ne me devez cependant pour dommages-intérêts que les intérêts de cette somme fixés par la loi, c'est-à-dire cinq pour cent ; mais il fallait bien déterminer par une espèce de forfait les dommages-intérêts résultant du défaut de payement d'une somme d'argent, parce qu'il est aussi impossible de prévoir que de justifier l'étendue du préjudice causé par l'inexécution de ces sortes d'obligations.

Au commerce et au cautionnement. Ainsi la caution qui a payé pour le débiteur principal peut exiger le remboursement de ce qu'elle a payé, les intérêts, et de plus des dommages-intérêts s'il y a lieu. (Art. 2028.) Le C. de comm. contient encore des dispositions analogues. (Art. 178 et suiv.). - QUESTION. L'exception dont s'occupe notre article s'étend-elle aux intérêts d'un compte courant? La cour de Bordeaux a consacré l'affirmative: «Attendu que les dispositions du droit civil; quant aux intérêts, qu'il est d'un usage constant, reconnu par la jurisprudence, qu'entre négociants qui sont en compte pour affaires de commerce, les intérêts sont réciproquement dus et sont exigés soit au débit, soit au crédit; que cela est juste surtout à l'égard d'un banquier dont l'industrie consiste à faire valoir ses capitaux. (Arrêt du 4 juilì. 1832.)

D'aucune perte. C'est là une sorte de compensation pour les cas où le dommage éprouvé n'est pas réparé par l'intérêt légal.

Du jour de la demande. Un exploit portant commandement de payer le capital n'est pas une demande judiciaire des intérêts qui puisse les faire courir (cass. 16 nov. 1826, et Riom, 17 mai 1850); mais la cour suprême a jugé que l'acte de produit à l'ordre constituait la demande que notre article prescrit : « Attendu qu'il résulte de l'art. 754 du C. de pr. et de l'art. 133 du tarif que l'acte de produit à l'ordre constitue une véritable demande judiciaire; et que si, en vue d'éviter les frais, la loi a approprié la forme spéciale de cette demande, à la procédure dont il s'agit, cette demande n'en a pas moins, dans l'ordre, l'effet attribué aux demandes judiciaires par l'article 1155 du C. civ., de faire produire des intérêts moratoires à une obligation exigible qui n'en produirait pas de conventionnels. (Arrêt du 2 avril 1833.)

De plein droit. Par exemple, le reliquat dû par le tuteur (art. 474), et les intérêts de la dot. (Art. 1440.)

1154. Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

Peuvent produire des intérêts. Cette accumulation d'intérêts, qu'on nomme anatocisme, était sévèrement défendue par les lois anciennes; mais on a pensé que si le créancier les eût reçus, il eût pu les capitaliser et en retirer des intérêts; le défaut de payement de la part du débiteur ne doit pas lui nuire.

Pour une année entière. Pour empêcher les abus et la ruine rapide des débiteurs. La cour de Nimes a jugé: « Que notre article n'autorisant la convention que pour des intérêts d'un an dus et échus, il s'ensuit que cette convention, placée sur la même ligne que la demande judiciaire, ne peut, comme elle, avoir lieu qu'après

(1) Un créancier ne peut stipuler que faute de payement au terme fixé le débiteur payera une somme supérieure l'intérêt légal. (Liége, 9 mars 1826.)

sur des intérêts non échus reste sous la prohibition générale des lois antérieures. » (Arrêt du 9 fév. 1827.)

1155. Néanmoins les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.- La même règle s'applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers au créancier en acquit du débiteur.

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= Produisent intérêt. Ces revenus ne sont pas considérés par la loi comme des intérêts d'un capital prêté, mais comme formant eux-mêmes, dès qu'ils sont dus un premier capital. On n'avait pas à craindre les abus de l'usure, de la part de celui qui loue à un prix convenu sa ferme ou sa maison. Et dans le cas des rentes, le premier capital étant prêté à perpétuité (art. 1909), ou même aliéné irrévocablement pour la rente viagère (art. 1968), chaque terme forme réellement une somme principale.

Aux intérêts payés par un tiers. La somme d'argent que je donne pour payer les intérêts qu'une personne doit à une autre est un véritable capital que je lui prête; il n'y a donc pas anatocisme, et conséquemment les intérêts de cette somme peuvent m'être dus à partir du prêt.

SECTION V. De l'Interprétation des Conventions.

L'interprétation est l'explication la plus vraisemblable de ce qui est obscur ou ambigu; on ne doit recourir à l'interprétation qu'autant que la volonté n'est pas clairement exprimée : autrement on éluderait sans cesse l'intention des parties, sous prétexte de chercher à mieux les entendre. Cùm in verbis nulla ambiguitas est, non debet admitti voluntatis quæstio.

1156. On doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Au sens littéral. Je vous louais la moitié de ma maison pour 10,000 fr.; je renouvelle ce bail en ces termes Je loue ma maison à tel pour le prix porté au précédent bail; malgré ces expressions, ma maison, mon intention de vous en louer seulement la moitié est évidente, et l'emportera sur le sens littéral : In conventionibus contrahentium voluntas potius quàm verba spectari placuit.

1157. Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun (2).

= Elle peut avoir quelque effet. On ne doit jamais présumer que deux personnes raisonnables aient voulu, dans un acte aussi sérieux qu'un contrat, stipuler des choses inutiles: par exemple, s'il a été convenu entre Pierre et Paul, à la fin d'un partage, que Paul pourra passer sur ses héritages, on devra entendre les héritages de Pierre; car autrement la clause n'aurait aucun sens Quoties in stipulationibus ambigua oratio est, commodissimum est id accipi quo res de quâ agitur in tuto sit.

1158. Les termes susceptibles de deux sens

(2) On doit, dans le doute, se prononcer plutôt pour la validité d'un acte que pour sa nullité. (Liége, 25 mai 1822.)

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